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dimanche 6 août 2023

Jeanne Le Bey-Taillis et le cercle Caïssa

Mise à jour le 11/08/2023 : Précisions au sujet de l'état civil de Mme Le Bey-Taillis, par Philippe Bodard (voir un peu plus bas dans l'article).
 
Le dernier numéro de la revue Philemat (numéro 120 juin 2023 - Bulletin de l'Amicale Philatélique Thèméchecs) contient un article très intéressant au sujet de Mme Jeanne Le Bey-Taillis et le cercle Caïssa.
Cet article a été écrit par Guy Gignac (Canada) et il m'a autorisé à le reproduire sur ce blog, ce dont je le remercie.

Vous avez le texte ci-après, que j'ai complété avec quelques précisions sur le cercle Caïssa (la date de création indiquée dans l'article est erronée), ainsi que des photos de Mme Le Bey-Taillis et deux parties inédites en lien avec le cercle Caïssa. J'ai également laissé telle quelle l'orthographe du nom Tartacover qui est acceptée au même titre que Tartakover.

Avec Jeanne Léon-Martin et Chantal Chaudé de Silans, Jeanne Le Bey-Taillis fait partie du groupe très fermé des femmes qui ont œuvré pour le développement des échecs féminins en France au XXe siècle.
 
Collection André Muffang - Avec l'aimable autorisation de Christophe Bouton.
Jeanne Le Bey-Taillis, photo non datée (les années 1950 ?) ni localisée.
 
Complément du 11/08/2023 - Merci à Philippe Bodard pour les précisions ci-dessous au sujet de l'état civil de Mme Le Bey-Taillis
 
- née Jeanne Marie Thérèse MARC le 28 juillet 1880 à Pagny-sur-Meuse (Meuse)
- mariée le 24 septembre 1900 à Lille (Nord) avec Prosper Adolphe Germain Joseph LE BEY TAILLIS, né le 22 juin 1871 à Picauville (Manche)
- décédée à Paris dans le 14ème arrondissement le 19 juin 1969

Il apparait qu'à son décès il n'y avait aucun parent de présent, car l'acte a été mal rédigé : il est indiqué MARQUE au lieu de MARC (au contraire des actes de naissance et mariage, et contraire au nom de son père). De plus il est indiqué 1879 (faux) sans précision et sans lieu comme année de naissance. Enfin le prénom du mari est indiqué inconnu (elle était veuve).
 
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Hommage à Mme Jeanne Le Bey-Taillis (par Guy Gignac)

En 1938, le directeur bien connu de différents palaces parisiens M. Léonard Tauber eut l'idée de réunir dans la capitale tous les amateurs d'échecs dans un endroit enchanteur. Bien que le concept lui revînt d'emblée (le mécène amassa une fortune colossale grâce à ses activités hôtelières) la mise en œuvre eut lieu l'année suivante au 5, avenue Gabriel dans le 8e arrondissement de Paris grâce à Mme Jeanne Le Bey-Taillis, sa fondatrice et dirigeante. Cette femme d'exception sut réunir en peu de temps les meilleurs joueurs français et étrangers.
 

 


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Le club Caïssa devint rapidement empreint d'histoire, grâce à la présence de forts joueurs tels le franco-américain Nicolas Rossolimo et la figure emblématique du jeu d'échecs en France, Xavier Tartacover (1).

Une revue rarissime

En 1943, Mme Le Bey-Taillis édita une revue mensuelle sans surprise sous l'appellation Caïssa. Différents sujets furent élaborés au bénéfice des lecteurs tel des études, des problèmes, un concours échelle et des rapports du Championnat de France. Malheureusement, la revue eut une vie éphémère. La publication prit fin brusquement après le cinquième bulletin l'année suivante. J'eus la chance d'acquérir tous ces numéros et bien d'autres items grâce à l'amabilité de mon ami Thierry Lafargue.
 

 


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Un club d'échecs mythique

Une atmosphère particulière émergea autant à l'intérieur des murs qu'à l'extérieur de cette brasserie du premier étage situé au 9 Boulevard Montmartre. Des lampes à gaz propagèrent une lumière bleutée, tandis qu'à l'intérieur, des débats animés aussi différents soient-ils s'ensuivirent avec les occupants de la place.

Ouvert tous les jours de 15 heures à 24 heures, les thèmes abordés changèrent en fonction des goûts de chacun : l'astrologie, la philosophie, la religion, la politique, les mathématiques et même l'occultisme.
Mme Jeanne Le Bey-Taillis, cette petite femme élégante aux cheveux blonds, attira tous les regards. Meneuse d'hommes chevronnée et appréciée par ses pairs, elle eut les bons mots pour réconforter les victimes et complimenter les bourreaux ! Elle organisa régulièrement des tournois, dont le fameux tournoi de Noël.

