Affichage des articles dont le libellé est 1834. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est 1834. Afficher tous les articles

mardi 15 novembre 2022

Vente d'une lettre de Baudelaire

Alain Barnier m'a informé qu'une lettre manuscrite de Baudelaire avait été vendue aux enchères le jeudi 10 novembre 2022 à l'Hôtel Drouot. Cette lettre mentionne l'automate joueur d'échecs, ou plus exactement la nouvelle écrite par Edgar Poe à ce sujet, et elle a été adjugée à 3900 euros hors frais !
 
Le très connu portrait de Charles Baudelaire par Étienne Carjat.
 
En effet, Charles Baudelaire a traduit, entre autres, la fameuse nouvelle "Le joueur d'échecs de Maelzel" d'Edgar Poe.
 
Edgar Allan Poe, probablement pris en juin 1849, à Lowell, Massachusetts, photographe inconnu (Wikipedia).
 
Le joueur d'échecs de Maelzel est écrit en 1836 par Edgar Poe, la lettre manuscrite date du début de l'année 1862, et le recueil de nouvelles d'Edgar Poe avec la traduction de Charles Baudelaire, Histoires grotesques et sérieuses qui contient la nouvelle sur l'automate, est publié en 1864.
 

 

Le texte que m'a communiqué Alain Barnier est le suivant :

BAUDELAIRE Charles (1821-1867)

L.A.S. « Charles », Lundi soir [10 février 1862], à sa mère Madame Caroline AUPICK ; 3 pages in-8.
Baudelaire annonce à sa mère le retrait de sa candidature à l’Académie française
 
« Chère maman, AUSSITÔT que tu recevras cette lettre, monte dans mon cabinet, cherche les œuvres d’Edgar POE (le dos est vert olive), prends le quatrième volume, informe toi du moyen le plus rapide (Poste ou chemin de fer ? je crois que c’est la Poste ; mais la Poste n’admet pas les paquets fermés), et envoie le moi tout de suite. Cet exemplaire de Poe me coûte un prix fou, c’est te dire qu’il faut que ce quatrième volume soit enveloppé de telle façon que le trajet ne puisse l’abîmer en aucune façon ». Il en a besoin d’urgence « pour gagner immédiatement 200 francs. […] C’est pour un article intitulé l’Automate joueur d’échecs ».
 
Puis il parle de l’Académie française : « Il y a eu Jeudi dernier une tentative d’élection à l’académie. 13 tours de scrutin, et aucun résultat. Je viens de retirer ma candidature pour le fauteuil du Père Lacordaire, je t’assure que j’agis sagement. Je sais maintenant que je serai nommé, mais quand ? – Je ne le sais pas. Je t’embrasse et je te regarde comme mon seul salut et mon seul amour »... Il recommande de bien protéger « surtout les coins et aux angles du volume »... Correspondance (Bibl. de la Pléiade), t. II, p. 230. Ph. de Flers, Th. Bodin, L’Académie française au fil des lettres, p. 224-227.
 
Source Gallica - Édition de 1871
 
Il faut noter que la révélation publique du secret de l'automate Turc joueur d'échecs de Kempelen/Maelzel se fait très probablement pour la première fois en 1834 dans la revue "Le Magasin Pittoresque" en page 155.

 
La fin de l'article fait écho avec mon article sur l'Hôtel de l’Échiquier d'Aaron Alexandre.
 

(...) Du reste, plus d'un amateur du café de la Régence, et surtout du club des Échecs tenu par M. Alexandre, joueur très distingué, a dû être initié à ce secret : l'un d’eux même, si nous sommes bien informé, a dirigé quelques temps l'automate, et c'est à eux de juger de la justesse et de la vérité de notre explication. 

Le joueur en question est Jacques François Mouret, et je vous invite à lire l'article que lui consacre Dominique Thimognier sur son site Héritage des Échecs Français.

lundi 7 novembre 2022

L'Hôtel de l’Échiquier

Dans le livre du centenaire de la FFE, en page 131, je donne une liste des premiers clubs d'échecs en France. Parmi ceux-ci se trouve l'Hôtel de l’Échiquier fondé par Aaron Alexandre en 1833 et qui existera approximativement jusqu'à la fin de l'année 1835 date à laquelle le club d'échecs se déplace au Passage des Panoramas. C'est là que La Bourdonnais et Méry fondent la première revue d'échecs au monde, Le Palamède, en 1836.
 
L'idée d'un cercle dédié au jeu d'échecs provient probablement d'Angleterre et ses clubs privés. Jouer aux échecs dans un lieu bruyant comme le Café de la Régence, cela ne sied pas à tout le monde, d'où les différentes tentatives de créer un cercle d'échecs. Mais rien à faire, et après plusieurs échecs, tous les joueurs reviendront à la bonne vieille Régence en 1839 !
 
