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samedi 15 octobre 2011

Un petit coup de blues en 1870

En 1870, la revue "La Stratégie" publie un communiqué au sujet de la situation des échecs en France.
A cette époque cela fait maintenant plus de 25 ans qu'aucun français ne domine plus les Échecs dans le monde (défaite de Saint-Amant en 1843 face à Howard Staunton).
Il est difficile d'admettre que le vent a tourné pour les échecs en France.
On ressent une pointe d'arrogance ... de nationalisme dans ce que j'appelle un coup de blues de la Stratégie qui a du mal à accepter cette situation.
Mais comme il est dit le Café de la Régence continue d’être le sanctuaire révéré du culte échiquéen.

Quelques précisions sur le texte :
Ernest Morphy (photo) est l'oncle de Paul Morphy. Rappelons également que le premier voyage en Europe de Paul Morphy se déroula en 1858. C'est celui-ci qui marqua les esprits et fit la légende de Morphy.
Il est également fait mention dans le texte de "Monseigneur le duc de Brunswick".
Il s'agit là d'un des protagonistes de la célèbre partie jouée par Morphy à l'opéra de Paris.  

La Stratégie - début 1870

L’AVENIR DE L’ECHIQUIER FRANÇAIS

S’il fallait s’en rapporter à ce que nous avons entendu quelquefois, les Echecs seraient tombés, en France, dans un état de torpeur et de marasme qui ferait en quelque sorte désespérer de l’avenir. Nous sommes bien éloignés de penser ainsi.

A l’heure présente, il est vrai, on ne voit plus de noms tels que ceux de Philidor, de Labourdonnais, de Saint-Amant… autour de l’échiquier ; mais ces génies des Échecs ont imprimé dans le sol des traces ineffaçables ; nous avons entre les mains leurs parties, monuments impérissables de leur gloire ; nous possédons dans leur pureté, dans toute leur intégrité les traditions de la bonne école qu’ils ont léguées à leurs descendants ; le cercle des études s’est visiblement agrandi. Par eux la France échiquéenne a été placée en avant de cette idée (Napoléon III) comme des autres. Nous ne voulons pas, nous ne pouvons pas déserter ce poste d’honneur national ; tôt ou tard, il faudra bien, certes, que nous allions reprendre le sceptre que vient d’emporter à travers l’Océan l’élève glorifié d’Ernest Morphy, qui (qu’en sait-on ?) n’est peut être aujourd’hui le vainqueur des vainqueurs, que parce que le sang français coule dans ses veines (Paul Morphy est né d’une mère française).

Qu’on ne l’oublie pas : au moment où nous traçons ces lignes, le feu sacré rayonne sur tous les points de la France, et le Café de la Régence continue d’être le sanctuaire révéré du culte échiquéen. Si parfois, le désert se fait autour de ses échiquiers, l’histoire de son passé prouve que ce n’est là qu’un instant de halte dans le chemin de la gloire, dans la voie ascendante du progrès. Aux incrédules qui croient à l’extinction du feu sacré en France, nous montrerons, en outre, le Cercle agricole,  le Cercle du Chemin de fer et tant d’autres qui comptent un bon nombre de sommités. Les départements eux-mêmes ne participent-ils pas, pour leur bonne part, à ce mouvement de la capitale ? La Société Philomathique de Bordeaux, le Cercle des Beaux-Arts de Nantes, à Lyon, à Marseille, à Saint-Etienne et tutti quanti

Et puis un fait inouï dans les fastes de l’histoire, c’est ce qui s’est vu, ce qui se voit au faubourg Saint-Germain. Nous en avons déjà entretenu nos lecteurs, il y a quelques années, dans le Sport. Dédaignés par quelques amateurs sans vocation, les Echecs se vengèrent un jour en allant se mettre sous la protection des grandes Dames de l’aristocratie parisienne, et s’abriter ainsi sous les plus beaux noms de notre histoire. Si quelques réunions n’ont pu se continuer, par suite de circonstances indépendantes de la volonté humaine, on en a vu surgir d’autres non moins brillantes, non moins suivies. Aux samedis de Mme la marquise de C… ne doit-on pas ajouter les jeudis de Mme la marquise d’Andigné, les vendredis de S. A. R. Monseigneur le duc de Brunswick, les dimanches de MM. Le prince Villafranca et Valguanera, et tant d’autres qu’il serait trop long d’énumérer ?

Ce mouvement général, cette recrudescence du noble jeu, n’ouvrent-ils pas les plus belles perspectives ? Ne nous font-ils pas espérer, dans un avenir rapproché, l’apparition de quelque nouveau Labourdonnais qui aura pour mission de replacer la France sur ce trône des Échecs qui lui appartient.

Et par droit de conquête et par droit de naissance.

(communiqué)