Habitué des lieux et ne dérogeant pas à ses habitudes, le maître Tartacover arrivait d'ordinaire à 14h05 précisément. Il commandait la plupart du temps un café crème et demandait son journal. Après un moment, il le repliait et regardait distraitement l'échiquier, poussait une pièce et reprenait sa lecture ! Féru de mondanités, ses collègues le surnommèrent sarcastiquement Tartacaviar.

La patronne n'est plus

Le 19 juin 1969, une page des échecs français prit fin avec la mort de Mme Jeanne Le Bey-Taillis. Atteinte d'hémiplégie (une forme particulière de paralysie d'un côté du corps, causée par une atteinte au cerveau), elle succomba deux mois plus tard à l'hôpital Cochin. Ses obsèques eurent lieu le 24 juin à Paris, en l'église St-Jacques du Haut-Pas. De nombreuses personnes vinrent lui rendre un ultime hommage. Elle fut inhumée au cimetière de Grosrouvre.
 

 


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Journal "La France de Bordeaux et du Sud-Ouest - 16 septembre 1941 - Retronews 
Jeanne Le Bey-Taillis participe à ce championnat de France.  Elle est à gauche sur la photo avec Mme Grace Alekhine en face d'elle. Debout à gauche il me semble reconnaitre César Boutteville.
 
 
Présidente d'honneur de la FFE, et de la ligue de l'Île de France, décorée des Palmes académiques, Mme Jeanne Le Bey-Taillis fut avant tout la Présidente fondatrice du Cercle Caïssa. Elle passa la majeure partie de sa vie au développement des échecs en France. Elle aurait eu apparemment 89 ans, mais elle prit un malin plaisir tout au long de sa vie à dissimuler soigneusement son âge. Comme le disait si bien un de ses confrères, à vrai dire, elle n'avait plus d'âge depuis longtemps.

Au cours des 30 ans de règne sous la gouvernance de Mme Jeanne Le Bey-Taillis, le célèbre club installa provisoirement ses échiquiers à différents coins de la capitale.

(1) Xavier Tartacover naquit le 22 février 1887 à Rostov-sur-le-Don, en Russie. Il fit des échecs son métier, mais sa véritable passion demeura la poésie. Il fut à son apogée dans les années 1920-1935. Comme la majorité des grands joueurs de l'époque, il connut le succès à l'âge mûr. Il fut naturalisé Français le 16 décembre 1945. Il décéda le 4 février 1956 à Paris, France.
 
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J'ai mené une petite enquête au sujet du cercle Caïssa et j'ai découvert que sa création remontait à 1931 par Léonard Tauber, mécène et un des présidents de la FFE. Le bulletin de la FFE de février 1931 indique la création du Cercle Caïssa au 116 avenue des Champs-Élysées.
 
Bulletin de la FFE - février 1931

Le cercle est en fait un cercle privé comme on peut le voir toujours dans le bulletin de la FFE de décembre 1938.
 
Bulletin de la FFE décembre 1938 - Caïssa est un cercle privé, 6 rue de Presbourg. A noter que le cercle Les Échecs du Palais-Royal se trouve au Véfour, là où nous retrouverons Caïssa en 1943.
 
On trouve la trace du cercle Caïssa tout au long des années 1930 dans différentes chroniques d'échecs dans les journaux de l'époque. Je reproduis à la fin de cet article deux parties inédites que j'ai trouvées dans des journaux et qui ne me semblent pas avoir été déjà reproduites par ailleurs. La première est une partie d'Alekhine lors d'une grande simultanée à Paris contre des équipes en consultation en début d'année 1932 (3 à 4 joueurs en consultation par équipe). La partie Alekhine - Cercle Caïssa n'est pas une grande partie d'Alekhine comme vous pourrez le voir. La deuxième partie a été publiée dans l'Action Française du 27 mars 1933 et oppose deux grands noms des échecs français de l'époque lors d'un tournoi à Caïssa : Marcel Duchamp et François Le Lionnais.

Journal Excelsior - 30 janvier 1938 - Retronews.

On retrouve des noms célèbres à Caïssa, avec par exemple Capablanca pour un tournoi qu'il y remporte en 1938. 

Mais en décembre 1939, Gaston Legrain, chroniqueur d'échecs pour l'Action Française, signale que Caïssa est fermé. La guerre est proche, les restrictions commencent à arriver et jouer aux échecs devient compliqué. C'est sans doute à cette période qu'arrive Mme Jeanne Le Bey-Taillis qui sera présidente du Cercle Caïssa pour de très nombreuses années. Je vois deux hypothèses : soit un nouveau cercle portant le même nom "Caïssa" est créé, soit le cercle qui vient d'être fermé reprend vigueur grâce aux efforts de cette femme. J'ai une préférence pour la deuxième explication.
 
