dimanche 31 mai 2020

Caricature de Joseph Méry par Nadar

Joseph Méry est le cofondateur du "Palamède", la première revue échiquéenne du monde avec La Bourdonnais en 1836.


Voici une caricature de Méry par Nadar trouvée sur le site Gallica.
Je vous invite à lire l'article sur Méry sur le "blog Gallica" mais également sur Wikipedia.

Méry, caricature, la tête posée sur une tour, sur un échiquier.
Par Nadar, après 1850 - Gallica

Il est l'auteur de plusieurs textes sur le jeu d'échecs, dont le fameux poème "Une revanche de Waterloo".

samedi 30 mai 2020

Serafino Dubois, un italien à la Régence

Je remercie tout particulièrement Frank Hoffmeister de m'avoir communiqué les documents qui m'ont permis de rédiger cet article.

Celui-ci est basé sur l'autobiographie du joueur d'échecs Italien Serafino Dubois (22/03/1817 - 15/01/1899).
"Quarant'anni di scacchi da campione" publié dans la Rivista Nueva degli Scacchi (1900-1903).



Serafino Dubois est très certainement le plus fort joueur d'échecs italien du XIXème siècle.
Ses mémoires sont très intéressantes, car il se rend à Paris au cours de l'été 1855, à une période où il existe peu de témoignages sur l'activité du Café de la Régence.
La revue "La Régence" s'est arrêtée en 1851, et "La Régence - Journal des échecs" ne reprend qu'en 1856. 1855 correspond à l'année de l'inauguration du nouveau Café de la Régence rue Saint-Honoré.


A ma connaissance, la seule photo (de mauvaise qualité hélas) connue de Dubois

Dans ses mémoires, Dubois explique son intention de venir à Paris du fait de l'organisation d'un grand tournoi d'échecs à l'image de celui de Londres en 1851.
Il était effectivement prévu d'organiser un grand tournoi à l'occasion de l'exposition universelle de 1855. Mais ce tournoi n'aura jamais lieu, et Dubois l'apprend alors qu'il est en route vers Paris.

Rappelons quelques faits :
Au deuxième semestre de l'année 1853 le Café de la Régence est définitivement exproprié de la Place du Palais Royal. Il s'installe pour l'année 1854 à l'Hôtel Dodun, 21 rue de Richelieu, à quelques centaines de mètres.
Le Cercle des Échecs, anciennement situé au 1er étage du Café de la Régence, là où s'était joué le match Saint-Amant / Staunton en fin d'année 1843, s’installe au Palais-Royal.

« Le cercle de la Régence a été obligé de se séparer du café du même nom, par suite de la démolition de la maison située à l’angle de la place du palais-Royal, dont le café occupait le rez-de-chaussée, et le cercle le 1er étage. Le café a émigré provisoirement au fond d’une cour de la rue Richelieu, 21 ; 
le cercle, dans quelques pièces attenantes au café de Lyon, galerie de Montpensier, 6, au Palais-Royal. Ce cercle où se trouvent des gens du grand monde, des illustrations de la magistrature, 
de la science, de la vie littéraire et artistique, est un champ ouvert à l’observation, mais d’un ordre élevé.» 


Paris illustré, nouveau guide des voyageurs – Paris 1855
Google Book

Dubois explique qu'il existe des dissensions entre le Café de la Régence et le Cercle des Échecs.
Et ce sont probablement ces problèmes qui expliquent que le grand tournoi parisien tombera à l'eau.
En tout cas, le Cercle des Échecs reviendra quelque temps plus tard au 1er étage du nouveau Café de la Régence. Frederick Edge (secrétaire de Morphy) mentionne le Cercle à cet endroit dans son livre sur Morphy à Paris en 1858.

Voici comment Dubois décrit la Régence en 1855 (je reprends la traduction de l'italien paru sur le site Europe Échecs)

Notez qu'il est mentionné la présence de tables de billard. C'est dans cette salle que se tiendra la fameuse simultanée à l'aveugle de Morphy le 27 septembre 1858 immortalisée par cette gravure.

« Il est vrai que le café de la Régence a été rénové et embelli avec luxe, décoré de miroirs, divans et autres commodités, mais la proximité bruyante du billard et du domino entrait en conflit avec les méditations silencieuses des joueurs d’échecs. 
En effet beaucoup des anciens habitués m’ont avoué que la Régence avait perdu son âme 
et était devenu ni plus ni moins que l’un de ces nombreux établissements similaires 
que l’on trouve dans cette immense cité. 
Toutefois je fus accueilli avec la plus grande cordialité par le propriétaire M. Vielle qui me connaissait plus que de nom puisque nous avions échangé quelques lettres auparavant. 
J’ai eu l’occasion de connaître plusieurs personnalités du jeu et rapidement je pus me confronter aux meilleurs et autres Préti, Séguin, Budzinsky. J’assistais chaque jour aux luttes de quelques gros papa, qui avant d’être joueur, étaient des dilettantes enthousiastes et bons vivants, le doux et affable Saint Elme le Duc et ce cher vieux Doazan, plein d’esprit, qui m’invita aussitôt chez lui pour me présenter à De Rivière, une nouvelle étoile qui venait de naître au firmament des échecs.»

Dans sa biographie Dubois évoque ses matchs au Café de la Régence contre les plus forts de l'époque. Et ce n'est pas compliqué, selon Dubois il obtient un score positif contre tous les joueurs de la Régence contre qui il a joué !

Il cite Jules Arnous de Rivière, le polonais Budzinsky (un joueur maigre, mais nerveux et émotif, 
et qui se met en colère lorsqu'il rencontre la défaite. Il connait peu les ouvertures mais son jeu est tenace et plein de ressources, selon Dubois), Seguin, Lécrivain, Lequesne, etc. tous avec un score positif en sa faveur, malgré ce qu'en dit l'Illustration du 11 août 1855 et qu'il conteste dans ses mémoires.


L'Illustration - 11 août 1855

Il parle également d'un joueur appelé Montigny, maigre, sans barbe, portant des lunettes, avec une physionomie intelligente et un peu espiègle.
Il jouait avec la plus grande vitesse, ce qui lui a valu des triomphes inouïs avec des joueurs plus faibles, à tel point qu'il était surnommé "Le petit Le Bourdonnais".

Rappelons que la plupart des parties se jouent à enjeu d'argent, 50 centimes étant une somme courante pour une partie. Un journal quotidien comme "La Presse" coûte 15 centimes au numéro, et on peut estimer 50 centimes de franc de l'époque à environ 10 euros actuels.

Source : Gallica

C'est l'occasion pour lui de rencontrer des joueurs italiens installés à Paris ; Jean Preti de Mantoue (futur fondateur de La Stratégie), Tassinari de Faenza (joueur très prometteur décédé trop jeune à 44 ans en 1856 lors de son retour en Italie), Lustro Levi de Modène (élève d'Ignazio Calvi).

