vendredi 23 décembre 2022

Caricature non censurée en 1871

Il y a quelques jours j'ai publié un article sur une caricature censurée en 1877, sur le thème du jeu d'échecs. Dans un commentaire, M. Alain Barnier, que je remercie, m'a communiqué la référence d'une autre caricature. Celle-ci date à peu près de la même époque, et elle n'a pas été censurée par contre !

Elle est signée par le caricaturiste Alfred Le Petit et était en première page du journal satirique L'Eclipse.
A ce sujet Wikipédia nous apprend l'origine "amusante" du nom du journal :

En 1865, François Polo, libraire républicain qui édite des pamphlets contre l’empereur Napoléon III fonde le journal La Lune, auquel André Gill fournit des caricatures. Interdit par la censure, en décembre 1867, à la suite d’une caricature de Napoléon III, le journal disparaît le 17 janvier 1868.

La boutade « La Lune devra subir une éclipse » détermine le nom du successeur de La Lune : L’Éclipse. Le premier numéro paraît le 26 janvier 1868 et le dernier le 25 juin 1876. Au total, elle compte 400 numéros, plus 36 numéros bis ainsi que 5 suppléments en 1870. Lui succédant, La Lune rousse paraît jusqu’en 1879.

Ces journaux sont à nombreuses reprises censurés ou interdits. André Gill invente alors le personnage d’Anastasie1, femme revêche armée de ciseaux, censée personnaliser la censure.


En octobre 1871, au moment de la parution de la caricature, la France sort à peine d'une période majeure de son histoire.
La défaite de Napoléon III face à la Prusse, la perte de l'Alsace-Lorraine, l'émergence de la Troisième République et la Commune de Paris. La situation politique en France est complexe et incertaine, avec par exemple un retour possible d'un régime monarchiste.

L'Eclipse du 15 octobre 1871 - Source Gallica

Le texte sous la caricature indique :
Ce sont les Blancs qui marchent, il n'en reste plus qu'un : le Roi !
- Sa majesté voudrait bien s'avancer; mais elle est bloquée.
La Dame (le République), la Tour (Paris), le Cavalier (d'Aumale), le Fou (Rouher), tiennent en respect le petit-fils de Saint-Louis.
Le Roi est échec et mat.

samedi 17 décembre 2022

Traité complet théorique et pratique sur les fins de parties

M. Guy Gignac a fait l'acquisition du livre de Jean Préti "Traité complet théorique et pratique sur les fins de parties" datant de 1858.
 
Source Gallica - BNF.

Mais l'exemplaire qu'il a acquis est tout à fait exceptionnel par un détail formidable : il s'agit de l'exemplaire que possédait Saint-Amant comme le montre la dédicace de Jean Préti à son intention au début de l'ouvrage. M. Guy Gignac m'a envoyé une photo de cette dédicace et je l'en remercie.
 
Un détail qui rend l'exemplaire de Guy Gignac unique.
La dédicace de Jean Préti à Saint-Amant : "A Monsieur St Amant témoignage de haute estime et d'admiration de la part de l'auteur".

C'est l'occasion pour moi de dire quelques mots sur ce livre d'échecs, qui a été numérisé par la BNF et qui est disponible en ligne, par exemple ici.

Je me suis intéressé à la liste des souscripteurs, ainsi qu'à deux positions qui sont données à la fin de l'ouvrage.

On retrouve dans la liste des souscripteurs tous le gratin des joueurs d'échecs qui fréquentent pour la plupart le nouveau Café de la Régence ouvert en 1855 au 161 rue Saint-Honoré. Sur cette première page on remarque notamment Jules Arnous de Rivière, Albert Clerc, Ignace Calvi pour ne citer qu'eux.
 
Sur cette deuxième page de souscripteurs, je retiens Harrwitz, adversaire malheureux du futur match contre Morphy, le comte Isoard Vauvenargues un des protagonistes de la partie de l'opéra avec Morphy, ou bien encore Alfred de Musset en bas de page (décédé le 2 mai 1857 et qui n'aura donc pas eu l'occasion de voir le livre, mais qui confirme bien sa passion du jeu d'échecs jusqu'à la fin de sa vie).
 
Sur cette troisième et dernière page des souscripteurs, on observe la présence de Saint-Amant, de son vainqueur de 1843, Howard Staunton, et Claude Vielle, ancien propriétaire de la Régence.
 
A la fin du livre on trouve donc la position de la 25ème partie entre McDonnell et La Bourdonnais jouée à Londres en 1834, ainsi que la "toujours jeune" en français (evergreen game) c'est-à-dire la magnifique combinaison de mat d'Anderssen contre Dufresne jouée à Berlin en 1852. Je donne cette dernière partie avec les commentaires de Kasparov pour Chessbase magazine.
 