L'Action Française - 4 décembre 1939 - Retronews

Voici ce qu'écrit Jeanne Le Bey-Taillis dans le premier numéro de l’éphémère revue Caïssa en décembre 1943. Rappelons que la célèbre revue La Stratégie a alors disparu en 1940.
 
Caissa

Le Club Caïssa, tant par le nombre de ses adhérents que par la qualité de ses premiers échiquiers, a pris rapidement une importance et une autorité qui lui imposent dès maintenant de consacrer le meilleur de sa tâche au développement des échecs en France. 
 
Parmi les initiatives envisagées dans ce but, l'une des premières devait être assurément celle d'une importante revue périodique d'instruction et de propagande échiquéennes. Malheureusement les circonstances actuelles retardent la réalisation complète de ce projet. et cela est d'autant plus regrettable que le noble jeu des échecs voit chaque jour s'accroître le nombre de ses fidèles précisément au moment où les excellentes publications françaises qui existaient avant 1940 ont dû suspendre leur édition. 
 
Cependant quelques bulletins de Cercle ont courageusement reparu, et celui de la F.F.E., indispensable organe de liaison entre tous les Cercles de France, a repris sa féconde activité. Mais sa tâche est surtout d'ordre pratique et administratif, et un périodique exclusivement technique reste ardemment désiré et attendu par tous. 
 
C'est pour préparer cet avenir qu'au mieux des possibilités actuelles, Caïssa est heureux d'avoir pu établir, malgré tant de difficultés, une « Communication » de présentation provisoire à laquelle collaboreront les maîtres et les meilleurs joueurs, et il espère de tout cœur que ce premier effort lui vaudra l'approbation et la sympathie de tous les amis des échecs. 
 
J. LE BEY TAILLIS.
 

 
 
 

 
 
 
 