Il décrit également Devinck, "un des joueurs les plus solides de la vieille école Française", député et connu pour sa fabrique de chocolat, mais également Jules Grévy, futur président de la République, avec qui il joue quelques parties "un joueur de belle force".


Quelques mots sur le Cercle des échecs (Dubois y passe au cours de l'été 1855) :
"(...) lieu de rencontre aristocratique du jeu d'échecs, alors situé au Palais Royal.
A cette époque c'était presque désert, les 410 membres étant presque tous à la campagne ou à l'étranger. La figure de proue est toujours Saint-Amant, bien qu'il soit presque entièrement retiré de la pratique du jeu à cause de ses affaires."

Dubois y rencontre quand même "le brillant Schulten, le solide Brooke Greville, le vicomte de Vaufreland, le vieux Delondre docteur de La Bourdonnais, Devinck, Hersent, le comte Isoard (futur adversaire de Morphy lors de la fameuse partie de l'opéra)"

Il parle également de Delannoy, célèbre chroniqueur échiquéen français du XIXème siècle.
"Un jour à l'estaminet, cet agréable visage de Delannoy arriva par hasard. Quelqu'un lui parla de moi et suggéra de jouer avec moi. Ce n'était pas un joueur fort; son point fort, c'est bien connu, était la plume. A cette proposition de jouer, il se leva pour dire que les joueurs de l'époque étaient lents comme des tortues, mais que si j'avais voulu jouer en faisant un coup toutes les minutes, il m'aurait donné la Tour."

Il indique avoir "eu de la chance de rencontrer Alfred de Musset, passionné par le jeu, grand admirateur de Ristori (qu'il préférait beaucoup à Rachel), et il a toujours suivi ses pérégrinations en province."

Dubois joue plusieurs fois avec Musset et finit par lui donner l'avantage d'un pion et deux coups.
Voir à la fin de l'article une partie de Dubois contre Musset.

"Il était douloureux, cependant, de voir une si belle et si rare intelligence avec une bouteille d'absinthe toujours à ses côtés, tombant de temps en temps sous la table ivre de cette terrible liqueur, qui peu de temps plus tard l'emporta encore jeune au sépulcre.
Une fois, après avoir perdu deux ou trois parties avec moi, il commença à devenir fou et m'apostropha :
- Eh ! Cher Monsieur, pensez-vous que vous êtes un La Bourdonnais parce que vous m'avez gagné avec l'avantage d'un pion et deux coups ?
Ne savez-vous pas que la Bourdonnais m'a donné le Cavalier mais aussi la Tour et m'a battu à plate couture ?
- Je le crois très bien, répondis-je calmement, mais ce que je voudrais que vous ne croyiez pas, c'est que je n'ai aucunement la prétention de me croire être un 
La Bourdonnais que je n'ai jamais été, que je ne suis pas et que je ne serai jamais".
Cette déclaration explicite semble le calmer, puis de plus en plus apaisé il ajoute 
"Oh ! Alors c'est autre chose, et je crois, pour ma part, que nous resterons toujours de bons amis"
Alors que le champagne arrivait, il reprit son thème préféré, Ristori, et il souhaita que nous buvions à la santé de la grande actrice."

Dubois indique : "Les Italiens triomphent sur toute la ligne à Paris : Verdi à l'Opéra, Ristori aux Italiens et Dubois à la Régence"

Me trouvant si proche de l'Angleterre, j'aurais eu un grand plaisir d'aller à Londres pour me battre avec les joueurs de premier ordre qu'elle abrite. Mais avec toute ma bonne volonté j'ai dû rester de ce côté du détroit. (...) C'est M. Staunton qui ma déconseillé de venir car j'y trouverai le désert.

Et Dubois part de Paris vers la fin du mois d'octobre et poursuit son voyage en Europe en passant par Bruxelles, Aix-la-Chapelle, Cologne, Mayence, Strasbourg, avant de rentrer en Italie.


