vendredi 8 novembre 2019

Dernières traces du Café de la Régence ?

Mise à jour du 12 avril 1954 - Voir cet article au sujet de la fin du Café de la Régence
Selon moi, l'article paru dans la revue Caïssa en 1957 montre que l'information n'est pas à jour, car la Régence n'existe plus depuis environ une année.

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Etienne Cornil m’a fait parvenir un document qui date de début 1957 et qui représente à ce jour la trace la plus récente du Café de la Régence.
Je le remercie tout particulièrement pour cette découverte que j'ai le plaisir de partager sur ce blog.

Attention, quand j’indique « trace du Café de la Régence », il s’agit du lieu historique depuis 1855, et non l’ersatz ouvert en 2016 à quelques dizaines de mètres, qui se sert allègrement des images de ce blog et qui n’a rien à voir avec le jeu d’échecs.

Voici donc le document d’Etienne, que j’ai retranscrit partiellement, suivi de quelques commentaires

« CAISSA
Revue mensuelle de la Fédération Belge des Échecs
15 janvier 1957 – 5



Paris la nuit
(traduit de l’anglais d’après un article de Art. Buchwald).

Nous sommes toujours heureux de trouver un restaurant ou un café qui a un passé historique. Cela ne rend pas la nourriture ou les boissons meilleures, mais nous donne l’occasion d’écrire au sujet de quelque chose.
Un des plus vieux cafés de Paris est le Café de la Régence, place du Théâtre Français, juste en face de la rue de la Comédie Française, salle Richelieu.
(…)
L’année passée, Monsieur et Madame Bataille (elle est la sœur de Claude Terrail) achetèrent le Café et essayèrent de faire revivre son grand passé. À l’entrée se trouve la table sur laquelle Napoléon joua. À l’intérieur se trouve un restaurant de premier ordre et un endroit retiré pour les célébrités actuelles du théâtre et des lettres.
Dans le fond, les même joueurs d’échecs qui n’ont pas bougé depuis les jours de Robespierre, peuvent être vus assis et rouspétant au sujet du bruit.
On peut y aller soit pour le déjeuner, le dîner ou le souper, quoique nous préférons ce dernier. Il n’y a rien de plus agréable qu’un restaurant tranquille et historique, surtout si vous désirez un peu jouer aux échecs. »

Je n’ai pas retranscrit la partie du texte qui contient les poncifs, broderies et légendes que l’on trouve partout au sujet du Café de la Régence, cela n’a pas d’intérêt.
Par contre la partie finale attire mon attention pour plusieurs raisons :
* La date de ce texte
* Les joueurs d’échecs
* le nom des nouveaux propriétaires

Pour la date, mes recherches pour mon livre montrent que le Café de la Régence change de nom en 1955 pour devenir « Hostellerie Guillaume de Conquérant ».


Bottin du commerce de 1954 au 161 rue Saint-Honoré (Archives de Paris)


Bottin du commerce de 1955 au 161 rue Saint-Honoré (Archives de Paris)

Mais Il y a quelque chose qui ne colle pas.
Le texte ci-dessus est publié en janvier 1957, à partir d’une traduction (probablement d’un texte de 1956), et parle donc d’un changement de propriétaire l’année d’avant en 1955.
Tout ça est ok, mais il ne s’agit plus du Café de la Régence, car le Bottin du commerce indique un changement de nom.

Quant à l’activité du jeu d’échecs, elle y existe peut-être mais elle est anecdotique.
Voici un extrait du tome 2 de mon livre.

J’ai passé pas mal de temps à feuilleter la collection complète de la revue L’Échiquier de Paris (1) puis de la revue L’Échiquier de France qui lui succède sans trouver la moindre allusion au Café de la Régence de 1946 à 1958. 
En 1946 la liste des Cercles d’échecs de la région parisienne que publie L’Échiquier de Paris montre qu’ils sont quasiment tous installés dans des Cafés. 
C’est une tradition française qui est alors encore fortement ancrée à cette époque. 
Si vous souhaitez jouer aux échecs en France depuis le début du XVIIIe siècle alors vous devrez obligatoirement ou presque mettre les pieds dans un Café. Vous noterez que curieusement le grand Cercle Caïssa se trouve alors dans le quartier du Palais-Royal si cher au jeu d’échecs français.  

« (…) Cercle Caïssa – Provisoirement installé au Café « Le Dauphin », Place du Théâtre Français (Métro Palais-Royal) et sous l’impulsion énergique et l’intelligente directrice direction de son active Présidente, Mme Le Bey Taillis, le Cercle « Caïssa » poursuit son activité avec le même brio que par le passé. (…)

Échecs du Palais-Royal (2)
La Coupe d’Or 330, rue Saint-Honoré (VIIIème) (…) (3) »

(1) L’Échiquier de Paris – Bulletin des Cercles de l’Ile de France – La collection complète va de 1946 à 1955. En 1956 cette revue fait place à l’Échiquier de France qui portera la mention ex-échiquier de Paris. En 1959 l’Échiquier de France fusionnera avec l’Échiquier de Turenne pour donner naissance à la revue toujours existante en 2015, Europe Échecs.
(2)  Comme déjà vu, il s’agit de l’association qui succède à l’Union Amicale des Amateurs d’échecs de la Régence en 1918. Cette association semble disparaître après l’été 1953. En effet je n’en ai plus trouvé de trace après le numéro de juin 1953 de l’Échiquier de Paris
(3)  L’Échiquier de Paris – Avril 1946

Voir également un petit article que j’avais rédigé sur la visite à Paris au début des années 1950 des deux joueurs soviétiques Flohr et Kotov.


L'acteur Jean Marais et la table de Bonaparte, dans les années 1950.
Café de la Régence ?

Le dernier point du texte communiqué par Etienne Cornil ouvre un espoir de retrouver la table de Bonaparte.
Il est indiqué que la femme du nouveau propriétaire est Mme Bataille, sœur de Claude Terrail.
Claude Terrail était le propriétaire du fameux restaurant « La Tour d’Argent » à Paris jusqu’en 2006, année de son décès. C’est son fils, André Terrail, qui lui a succédé.
J’ai écrit à la « Tour d’Argent » et à M. André Terrail, un peu comme une bouteille à la mer, en espérant avoir une piste au sujet de cette fameuse table de Bonaparte. A suivre…

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