Journal Paris-Midi - 14 septembre 1941 - Retronews

Mme Jeanne Le Bey-Taillis se tient debout


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voici les deux parties dont je parlais précédemment.
Selon les navigateurs internet, il faudra éventuellement cliquer sur la flêche bleue pour passer à la partie suivante.
[Event "Paris Hotel Claridge"] [Site "?"] [Date "1932.02.28"] [Round "?"] [White "Alekhine, Alexandre"] [Black "Association Caissa"] [Result "1/2-1/2"] [ECO "D06"] [Annotator "Jean Olivier Leconte"] [PlyCount "78"] {Cette partie a été publiée sans commentaire dans le journal Excelsior du 20 mars 1932.} 1. d4 d5 2. c4 Nf6 3. cxd5 Qxd5 4. Nc3 Qd8 5. Nf3 e6 6. e4 Nbd7 7. Bd3 g6 8. Bf4 a6 9. Rc1 c6 10. Qd2 h5 11. O-O Ng8 {Les Noirs ont très mal joué le début de partie. Alekhine devait s'attendre à une victoire rapide...} 12. d5 Ndf6 13. dxc6 bxc6 14. Qe2 Bh6 15. Bxh6 Nxh6 16. Rfd1 Qa5 17. Nd4 Bd7 18. Nb3 Qe5 {Après un début de partie calamiteux, les noirs créent leur première menace avec Cg4.} 19. Bxa6 (19. h3 {Et les Noirs ont toujours une très mauvaise position.}) 19... Nhg4 {Soudain les Noirs commencent à menacer le Roi d'Alekhine} 20. g3 h4 21. f4 Qh5 22. gxh4 Qxh4 23. Rc2 Nxh2 24. Qxh2 Rxa6 25. Qxh4 Rxh4 26. Nc5 Ra7 27. Rdc1 Ke7 { Pour une raison qui m'échappe, les Noirs ne prennent jamais le pion en f4.} 28. Rh2 Rg4+ 29. Rg2 Rh4 {Une invitation à la partie nulle} 30. a4 Ng4 31. Rg3 e5 32. f5 Bc8 33. b4 gxf5 34. exf5 Ba6 35. Rf3 Nf6 36. Re3 Rxb4 37. Rxe5+ Kd6 38. Nxa6 $4 (38. Ree1 {était le seul coup, avec par exemple} Kxc5 39. Nb5+) 38... Rxa6 $4 ({Le coup intermédiaire} 38... Rg4+ $1 {mettait Alekhine face à des difficultés insurmontables} 39. Kf2 Kxe5 {Les Noirs ont de bonnes chances de gagner la partie}) 39. Ree1 Rg4+ {Partie nulle. Une mauvaise partie d'Alekhine...} 1/2-1/2 [Event "Cercle Caissa"] [Site "?"] [Date "1932.??.??"] [Round "?"] [White "Duchamp, Marcel"] [Black "Le Lionnais, Francois"] [Result "0-1"] [ECO "A10"] [Annotator "Francois Le Lionnais"] [PlyCount "94"] {Partie publiée dans le journal "L'Action Française" du 27 mars 1933, chronique de Gaston Legrain. Les commentaires sont de François Le Lionnais.} 1. c4 c5 2. Nc3 Nc6 3. g3 g6 4. Bg2 Bg7 5. d3 d6 6. e4 f5 7. Nge2 Nf6 8. O-O O-O 9. Rb1 Bd7 10. Bg5 {Pour échanger le Fou par Dd2 et Fh6, mais cette avance va provoquer un emprisonnement du Fou puis la dislocation du roque.} Ng4 11. h3 Nge5 12. f4 {Il est nécessaire de chasser le Cavalier qui attaque le pion en d3.} Nf7 13. exf5 {Pare la menace h6 puis g5} Nxg5 14. fxg5 Bxf5 15. g4 Bd7 16. Ne4 Rb8 17. Qd2 Nd4 { Intensifiant l'action des deux fous noirs.} 18. Nf4 Bc6 19. Nd5 a5 ({Les Blancs ne craignent pas le doublement des pions après} 19... Bxd5 {car leur fou s'installerait ensuite en e4 pour établir une liaison solide des deux pions isolés.}) ({Si} 19... b5 20. b4) 20. Rxf8+ Qxf8 21. Rf1 (21. Qxa5 Bxd5 22. cxd5 Nf3+ {et mat rapide}) 21... Qd8 22. Kh1 Be5 23. Qe3 {Menace de gagner le pion en c5 et de dominer la colonne "f" par Df2} b5 {Les Noirs dédaignant ces deux menaces, cherchent le gain par la colonne "b"} 24. Nxc5 bxc4 25. dxc4 Rxb2 26. Ne4 Bxd5 27. cxd5 Rxa2 {Après avoir gagné un pion du côté Dame, les Noirs vont travailler sur la colonne "e".} 28. Nd2 a4 29. Nc4 Re2 30. Qd3 Bg7 31. h4 Qc8 {Pivot de la manoeuvre qui suit.} 32. Rf4 Re1+ 33. Kh2 Nb3 34. h5 Qc5 {Menace Dg1 suivi de Fe5 et gagne} 35. Bf1 gxh5 36. gxh5 Re5 37. Rf5 ( 37. h6 $2 Rxg5 38. hxg7 Qg1+ {et mat ensuite}) 37... Rxf5 38. Qxf5 Nd4 39. Qe4 a3 {Toute la tactique des Noirs consistent à se réserver le temps d'avancer douvement le pion "a" en faisant le nécessaire sur l'aile Roi.} 40. Bd3 Nf3+ { Les Blancs doivent accepter ce sacrifice qui n'a pour but que la déviation de la Dame.} 41. Qxf3 a2 42. g6 hxg6 43. Bxg6 Bf6 44. Qg2 a1=Q 45. Bh7+ Kxh7 46. Qg6+ Kh8 47. Qe8+ Kg7 0-1

dimanche 26 décembre 2021

Alekhine au Café de la Régence dans les années 1930

Voici un livre récent et très intéressant qui aborde de nombreux aspects de la vie d’Alekhine.
L’inconvénient majeur pour un lecteur francophone est que ce livre est en Russe…
J’y ai trouvé trois passages en lien avec le Café de la Régence, sur Alekhine dans les années 1930, que je souhaite vous faire partager.
 
Merci à Maria pour son aide !

Le Sphinx Russe (Русский сфинкс) – par Sergueï Voronkov – Moscou 2021
Éditeur : Fédération Russe des échecs
 
Le premier extrait date probablement de 1929 (voir les notes après le texte).
On y apprend qu’il existe une grosse communauté de joueurs d’échecs Russes aux « échecs du Palais-Royal » alors situé au Café de la Rotonde. Il s’agit bien évidemment de réfugiés de la Révolution de 1917…
Pour rappel, l’association « Les échecs du Palais-Royal » est créée après la fuite des joueurs d’échecs de la Régence en 1918. L’activité échiquéenne au Café de la Régence ne redeviendra significative qu’à la fin des années 1920.

Les impressions et les plans d’Alekhine – Chakhmati SSSR 1957 (Les échecs en URSS)
Mes rencontres avec Alekhine – par Lev Lubimov (les notes à la fin de l’extrait sont de Sergueï Voronkov auteur du livre « Le Sphinx Russe »).