[Event "Paris"] [Site "Paris"] [Date "1855.??.??"] [Round "?"] [White "De Musset, Alfred"] [Black "Dubois, Serafino"] [Result "0-1"] [ECO "C33"] [PlyCount "48"] [EventDate "1855.??.??"] [EventType "game"] [EventRounds "1"] [EventCountry "FRA"] [Source "ChessBase"] [SourceDate "2001.11.25"] 1. e4 e5 2. f4 exf4 3. Bc4 Qh4+ 4. Kf1 g5 5. Nf3 Qh5 6. Nc3 Bg7 7. d4 Ne7 8. e5 Nbc6 9. Ne4 g4 10. Nfg5 O-O 11. Bxf4 h6 12. Ng3 Qh4 13. N5e4 Na5 14. Be2 f5 15. Nf2 Nd5 16. Bd2 f4 17. Nge4 Ne3+ 18. Bxe3 fxe3 19. Qe1 d5 20. g3 Qh3+ 21. Kg1 exf2+ 22. Nxf2 Rxf2 23. Kxf2 Nc6 24. c3 Bf5 0-1 [Event "Paris"] [Site "Paris"] [Date "1855.??.??"] [Round "?"] [White "Dubois, Serafino"] [Black "Lecrivain, M."] [Result "1-0"] [ECO "C23"] [PlyCount "31"] [EventDate "1855.??.??"] [EventType "game"] [EventRounds "1"] [EventCountry "FRA"] [Source "ChessBase"] [SourceDate "2001.11.25"] 1. e4 e5 2. Bc4 Bc5 3. b4 Bxb4 4. f4 exf4 5. Nf3 Nc6 6. c3 Bc5 7. d4 Bb6 8. Bxf4 d6 9. O-O Nge7 10. Ng5 O-O 11. Qh5 h6 12. Nxf7 Rxf7 13. Qxf7+ Kh8 14. Bxh6 gxh6 15. Rf6 Ng8 16. Rg6 1-0 [Event "Paris"] [Site "Paris"] [Date "1855.07.20"] [Round "?"] [White "Dubois, Serafino"] [Black "Arnous de Riviere, Jules"] [Result "0-1"] [ECO "B21"] [PlyCount "96"] [EventDate "1855.??.??"] [EventType "game"] [EventRounds "1"] [EventCountry "FRA"] [Source "ChessBase"] [SourceDate "2001.11.25"] 1. e4 c5 2. f4 e6 3. c4 Nc6 4. Nf3 f5 5. e5 Nh6 6. Nc3 Be7 7. Be2 O-O 8. O-O a6 9. d3 b6 10. b3 Bb7 11. h3 Qc7 12. Be3 Rad8 13. a3 d5 14. exd6 Bxd6 15. Ng5 Rf6 16. Qd2 Nd4 17. Bxd4 cxd4 18. Na4 Bc6 19. Nb2 e5 20. fxe5 Bxe5 21. Bf3 Bg3 22. Bxc6 Qxc6 23. Rf3 f4 24. Ne4 Rg6 25. Nxg3 fxg3 26. Raf1 Qd6 27. Qb4 Qxb4 28. axb4 b5 29. c5 Re6 30. Rxg3 Re2 31. Rf2 Rxf2 32. Kxf2 Nf5 33. Rf3 Ne3 34. Rxe3 dxe3+ 35. Kxe3 Kf7 36. d4 Re8+ 37. Kf4 Ke6 38. Ke4 Kd7+ 39. Kd5 Re3 40. Nd1 Rxb3 41. Nf2 Rxb4 42. Nd3 Rb3 43. c6+ Kc7 44. Nc5 Ra3 45. Ne6+ Kc8 46. Kc5 Rc3+ 47. Kb6 b4 48. d5 Rd3 0-1 [Event "Paris"] [Site "Paris"] [Date "1855.09.05"] [Round "?"] [White "Arnous de Riviere, Jules"] [Black "Dubois, Serafino"] [Result "0-1"] [ECO "B01"] [PlyCount "52"] [EventDate "1855.??.??"] [EventType "game"] [EventRounds "1"] [EventCountry "FRA"] [Source "ChessBase"] [SourceDate "2001.11.25"] 1. e4 d5 2. exd5 Nf6 3. Bb5+ Bd7 4. Bxd7+ Qxd7 5. c4 c6 6. dxc6 Nxc6 7. Nf3 e5 8. O-O e4 9. Re1 O-O-O 10. Ng5 Qf5 11. Nxf7 Bc5 12. Rf1 Ng4 13. Nxh8 Nxf2 14. Qe1 Rf8 15. d4 Bxd4 16. Nd2 Nd3+ 17. Kh1 Nxe1 18. Rxf5 Rxf5 19. h3 e3 20. Ne4 Rf1+ 21. Kh2 Be5+ 22. g3 Nd4 23. h4 h5 24. Ng5 Nef3+ 25. Nxf3 Rf2+ 26. Kh3 Nxf3 0-1 [Event "Paris consultation"] [Site "Paris"] [Date "1855.??.??"] [Round "?"] [White "Dubois, Serafino"] [Black "Brunswick/Casabianca/Preti"] [Result "1-0"] [ECO "C33"] [PlyCount "51"] [EventDate "1855.??.??"] [EventType "game"] [EventRounds "1"] [EventCountry "FRA"] [Source "ChessBase"] [SourceDate "2001.11.25"] 1. e4 e5 2. f4 exf4 3. Bc4 Qh4+ 4. Kf1 g5 5. Nc3 Bg7 6. d4 c6 7. Nf3 Qh5 8. e5 b5 9. Bb3 h6 10. Ne4 Bf8 11. d5 c5 12. Qe1 a5 13. Bd2 b4 14. d6 Ba6+ 15. Kg1 Nc6 16. Nf6+ Nxf6 17. exf6+ Kd8 18. Ne5 c4 19. Nxc6+ dxc6 20. Qe5 cxb3 21. Qxa5+ Ke8 22. Re1+ Be2 23. Qc7 Rd8 24. Qxc6+ Rd7 25. Qc8+ Rd8 26. d7# 1-0

dimanche 24 mai 2020

Échecs et Phrénologie

La bosse des maths ou du commerce ? Cela vous dit quelque chose ?
Ces expressions proviennent d'une pseudo-science très à la mode au milieu du XIXè siècle, la phrénologie.

Voici un article du journal Anglais "Bell's Life in London and Sporting Chronicle" daté du 24 janvier 1841.
Je le commente juste après la traduction d'Oliver Sheppard que je remercie tout particulièrement pour son aide.

Bell's Life in London and Sporting Chronicle - 24 janvier 1841
Source : The British Newspaper Archive

ÉCHECS ET PHRÉNOLOGIE 

Deux conférences intéressantes ont été tenues à la Société Londonienne de Phrénologie, à Exeter Hall, au sujet du moulage de la tête de M. La Bourdonnais, qui nous a récemment quittés, et dont le moulage a été réalisé, après le décès, par Deville (The Strand, Westminster), la ressemblance étant remarquablement conservée. 

Dr Elliotson a donné une description phrénologique de la tête, qui - pour ceux qui connaissaient les us et coutumes du joueur d’échecs dont il était question-, était remarquablement proche de la vérité. 
En tant qu’échantillon phrénologique, le moulage présente des qualités de la plus grande finesse. 
C’est une tête d’une grande puissance comme on en voit rarement ; les organes de la constructivité, du stratagème, de la causalité (et autres directement liés aux échecs) sont remarquablement développés.  

Dr Elliotson a très justement fait remarquer que -vu les capacités de ce cerveau- le défunt aurait excellé n'importe quel domaine scientifique que le destin aurait choisi pour lui. 
Ses organes animaux étaient, de même, prodigieux, ce qui donnait cette impulsion à l’esprit qui lui permettait, aux échecs, de balayer toute opposition. 
Comme général d’armée, La Bourdonnais aurait pu aller loin, et une énorme destructivité en lui, a peut-être été l’un des principaux motifs pour qu’il consacre sa vie aux échecs, avec pratiquement aucune autre occupation pour lui, à l’exception de la guerre réelle ou de bagarres violentes, donnant là libre cours à celle-ci. 

Cet exposé intéressant du Dr Elliotson fut suivi de quelques remarques de M. George Walker concernant la vie et les habitudes de La Bourdonnais, confirmant pleinement les points de vue phrénologiques des scientifiques qui avaient précédemment abordé le sujet. 

Lundi dernier, le moulage de Sam Scott (*) -la tête du cascadeur-, succéda à celui de La Bourdonnais, et ici l’organe de fermeté semble même avoir été développé de façon extraordinaire.
Seuls les débats contradictoires permettent d’élucider la vérité, et la phrénologie ne demande rien de plus que du fair-play de la part de tous. 

Nous croyons savoir qu’un moulage de la tête de La Bourdonnais est en vente chez Deville (The Strand, Westminster), et nul doute que de nombreux clubs d'échecs seront heureux de se procurer une relique d’une telle grande valeur. 


Le masque mortuaire de La Bourdonnais

La constructivité, une qualité si essentielle aux échecs -dans laquelle les stratégies sont élaborées, et leurs différents mérites comparés de façon critique et exacte-, est d’une taille immense dans la tête de La Bourdonnais, et ce n’est pas sans raison qu’il fut remarqué à la Société de Phrénologie -pour étayer le cas d’une certaine façon- que La Bourdonnais perdit sa fortune lors de sa jeunesse, 
dans une affaire de spéculation immobilière à St-Malo (**).


