dimanche 3 février 2013

La Valise trouvée



Restons aux origines du Café de la Régence avec ce nouvel article.
Voici une présentation (indiquée sur Amazon) de cet ouvrage "La Valise trouvée" qui comporte une description du Café de la Régence vers 1740 (date de la première publication du livre).
Alain-René Lesage (1668 - 1747)

La Valise trouvée est le dernier livre important d'Alain-René Lesage, l'auteur de Gil Blas de Santillane. A partir d'un prétexte romanesque, s'organise, dans ce livre, une manière de Décaméron ou d'Heptaméron. Les "devisants" constituent une petite société à la fois aristocratique et familière, dont la vie s'articule autour d'une manière de trésor : une valise contenant des lettres, lettres plaisantes, lettres galantes, presque toutes brèves, d'une écriture fine et spirituelle, parfois piquantes, toujours élégantes et dans une langue d'une grande qualité.
Virtuose de la mimèsis, Lesage mêle naturellement l'antique et le moderne, s'inspirant de la littérature du Siècle d'or espagnol, ainsi que d'auteurs grecs du Ve siècle. C'est à la manière d'un Montesquieu dans Les Lettres persanes, qu'il va proposer à son lecteur un tableau des réalités françaises. Il élabore ainsi une véritable encyclopédie des individus, la forme épistolaire lui permettant une polyphonie propre à offrir un reflet quasi intégral de la société du XVIIIe siècle.
Lesage est un des premiers romanciers "modernes", c'est-à-dire réalistes. Il donne au roman ses lettres de noblesse. Ses héros sont des hommes à peu près comme les autres, et pourtant ils ne sont pas ridicules. L'auteur affectionne un style simple, voulant faire de son œuvre l'image même de la nature.
Dans La Valise trouvée, Lesage revendique la diversité d'un héritage culturel européen, tout en restant le spectateur du Grand Théâtre que lui offre la société qui l'entoure.
Ce "coffre romanesque", cette "valise au trésor" ne serait-elle pas l'héritière directe de la mallette que Don Quichotte découvre dans ses pérégrinations, véritable réserve romanesque, concentré d'" aventures" ?
(La Valise trouvée - édition de 1776 - Google Book)

Et enfin ci-dessous l’extrait de la lettre dans laquelle il est fait mention du Café de la Régence.
En 1740 les joueurs d’échecs se trouvent au Café de la Régence depuis une quinzaine d’années au moins. Philidor n'est pas encore là et le champion de l’époque est probablement François Antoine De Legall, Sire de Kermeur.
Notez que le deuxième café dont il est question est le célèbre Procope qui existe toujours.


LETTRE X
D’un provincial qui est à Paris pour procès, à un de ses parents, à Saint-Lô.

Vous me demandez, cousin, comment je vis à Paris, depuis que j’y poursuis le procès qui me retient. Pour contenter votre curiosité, je vous dirai que j’y passe le temps fort agréablement. J’emploie toute la matinée à faire ma cour à mon procureur et à ses clercs. Ensuite je reviens dîner à mon auberge avec deux vieux plaideurs, Manceaux, dont l’entretien est très instructif pour un jeune normand, qui s’affectionne à la procédure. Après un repas de la dernière frugalité, je vais au café, qui est un lieu fort convenable à tout provincial qui n’a point de connaissance à Paris.
Vous qui n’êtes jamais sorti de l’enceinte de Saint-Lô, vous ne sauriez avoir une idée juste de ces sortes d’endroits. Je vais vous faire une peinture fidèle de deux célèbres cafés que je fréquente, vous pourrez juger par-là des autres.
Dans l’un, vous voyez dans une vaste salle ornée de lustres et de glaces, une vingtaine de graves personnages, qui jouent aux dames ou aux échecs sur des tables de marbres, et qui sont entourés de spectateurs attentifs à les voir jouer.
Les uns et les autres gardent un si profond silence, qu’on entend dans la salle aucun bruit que celui que font les joueurs en remuant leurs pièces. Il me semble qu’on pourrait justement appeler un pareil café, le café d’Harpocrate.
Véritablement c’est un endroit où l’on peut dire qu’on est comme dans une solitude, quoique l’on soit avec soixante personnes. (…).

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