Dans le jardin du Palais-Royal, en face d’une fontaine jaillissante, dans un pavillon blanc avec des plantes qui courent le long des murs se trouve le club d’échecs « Les échecs du Palais-Royal » l’un des plus anciens et le plus important à Paris.
Il s’agit d’un café comme tous les autres, mais presque tous les consommateurs sont des joueurs d’échecs et sur chaque table il y a un échiquier. Aucune femme ne s’y trouve, à part peut-être une caissière. On y reste des heures, on joue aux échecs, et chacun jette un regard étonné sur les étrangers qui entrent dans le café.
 
On reconnait des visages familiers des célèbres joueurs d’échecs : Tartakower, Schwartzman (1), et on entend partout parler Russe. Il y a aussi Znosko-Borovsky, Victor Kahn (2), Evseï Ratner (3)… En terrasse, entouré de beaucoup de monde, le roi des échecs, Alekhine. Il vient de rentrer de Wiesbaden, était en Amérique juste avant, et participera prochainement à un nouveau tournoi à Wiesbaden avec Bogolioubov (4).

(1)    Un joueur russe de 1ère catégorie qui arriva à Paris après la Révolution et joua avec succès dans les tournois locaux
(2)    Victor Kahn : natif de Moscou, il devint maitre en France et fut champion de Paris et de France, il participa 4 fois aux olympiades et auteur de manuels d’échecs, et avec Potemkine l’un des initiateurs de la création de la FIDE
(3)    Evseï Ratner : originaire d’Odessa, devenu maitre en France, champion de Paris et auteur de quelques livres, compositeur d’échecs et membre de la loge maçonnique Astrée fondée en 1922 à Paris et à laquelle Alekhine était membre – loge russe en France avec 344 membres.
(4)    L’auteur du texte, Lubimov, ne fait manifestement pas de différence entre simultanée, tournoi et match, il s’agit de la veille du match contre Bogolioubov, ce qui permet de dater le texte de 1929.


Au sujet de l'appartenance d'Alekhine à la franc-maçonnerie, voici 3 documents publiés pour la première fois dans le livre « Le Sphinx Russe ».
A l’exception de la carte de membre, ils proviennent des archives de la Franc-Maçonnerie (Grande Loge de France), volées par les nazis durant l’occupation, puis récupérées par les soviétiques à la fin de la guerre. Il semble que la Russie a restitué la plupart de ces archives à la fin des années 1990, mais Sergueï Voronkov a eu accès à des documents manifestement restés en Russie (et consultés précédemment par Youri Shabourov pour son livre sur Alekhine paru en 2001).
 
Le logo de la loge Astrée
 

La demande d'initiation d'Alekhine, qui se présente comme "Écrivain d’Échecs" !

La fiche d'Alekhine, à nouveau présenté comme "homme de lettres".
 
Le deuxième extrait dépeint une rencontre imprévue entre l’écrivain Russe Vladimir Sossinsky (1900 – 1987) et Alekhine. Il est possible de dater le texte d’un peu après 1930.

Texte paru dans Voprossi Literaturi – Questions littéraires – Moscou numéro 6 – 1991

A côté de la Comédie Française, à Paris, près de la place du Palais-Royal, se trouve un café où vont beaucoup de joueurs d’échecs. Un jour, sans penser aux échecs, mais songeant juste à prendre un café avec un croissant, de retour de la bibliothèque nationale, je suis allé dans ce café et j’y trouvais juste une seule place libre. Un chaise devant une petite table déjà occupée par un homme assis sur un divan le long d’un mur avec des  miroirs.  
Il jouait tout seul aux échecs.
-    Vous permettez Monsieur
Et lui me répond en Russe, sans hésitation, sentant mes origines :
-    Oui avec plaisir, prenez place.
Et après une petite pause, il ajoute :
-    Voulez-vous faire une partie ?
-    Avec plaisir, mais je vous préviens tout de suite, je  joue mal.
-    Mais c’est très bien, c’est tout à fait ce qu’il me faut, j’aime jouer avec les joueurs pas très fort.
-    Vous aimez donc gagner ?
-    Quel joueur d’échecs n’aime pas ça ?
Nous avons joué quelques parties et là je compris tout de suite que cet adversaire était trop fort pour moi. Il gagna facilement malgré tous mes efforts et toutes mes tentatives de comprendre ses idées. Et je fus très surpris quant à la fin de notre petit match de parties éclairs, il me complimenta :
-    Certains de vos coups étaient surprenants, vous m’avez mis quelques fois dans une situation délicate. Pardonnez mon indiscrétion, comment vous appelez-vous ?
J’ai dit mon nom
-    Êtes-vous l’auteur du livre sur Nestor Makhno ?
-    Oui c’est moi.
De nouveau je reçus une série de compliments, cette fois-ci un peu plus mérités, car à cette époque j’étais déjà un écrivain professionnel et rédacteur en chef du mensuel « Volia Rossii » (NDA : La volonté/liberté de la Russie - Воля России – mensuel des émigrés russes)
-    Et moi, à qui ai-je l’honneur ?
-    Vous ne m’avez pas reconnu ? Alekhine !