(*) NDT – Samuel Gilbert "Sam" Scott (c. 1813 – 11 janv. 1841, cascadeur américain, se tua lors d’une performance à Waterloo Bridge, Londres).
(**) A ce jour je n'ai trouvé aucun élément au sujet d'une spéculation immobilière à Saint-Malo de La Bourdonnais.

La Bourdonnais, champion et génie du jeu d'échecs injustement oublié, décède le 13 décembre 1840 à Londres.
A ma connaissance il n'existe pas de portrait réalisé de son vivant.
Dans l'article ci-dessus, j'ai mis la photo de ce moulage (j'ignore où il se trouve) et ci-dessous le portrait réalisé à partir de ce moulage par Jean Henry Marlet et publié dans Le Palamède repris pas Saint-Amant.


"Il n’existe aucun portrait de La Bourdonnais. À sa mort, M. Deville moula sa tête. C’est sur ce plâtre et les souvenirs qu’il en conservait que M. Marlet a osé entreprendre de remplir cette lacune. – Nos lecteurs jugeront la ressemblance et sauront apprécier toutes les difficultés qu’un artiste de mérite a eu à surmonter pour faire revivre les traits de La Bourdonnais."

Le Palamède - Décembre 1841

jeudi 21 mai 2020

La chaise de Jean-Jacques Rousseau

En 1789 et 1790, l'écrivain et historien Russe Nikolai Karamzine voyage en Europe.
Il passe successivement en Allemagne, en Suisse, en France (où il arrive à Paris le 27 mars 1790), puis en Angleterre.
Dans son livre "Lettres d'un voyageur russe", il laisse un témoignage très intéressant sur cette époque.


Plusieurs traductions de son livre ont été produites, et en 1885, "Voyage en France", qui regroupe uniquement son séjour en France est publié.

Source Gallica


Si je parle de ce voyageur Russe, c'est qu'il existe un lien avec le Café de la Régence.
Effectivement en mai 1790 il est question des cafés du Palais-Royal, et j'en retiens deux détails :

Karamzine mentionne la présence au Café du Caveau, situé dans le Palais-Royal, du buste de Philidor dans l’un des salons du café, avec celui d’autres musiciens comme Gluck, Piccini, Guétry et Sacchini.
Rappelons que Philidor est toujours vivant à cette époque (il décède en 1795).

Mais le plus intéressant est à suivre :

« Jean-Jacques Rousseau a rendu célèbre un « café », le Café de la Régence, parce que chaque jour il y jouait aux échecs. 
La curiosité de voir le grand auteur y attirait tant de spectateurs que le chef de la police fut obligé d’y placer aux portes une sentinelle.
Et, à présent encore, les admirateurs de Jean-Jacques s’y rassemblent pour boire du café en l’honneur de la mémoire de Rousseau. 
La chaise sur laquelle il s’asseyait est conservée comme une relique. 
On m’a raconté qu’un des fidèles du philosophe en avait offert cinq cents livres, mais le propriétaire ne consentit pas à la vendre.  »

Le nouveau Café de la Régence avait sa table de Bonaparte dès 1855, et l'ancien Café de la Régence a donc eu sa relique avec la chaise de Jean-Jacques Rousseau.
A ce jour je n'ai pas trouvé d'autres témoignages au sujet de cette chaise.

Il y a aussi un point curieux dans la traduction.
Karamzine écrit :

что всякой день играл там в шашки

Ce qui littéralement correspond à

Chaque jour (il) y jouait aux dames 

Et non aux échecs. Le traducteur français a indiqué "échecs".
Pour ma part, je pense également qu'il s'agit d'une erreur de Karamzine, car Rousseau était fanatique du jeu d'échecs.
Sur Jean-Jacques Rousseau, je vous renvoie aux articles précédents de ce blog à son sujet (première et deuxième partie).


Nouveaux Essais historiques sur Paris, Du Coudray 1781 (t.II, p103) - Google Book

"Café de la Régence
Il est situé sur la Place du Palais Royal : c'est un lieu fécond en aventures.
Le célèbre Jean-Jacques Rousseau y allait souvent jouer aux échecs;
et dans le commencement de son fécond voyage à Paris, nos badauds y venaient en foule le voir.
M. Le Lieutenant de Police fut obligé d'y faire mettre une sentinelle."

dimanche 17 mai 2020

Lettre manuscrite de Numa Preti

Etienne Cornil, que je remercie, m'a fait parvenir une lettre manuscrite de Numa Preti.
Vous la trouverez ci-après.

Numa Preti était le fils de Jean (-Louis) Preti le fondateur de la revue La Stratégie en 1867.
Il prit la direction de la revue au décès de son père en 1881, jusqu'à son décès en 1908.
La revue La Stratégie fut alors reprise par Henri Delaire jusqu'à sa disparition en 1940.

Ce billet de blog reprend le texte de la lettre manuscrite, l'hommage d'Henri Delaire dans le numéro de janvier-février 1908 de La Stratégie, et la décision d'Henri Delaire de poursuivre la publication de cette revue.


Paris, le 2 mai 1903

Monsieur A.Pernet, Vienne

Je vous envoie par ce courrier sous enveloppe une notice donnant tous les renseignements nécessaires sur mon ABC.
Tout le prix est de 8 ou 9 frs franco sur réception d'un mandat poste.
Il y a t-il un lieu de réunion pour les amateurs d'échecs à Vienne ?

Recevez, Monsieur, mes salutations empressées

Numa Preti

Autographe de Numa Preti

Numa Preti décède le 28 janvier 1908 à Argenteuil au domicile familial comme son père 27 ans auparavant.

NUMA PRETI

L’Échiquier français vient d'être douloureusement atteint par la perte de notre dévoué Numa Preti,
décédé à Argenteuil, le 28 janvier dernier, après une courte maladie.
Nous devons à sa mémoire de retracer toute une vie de labeur consacrée à la cause des Échecs.

Né à Bordeaux en 1841, il vient jeune à Paris, où de bonne heure il abandonne le commerce
pour devenir collaborateur de son père Jean Preti, fondateur de cette revue ;
à la mort de celui-ci en 1875 (NDA erreur c'est en fait en 1881) il prend seul la direction qu'il
continue sans interruption, signant le dernier numéro de Décembre 1907, lequel termine la
remarquable collection des 41 volumes de La Stratégie.

Il collabore en outre à l'Univers Illustré, au Sport, à la Vie Illustrée et au Journal de Rouen,
où pendant de nombreuses années il rédige la rubrique des "Échecs et Dames".
En dehors de ces périodiques il refait en 1895 et 1906 l'A.B.C. de son père et chacune de ces éditions
est enrichie d'une telle production de matières nouvelles et de compositions choisies que la dernière
reste comme l'ouvrage le plus vaste ainsi que le plus parfait des Traités complets.

