Affichage des articles dont le libellé est Aurbach Arnold. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Aurbach Arnold. Afficher tous les articles

dimanche 4 juillet 2021

Capablanca à Paris en septembre 1919

La première fois que Capablanca vient à Paris et au Café de la Régence, c’est en mars/avril 1911, suite à sa victoire au tournoi de Saint-Sébastien en Espagne. Il reviendra plusieurs fois avant le premier conflit mondial.

En septembre 1919, nous le retrouvons pour un court séjour. Mais cette fois-ci la rencontre avec les joueurs d’échecs ne se fait pas au Café de la Régence, 161, rue Saint-Honoré … mais au Café de l’Univers, juste à côté au 159, rue Saint-Honoré. En effet l’association des joueurs d'échecs, l'U.A.A.R., a quitté la Régence depuis juillet 1918 suite à un désaccord avec le propriétaire des lieux, Lucien Lévy. 
L'association s'appelle désormais "Les Échecs du Palais-Royal". Voir mon précédent article.

José Raul Capablanca

Il s’agit là de l’évènement le plus important qui se déroula au Café de l’Univers pour le jeu d’échecs avec l'association des Échecs du Palais-Royal, avant son déménagement au Café de la Rotonde dans le jardin du Palais-Royal.

La Stratégie - Septembre 1919

« Capablanca à Paris

Le maître cubain, venant d’Angleterre, fit un court séjour parmi nous du 6 au 15 septembre ; n’ayant pas été prévenu de sa visite écourtée, les organisateurs parisiens ont dû se contenter de deux séances fixées à bref délai. 
Toutes deux ont eu lieu aux Échecs du Palais-Royal (Café de l’Univers) : dans la première du samedi 6, le maître conduisit deux parties, l’une contre MM. A. Aurbach et W. Bienstock et l’autre contre M. A. Gibaud, il gagna les deux ; dans la seconde du samedi 13, Capablanca mena de front 25 parties ; en 2 heures, il obtint le brillant résultat de 24 gagnées et 1 nulle avec M. E. Pape, étonnant joueurs et spectateurs par l’extrême rapidité de son jeu précis et élégant. »

Pour la petite histoire il faut signaler que ce même Edouard Pape qui donna du fil à retordre à Capablanca en 1919, le battit lors d’une autre simultanée en mai 1922 à Paris ! 
Edouard Pape bête noire de Capablanca :-) !?

Source : Retronews - Le Petit Parisien, 14 septembre 1919

Dans l’article du Petit Parisien (ci-contre), ou encore dans le texte sous la photo du journal Excelsior, Edouard Pape se fait appeler Papin...

Source : Retronews - Excelsior 14 septembre 1919
Capablanca durant la simultanée du 13 septembre 1919 au Café de l'Univers.

« Hier, le fameux champion cubain des échecs, Capablanca, a joué en même temps vingt-cinq parties d’échecs dans un « meeting » organisé par la Société des échecs du Palais-Royal. 
La séance, commencée à 15h10, se termina à 17h10. Capablanca remporta brillamment vingt-quatre victoires, et fit une partie nulle avec M. Papin (sic). 
Si l’on songe que chaque joueur déplaça environ 40 fois ses pièces, le champion, pour leur répondre, marqua environ 1000 coups, soit 500 coups à l’heure.»

Voici 3 parties de cette visite de Capablanca à Paris.
J'ai laissé les commentaires de l'époque (qui comportent des erreurs d'analyse).
La manœuvre du roi noir de Capablanca dans la partie contre Bienstock est intéressante.