Diagramme de la 25e partie des matchs entre McDonnell et La Bourdonnais - Londres 1834
Un commentaire de Jean Préti précise qu'après le 24ème coup des noirs : 
 
Des témoins de cette partie, jouée à Londres, nous ont assuré qu'arrivé à ce dernier coup du Pion poussé par le joueur français, il y eut comme un mouvement d'enthousiasme électrique dans l'assemblée d'élite qui assistait à cette lutte de géants, quand elle put apprécier toutes les conséquences de cette sublime combinaison.
 
Extrait de la partie Anderssen - Dufresne, Berlin 1852.
 

 

 


[Event "Berlin 'La toujours jeune'"] [Site "Berlin"] [Date "1852.??.??"] [Round "?"] [White "Anderssen, Adolf"] [Black "Dufresne, Jean"] [Result "1-0"] [ECO "C52"] [Annotator "Kasparov,G"] [PlyCount "47"] [EventDate "1852.??.??"] [EventType "game"] [EventRounds "1"] [EventCountry "GER"] [SourceTitle "CBM 059"] [Source "ChessBase"] [SourceDate "1997.08.01"] [SourceVersion "1"] [SourceVersionDate "1997.08.01"] [SourceQuality "1"] {Aujourd'hui, nous allons nous pencher sur une partie qui a enchanté ses contemporains et qui est entrée dans l'histoire sous le nom de "la toujours jeune" en français ("Evergreen Game" en anglais). Dufresne était un étudiant en droit et journaliste allemand, dont le "Petit manuel du jeu d'échecs" ( "Kleines Lehrbuch des Schachspiels") a accompagné des générations entières de joueurs d'échecs.} 1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Bc4 Bc5 4. b4 Bxb4 5. c3 Ba5 6. d4 exd4 7. O-O d3 8. Qb3 Qf6 9. e5 Qg6 10. Re1 Nge7 11. Ba3 b5 12. Qxb5 Rb8 13. Qa4 Bb6 14. Nbd2 Bb7 15. Ne4 Qf5 16. Bxd3 Qh5 {[#] Les blancs ont un avantage gigantesque, le temps est venu de donner l'assaut. Fidèle à son propre style romantique et obéissant au goût du public, Anderssen a joué} 17. Nf6+ {?!! Deux points d'exclamation, car l'une des combinaisons les plus brillantes de toute l'histoire des échecs a été initiée par ce coup. Mais objectivement, la recherche de la beauté peut créer des complications inutiles. Le prosaïque} (17. Ng3 Qh6 18. Bc1 Qe6 19. Bc4 Nd5 (19... Qg6 20. Nh4 Qg4 21. Bxf7+) 20. Ng5 Qg4 21. Re4 {aurait terminé la partie sans plus de difficultés. Mais il manquerait ainsi aujourd'hui un joyau à la couronne du jeu d'échecs.}) 17... gxf6 18. exf6 Rg8 $1 {A première vue, la ligne g ouverte offre aux noirs d'excellentes chances de contre-attaque. Mais les calculs d'Anderssen étaient au-delà des craintes des gens normaux.} 19. Rad1 $1 {Je vous épargnerai les innombrables analyses de générations de joueurs d'échecs. Après des débats sans fin, ils ont décidé que le coup d'Anderssen était meilleur que l'alternative 19.Fe4. Après cela, 19...Tg4 ! serait le meilleur coup. Les Blancs auraient quelques problèmes difficiles à surmonter, mais à mon avis, ils gardent clairement le dessus dans les complications sauvages qui suivent.} Qxf3 $2 {Aujourd'hui, le roi blanc est à deux doigts d'être exécuté. Mais pouvons-nous reprocher à Dufresne de ne pas avoir reconnu les capacités magiques d'un génie ? [#]} 20. Rxe7+ $1 Nxe7 $5 {Une preuve de plus que les chefs-d'œuvre des échecs nécessitent la coopération courageuse de la victime ! De nos jours, un professionnel des échecs -- et bien sûr un ordinateur jouant aux échecs -- choisirait sans hésiter le coup 20...Rd8 pour éviter l'anéantissement imminent.} (20... Kd8 {Mais les noirs perdent aussi ainsi :} 21. Rxd7+ $1 Kc8 ( 21... Kxd7 22. Bf5+ Ke8 23. Bd7+ Kd8 24. Bxc6+ {with mate nebst Matt.}) 22. Rd8+ $1 Kxd8 (22... Rxd8 23. gxf3 {or}) (22... Nxd8 23. Qd7+ $3 {- the same motif mit dem gleichen Motiv}) 23. Be2+ {less clear is} ({weniger klar ist} 23. Bf5+ Qxd1+ 24. Qxd1+ Nd4 25. g3 Rg5 $1 26. Bh3 Bf3 $1) 23... Nd4 24. Bxf3 Bxf3 25. g3 Bxd1 26. Qxd1 {avec une finale ennuyeuse mais gagnée.}) 21. Qxd7+ $3 Kxd7 22. Bf5+ Ke8 23. Bd7+ Kf8 24. Bxe7# {Il n'est pas étonnant que les joueurs d'échecs de l'époque aient été peu enclins à apprendre des règles stratégiques obtuses face à des parties d'attaque aussi grandioses. Mais la vieille école combinatoire, menée par son chevalier le plus brillant, Anderssen, était finalement condamnée à disparaître. Ses représentants n'ont pas pu résister longtemps aux techniques plus avancées d'un Paul Morphy, dont les coups tactiques avaient une base positionnelle beaucoup plus solide.} 1-0 [Event "Match Londres 1834"] [Site "London"] [Date "1834.??.??"] [Round "18"] [White "McDonnell, Alexander"] [Black "De La Bourdonnais, Louis Charles Mahe"] [Result "0-1"] [ECO "C33"] [PlyCount "60"] [EventDate "1834.06.??"] [EventType "match"] [EventRounds "25"] [EventCountry "ENG"] 1. e4 e5 2. f4 exf4 3. Bc4 Qh4+ 4. Kf1 g5 5. Nc3 Bg7 6. d4 Nc6 7. e5 Nge7 8. Nf3 Qh5 9. Ne4 h6 10. Nf6+ Bxf6 11. exf6 d5 12. Bd3 Nf5 13. Qe1+ Kd8 14. Ne5 Nfxd4 15. c3 Nxe5 16. Qxe5 Nc6 17. Qxd5+ Ke8 18. Bb5 Be6 19. Bxc6+ Kf8 20. Qc5+ Kg8 21. Bf3 Qg6 22. Qd4 c5 23. Qe5 Re8 24. Be2 f3 {Des témoins de cette partie, jouée à Londres, nous ont assuré qu'arrivé à ce dernier coup du Pion poussé par le joueur français, il y eut comme un mouvement d'enthousiasme électrique dans l'assemblée d'élite qui assistait à cette lutte de géants, quand elle put apprécier toutes les conséquences de cette sublime combinaison.} 25. Kf2 fxe2 26. Be3 b6 27. h4 Bd7 28. Qd5 Qxf6+ 29. Kxe2 Bg4+ 30. Kd2 Rd8 {The Chess Player's Chronicle 1841, p. 311} 0-1