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Et là ce fut à mon tour de m’extasier et de trouver tous les compliments possibles pour exprimer ma surprise.
Je lui ai même demandé de me pardonner d’avoir osé jouer avec lui. Sur les photos il n’était pas du tout le même.
Je parlais alors un peu du livre « La défense Loujine » de Nabokov et demandais s’il était d’accord avec la vision de l’auteur sur le champion d’échecs (NDA : dommage mais nous ne connaissons pas la réponse d’Alekhine, et cet épisode permet de situer la rencontre après 1930, car « La Défense Loujine » fut édité en 1930).
En nous séparant, Alekhine me conseilla de venir plus souvent dans ce café. Il précisa que le dimanche suivant il aura une petite heure de libre et il viendra vers 4h. Il me promit de me donner quelques conseils aux échecs et m’expliquer mes défauts et les fautes que j’ai commises dans mes parties, mais ajoutant que j’avais quand même joué quelques coups intéressants, notamment dans notre dernière partie, ce qu’il me montra de suite sur l’échiquier.
Nous nous sommes séparés comme des personnes au début d’une amitié.
Hélas, ce fut ma première et ma dernière rencontre avec le champion du Monde. Seule et unique. Ce fut de ma faute.


Le dernier extrait est signé Znsoko-Borovsky.
Il s’agit d’une entrevue qu’il a eue avec Alekhine au Café de la Régence à son retour du match perdu contre Euwe pour le championnat du Monde en 1935. On y apprend surtout qu’Alekhine est le roi des lieux, avec des photos dédicacées qui ornent les murs du célèbre Café.
 
Eugène Zsnosko-Borovsky

Article paru dans « Sebodnia » (« Aujourd’hui ») à Riga le 28 janvier 1936
Rencontre avec Alekhine après sa défaite.
Par Evgueny (Eugène) Zsnosko-Borovsky

Café parisien Régence. Table derrière laquelle joua Napoléon. Sur les murs, des photos, sur une desquelles on reconnait Tourgueniev et de nombreuses images d’Alekhine dédicacées par lui-même avec une écriture large et généreuse. Des consommateurs amorphes devant leur consommation. Les joueurs de bridges bruyant assis autour d’une table ronde.
Mais ce qui domine ce café c’est le monde mystérieux des joueurs d’échecs avec leur propre univers, leurs propres plaisanteries et médisances. Tout est comme d’habitude, comme si rien n’avait changé comme c’était il y a 8 ans, quand le glorieux Alekhine était de retour de Buenos Aires avec une couronne toute neuve et une énergie débordante, et comme c’était encore plus tôt quand il était un jeune homme et pour la première fois après la guerre il apparaissait ici en cherchant la gloire et en poursuivant sa bonne étoile.
(…)
Mais aujourd’hui, il a un tout autre regard et on le regarde bien différemment. (NDLR, puis Zsnosko-Borovsky continue par l’entrevue avec Alekhine au sujet de sa défaite face à Euwe).

mardi 27 avril 2021

Promenade dans le quartier du Palais-Royal, présent et passé

La place du Palais-Royal vers 1890


J'ai déjà eu l'occasion de parler des différents changements de localisation des joueurs d'échecs au Palais-Royal. Voici un article récapitulatif et illustré par de courtes vidéos (15 secondes environ chacune) et des documents visuels de différentes époques.


Le quartier du Palais-Royal est situé "au-dessus" du musée du Louvre sur cette carte.


Sur cette photo satellite, j'ai entouré de rouge la place du Palais-Royal ainsi que le jardin.
On aperçoit également la Seine, l'ile de la Cité, ainsi que le jardin des Tuileries et le Louvre.


Ci-dessus le détail des positions des différents "chapitres" de cet article.

Chapitre 1
Commençons par la Place du Palais-Royal, également appelé place du Tribunat au début du XIXe siècle.


Le Café de la Régence est créé à la fin du XVIIe siècle sur cette place qui a une toute autre physionomie. Elle est plus petite et étroite, et on y accède par de nombreuses rues qui n'existent plus.
Dans le film il est possible de situer l'ancien café de la Régence là où se trouve le kiosque à journaux sur la droite (au début du film).
Le bâtiment gris de chantier, actuellement sur la place, correspond à l'emplacement du Château-d'eau détruit lors de la Révolution de février 1848.

La Prise du Château-d'eau en 1848.

Notez que l'on voit sur la gravure à droite : 243 - Café de la Régence
C'est l'adresse de l'ancien café, 243 rue Saint-Honoré.
Notez aussi le grand bâtiment derrière le Château-d'eau. Situé rue Saint-Thomas du Louvre (rue qui n'existe plus), c'est au rez-de-chaussée de celui-ci que Saint-Amant a sa boutique de vente de vin de Bordeaux.