Source : Gallica - Journal "Paris Soir" du 13 mars 1925
Voir sur Héritage des Échecs Français une courte biographie de ce joueur d'échecs d'origine Russe.
[Event "Paris, Café de l'Univers"] [Site "?"] [Date "1919.09.06"] [Round "?"] [White "A.Aurbach et W.Bienstock"] [Black "Capablanca, J.R.."] [Result "0-1"] [ECO "C46"] [Annotator "Gaston Legrain"] [PlyCount "94"] {Partie publiée dans l'Action Française du 21 septembre 1919 et commentée par Gaston Legrain. A noter que les mêmes commentaires apparaissent dans la revue La Stratégie de septembre 1919, avec le commentaire : "Jouée le 6 septembre au "Echecs du Palais-Royal" (Simultanément avec une partie Capablanca-Gibaud)". Gaston Legrain indique que Capablanca a gagné les deux parties.} 1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Nc3 Bb4 4. Nd5 Bc5 ({La réplique habituelle} 4... Nf6 5. Nxb4 Nxb4 6. c3 Nc6 7. d4 exd4 {semble préférable} (7... Nxe4)) 5. Bc4 d6 6. d3 Na5 7. Bb3 {Ce coup délaisse l'initiative.} ({Envisageons} 7. b4 c6 (7... Nxc4 8. bxc5 Na5 9. cxd6 cxd6 10. O-O {avec un bon développement}) 8. bxc5 Nxc4 9. dxc4 cxd5 10. Qxd5) 7... Nxb3 8. axb3 c6 9. Nc3 Ne7 10. d4 exd4 11. Nxd4 O-O 12. O-O f5 13. Bg5 h6 14. Bxe7 Qxe7 15. Nxf5 Bxf5 16. exf5 Rxf5 {Liquidation favorable aux noirs} 17. Na4 (17. Qg4 Re5 18. b4 {suivi de b5 valait peut être mieux}) 17... Rd5 18. Qg4 Rf8 19. Nxc5 Rxc5 20. c3 Rcf5 21. Qd1 ({Il est évident que si } 21. Rxa7 Rxf2 22. Raa1 Qe3 {gagne}) 21... Rd5 22. Qc2 a6 23. Rae1 Re5 24. Rxe5 Qxe5 25. Qd2 Re8 26. Rd1 d5 27. b4 Qe2 28. h3 Qxd2 29. Rxd2 Re1+ 30. Kh2 Kf7 31. Kg3 Kf6 32. Kf3 Ke5 33. Rd4 b6 34. Rd3 Rb1 35. Re3+ Kd6 36. Re2 c5 37. bxc5+ bxc5 38. Ke3 c4 39. Kf4 g6 40. h4 a5 41. h5 gxh5 42. Kf5 a4 43. Kg6 Rc1 44. f4 a3 45. bxa3 Rxc3 46. f5 Rxa3 47. Re6+ Kc5 {Les blancs abandonnent, ils ne peuvent arrêter la marche des pions noirs du côté Dame, même par la menace de leur pion du fou du roi.} 0-1 [Event "Paris, Café de l'Univers"] [Site "?"] [Date "1919.09.??"] [Round "?"] [White "Bienstock, W.."] [Black "Capablanca, J.R.."] [Result "0-1"] [ECO "C68"] [Annotator "L'Action Française 2 mai 1927"] [PlyCount "102"] {Partie publiée dans l'Action Française du 2 mai 1927 dans la chronique de Gaston Legrain. Les commentaires sont de Wladimir Bienstock. La partie a été jouée en septembre 1919.} 1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Bb5 a6 4. Bxc6 {Variante employée avec succès par Emmanuel Lasker. Les pions blancs, côté Roi, obtiennent une situation prépondérante.