mercredi 14 décembre 2022

Censure en 1877

En fin d’année 1876, le caricaturiste André Gill crée le journal satirique La Lune Rousse.
Tout au long cette année 1877, dix de ses caricatures seront censurées par la IIIe République.
Elles seront toutes publiées dans un recueil spécial au début de l’année 1878.
 
André Gill par Nadar.

J’avoue qu’il est difficile de comprendre pour quelle raison ces dessins ont été censurés, avec notre vision actuelle des choses. Comme vous le verrez à la fin de l'article, où je mets la caricature, nous sommes à des années lumières de caricatures contemporaines aux conséquences dramatiques.

Toujours est-il que la presse française devra attendre la loi fondatrice du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. La presse écrite deviendra alors le premier média de masse. Entre 1880 et 1914, les tirages de journaux tripleront.
 
La Lune Rousse - 30 septembre 1877 - Gallica

Dans son numéro du 30 septembre 1877, La Lune Rousse n’a pas l’autorisation de publier un dessin représentant Jules Grévy devant un échiquier. On connait le lien de Jules Grévy avec le jeu d’échecs et le Café de la Régence, c’est sans doute ce qui explique le choix d’André Gill pour cette caricature.
Voir l'article que j'ai consacré à Jules Grévy.
 
La Lune Rousse - 30 septembre 1877 - Gallica
 
J’ai cherché sans succès pour le moment la raison de cette censure. Quelle est l’allusion que mentionne le texte de remplacement dans la Lune Rousse ? Ou bien le simple fait d’avoir représenté Jules Grévy, alors président de la chambre des députés, suffit à cette censure ?

En tout cas l’écho de cette censure retentit dans la plupart des journaux parisiens et provinciaux.
Citons par exemple Le Progrès de la Somme du 28 septembre 1877, Le Petit Parisien du 29 septembre 1877 ou encore Le Siècle du 27 septembre 1877.
 
Le Siècle - 27 septembre 1877 - Retronews
 
Le Petit Parisien - 29 septembre 1877 - Retronews
 
Le Progrès de la Somme - 28 septembre 1877 - Retronews

Ce dessin est le 7ème qui est censuré.

Jules Grévy est en 1877 le président de la chambre des députés, et c’est donc quand il sera président de la République que la loi du 29 juillet 1881 sera votée.
 