Texier 1852 - Tableau de Paris.

Gravure de l'ancien Café de la Régence. 
Il y reste jusqu'en 1853, date de son expropriation et des travaux de percement de la rue de Rivoli qui marquent le début des grands travaux parisiens de Napoléon III.

Chapitre 2

Toujours la Place du Palais-Royal, mais vue en se retournant.


Nous voyons sur ce film le Conseil Constitutionnel.
Sur la droite de la place se trouvait l'Opéra de Paris qui brûla en 1781.

Gravure de Fichot vers 1880 - L'ancien Opéra de Paris Place du Palais-Royal.

Tableau de Vernet, intitulé : 31 juillet 1830 - Louis-Philippe quitte le Palais-Royal.
La place du Palais-Royal est un lieu central de l'histoire de France au XIXe siècle.

Chapitre 3

La Civette, la plus ancienne boutique de vente de tabac en France.
Son emplacement actuel ne correspond pas à son emplacement d'origine, mais cette boutique a toujours été à proximité de la place du Palais-Royal.
Pour ma part je pense que Lasker y a forcément acheté des cigares en allant à la Régence.


Chapitre 4

Voici, au fond, la Comédie Française (anciennement appelé "Théâtre-Français")



Vous remarquez la bouche de métro colorée que voici :


Il s'agit du Kiosque des noctambules.
C'est approximativement à cet endroit que se trouve à la fin du XVIIIe siècle le café Morillon.
Dans ce café, Deschapelles indique avoir appris à jouer aux échecs en 1798 et atteint son niveau de meilleur joueur du monde en 3 ou 4 jours...

Chapitre 5

L'emplacement du Café de l'Univers et l'avenue de l'Opéra.


Le Café de l'Univers est juste à côté du "nouveau" café de la Régence (sur la droite de l'image).
Le "nouveau" Café de la Régence s'installe en 1855 au 161 rue Saint-Honoré.
A noter qu'il est inauguré le 15 août 1855, au moment de l'exposition universelle, ce qui correspond à la fête nationale Française sous le second Empire, c'est à dire la "Saint-Napoléon" jour de naissance de Napoléon 1er.



L'Union Amicale des Amateurs d'échecs de la Régence est créée fin 1902 au Café de la Régence.
Cette association, issue de la loi de 1901, entre en conflit avec Lucien Lévy, propriétaire du café, en 1918.

L'U.A.A.R quitte alors la Régence pour se réfugier au 1er étage du café de l'Univers jusqu'en 1920.
Une nouvelle association, les Échecs du Palais-Royal, est créée.
Après 1920, l'association des Échecs du Palais-Royal trouvera refuge au café de la Rotonde dans le jardin du Palais-Royal (voir plus loin).
Quant à la Régence, il faudra attendre les années 1930 pour y voir à nouveau une activité échiquéenne d'intérêt.

Chapitre 6

La Comédie Française, et sur la gauche des images, l'emplacement de la statue d'Alfred de Musset.



La statue d'Alfred de Musset, inaugurée en 1906, à quelques dizaines de mètres du Café de la Régence qu'il fréquenta en tant qu'amateur éclairé du jeu d'échecs


La statue sera retirée de la place en 1964.
Désormais elle est visible au parc Monceau à Paris.

Chapitre 7

Dans le film, l'avenue de l'Opéra, avec l'Opéra Garnier dans le fond, puis la Régence, le Café de l'Univers et le Louvre.


1922 All about cafe WH Ukers 1922 New York
Le Café de la Régence en 1922.



L'avenue de l'Opéra, depuis l'hôtel du Louvre, vers 1900 et de nos jours.

Chapitre 8

Le Café de la Régence est maintenant remplacé par l'office du tourisme du Maroc.



Une gravure célèbre parue dans le Monde Illustré en 1874.
Il s'agit de l'intérieur du Café de la Régence.


Couverture de la revue "La Stratégie" en 1886.
Le Café de la Régence est alors uniquement au 161 de la rue Saint-Honoré.


Au 163 de la rue Saint-Honoré se trouve le Café du Sport (photo de la fin du XIXe siècle).
Sur cette photo il est possible de lire/deviner le nom "Régence" sur la gauche.
En 1903, le Café de la Régence change de propriétaire, et Lucien Lévy achète également le Café du Sport pour agrandir la Régence.
 

Et nous avons alors un Café de la Régence qui occupe le 161 et le 163 de la rue Saint-Honoré.
Il s'agit alors plutôt d'un grand restaurant très fréquenté par les artistes du Théâtre-Français.
Les joueurs d'échecs ont-ils encore toute leur place dans un tel lieu ?
La fracture n'est elle pas inéluctable ?