Avec lui l'oeuvre colossale des Preti, comprenant : la collection précitée; la Stratégie raisonnée des Ouvertures, 1ère édition en 1 volume et 2ème en deux volumes; la Stratégie raisonnée des Parties à Avantages; la Stratégie des Fins de Parties avec ses deux fascicules
(ces ouvrages avec l'abbé Durand et L. Metton) et pour terminer l'A.B.C. comportant trois éditions dont deux de Numa Preti.


Nous lui devons aussi comme éditeur :

I. - E. Pradignat : 100 problèmes.
II. - Carpenter : 200 problèmes.
III. - Match Gunsberg-Tschigorine
IV. - Tolosa Carreras : Traité Analytique du problème
V. - Alain C. White : Les Tours de Forces sur l'Echiquier ; Roi acculé aux angles ; Les Mille et un mat inverses.

Tous, abonnés et lecteurs de cette revue, avons apprécié depuis longtemps les réelles aptitudes et le mérite de notre cher Directeur. Il sut jusqu'à la fin maintenir notre revue intéressante, riche en théorie et toujours d'une lecture facile et correcte à suivre sur l'échiquier.
Malgré son extrême amabilité, cette bienveillance se refusait à accorder l'insertion à des envois qu'il ne jugeait pas dignes ou à des nouvelles trop personnelles ;
de ce côté on lui reconnut toujours indépendance et impartialité et tel qui avait été débouté pour une prétendue composition splendide ou partie à combinaison magistrale reconnaissait mieux que tout autre la valeur de sa sanction.

Indépendamment de sa Direction, consciencieuse et correcte, Numa Preti, par ses intéressantes causeries, avait su rendre attrayant son bureau de la rue Saint-Sauveur devenu l'habituel rendez-vous des amateurs.
De bons conseils, mettant son expérience au service de chacun il eut de nombreux camarades et amis, toutefois son amabilité n'allait pas jusqu'à lui faire renoncer aux idées qu'il défendait avec opiniâtreté; Preti eut ainsi raison de mauvais projets et mit au point bien des organisations imparfaites.

Sa propagande ne fut pas restreinte; grâce à son journal, à ses relations, aux sympathies qu'il sut conquérir, il l'étendit au loin et nous lui sommes redevables des tournois par correspondance, ainsi que la constitution régulière de groupes départementaux.

Élu Président du Cercle Philidor, il n'accepta ces fonctions honorifiques que sur l'insistance de ses amis ; Preti était un modeste et sa bienfaisante initiative aimait la retraite.
Mais il fut surtout un assidu de la Régence, où, se reposant de ses travaux, il venait bien souvent se montrer redoutable adversaire de whist.
Quoique peu praticien, il peut se prétendre à la maîtrise par son érudition et le rôle important qu'il tint pendant près d'un demi-siècle dans le monde des échecs; mais notre souvenir doit surtout lui être fidèle pour son constant dévouement à notre cause, car Numa Preti fut le plus fervent apôtre de notre jeu favori.

Aussi je pense être l'interprète de l’Échiquier français tout entier en lui adressant ici, par ce journal qui lui était si cher, l'hommage de notre profonde et bien sincère reconnaissance.

H. Delaire

 
Numa Preti - Source BNF, La Stratégie janvier-février 1908

Henri Delaire fut le troisième et dernier directeur de la Stratégie de 1908 à 1940 (date de disparition de la revue). Voyez une mini-biographie de Delaire sur le site Héritage des Échecs Français, par Dominique Thimognier.

Aux Abonnés et Lecteurs
de la troisième série

Bien que les dernières volontés de Numa Preti me désignent pour la rédaction d'un numéro consacré aux solutions des derniers problèmes parus, elles n'indiquent pas que La Stratégie doit finir avec lui.
C'est pourquoi écoutant les nombreux regrets qui me furent exprimés de voir disparaître le journal, puis sur l'invitation de beaucoup d'abonnés, amateurs et amis qui mettaient en avant ma collaboration avec mon défunt ami, j'ai accepté la lourde tâche de continuer son oeuvre.

Je ne dissimule pas ce qu'une telle succession me crée d'obligations et de difficultés, aussi m'est-il permis d'adresses un appel d'indulgent accueil aux abonnés et lecteurs de cette ancienne et importante revue.

Indulgence à laquelle je m'efforcerai de n'avoir pas recours, car de mon expérimenté prédécesseur je suivrai la méthode, j'apporterai le soin qui le guidait dans sa rédaction, sans partialité aucune je présenterai ce que l'échiquier mondial me semblera relater d'intéressant et nouveau ;
pour la partie problèmes, elle continuera à être revue avec la plus méticuleuse attention, 
les compositions offertes subiront l'examen et la vérification de ma direction, tant pour les manuscrits qui me seront remis que pour les épreuves.

Pour terminer, La Stratégie restera comme par le passé l'organe de tous les amateurs français à quelques groupes qu'ils appartiennent, elle facilitera les luttes nationales, elle enregistrera les communications et notes relatives aux organisations, tournois et matches, susceptibles d'apporter leur appoint à la propagande des échecs.

Fidèle à ces engagements, j'ose espérer que La Stratégie conservera sa bonne place dans la bibliographie échiquéenne.

H. Delaire.

Henri Delaire, 3ème et dernier directeur de La Stratégie
Source : Héritage des Échecs Français - Les échecs modernes 1914

dimanche 10 mai 2020

Vassily Soldatenkov, joueur d'échecs oublié aux multiples talents

Dans le numéro de décembre 2018 de la revue russe "64", un article a attiré mon attention.
Un dénommé Stanislav Soukhanitski y publie un article au sujet d'un joueur d'échecs russe, Vassily Soldatenkov, qui a fréquenté le café de la Régence au début du 20ème siècle.

Il me semble intéressant de publier un résumé de cet article au sujet d'un homme au parcours étonnant.
L'auteur de l'article dans "64" dédie celui-ci à la mémoire de Victor Tcharouchine, auteur d'un livre sur Vassily Soldatenkov "Gare-Marine énigmatique" Oms 2000.

Vassily Soldatenkov (Василий Васильевич Солдатёнков) est né le 14 juillet 1879 à Tsarkoe-Selo (actuellement Pouchkine, une ville à proximité de Saint-Pétersbourg).
Il est issu d'une grande famille aristocratique.

A l'âge de 14 ans, il est placé dans le corps des cadets de la marine de Saint-Pétersbourg où il est garde-marine.
C'est durant ses études qu'il développe sa passion pour le jeu d'échecs.
Ainsi en 1897 on trouve ses premières publications de problèmes dans la "revue des échecs" (Chakhmatni journal).