Le fameux dessin censuré de Jules Grévy devant un échiquier... - Source Gallica
 
Pour le plaisir, vous avez ci-dessous le dessin de Victor Hugo censuré, ainsi que le texte de remplacement publié dans La Lune Rousse du 7 octobre 1877.
 
Ce dessin est le 8ème qui sera censuré. Il s'agit d'une caricature de Victor Hugo au sujet de son nouveau livre « Le crime du 2 décembre » en référence au coup d’état du futur Napoléon III le 2 décembre 1851.
Mesurant du regard l'aigle de l'Empire étendu à ses pieds.
 

lundi 12 décembre 2022

Lettre d‘Arnous de Rivière à Tassilo von der Lasa en date du 15 octobre 1855

Suite de la correspondance entre Jules Arnous de Rivière et Tassilo von Heydebrand und der Lasa, conservée à Kornik en Pologne. Il s'agit de la 7ème lettre manuscrite dont je dispose d'une copie.

Lettre 1 - 18 mai 1854 - Premier échange - Sur le Cercle des Échecs de Paris - Les règles du jeu à uniformiser
Lettre 2 - 9 octobre 1854 - Les échecs en France sont apathiques - Projet de grand tournoi pour l'exposition universelle de Paris en 1855
Lettre 3 - 1er janvier 1855 - Le projet du grand tournoi prend forme
Lettre 4 - 12 mars 1855 - Difficultés dans le projet d'organisation du tournoi - le manuscrit de Doazan
Lettre 5 - 8 mai 1855 - Saint-Amant responsable de l'échec de l'organisation du tournoi prévu, selon Arnous de Rivière
Lettre 6 - 10 août 1855 - Congrès d'échecs de Leamington en Angleterre et Dubois à la Régence

Le bel autographe de Jules Arnous de Rivière à la fin de cette lettre.

Cette lettre est assez courte et Arnous de Rivière y parle d'un grand nombre de parties qu'il a jouées contre Serafino Dubois, le plus fort joueur d'échecs italien de l'époque, venu à Paris dans l'espoir de participer au tournoi de Paris en 1855.
 
Le score global est indiqué sur la page Wikipedia en anglais d'Arnous de Rivière : 8 victoires pour Arnous de Rivière, 21 défaites et 3 parties nulles. Ce qui explique l'éloge qu'il fait du Signor Dubois.
Voir l'article que j'ai consacré à son séjour à Paris. Il est à noter que la revue La Régence publiera en 1856 plusieurs parties jouées entre les deux joueurs. Il s'agit probablement de ce qu'Arnous de Rivière appelle "la nouvelle publication" et qui va bientôt paraitre.

Après son séjour à Paris, Dubois se rend donc à Bruxelles, où se trouve alors Tassilo von der Lasa en tant que diplomate pour la Prusse.Il lui apporte le fameux manuscrit de Doazan, dont j'ai déjà parlé brièvement lors d'une précédent lettre.

Paris, 15 octobre 1855

Monsieur,

Vous serez certainement charmé de voir l’excellent joueur Italien, Signor Dubois, qui sera demain à Bruxelles. Son mérite personnel le recommande mieux que ne pourraient le faire mes éloges et mes prières auprès de vous, mais je ne puis m’empêcher cependant de vous demander pour lui votre intérêt cordial.

M. Dubois, dans une assez grande série de parties avec moi, a obtenu un avantage considérable et je dois avouer en toute sincérité que si mon amour-propre s’est mal arrangé d’abord de cette défaite, je suis revenu à croire que M. Dubois était décidemment plus fort et plus expérimenté joueur d’échecs que moi. 
 
J’espère que vous aurez le temps de vous mesurer ensemble et je sollicite les parties.
Merci de votre bonne grâce à vous inscrire comme abonné de la nouvelle publication ; permettez-moi d’espérer encore que vous en serez de temps en temps le plus précieux des correspondants.

M. Doazan vous fait parvenir son manuscrit ; je le remets entre les mains de M. Dubois qui part dans la soirée de demain, de cette manière il vous parviendra surement, mais si vous en accusez réception à M. Doazan, soyez censé l’avoir reçu par la voie du courrier prussien.

Recevez les expressions nouvelles de mes sentiments les plus distingués,
J.Arnous de Rivière


mercredi 7 décembre 2022

Description du Café de la Régence en 1925

Dominique Thimognier, que je remercie, m'a envoyé un article paru dans The American Chess Bulletin en 1925. Il s'agit d'une lettre d'un joueur d'échecs américain, un certain Rodney Berg du Marshall Chess Club à New-York, et qui effectue un voyage de noce en Europe. Il se rend au Café de la Régence lors de son séjour à Paris et il en donne la description.