} dxc6 5. d4 exd4 6. Qxd4 Qxd4 7. Nxd4 Bd7 8. Nc3 (8. Be3 O-O-O 9. Nd2 Ne7 10. O-O-O c5 11. Ne2 Nc6 {donne l'égalité}) 8... O-O-O 9. Be3 g6 10. O-O-O Bg7 11. Nde2 Ne7 12. f3 Rhe8 {préparant f7-f5} 13. Bf2 b6 14. Rhe1 c5 15. Nd5 Nxd5 16. Rxd5 ({Meilleur que} 16. exd5) 16... Be6 17. Rxd8+ Rxd8 18. a3 Bh6+ 19. f4 Bg4 20. g3 Bg7 21. Nc3 (21. e5 {vaut sans doute mieux que le coup du texte qui laisse le Roi exposé. La position des blancs est déjà difficile.}) 21... Bxc3 22. bxc3 Kb7 {Début d'une offensive subtile et intéressante.} 23. Be3 Kc6 24. Bd2 Kb5 25. Re3 c4 {Ce coup paralyse le jeu de la Tour.} 26. Re1 Ka4 27. h3 Bxh3 28. Rh1 Be6 29. Rxh7 Kxa3 30. g4 Bxg4 31. Rxf7 Ka2 32. Rxc7 (32. Rh7 {empêchait la manoeuvre qui va suivre mais la pression des pions du côté Dame devenait beaucoup plus forte.}) 32... Rh8 33. Be1 Rh1 34. Kd2 Kb2 35. Bf2 Rd1+ 36. Ke3 Kxc2 37. Bg3 Rd3+ 38. Kf2 Rd2+ 39. Ke3 b5 40. f5 g5 41. Be5 Re2+ 42. Kd4 Bf3 43. Kc5 Rxe4 44. Bd4 g4 45. f6 g3 46. Rg7 g2 47. f7 Rf4 48. Kb6 b4 49. cxb4 Kd3 50. Bc5 c3 51. Rxg2 Rxf7 {Les blancs abandonnent.} (51... Bxg2 {donne la nullité} 52. f8=Q Rxf8 53. Bxf8 c2 54. Bh6) 0-1 [Event "Paris, Café de l'Univers"] [Site "?"] [Date "1919.09.13"] [Round "?"] [White "Capablanca, J.R.."] [Black "Pape, Edouard"] [Result "1/2-1/2"] [ECO "C84"] [Annotator "La Stratégie, Septembre 1919"] [PlyCount "76"] {La Stratégie, septembre 1919. Partie jouée le 13 septembre 1919 dans la séance de 25 parties simultanée aux Echecs du Palais-Royal, à Paris.} 1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Bb5 a6 4. Ba4 Nf6 5. O-O d6 6. Bxc6+ {A ce coup favori du maître cubain, on préfère généralement Re1 ou d4} bxc6 7. Nc3 Be7 8. d4 exd4 9. Nxd4 Bd7 10. Qd3 O-O 11. Bg5 Ng4 12. Bxe7 Qxe7 13. f4 Rfe8 14. Rae1 c5 15. Nd5 Qd8 16. Ne2 Rb8 17. b3 a5 18. f5 Ne5 19. Qg3 f6 20. Nef4 Kh8 21. Re3 c6 22. Nh5 Rg8 23. Ndf4 Be8 24. Ne6 Qe7 25. Nhf4 ({Il semble que} 25. Qh4 {suivi de Rh3 ou Rg3 était plus fort}) 25... g5 26. fxg6 Nxg6 27. Qf2 Ne5 $1 {Très bien joué. Non seulement ce coup évite la liquidation favorable aux Blancs, mais il assure le gain d'une pièce par la menace Ng4 suivi de Bd7 et Rb7} 28. Rh3 Bd7 29. Qh4 Rb7 30. Nxc5 dxc5 31. Rg3 Rxg3 32. Qxg3 Rb8 33. Nh5 Rf8 34. Qc3 Ng4 35. h3 Qe5 36. Qxe5 Nxe5 37. Rxf6 Rxf6 38. Nxf6 Be6 {Partie nulle. Tout en restant avec de bonnes chances de gain, les Noirs offrirent la nullité afin de ne pas prolonger la séance pour cette seule et dernière partie.} 1/2-1/2