Source revue "64" - décembre 2018

Il signe "Garde-Marine Soldatienkoff" et ne cesse de publier dans cette revue.
Dans un numéro de 1898 on y trouve ses premières parties, et il gagne dans un style brillant.
En 1900 sont publiées des parties qu'il joue à Athènes lors d'un tour du Monde avec des navires de la marine russe.

L'année suivante Soldatenkov bénéficie d'un long congé. Il est alors âgé de 22 ans.
Il en profite pour aller en Suisse puis à Paris, où naturellement il va au Café de la Régence.
La revue "La Stratégie" publie ses parties et il commence à être connu à Paris.
(Voir à la fin de l'article la partie contre Sittenfeld sur l'échiquier interactif).


Voici une photo de lui en costume traditionnel, lors d'un bal costumé donné au Palais d'Hiver du Tsar Nicolas II du 11 au 13 février 1903.
Un événement exceptionnel qui regroupait toutes les célébrités de la Russie.
L'impératrice avait alors souhaité que tous les participants soient pris en photo par les meilleurs photographes de Saint-Pétersbourg.

Il poursuit ensuite sa carrière dans la marine.
En 1905 il est officier dans le sous-marin "Le Dauphin" lors du conflit russo-japonais.
Il souhaite alors faire des sous-marins sa spécialité, et il commence à étudier la cryptographie.
Dans le cadre d'accords militaires avec la France il retourne à Paris pour mettre au point un appareil cryptographique pour la marine russe.
Il sera décoré par le Tsar Nicolas II pour ses travaux en 1912.
Et bien évidemment, durant son nouveau séjour à Paris il fréquente le Café de la Régence.

A la fin de l'article vous pouvez rejouer une partie jouée en consultation.
Il a les noirs avec Janowski, contre la paire Lasker (alors champion du Monde) et Jean Taubenhaus.
C'est dire son niveau de jeu s'il participe à une telle rencontre.
Une partie brillante, mais où ils n'ont pas trouvé le gain avec les noirs, la paire avec le champion du Monde trouvant une défense.

Une autre partie, datée du 9 janvier 1912, contre Frédéric Lazard est publiée dans la Stratégie.

Alphonse Goetz écrit à ce sujet :
"La partie a été un peu légèrement jouée par le jeune champion de la Régence et ne donne pas la mesure de sa force. 
Par contre, le brillant amateur russe l’a conduite avec une précision et une logique impeccables. 
Nous considérons Mr Soldatenkoff comme un des plus forts joueurs de Paris. 
Personne n’a plus de science ni de brio."

Il laisse même son nom à une variante du Gambit du Roi refusé, après 1.e4 e5 2.f4 Fc5 3.Cf3 d6 4.fxe5, l'attaque Soldatenkov (diagramme).


Parmi tous ses talents, Soldatenkov fut également passionné par les courses automobiles.
En 1911 il participe à la Targa Florio (en Sicile) est prend la 3ème place au volant d'une Mercedes.

Source Gallica - Le 4 août 1913, Soldatenkov sur le circuit du Mans, au volant d'une Brasier.

Mais sa carrière de pilote s'arrête en novembre 1913 lors d'un accident grave près de Versailles.

Diplomate à Rome, il se retrouve à l'état major de la Marine russe durant la première guerre mondiale.
En 1917, le gouvernement de Kerenski l'envoie aux USA comme représentant du gouvernement provisoire russe.
Il continue de jouer aux échecs et il est membre d'un club d'échecs à Manhattan où il rencontre Frank Marshall.

Précurseur du Gambit Marshall au Café de la Régence ?

En 1918 dans le numéro de novembre de "the American Chess Bulletin" une lettre de Soldatenkov est publiée au sujet de la partie Morisson / Marshall New York 1918, où Marshall a joué sa fameuse attaque dans la partie espagnole.
Soldatenkov indique que les 18 premiers coups ont été joués par lui lors de sa partie contre Stanislas Sittenfeld à la Régence en 1901 lors d’un match.
Il cite cette partie, certes jouée par des joueurs secondaires et qui n’a sans doute pas attiré l’attention sérieusement à l'époque.
Mais il pense qu’il est probable que Marshall connaissait cette partie et lui a donné l’idée de développer l’attaque.

Voici la position au 18ème coup des blancs.
Soldatenkov gagnera au 25ème coup, tandis que Marshall devra attendre le 84ème coup.

Voir à la fin de l'article l'échiquier interactif.

Peu avant son départ des USA, en 1928 Soldatenkov remporte une brillante partie contre Marshall.
C'est un amateur du jeu d'échecs, mais pas n'importe qui pour rivaliser avec un des meilleurs joueurs du monde.
Il revient en 1928 en Europe et s'installe à Nice jusqu'en 1930.
Puis il part à Rome la ville où jadis il était diplomate.

Notons qu'en 1929 a lieu le championnat du Monde entre Alekhine et Bogolioubov.
Un éditeur et joueur d'échecs allemand, Bernhard Kagan, demanda aux joueurs célèbres de l'époque de commenter les parties du match.
Marcozy, Tartakower, Euwe participèrent, ainsi que Soldatenkov qui commenta la 8ème partie du match d'une façon novatrice (abordant les aspects psychologiques entre les joueurs d'échecs).
Ses commentaires furent publiés dans la revue "Kagans neueste schachnachrichten".

Puis il n'y a plus rien de sa part pour les échecs.
Il décède le 31 juillet 1944 à l'âge de 65 ans.
Il est enterré au cimetière du Testaccio à Rome.