Portrait d'Aaron Alexandre - Le Palamède, 15 janvier 1844
 

L'auteur du portrait est le neveu d'Aaron Alexandre, Alexandre Laemlein qui sera l'auteur de la lithographie inspirée du tableau de Marlet lors du match entre Saint-Amant et Staunton.

C'est à l'Hôtel de l’Échiquier que sont démarrées les deux parties contre le club de Londres en début d'année 1834.  Voir l'article de ce blog dédiée à ces deux parties.
Vous avez ci-dessous quelques-uns des articles de journaux que j'ai trouvés et qui mentionnent la courte existence d'un des premiers clubs d'échecs en France. 

Le fondateur du lieu est Aaron Alexandre pour lequel il y a pas mal de choses à dire et sur lequel je reviendrai ultérieurement. 

6 juillet 1833 – Journal Vert-Vert - Retronews

Un club d’amateurs d’échecs vient de se former rue Neuve de la Bourse, hôtel de l’Échiquier. Une commission choisie parmi les souscripteurs est chargée des admissions. Les plus forts joueurs de l’époque s’y donneront rendez-vous. Le prix de l’abonnement est de 50 francs par an et de 30 francs pour six mois.
 
12 janvier 1834 – Journal des débats politiques et littéraires

Le sieur ALEXANDRE, propriétaire de l'hôtel et du café de l’Échiquier, rue de la Bourse, n° 7, vient d'ouvrir un salon consacré au jeu d'échecs où se réunissent les plus forts joueurs de la capitale. On y est reçu par voie d'abonnement. Une partie doit déjà s'engager entre le club de Londres et celui de Paris. Ce défi, qui doit acquérir de la célébrité par la force des champions de part et d'autre, et par l'intérêt national qui s'y rattache, ne peut manquer d'intéresser vivement les amateurs de ce beau jeu.


 
12 mars 1834 – Le Sémaphore de Marseille - Retronews
Il m'a semblé intéressant de voir qu'une réclame avait été publiée à Marseille au sujet de cet hôtel dans lequel se trouve un cercle d’Échecs.

M. ALEXANDRE vient d'ouvrir rue de la Bourse, à Paris , un nouvel établissement sous le nom de Hôtel de l’Échiquier. On y trouve des Appartements,  des Chambres et des Cabinets fraichement décorés et meublés. Il a joint à ce même établissement un excellent Café, Billard et un Salon d'échecs où se réunissent les plus forts joueurs de la capitale qui viennent de défier le club de Londres.
 

 


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
20 avril 1834 – Le Temps
Le journal Le Temps donne quelques précisions sur le match Paris-Londres qui vient de s'engager.
A noter l'ironie du journal qui parle d'une loi de justice et d'amour ! Le site internet du Sénat nous renseigne sur cet article 291 : Tout au long de la première moitié du XIXe siècle, la législation "antimutualiste" ne fait que se renforcer. L'article 291 du code pénal (1810), aggravé par la loi du 10 avril 1834, soumet la formation de toute association de plus de vingt personnes à l'agrément du Gouvernement.
 
Voici l'extrait du texte du journal Le Temps du 20 avril 1834

(…) Loin de nous toute idée de rabaisser le mérite des amateurs anglais, surtout aujourd'hui que la parole doit devenir muette devant l'autorité des faits. Une association, oui vraiment, une association nationale de plus de vingt personnes, et qui subsistera sans doute malgré l’art. 291 et la nouvelle loi de justice et d'amour, vient de se former à Paris pour répondre aux provocations du club de Westminster, composé des plus célèbres joueurs d'échecs de la Grande-Bretagne. Cinquante guinées seront le prix du vainqueur. Deux parties sont jouées simultanément, (…).
 
Puis curieusement je ne trouve plus rien dans les journaux actuellement mis en ligne sur Retronews au sujet de l'Hôtel de l’Échiquier. Les affaires ne doivent pas aller très bien, car dès le début de l'année 1836 émerge un nouveau cercle d'échecs, le Cercle des Panoramas, près du passage du même nom, à quelques centaines de mètres de l'Hôtel de l’Échiquier. L'adresse indiquée sur le premier numéro du Palamède, le 15 janvier 1836, est celle du Cercle des Panoramas.

Première page du 1er numéro du Palamède en 1836.
L'adresse indiquée est :
Au bureau de la revue, Rue Neuve-Vivienne, n°48


Et comme nous le verrons une prochaine fois, le Cercle des Panoramas aura une existence très courte et mouvementée...