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samedi 2 décembre 2023

A la recherche de la tombe de Pierre Vincent fondateur de la FIDE en 1924

L'année prochaine, en 2024, la FIDE, Fédération Internationale Des Échecs, célébrera le centenaire de sa création, en 1924 à Paris à l'initiative du Français Pierre Vincent.
 
Revue L’Échiquier - Janvier 1926, avec le texte suivant sous la photo :
Pierre Vincent secrétaire général de la Fédération Française des Échecs
 
A cette occasion, plusieurs évènements auront lieu en 2024 et sont en cours d'organisation.
Parmi ces évènements, la FIDE, en la personne de Willy Iclicki qui dirige notamment le comité historique de la FIDE, envisage d'honorer Pierre Vincent.
 
Photo publiée par la FIDE (non sourcée - merci de me communiquer l'origine de cette photo si vous la connaissez). Photo intitulée : Le 1er Congrès de la Fédération Internationale des Échecs (Paris juillet 1924)

Voici donc le récit d'une enquête collective et d'un mystère résolu en quelques jours !
Un remerciement tout particulier à Philippe Bodard pour son aide très précieuse.

Tout commence dimanche dernier, 26 novembre 2023, avec une question de Willy Iclicki sur la date de décès et le lieu d'inhumation de Pierre Vincent transmise par Christophe Bouton. Dominique Thimognier (Héritage des Échecs Français) a consacré une page web pour une courte biographie de Pierre Vincent.
C'est ici : http://heritageechecsfra.free.fr/vincent.htm
 
Gallica - Très belle photo trouvée sur le site numérisé de la BNF.
Agence Rol, 1929, Paris 10 février 1929 Salle Zimmer, Place du Châtelet, Coupe de Paris d'échecs
De gauche à droite Marcel Duchamp, Pierre Vincent, L. Monvoisin, Mourier.
Monvoisin était le chroniqueur d'échecs pour le journal La Liberté. J'ignore qui est Mourier.

Malheureusement, Dominique Thimognier indique

Vincent est mort en 1956, la revue de l'époque était L’Échiquier de France qui n'a publié aucune nécrologie.
Vincent était retiré des échecs depuis longtemps, après une dispute avec la FFE, quand on a attribué à Alekhine le poste de délégué à la FIDE.
Il y a eu une nécrologie dans la Revue de la FIDE, rédigée par Marcel Berman, mais sans lieu de décès.
Le Chess Personalia de Jeremy Gaige, qui fait référence, indique 02/04/1956 sans lieu de décès.
Le nom est très courant, je n'ai pas pu trouver en cherchant un peu "tout azimut"
 
Journal Excelsior - 13 juillet 1924
A l'occasion des jeux olympiques, un tournoi des nations est organisé (olympiades non reconnues) ainsi que la création de la FIDE.
 


Je me décide alors à contacter Philippe Bodard (spécialiste de l'histoire du bridge, passionné par Deschapelles et généalogiste) qui m'a déjà beaucoup aidé lors de recherches généalogiques particulièrement efficaces.
En deux coups de cuillère à pot (!) Philippe m'annonça avoir trouvé la réponse que je résume ci-dessous :

Pierre Vincent est décédé à Nice le 2 avril 1956, d'après la surcharge de son acte de naissance (ci-dessous en bas à gauche de l'acte). On y apprend également qu'il se nomme Pierre Auguste César Vincent (ce qui correspond très probablement aux mêmes prénoms que son grand-père, voir plus bas).

Il a été marié à 3 reprises.
La première fois à Paris XIème le 5 août 1915 avec Candel (Candelaria) Angela Ortega (de nationalité Espagnole, artiste musicienne d'après l'acte de mariage) qui décédera à 40 ans le 7 janvier 1919 (peut-être de la grippe Espagnole).

D'après les sources trouvées par Philippe Bodard, on apprend que sa première épouse est enterrée au cimetière de Montmartre à Paris (avec la précision allée de Montmorency 21-6-2).
 

 


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Acte de naissance de Pierre Auguste César Vincent.
 