Pour résumer :
1- Le 161 de la rue Saint-Honoré (rez-de-chaussée et 1er étage), là où le Café de la Régence s'installe en 1855.
2- Le 163 de la rue Saint-Honoré, anciennement le Café du Sport. Cet établissement est absorbé par la Régence en 1903
3- Le 1er étage du 163 est également intégré au Café de la Régence en 1903. 

Chapitre 9



Par opportunisme, une brasserie "Le Café de la Régence" ouvre en 2017 au 167 rue Saint-Honoré.
Ce lieu n'a strictement rien à voir avec le Café de la Régence "historique".
Je serai curieux de savoir si des joueurs d'échecs y seraient tolérés...

Chapitre 10


L'Hôtel Dodun situé au 21 rue de Richelieu, toujours dans le quartier du Palais-Royal.
C'est là que s'installe le Café de la Régence en 1854 en attendant la fin des travaux dans le quartier.
A noter qu'en 1903 lors des travaux d'agrandissement, les joueurs d'échecs trouveront leur place pour quelques mois dans un café de l'avenue de l'Opéra.

Chapitre 11


En route vers le jardin du Palais-Royal.
Nous marchons dans un passage privé pour aller de la rue de Richelieu vers la rue du Beaujolais, puis un autre passage nous permet d'entrer dans le jardin.

Chapitre 12

Nous voici dans les arcades du Palais-Royal.




C'est devant le Café de Foy que Camilles Desmoulins harangue la foule le 12 juillet 1789.
C'est également au Café de Foy qu'est créé le premier club d'échecs en France.


La prostitution au Palais-Royal en 1815

Les arcades du Palais-Royal n'ont pas toujours été un lieu de promenade innocent avec des boutiques de luxe. Il faut attendre 1836 pour que ce lieu perde ses prostitués et ses maisons de jeu.

Mais pour autant le quartier n'est pas très sûr, comme l'indique par exemple cette nouvelle brève parue dans le journal La Presse du 31 janvier 1845 :


Chapitre 13

Marchons vers le nord du jardin du Palais-Royal, plus exactement vers un jardin d'enfants, comme le montre ce film.





Source Gallica
C'est à cet endroit que ce trouve jusqu'en 1931 le Café de la Rotonde.
C'est là que l'association des Échecs du Palais-Royal va s'installer de 1920 à 1931, date de la démolition du Café de la Rotonde.
Et bien évidemment, quand il fait beau les échiquiers sont dehors.
Aujourd’hui il n'y a plus de joueurs d'échecs au Palais-Royal, vous en trouverez au jardin du Luxembourg.

Journal Excelsior du 23 février 1925. Source Gallica
La grille finale du tournoi international remporté par Alekhine.

Alexandre Alekhine face à Edgard Colle (Belgique) - Source photo Gallica
On reconnait Tartakower à la gauche d'Alekhine, ainsi qu'Alphonse Goetz debout à la gauche de Tartakower.

C'est donc au Café de la Rotonde que se joue le premier tournoi international d'échecs depuis 1900 en France.
Ce tournoi réunit Alekhine, Colle, Opocensky, Tartakower et Znosko-Borowsky (voir ci-dessus la grille finale du tournoi).
Alekhine n'est pas encore champion du monde et il est en France depuis 3 ans environ.

Chapitre 14


A la recherche d'un nouveau local, les joueurs d'échecs s'installent à l'été 1931 dans le Véfour, qui est alors un café.



C'est désormais un restaurant réputé de Paris, au décor classé.


C'est à cet endroit que ce tiennent des rencontres intercercles en mars 1943 dont j'ai parlé ici.
Le Véfour est vendu en 1944, et le nouveau propriétaire n'est pas complaisant avec les joueurs d'échecs. Cette vente marque la fin du jeu d'échecs au Palais-Royal.
L'association des Échecs du Palais-Royal déménage encore pour aller 5 rue de la Banque à quelques centaines de mètres.

Chapitre 15


En sortant du Palais-Royal par la galerie du Beaujolais (là où se trouve le Véfour) nous arrivons dans la rue du Beaujolais.
Au numéro 11 de cette rue est créé en 1879 le Cercle des Échecs de Paris, où se déroulera en 1880 le premier Tournoi National remporté par Samuel Rosenthal.

Chapitre 16

Enfin terminons cet article par une petite anecdote, avec le canon du Palais-Royal.

Source Gallica - Le Figaro du 1er avril 1833


Ce petit canon permettait à tout le quartier du Palais-Royal, y compris aux joueurs d'échecs, de connaitre l'heure de midi.


Je ne suis pas sûr que sa version actuelle soit fonctionnelle.
Et malheureusement il a été volé à plusieurs reprises.