vendredi 1 mai 2020

Album de caricatures d'Abraham Baratz

Dominique Thimognier m'a envoyé en fin d'année dernière un document tout à fait exceptionnel.
Je le remercie vivement pour cet envoi que je vous partage ici.

Il s'agit d'un album de caricatures par Abraham Baratz, qui date de la fin de l'année 1936.
Pour découvrir ce joueur d'échecs et artiste, je vous renvoie au site "Héritage des Échecs Français"
de Dominique Thimognier.
Vous trouverez sur son site internet de nombreuses biographies totalement inédites de joueurs d'échecs.

Baratz au tournoi international de Paris 1929.
Supplément à L’Échiquier (août 1929)
Héritage des Échecs Français

Voici ce que dit Dominique au sujet de cet album de caricatures :

"J'ai de la chance d'avoir un exemplaire d'un album de Baratz dans ma bibliothèque.
Ou du moins une partie de l'album, car il n'y a pas de couverture et je ne sais pas s'il est complet.
J'ai essayé de le scanner, mais ce n'est pas facile car c'est un grand format (...)
Je pense qu'il s'agit d'un album sorti à l'occasion du championnat de Paris 1936-1937 (joué du 05/11/1936 au 14/01/1937), même si la dédicace indique 01/11/1936.
Il devait y avoir avec deux documents distincts, je ne suis pas très sûr".

Si quelqu'un a plus de précisions au sujet de cet album, je suis preneur.
En tout cas, toutes les personnes représentées sur cet album fréquentent le Café de la Régence en 1936.

Voici ce magnifique document au format pdf :

mardi 7 février 2012

La table d'échecs de Bonaparte

Il est établi que Bonaparte fréquentait le Café de la Régence juste après la Révolution Française.
Il est ainsi une des personnalités qui a marqué de son empreinte le Café de la Régence. Ceci plus particulièrement au travers d’une relique qui semble avoir traversé les siècles.
Il s’agit de la table où Bonaparte jouait aux échecs.

Cette table apparait dans le nouveau Café de la Régence après 1854.
Pour le moment je n’ai pas trouvé de source la mentionnant avant cette époque.
Du coup se pose la question de l’authenticité de cette relique.

En tout cas la revue « La Stratégie » indique en décembre 1886 (cité dans le cahier du CREB sur le Café de la Régence  – E.Cornil)
« C’était le kiosque de Robespierre, c’était le bivouac de Bonaparte. On n’y conserve aucune relique tangible ou souvenir de Robespierre, mais on y remarque une petite table de marbre gris sur laquelle le jeune Corse perdit plus d’une partie contre son ami le capitaine Bertrand.
Bien des années après Sainte-Hélène, lorsque le grand exilé ne pouvait plus guère autre chose que de jouer aux échecs, il y jouait assez mal. Sa table commémorative à la Régence est ornée d’une plaque en argent fort usée sur laquelle était inscrit son nom ; cette table a servi de champ de bataille depuis à des parties d’échecs beaucoup plus brillantes que celles qu’il a jamais pu produire.
»

Voici une photographie inédite de cette table de Bonaparte. Malheureusement elle n’est pas datée.

(Collection personnelle)
La table semble un peu mise de côté, mais cela correspond à l’article de presse du « Petit Parisien » de février 1939, mais la plaque commémorative en argent ne s’y trouve pas.
A la place une simple plaque.
Et, au milieu de la salle, gardée par une chaîne contre les mains sacrilèges, trône une table de café : la table où jouait Bonaparte. Un écriteau précise : « Bonaparte, premier consul, jouait sur cette table en 1798. » Dans son zèle, le peintre de lettres a avancé encore la carrière de Bonaparte pourtant rapide ! En 98 celui-ci n’était que général. A cette erreur près, l’histoire est vraie.
Ah ! cette table de Bonaparte ! C’est l’orgueil, le palladium des joueurs d’échecs du monde entier ! Et, pourtant, Bonaparte n’était qu’un joueur médiocre !


Voici également un autre document important. Il s’agit d’un article de presse (The Times – 30 mars 1922). Il y a là plusieurs informations capitales, notamment sur le fait qu’il subsiste une activité échiquéenne au Café de la Régence en 1922, mais c’est peut être anecdotique.
Arnold Aurbach était un très fort joueur parisien du début du 20ème siècle qui fréquenta longtemps le Café de la Régence.
On reconnait le plateau ainsi que le haut des pieds de la table de la photographie précédente.