Je me lance alors dans une recherche sur Nice. Notamment grâce à la mairie de Nice qui propose un site internet pour localiser les tombes de défunts.
Malheureusement Pierre Vincent y est introuvable. Philippe Bodard émit alors l'hypothèse qu'il se trouvait avec sa première épouse à Paris, belle intuition comme nous allons voir !
J'ai donc écrit à la mairie de Nice qui m'a répondu avec une célérité incroyable dès le lendemain.
En effet, je me souviens avoir déjà attendu plusieurs semaines pour avoir une réponse d'une mairie lors d'une recherche généalogique...
Bref, la mairie de Nice m'annonça que le corps de Pierre Vincent avait été rapatrié à Paris suite à son décès...

Avec ces éléments, c'est alors que Dominique Thimognier trouva la réponse aux archives numérisées de la ville de Paris !
Pierre Vincent a été inhumé le 9 avril 1956 (7 jours après son décès) au cimetière de Montmartre à Paris, allée de Montmorency 21-6-2. C'est-à-dire, attention touchante, au même endroit que sa première femme, décédée prématurément, 37 ans auparavant.
 
Archives numérisées de la ville de Paris
 
Je me suis rendu au cimetière de Montmartre de bon matin vendredi dernier 1er décembre 2023.
Direction l'administration du cimetière afin d'éviter une recherche pénible au milieu de tombes souvent illisibles.
Concession à perpétuité 316-1859, allée de Montmorency, division 21, 6ème rangée, 2ème tombe. Elle porte le numéro 890 d'après leur cadastre, et c'est un caveau familial.
 


Bref, la tombe contient une dizaine de corps (d'après le document de concession que j'ai pu consulter), les deux derniers étant ceux de sa première épouse en 1919 et lui-même en 1956.
Le caveau familial a été créé en 1859 pour un premier défunt qui je pense est le grand-père de Pierre Vincent, lui-même prénommé Pierre Auguste César Vincent, comme on peut le voir sur la photo.
La tombe est en relativement bon état, sauf une épaisse couche de mousse sur la pierre tombale qui empêche de voir une partie des noms gravés et probablement plus ou moins effacés.

La prochaine étape consiste à trouver d'éventuels ayants-droits, et voir s'il est possible de rénover la tombe, en vue d'une éventuelle cérémonie d'hommage au fondateur de la FIDE en juillet 2024.
 
Retronews, Journal Combat - 9 juillet 1949 à l'occasion du 25ème anniversaire de la FIDE.
Il est écrit à la fin de l'article :
M. Pierre Vincent, ancien secrétaire général de la FFE, à qui l'on doit la fondation de la FIDE en 1924, a été invité et le Congrès lui rendra un hommage tout particulier.

vendredi 8 novembre 2019

Dernières traces du Café de la Régence ?

Mise à jour du 12 avril 1954 - Voir cet article au sujet de la fin du Café de la Régence
Selon moi, l'article paru dans la revue Caïssa en 1957 montre que l'information n'est pas à jour, car la Régence n'existe plus depuis environ une année.

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Etienne Cornil m’a fait parvenir un document qui date de début 1957 et qui représente à ce jour la trace la plus récente du Café de la Régence.
Je le remercie tout particulièrement pour cette découverte que j'ai le plaisir de partager sur ce blog.

Attention, quand j’indique « trace du Café de la Régence », il s’agit du lieu historique depuis 1855, et non l’ersatz ouvert en 2016 à quelques dizaines de mètres, qui se sert allègrement des images de ce blog et qui n’a rien à voir avec le jeu d’échecs.

Voici donc le document d’Etienne, que j’ai retranscrit partiellement, suivi de quelques commentaires

« CAISSA
Revue mensuelle de la Fédération Belge des Échecs
15 janvier 1957 – 5



Paris la nuit
(traduit de l’anglais d’après un article de Art. Buchwald).

Nous sommes toujours heureux de trouver un restaurant ou un café qui a un passé historique. Cela ne rend pas la nourriture ou les boissons meilleures, mais nous donne l’occasion d’écrire au sujet de quelque chose.
Un des plus vieux cafés de Paris est le Café de la Régence, place du Théâtre Français, juste en face de la rue de la Comédie Française, salle Richelieu.
(…)
L’année passée, Monsieur et Madame Bataille (elle est la sœur de Claude Terrail) achetèrent le Café et essayèrent de faire revivre son grand passé. À l’entrée se trouve la table sur laquelle Napoléon joua. À l’intérieur se trouve un restaurant de premier ordre et un endroit retiré pour les célébrités actuelles du théâtre et des lettres.
Dans le fond, les même joueurs d’échecs qui n’ont pas bougé depuis les jours de Robespierre, peuvent être vus assis et rouspétant au sujet du bruit.
On peut y aller soit pour le déjeuner, le dîner ou le souper, quoique nous préférons ce dernier. Il n’y a rien de plus agréable qu’un restaurant tranquille et historique, surtout si vous désirez un peu jouer aux échecs. »