[Event "Café de la Régence"] [Site "?"] [Date "1901.??.??"] [Round "?"] [White "Sittenfeld"] [Black "Soldatenkov"] [Result "0-1"] [ECO "C89"] [PlyCount "50"] 1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Bb5 a6 4. Ba4 Nf6 5. O-O Be7 6. Re1 b5 7. Bb3 O-O 8. c3 d5 9. exd5 Nxd5 10. d4 exd4 11. cxd4 Bb4 12. Bd2 Bg4 13. Nc3 Nf6 14. Be3 Bxf3 15. gxf3 Qd7 16. d5 Ne7 17. Bg5 Qh3 18. Bxf6 Bd6 19. f4 Bxf4 20. f3 Qxh2+ 21. Kf1 Nf5 22. Ne4 gxf6 23. Qd3 Kh8 24. Qc3 Rg8 25. Qxf6+ Rg7 0-1 [Event "Partie en consultation"] [Site "Cafe de la Regence, Paris FRA"] [Date "1909.01.??"] [EventDate "?"] [Round "?"] [Result "1/2-1/2"] [White "Lasker / Taubenhaus"] [Black "Janowski / Soldatenkov"] [ECO "C68"] [WhiteElo "?"] [BlackElo "?"] [PlyCount "65"] 1.e4 e5 2.Nf3 Nc6 3.Bb5 a6 4.Bxc6 dxc6 5.d3 Bd6 6.Be3 Bg4 7.Nbd2 Qe7 8.h3 Be6 9.d4 f6 10.Qe2 O-O-O 11.O-O g5 12.dxe5 Bxe5 13.Nxe5 fxe5 14.Nf3 g4 15.Nxe5 gxh3 16.Nxc6 Qh4 17.Rfd1 Rf8 18.Na7+ Kb8 19.Nc6+ Kc8 20.Na7+ Kb8 21.Nc6+ Ka8 22.Qd3 Nf6 23.Qd4 b6 24.g3 Rhg8 25.Qe5 Ng4 26.Qxe6 Nxe3 27.Nd8 Rxd8 28.Rxd8+ Qxd8 29.fxe3 Ka7 30.Qe5 Kb8 31.Kh2 Rg5 32.Rd1 Qxd1 33.Qxg5 1/2-1/2 [Event "Café de la Régence"] [Site "?"] [Date "1912.01.09"] [Round "?"] [White "Soldatenkov"] [Black "Lazard, Frederic"] [Result "1-0"] [ECO "D53"] [PlyCount "61"] 1. d4 d5 2. Nf3 Nf6 3. c4 e6 4. Nc3 dxc4 5. Bg5 Be7 6. e3 Nd5 7. Bxe7 Nxc3 8. bxc3 Qxe7 9. Bxc4 O-O 10. O-O b6 11. Bd3 Nd7 12. Qc2 g6 13. Be4 Rb8 14. Qa4 a5 15. Bc6 Rd8 16. Rfd1 Bb7 17. Bxb7 Rxb7 18. Qc6 Ra7 19. Rab1 Qd6 20. Qe4 Nf6 21. Qh4 Qe7 22. e4 Kg7 23. Rb5 c6 24. Rxb6 Qc5 25. e5 Qxb6 26. exf6+ Kf8 27. Qxh7 Ke8 28. Ne5 Qc5 29. Qg8+ Qf8 30. Qxf8+ Kxf8 31. Nxc6 1-0 [Event "Manhattan CC International"] [Site "New York,NY"] [Date "1918.??.??"] [Round "?"] [White "Morrison, John Stuart"] [Black "Marshall, Frank James"] [Result "0-1"] [ECO "C89"] [PlyCount "168"] [EventDate "1918.10.23"] [EventType "tourn"] [EventRounds "12"] [EventCountry "USA"] 1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Bb5 a6 4. Ba4 Nf6 5. O-O Be7 6. Re1 b5 7. Bb3 O-O 8. c3 d5 9. exd5 Nxd5 10. d4 exd4 11. cxd4 Bb4 12. Bd2 Bg4 13. Nc3 Nf6 14. Be3 Bxf3 15. gxf3 Qd7 16. d5 Ne7 17. Bg5 Qh3 18. Bxf6 gxf6 19. Qd4 Bd6 20. Qg4+ Qxg4+ 21. fxg4 Ng6 22. Ne4 Be5 23. Rab1 Nf4 24. g5 fxg5 25. Nxg5 Rae8 26. Re3 h6 27. Rbe1 hxg5 28. Rxe5 Rxe5 29. Rxe5 Kg7 30. Rxg5+ Kf6 31. Rg4 Ke5 32. h4 a5 33. a3 Rh8 34. f3 f5 35. Rg7 Kd6 36. Kf2 Re8 37. Rf7 Re2+ 38. Kg3 Nh5+ 39. Kh3 Nf4+ 40. Kg3 Nh5+ 41. Kh3 Rxb2 42. Bd1 Nf4+ 43. Kg3 Nh5+ 44. Kh3 Ke5 45. Re7+ Kd6 46. Rf7 Nf4+ 47. Kg3 Nxd5 48. h5 f4+ 49. Kh3 Rb1 50. Be2 Rh1+ 51. Kg4 Ke6 52. Rf8 Rg1+ 53. Kh3 Rh1+ 54. Kg4 Nf6+ 55. Kxf4 Rxh5 56. Ke3 Nd5+ 57. Kd4 Ke7 58. f4 Rh2 59. Rc8 Rxe2 60. Kxd5 Rc2 61. Rb8 c6+ 62. Ke5 Rc5+ 63. Ke4 Rc3 64. a4 bxa4 65. Ra8 Rc5 66. Rh8 a3 67. Rh7+ Kd6 68. Rh6+ Kc7 69. Rh7+ Kb6 70. Rh2 Rb5 71. Ra2 Rb4+ 72. Ke5 Rb3 73. f5 Kb5 74. f6 Rf3 75. Ke6 Ka4 76. f7 Kb3 77. Rg2 a2 78. Rg3 Rxg3 79. f8=Q Re3+ 80. Kd7 Rd3+ 81. Kxc6 a1=Q 82. Qf7+ Ka3 83. Qf8+ Ka4 84. Qf4+ Qd4 0-1 [Event "Manhattan CC International"] [Site "New York,NY"] [Date "1918.10.23"] [Round "1"] [White "Capablanca, Jose Raul"] [Black "Marshall, Frank James"] [Result "1-0"] [ECO "C89"] [Annotator "ChessBase"] [PlyCount "71"] [EventDate "1918.10.23"] [EventRounds "12"] [EventCountry "USA"] [Source "ChessBase"] [SourceDate "1999.07.01"] 1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Bb5 a6 4. Ba4 Nf6 5. O-O Be7 6. Re1 b5 7. Bb3 O-O 8. c3 d5 9. exd5 Nxd5 10. Nxe5 Nxe5 11. Rxe5 Nf6 12. Re1 Bd6 13. h3 Ng4 14. Qf3 Qh4 15. d4 Nxf2 16. Re2 Bg4 17. hxg4 Bh2+ 18. Kf1 Bg3 19. Rxf2 Qh1+ 20. Ke2 Bxf2 21. Bd2 Bh4 22. Qh3 Rae8+ 23. Kd3 Qf1+ 24. Kc2 Bf2 25. Qf3 Qg1 26. Bd5 c5 27. dxc5 Bxc5 28. b4 Bd6 29. a4 a5 30. axb5 axb4 31. Ra6 bxc3 32. Nxc3 Bb4 33. b6 Bxc3 34. Bxc3 h6 35. b7 Re3 36. Bxf7+ 1-0 [Event "New York"] [Site "New York,NY"] [Date "1928.??.??"] [Round "?"] [White "Marshall, Frank James"] [Black "Soldatenkov, Vasily"] [Result "0-1"] [ECO "C32"] [PlyCount "42"] [EventDate "1928.??.??"] [EventRounds "1"] [EventCountry "USA"] 1. e4 e5 2. f4 d5 3. exd5 e4 4. d3 Nf6 5. dxe4 Nxe4 6. Qe2 Qxd5 7. Nd2 f5 8. g4 Nc6 9. c3 Be7 10. Bg2 Bh4+ 11. Kf1 O-O 12. gxf5 Nxd2+ 13. Bxd2 Qxf5 14. Be4 Qf6 15. Nf3 Bh3+ 16. Kg1 Rae8 17. Qd3 Rd8 18. Bxh7+ Kh8 19. Qg6 Rxd2 20. Nxd2 Nd4 21. Qh5 Qg5+ 0-1