Ce texte est très intéressant pour les détails indiqués. Il existe peu de texte connu concernant la décennie 1920 au Café de la Régence. En 1925 l'activité "jeu d'échecs" au Café de la Régence est selon moi marginale. Les joueurs organisés en association ont quitté la Régence en 1918 et sont désormais au Café de la Rotonde dans le jardin du Palais-Royal. Les joueurs d'échecs à la Régence en 1925 sont pour la plupart des touristes amateurs du jeu d'échecs.

Un point important : à aucun moment les joueurs d'échecs de la Régence n'adhéreront à la Fédération Française des Échecs. Il n'y a pas vraiment d'association constituée.

Voici le texte traduit de l'américain. J'y ajoute quelques commentaires.


LE LIEU DE RENDEZ-VOUS DE CAISSA À PARIS

Les joueurs d'échecs américains voyageant à l'étranger, parfois au milieu de leur plaisir, pensent aux gens de chez eux et rendent compte de leurs pérégrinations et des impressions que leur ont faites les sites qu'ils ont vus. C'est le cas du capitaine L. Rodney Berg, du Marshall Chess Club, qui, depuis son mariage à New York le 6 juin dernier, a passé sa lune de miel en Irlande, en Angleterre, en Écosse, en Belgique, en France, en Suisse et en Italie.

Pendant son séjour à Paris, le Capitaine Berg s'est arrêté au Café de la Régence et ce sont ses visites dans ce célèbre lieu de rencontre des joueurs d'échecs du monde entier qui l'ont incité à prendre sa plume pour le bénéfice des lecteurs du Bulletin :

Café de la Régence, Paris, 20 juillet 1925.
Au rédacteur en chef, American Chess Bulletin. 

Mon cher Monsieur Helms :

Je ne peux résister à la tentation de vous laisser quelques lignes de ce Café historique. Je les écris, comme vous le constaterez, sur le papier à lettres du Café de la Régence. Je viens de terminer un déjeuner très appétissant, tout seul, avec une petite bouteille d'excellent Médoc, qui a coûté la somme énorme de 23 cents en monnaie américaine au taux de change actuel et qui, au temps du Delmonico, nous coûtait un dollar.

Je suis assis dans la salle nord du Café. La foule passe devant les grandes fenêtres ouvertes et le bruit et l'agitation des taxis et des omnibus se répercutent. La salle a quatre panneaux de frise longitudinale. Dans celui du nord, je remarque, avant tout, le nom du grand « Morphy » ; le panneau du sud est consacré à « Philidor » ; celui de l'est à « de la Bourdonnais », et celui de l'ouest à « Deschapelles ». C'est un grand quadrumvirat et les noms mêmes et leurs souvenirs me font vibrer au moment où je trace ces lignes au crayon. 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Pour ma part, je pense que Rodney Berg décrit là le petit salon des échecs comme on le voit sur cette carte postale de la fin du XIXe siècle dont j'ai parlé ici. 
 
On distingue le nom de Philidor dans un cartouche.

 


 
 
 
 
 
 
À moins de 30 pieds de l'endroit où je suis assis, dans une pièce au sud, se trouve la petite table, religieusement gardée par le propriétaire, sur laquelle Napoléon le Grand, lorsqu'il était Consul de France, jouait aux échecs il y a plus d'un siècle et quart. Elle est grillagée et les amateurs d'échecs de toutes les parties du monde qui font de la « Régence » un haut lieu, liront les mots qui y sont inscrits, à savoir :
« Table sur laquelle BONAPARTE 1er CONSUL jouait aux Echecs au Café de la Régence en 1798 ».

La table sur laquelle figure cet avis est en marbre noir et blanc, large de deux pieds six pouces et longue d'environ quatre pieds. 
 

 
 
 
Photo de la table de Bonaparte tirée du livre Chessmen de 1937. Voir l'article que je lui ai dédié.


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
En zoomant sur la photo on peut lire le même texte que celui de la lettre.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
La Régence annonce qu'il s'agit du plus ancien café de Paris. Il est sans doute le seul à être régulièrement fréquenté par les joueurs d'échecs. Il y a trois ou quatre autres endroits où l'on joue aux échecs, mais, pour autant que je puisse l'affirmer, seulement de façon superficielle, à l'exception du Café de la Rotonde. Un membre du Marshall, du Manhattan ou de tout autre club d'échecs métropolitain trouvera toujours un adversaire à la Régence. 
 

 
 
 
 
Voici une belle photo, que j'ai déjà publiée, du Café de la Rotonde en 1925. Agence Meurisse, Source Gallica.
Ce café n'existe plus.
Rodney Berg se trompe sur l'activité échiquéenne à Paris en 1925. Voir après la lettre.