Traduction de l’article
Champions d’échecs au jeu – Le señor Capablanca photographié au fameux Café de la Régence, Paris, jouant une partie amicale avec M. Aurbach à la table utilisée par l’empereur Napoléon. La Señora Capablanca (née Señorita Glori Simoni ) et le Ministre Cubain en train de regarder la partie.

Enfin pour terminer voici une photo issue d’une donation au Ministère de la Culture.
La photo date des années 1950 sans plus de précisions.
Elle porte la légende
Jean Marais assis devant la table au plateau de marbre sur laquelle Bonaparte jouait aux échecs au café de La Régence à Paris 
La photo est signé Sam Lévin. Par contre impossible de connaître le lieu où a été prise cette photographie. Est-ce le Café de la Régence ? Mystère. Une plaque se trouve en bas de la table (est-ce la fameuse plaque en argent ?) elle reste illisible sur la photo.

Ensuite il reste un autre mystère : qu’est devenue cette table, véritable relique de ce lieu mythique !

vendredi 30 septembre 2011

Le gambit d'Aquitaine

Voici un article extrait de la revue « La Stratégie » de mars 1917.
L’article n’a que peu d’intérêt théorique, surtout à l’heure actuelle où il est possible avec un bon logiciel d’échecs de vérifier en quelques minutes si un sacrifice tient ou non la route.
(Image : La Stratégie - Source BNF)

Mais son intérêt est ailleurs. Au travers de cet article on voit bien l’importance qu’occupe encore le Café de la Régence dans les échecs français du début du 20ème siècle.
Il montre également l’étroite relation entre les différentes revues françaises d’échecs du 19ème et début 20ème siècle avec le fameux Café de la Régence.

Dernière précision: la notation dans « La Stratégie » est une notation descriptive française. Je l’ai transcrite en notation algébrique pour une lecture plus aisée.

Le Gambit d’Aquitaine dans la partie Lopez

1.é4 é5 2.Cf3 Cç6 3.Fb5 a6 4.Fxç6 dxç6 5.Cxé5 Dd4 (ou De7 ou Dg5) 6.0-0 Le coup constitutif, comme dit notre directeur Delaire. 6….Dxé5 7.d4

Voici la position que notre confrère anglais, le British Chess Magazine (mars 1917, p.71) soumet à l’appréciation de ses lecteurs, à la suite d’une lettre adressée par R.Gaudin, de Bordeaux, champion de l’Echiquier d’Aquitaine, l’inventeur de ce « gambit ». Mr. G. semble bien se douter que son gambit ne saurait résister à une analyse sérieuse, mais il sollicite néanmoins l’examen en vue de son emploi pratique.