Je n’ai pas retranscrit la partie du texte qui contient les poncifs, broderies et légendes que l’on trouve partout au sujet du Café de la Régence, cela n’a pas d’intérêt.
Par contre la partie finale attire mon attention pour plusieurs raisons :
* La date de ce texte
* Les joueurs d’échecs
* le nom des nouveaux propriétaires

Pour la date, mes recherches pour mon livre montrent que le Café de la Régence change de nom en 1955 pour devenir « Hostellerie Guillaume de Conquérant ».


Bottin du commerce de 1954 au 161 rue Saint-Honoré (Archives de Paris)


Bottin du commerce de 1955 au 161 rue Saint-Honoré (Archives de Paris)

Mais Il y a quelque chose qui ne colle pas.
Le texte ci-dessus est publié en janvier 1957, à partir d’une traduction (probablement d’un texte de 1956), et parle donc d’un changement de propriétaire l’année d’avant en 1955.
Tout ça est ok, mais il ne s’agit plus du Café de la Régence, car le Bottin du commerce indique un changement de nom.

Quant à l’activité du jeu d’échecs, elle y existe peut-être mais elle est anecdotique.
Voici un extrait du tome 2 de mon livre.

J’ai passé pas mal de temps à feuilleter la collection complète de la revue L’Échiquier de Paris (1) puis de la revue L’Échiquier de France qui lui succède sans trouver la moindre allusion au Café de la Régence de 1946 à 1958. 
En 1946 la liste des Cercles d’échecs de la région parisienne que publie L’Échiquier de Paris montre qu’ils sont quasiment tous installés dans des Cafés. 
C’est une tradition française qui est alors encore fortement ancrée à cette époque. 
Si vous souhaitez jouer aux échecs en France depuis le début du XVIIIe siècle alors vous devrez obligatoirement ou presque mettre les pieds dans un Café. Vous noterez que curieusement le grand Cercle Caïssa se trouve alors dans le quartier du Palais-Royal si cher au jeu d’échecs français.  

« (…) Cercle Caïssa – Provisoirement installé au Café « Le Dauphin », Place du Théâtre Français (Métro Palais-Royal) et sous l’impulsion énergique et l’intelligente directrice direction de son active Présidente, Mme Le Bey Taillis, le Cercle « Caïssa » poursuit son activité avec le même brio que par le passé. (…)

Échecs du Palais-Royal (2)
La Coupe d’Or 330, rue Saint-Honoré (VIIIème) (…) (3) »

(1) L’Échiquier de Paris – Bulletin des Cercles de l’Ile de France – La collection complète va de 1946 à 1955. En 1956 cette revue fait place à l’Échiquier de France qui portera la mention ex-échiquier de Paris. En 1959 l’Échiquier de France fusionnera avec l’Échiquier de Turenne pour donner naissance à la revue toujours existante en 2015, Europe Échecs.
(2)  Comme déjà vu, il s’agit de l’association qui succède à l’Union Amicale des Amateurs d’échecs de la Régence en 1918. Cette association semble disparaître après l’été 1953. En effet je n’en ai plus trouvé de trace après le numéro de juin 1953 de l’Échiquier de Paris
(3)  L’Échiquier de Paris – Avril 1946

Voir également un petit article que j’avais rédigé sur la visite à Paris au début des années 1950 des deux joueurs soviétiques Flohr et Kotov.


L'acteur Jean Marais et la table de Bonaparte, dans les années 1950.
Café de la Régence ?

Le dernier point du texte communiqué par Etienne Cornil ouvre un espoir de retrouver la table de Bonaparte.
Il est indiqué que la femme du nouveau propriétaire est Mme Bataille, sœur de Claude Terrail.
Claude Terrail était le propriétaire du fameux restaurant « La Tour d’Argent » à Paris jusqu’en 2006, année de son décès. C’est son fils, André Terrail, qui lui a succédé.
J’ai écrit à la « Tour d’Argent » et à M. André Terrail, un peu comme une bouteille à la mer, en espérant avoir une piste au sujet de cette fameuse table de Bonaparte. A suivre…