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Le tout premier soir de mon arrivée ici, j'y ai naturellement gravité et j'ai remporté ma première victoire, même si j'avoue que lors de mes visites ultérieures, presque quotidiennes, j'ai souvent connu la défaite. J'y ai joué avec un Hollandais, un Sud-Américain et plusieurs Français. Et je me souviens ici d'une histoire racontée par M. Alrick H. Man, président du Marshall Chess Club qui, il y a plusieurs années, à la Régence, a rencontré un joueur d'échecs et n'a découvert que dans les journaux le lendemain qu'il s'agissait de Bonar Law , le défunt Premier ministre d'Angleterre !

Il y a quelques gravures historiques, j'ai remarqué, sur les murs de la Régence. Parmi elles, on trouve les suivantes : « Le Cercle des échecs de Paris », avec l'inscription en dessous, « La Régence en 1843 ». L'inscription sur la plaque indique que l'image décrit « le concours de championnat entre St. Amant et Staunton, les champions français et britanniques, le 16 décembre 1843, étant un portrait scrupuleusement correct des concurrents et de ceux qui étaient présents lors de la dix-neuvième partie du match ». En dessous se trouve un petit tableau encadré d'or donnant le nom des 34 personnes présentes, parmi lesquelles le général Baker, le baron Dumesnil et le général Duchaffault. 
 
Le fameux tableau de Marlet sur lequel j'ai écrit un article pour démêler le faux du vrai.
La lettre cite 34 personnes présentes, il s'agit donc d'une reproduction de l’œuvre originale.
Merci à M. Jurgen Stigter pour cette photo de l’œuvre originale de Marlet.


Une autre photo très intéressante est celle de Morphy jouant une partie les yeux bandés « dans le Café de la Napoléon » (Sic), et une autre montrant les principaux joueurs au Café Régence le 7 mars 1874, parmi lesquels figurent le Comte de Villafranca, de Polignac, Dermenon, Tournaud, Winaver, Kolisch, Lequesne, Tourgueneff, Gogorza, Preti père, le Baron d'André et le Comte de l'Eglise. 
 

 
Il s'agit de cette gravure parue dans le journal Le Monde Illustré du 7 mars 1874. Curieusement je me suis rendu compte que je n'en avais jamais parlé sur ce blog. Un point à rectifier :-)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
La direction est manifestement particulièrement courtoise envers les Américains et aidera toujours tout joueur des « États-Unis » à trouver un adversaire. Je n'ai pas manqué, dans la demi-douzaine de fois où j'ai visité la Régence au cours des dix derniers jours, de trouver un joueur et j'ai également eu le grand privilège d'enseigner à ma femme sa première partie d'échecs là-bas, une circonstance qui m'a donné autant de plaisir qu'elle y a accordé un rare intérêt.

RODNEY BERG.


Pour terminer, voici quelques précisions sur les cercles d'échecs parisiens en 1925.
Rodney Berg dans son texte écrit la phrase suivante : « (…) Il y a trois ou quatre autres endroits où l'on joue aux échecs, mais, pour autant que je puisse l'affirmer, seulement de façon superficielle, à l'exception du Café de la Rotonde (…) »
 
Bulletin de la FFE - Juillet 1925 - Fonds Mennerat, Belfort.
 
C’est une affirmation très sévère pour les échecs parisiens en 1925.
Le bulletin de la FFE pour juillet 1925 nous donne des informations sur plusieurs cercles parisiens affiliés à la FFE (ci-dessous la liste). Le Café de la Régence n’a jamais été affilié à la FFE, et il s’agit surtout d’un lieu où ce sont alors essentiellement les touristes qui y jouent aux échecs par tradition.
-    Les Échecs du Palais-Royal, alors au café de la Rotonde dans le jardin du Palais-Royal. C’est justement l’association qui a quitté le Café de la Régence en 1918.
-    Le Cercle Philidor, Café-restaurant de la Terrasse, 30, boulevard Bonne-Nouvelle. Un grand cercle parisien qui existe depuis plusieurs décennies.
-    Cercle des Échecs de la Rive Gauche – 133, boulevard Brune
-    Cercle des Échecs de Montmartre, « Le Fou du Roi », une nouvelle association qui n’existe que depuis deux ou trois ans à l’époque, mais très dynamique, notamment pour les échecs féminins.
-    L’Échiquier Notre-Dame, 1 rue d’Arcole
-    Cercle d’Échecs de Lutèce (ancien groupe de Ludo), angle de la rue Lacepède et de la rue Linné
-    Cercle d’Échecs des Buttes-Chaumont « Échec et mat », 1 rue Bolivar
-    Cercle d’Échecs « de la Tour prend garde », école polytechnique
 


 Bulletin de la FFE - Juillet 1925 - Fonds Mennerat, Belfort

mercredi 30 novembre 2022

Arbitrage de parties par François Antoine de Legall

La Grande Revue publie en juin 1929 des lettres inédites de Denis Diderot à Sophie Volland. Dans une lettre datée du 25 octobre 1762, Diderot rapporte 3 situations échiquéennes qui se sont déroulées au Café de la Régence. François Antoine de Legall, le marquis de Légal comme l'appelle Denis Diderot ou bien encore l'oracle, joue le rôle d'arbitre dans ces 3 situations intéressantes. 
Nous sommes loin des règles actuelles de la FIDE... 