Un coup d’œil sur la position révèle l’idée qui a présidé au sacrifice : la D noire est embarrassée, elle n’a directement pas de bonne case à sa disposition. En effet les deux cases sur le côté (Db5 – Da5) ne paraissent pas recommandables, tandis que, sur chacune des 4 autres cases – d6, e6, e7 et f6 elle gène manifestement le développement des pièces noires, tout en restant exposée à l’attaque des P blancs.
Après quelque réflexion, je me suis décidé en faveur de
7. … Df6
Et cela dans l’intention avouée de porter la D à une des deux cases – g6 ou h4, où elle parait être pratiquement inattaquable, tout en préparant une attaque sur le R noir.
Là-dessus je me retourne vers les blancs pour examiner leurs chances. Ils ont un beau centre, c’est incontestable. Mais aussi c’est tout, car le P en plus ne saurait compter comme compensation de la pièce sacrifiée. Leurs deux pièces mineures, F et C, n’ont pas de bien brillantes perspectives. Je me demande particulièrement où devra aller le C et je reste perplexe. Mais avant tout, par suite de l’échange fait au 4ème coup, ils n’ont plus de FR (Fou Roi) ; il leur manque le F d’attaque, sans lequel Philidor, Tarrasch et maints autres ont déclaré ne rien savoir inventer. Il faut donc que l’avantage constaté ou entrevu par le promoteur du gambit consiste dans la difficulté que devront éprouver les Noirs à se développer. Dans ce sens, le gambit est vraiment original. Il est, en effet, d’ordre stratégique, tandis que tous les autres gambits où l’on sacrifie une pièce au début (Muzio, Pierce, Allgaier, Rice, etc.) sont d’ordre tactique et visent directement la position du R noir.
Or pour gêner le développement des Noirs, notamment celui de leur FD (qui menace de dominer, à la longue, sur les cases blanches, conséquence logique de la disparition du FR des Blancs), le meilleur coup parait être
8.f4
Sur quoi les Noirs, réalisant le plan conçu, jouent de suite
8…. g6
Il importe de ne pas laisser venir le P blanc à f5, où il paralyserait pour longtemps le FD des Noirs. Exemple : 8….Dh4 9.f5 Cf6 10.Tf4 Dh5 11.De1 g5 12.Tf1 et le développement des Noirs est pénible. Le coup 8…g6 donne, en outre, une nouvelle issue au FR.
Maintenant le développement des Noirs est assuré. Si 9.é5, à ce moment ou plus tard, ils obtiendront la commande des diagonales blanches pour leur FD. Si par exemple
9.Cc3 Fg7 10.Fé3 Fé6 11.f5 (ou A) 11….gxf5 12.exf5 Fxf5 (12….Fd5 est complètement sûr) 13.g4 Dé7 14.Ff4 Fé6 suivi de Roq TD (grand Roque) et gagnent.
A 11.Ca4 000 12.Cc5 Ff8 13.Cd3 Fxc4 etc. Tout ceci à simple titre d’indication.

Désireux d’avoir l’opinion de quelques très forts joueurs, j’ai soumis au Café de la Régence, le Gambit d’Aquitaine à aéropage de Maîtres, composé de MM. Jean Taubenhaus, Aurbach, E.M.Antoniadi et H.Weinstein, ce dernier tout récemment revenu de Pétrograd. Leur avis unanime a été que, dans la position relativement favorable où se trouvaient les Noirs au 7ème coup, avec leurs deux F dégagés, leur grand Roq assuré, le sacrifice des Blancs n’avait pas obtenu de compensation suffisante. Après quelques analyses sur les lignes indiquées par moi, ces messieurs ont déclaré qu’en allant plus loin ils craindraient « d’enfoncer des portes ouvertes ».
J’en conclus donc que le Gambit de M.Gaudin ne peut être considéré que comme une ingénieuse fantaisie. Ça peut se jouer, contre un joueur faible, dans une partie légère, mais là tout peut se jouer, même des parties à avantage. Mais c’est intéressant, dites-vous ? Oui, je sais bien, les Échecs sont un jeu très intéressant.
J’affirme que je n’ai mis aucun parti-pris dans les lignes qui précédent, et je me sais couvert, dans mes conclusions, par l’unanimité des meilleurs joueurs de France. Peut-être M.Gaudin en tirera-t-il la conclusion qu’il est certaines innovations et inventions qu’il vaut mieux ne pas soumettre à l’examen de la presse échiquéenne. Encore moins faut-il s’étonner de ne pas trouver trace de pareilles fantaisies dans le « Handbuch ». Le célèbre manuel, quelque volumineux qu’il soit, comporte de nombreuses lacunes d’ordre plus sérieux. Ainsi j’ai constaté que la dernière édition ne mentionne pas la défense Rosenthal dans la partie Ecossaise (1.é4 é5 2.Cf3 Cç6 3.d4 éxd4 4.Cxd4 Cxd4 5.Dxd4 Df6)

Paris, 15 mars 1917   A.Geoffroy-Dausay