vendredi 8 mai 2020

1855, un tournoi international d'échecs avorté

En ce début d'année 1855, le Café de la Régence se trouve à l'Hôtel Dodun au 21 rue de Richelieu, en attendant la fin de la construction de l'immeuble au 161 rue Saint-Honoré.
Son propriétaire, Claude Vielle, a loué cet hôtel particulier pour une durée de deux ans à la fin de l'année 1853.

Le Journal des débats - 18 novembre 1853 - Gallica

Le Cercle des échecs, qui était depuis plus de 10 ans au 1er étage du Café de la Régence quand il était place du Palais-Royal, s'est réfugié au-dessus du Café de Lyon (au Palais-Royal).
L'inauguration du nouveau café de la Régence se fera le 15 août 1855, et l'activité échiquéenne reprendra véritablement au mois d'octobre.

La grande nef du Palais de l'Industrie, 1855, Lithographie en couleurs, musée d'Orsay

Mais 1855 fut également une belle occasion ratée.
C'est l'année de la première exposition universelle à Paris, et la deuxième dans le Monde après celle de Londres en 1851.
Et en 1851 les Anglais avaient organisé un premier tournoi international d'échecs qui couronnera Adolf Anderssen et marquera la perte du sceptre des échecs par l'anglais Howard Staunton.

Bref, le grand projet pour 1855 était l'organisation d'un tournoi international d'échecs similaire, à l'occasion de cette exposition universelle parisienne.
Mais ce tournoi n'aura hélas jamais lieu, et il faudra attendre 1867 pour voir un tel tournoi à Paris.

Voici quelques extraits du journal "Le Sport" au sujet de ce tournoi avorté.
L'exposition approche, et cela crée une certaine émulation parmi les joueurs d'échecs.
Le Café de la Régence reprend ses tournois, et le cercle de Philidor a donc un grand projet...

Le Sport - 25 janvier 1855 - Gallica


Échecs

La prochaine exposition de l'industrie universelle éveille toutes les imaginations.
M. Vielle, le propriétaire du café de la Régence, le vieux et vénéré temple du noble jeu des échecs,
a résolu, d'après le conseil de plusieurs amateurs distingués, d'ouvrir dans son établissement un tournoi mensuel à toutes les illustrations du genre.
Ce seront là les avant-coureurs des luttes héroïques qui s'engageront au moment où Paris sera en pleine ébullition de tourisme.
Chaque tournoi aura pour prix un ouvrage sur les échecs, soit une collection du Palamède ou de la Régence,
soit un traité complet de La Bourdonnais, de Lewis ou d'autres.
Le soin d'établir le règlement de ces tournois a été confié à trois commissaires, MM. Preti, A.Clerc, Montigny, et nous nous empressons de le communiquer à nos lecteurs.

<Il suit le règlement du tournoi du Café de la Régence.>



(...) "L'exposition universelle ne sera pas le seul événement important qui rendra l'année 1855 mémorable.
Les contemporains se souviendront longtemps et avec plaisir du fameux tournoi d'échecs que MM. les membres du cercle Philidor organisent en ce moment, pour avoir lieu pendant l'Exposition.
Nous rappellerons à ce sujet que le célèbre Berger, professeur de billard, gérant du cercle Philidor, se charge de toutes les demandes d'admission, et que le cercle dépend de son établissement, l'estaminet de Lyon, Palais-Royal, galerie Montpensier".

Mais patatras, le 17 mai 1855 toujours dans "Le Sport", il n'est plus du tout question d'un grand tournoi d'échecs à l'occasion de l'exposition universelle...Ce tournoi n'est tout simplement plus évoqué...



"Le cercle Philidor n'a pas été aussi heureux que le café de la Régence dans l'organisation de ses tournois.
Le cercle est en léthargie et semble attendre, pour se réveiller, le moment qui s'approche, où la construction du nouveau local destiné au café de la Régence sera terminée.
Il est vraisemblable alors que ces deux centres n'en feront qu'un seul comme auparavant, car tout ce qui tient aux échecs doit forcément se relier à Paris à cette vieille et bonne renommée du café de la Régence.".

Le tournoi que devait organiser le cercle Philidor n'aura donc jamais lieu.
Pour autant le joueur italien Serafino Dubois se met en route vers Paris pour jouer ce tournoi.
Il restera plusieurs semaines à Paris, et jouera au Café de la Régence.
Il laissera un témoignage intéressant de cette période dans ses mémoires, mais ce sera l'objet d'un prochain article...

vendredi 1 mai 2020

Album de caricatures d'Abraham Baratz

Dominique Thimognier m'a envoyé en fin d'année dernière un document tout à fait exceptionnel.
Je le remercie vivement pour cet envoi que je vous partage ici.

Il s'agit d'un album de caricatures par Abraham Baratz, qui date de la fin de l'année 1936.
Pour découvrir ce joueur d'échecs et artiste, je vous renvoie au site "Héritage des Échecs Français"
de Dominique Thimognier.
Vous trouverez sur son site internet de nombreuses biographies totalement inédites de joueurs d'échecs.

Baratz au tournoi international de Paris 1929.
Supplément à L’Échiquier (août 1929)
Héritage des Échecs Français

Voici ce que dit Dominique au sujet de cet album de caricatures :

"J'ai de la chance d'avoir un exemplaire d'un album de Baratz dans ma bibliothèque.
Ou du moins une partie de l'album, car il n'y a pas de couverture et je ne sais pas s'il est complet.
J'ai essayé de le scanner, mais ce n'est pas facile car c'est un grand format (...)
Je pense qu'il s'agit d'un album sorti à l'occasion du championnat de Paris 1936-1937 (joué du 05/11/1936 au 14/01/1937), même si la dédicace indique 01/11/1936.
Il devait y avoir avec deux documents distincts, je ne suis pas très sûr".

Si quelqu'un a plus de précisions au sujet de cet album, je suis preneur.
En tout cas, toutes les personnes représentées sur cet album fréquentent le Café de la Régence en 1936.

Voici ce magnifique document au format pdf :