Denis Diderot, par Louis-Michel Van Loo, 1767

En 1762 nous sommes au début de l'écriture du Neveu de Rameau dont j'ai déjà parlé. Diderot se rend donc assez régulièrement à la Régence. Peut-être est-ce là qu'il rencontre Philidor dont il sera proche ?

La Grande Revue, juin 1929, pages 538 et 539 - Source Gallica

Mais revenons à cette lettre. Dans la première situation, un des joueurs n'a pas vu qu'il était en échec, peut-être depuis plusieurs coups, et son adversaire en profite pour faire main basse sur sa dame, avec l'assentiment de Legall.

Dans la deuxième situation, un témoin d'une partie joue un rôle essentiel dans la décision de Legall. On y voit là un des rôles de la galerie qui observe les parties d'échecs. La décision n'est pas anodine, car 20 Louis sont en jeu, une somme considérable pour une seule partie d'échecs.

Et enfin dans la troisième situation, il s'agit d'une partie à avantage, pour laquelle un joueur plus fort rend un cavalier à son adversaire (le cavalier en "b1" est ôté pour équilibrer le jeu). Manifestement le joueur le plus fort ne l'a pas fait et son adversaire ne s'en rend compte qu'après une vingtaine de coups... Simple oubli ou est-ce délibéré ? Compte tenu des sommes en jeu pour chaque partie, Legall accorde le doute au joueur le plus faible, qui ne pourra pas perdre la partie
 
Position de départ quand un joueur rend un cavalier
 
Chaque partie d'échecs se joue avec un enjeu financier, et différents avantages sont consentis pour équilibrer les chances des joueurs. Dans l'ordre : jouer à but (à égalité matérielle, quand les deux joueurs sont d'un niveau équivalent), donner le trait et le pion en "f7", donner deux traits et le pion en "f7", donner un cavalier, donner une tour (celle en "a1" - le joueur à qui l'on donne une tour est appelé une "mazette"), donner la dame (le joueur à qui l'on donne la dame est appelé un "joueur de quille").
Ces différents avantages matériels seront utilisés jusqu'au début du XXe siècle à la Régence.


Lettres inédites à Sophie Volland

Dimanche (Paris, 25 octobre 1762)

(…) Je les laissai tous là sur le soir, et j'allai au Palais-Royal chez le Montamy pour savoir où notre affaire en était. Il n'y avait personne. Je me rabattis au café de la Régence. C'est le rendez-vous des joueurs d'échecs de la grande classe. J'y trouvai toutes les têtes partagées sur un coup bizarre que voici.

Au milieu d'une partie, un des joueurs s'aperçoit que le roi de son adversaire était en échec, et peut-être depuis plusieurs coups. Il profite de la circonstance pour donner échec à la dame. Celui dont la dame est attaquée, veut la retirer. Mais son adversaire l'arrête et lui dit : ôtez votre roi d'échec.
Il s'agissait de savoir si la dame était de bonne prise. Le marquis de Légal, l'oracle au jeu, répondit que oui, parce que le roi ne peut jamais demeurer échec, par la loi du jeu, et qu'il pouvait y avoir également de la mauvaise foi dans l'un et l'autre joueur, l'un en mettant son roi en échec, sans que l'autre s'en aperçût ; l'autre en donnant échec au roi, sans en avertir.

Quelques jours auparavant, il avait prononcé une autre sentence qu'il faut que je vous rapporte pour la justesse d'esprit qu'elle montre et pour la condescendance singulière du joueur condamné. La partie était très intéressée. Vous savez que pièce touchée, pièce jouée. Un des joueurs touche un cavalier, ou du moins son adversaire le prétend. On en appelle à deux spectateurs, dont l'un dit que la pièce a été touchée, et qu'il l'a vu ; l'autre qu'il n'a point vu cela. Le marquis de Légal interrogé dit, que la pièce ait été touchée ou non, il faut la jouer. Un homme qui a vu est mille fois plus croyable qu'un homme qui n'a pas vu ; car il n'y a qu'une façon de voir une chose qui est, et il y en a mille de ne la pas voir. Cela est juste ; mais n'est-il pas étonnant qu'un homme consente à perdre vingt louis là-dessus ?

Je vous demande mille pardons de ces niaiseries ; mais où est la chose frivole qui ne puisse pas vous inspirer quelques réflexions solides ? Un homme donne un cavalier à un autre. Dans la chaleur du jeu, l'un oublie de prendre son avantage et ne s'aperçoit qu'au vingtième coup que son adversaire a ses deux cavaliers ; le marquis prononce qu'il faut achever la partie, que le joueur le plus faible pourra gagner, mais qu'il ne pourra perdre. La loi, selon lui, dans les cas douteux doit toujours être contre celui qui peut avoir été de mauvaise foi.(...)

mercredi 23 novembre 2022

Aaron Alexandre - 3 sur 3 - Professeur de violoncelle de Jacques Offenbach

Aaron Alexandre - 3 sur 3

Ainsi, au cours de mes recherches sur Aaron Alexandre, j'ai découvert qu'il avait été professeur de violoncelle de Jacques Offenbach !

Jacques Offenbach par Alexandre Laemlein, 1850 - Source BNF/Gallica

Dans le livre Offenbach en Amérique, Note d’un musicien en voyage, Paris 1877, par Jacques Offenbach, e journaliste Albert Wolff écrit en page V de la notice biographique :

(…) On m’a souvent raconté dans mon jeune temps que le papa Offenbach s’imposait les plus durs sacrifices pour faire apprendre le violoncelle à son fils Jacques. Je me souviens encore du professeur de votre mari que, dans mon enfance, j’avais entrevu quelquefois dans les rues avec un habit râpé, à boutons d’or, dont les basques descendaient jusqu’aux mollets, un jonc avec une pomme en ivoire, une perruque brune et un de ces chapeaux, à bords recourbés, alors à la mode, qui s’évasaient à ce point que le haut prenait à peu près les proportions de la plateforme de la colonne Vendôme. 
 
Malgré sa fortune relative, qui lui garantissait un peu plus que l’indépendance, M. Alexander, le professeur, passait pour le plus grand avare de la ville. On prétendait qu’il avait eu autrefois un très grand talent ; dans son quartier on le désignait sous le nom glorieux de « l’artiste ». C’est chez lui que Jacques prit des leçons à vingt-cinq sous le cachet. Les fins de mois étaient dures dans la famille Offenbach, mais on se privait de quelques petites douceurs pour économiser le prix du cachet, car Herr Alexander ne plaisantait pas : il fallait étaler les vingt-cinq sous sur la table avant le commencement de la leçon. Pas d’agent, pas de violoncelle ! (…)


Archives Israélite de France, 1er février 1877 - Source Retronews

Et le 1er février 1877, les Archives Israélites de France précise un point fondamental.A noter que la phrase "les privations du siège" fait référence au siège de Paris de la fin d'année 1870 au début de l'année 1871 par l'armée allemande.

(…) en mentionnant le professeur de musique du jeune Jacques, Herr Alexander, il semble ignorer que ce musicien n’est autre que le fameux joueur d’échecs que le Paris spécial a connu depuis, maître d’hôtel intelligent et malheureux, linguiste, musicien, et surtout, nous le répétons, grand maitre en l’art des échecs : cet original personnage, mort depuis longtemps à Londres, était l’oncle du peintre Alexandre Laemelin qui a succombé il y a quelques années aux privations du siège, et que, en dépit de la différence des genres et des caractères, une étroite amitié unissait à Offenbach.
 
Je termine avec Aaron Alexandre, par une anecdote amusante écrite par Alexandre Laemlein. Elle fait partie de l'article nécrologique qu'il consacre à son oncle et que ne reprend par Saint-Amant (voir mon précédent article). 

Archives Israélites de France - 30 janvier 1851 - Source Retronews

(…) Quelques personnes s’imaginent qu’un homme célèbre comme M. Alexandre a dû laisser à son neveu quelque chose de son talent aux échecs ; un mot de lui suffira pour leur faire connaitre la vérité. J’avais en effet pris à un certain moment de ma jeunesse la passion des échecs, et dans le désir de me fortifier, je priai mon oncle de me donner quelques leçons ; il me dit : « Prends Philidor, et étudie un début jusqu’à ce que tu le saches bien, puis tu en étudieras un autre, puis quelques fins de partie, et en faisant ce travail seulement dix minutes par jour pendant un an, tu arriveras à une certaine force. » 
 
Je le fis pendant cinq ou six jours ; puis m’ennuyant du jeu solitaire, je le tourmentai de nouveau pour avoir ses leçons verbales ; il me remettait toujours, car me voyant jouer avec des amis, il m’avait déjà jugé du coin de l’œil ; enfin, de guerre lasse, l’ayant pressé un jour plus qu’à l’ordinaire, il consentit à faire une partie. Il me rendit la dame et me fit mat en huit ou dix coups, après m’avoir rendu encore plusieurs pièces tombées en route et me dit : « Je te conseille d’y renoncer, tu ne seras jamais qu’un imbécile »

LAEMELIN