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dimanche 26 février 2023

Lettre d‘Arnous de Rivière à Tassilo von der Lasa en date du 17 novembre 1855

Suite de la correspondance entre Jules Arnous de Rivière et Tassilo von Heydebrand und der Lasa, conservée à Kornik en Pologne. Il s'agit de la 8ème lettre manuscrite pour laquelle je dispose d'une copie.

Lettre 1 - 18 mai 1854 - Premier échange - Sur le Cercle des Échecs de Paris - Les règles du jeu à uniformiser
Lettre 2 - 9 octobre 1854 - Les échecs en France sont apathiques - Projet de grand tournoi pour l'exposition universelle de Paris en 1855
Lettre 3 - 1er janvier 1855 - Le projet du grand tournoi prend forme
Lettre 4 - 12 mars 1855 - Difficultés dans le projet d'organisation du tournoi - le manuscrit de Doazan
Lettre 5 - 8 mai 1855 - Saint-Amant responsable de l'échec de l'organisation du tournoi prévu, selon Arnous de Rivière
Lettre 6 - 10 août 1855 - Congrès d'échecs de Leamington en Angleterre et Dubois à la Régence
Lettre 7 - 15 octobre 1855 - Éloge de Serafino Dubois et la manuscrit de Doazan est envoyé à von Heydebrand und der Lasa

L'adresse où est envoyée cette lettre :
Heydebrand und der Lasa
Légation de Prusse
Bruxelles

Cette 8ème lettre, qui fait suite aux précédentes, contient 4 informations intéressantes : 
1) Jules Arnous de Rivière n'est plus à Paris mais à Poitiers pour des études de droit. Rappelons qu'il a alors 25 ans.
2) Il est question du manuscrit de Doazan pour lequel Tassilo von Heydebrand und der Lasa vient d'effectuer un intéressant travail. Ce manuscrit a été l'objet de plusieurs échanges auparavant et j'en parle un peu plus loin.
3) Il évoque Staunton qui semble dégoûté de la carrière de joueur d'échecs. Staunton est probablement déçu de son résultat du tournoi de Londres en 1851, et il refusera de jouer un match contre Paul Morphy trois ans plus tard...   Il est fâcheux que son caractère hautain lui ait attiré tant d’inimitiés.  Ecrit Arnous de Rivière
4) Le journal La Régence renait (en début d'année 1856) après sa disparition en 1851. 



Poitiers, 17 novembre

Mon cher Monsieur Heydebrand

Excusez-moi de vous faire attendre la réponse à vos deux dernières lettres ; je suis très absorbé par l’étude d’un examen de droit, mais je pense être quitte la semaine prochaine et j’aurai alors le plaisir de pouvoir vous tenir au courant de mes faits et gestes échiquéens.

Le travail que vous venez d’achever promet, par ce que j’en ai vu, d’être très intéressant. Si vous avez un exemplaire disponible, oserai-je vous prier de le destiner à mon cousin M. le Comte de Basterot qui me charge de vous dire qu’il serait très heureux de cette grâce. J’ai écrit à M. Doazan pour qu’il pût retirer son M.S. (NDT = Manuscrit) et je lui ai transmis vos remerciements.

M Staunton me parait plus dégouté que jamais de la carrière de joueur d’échecs. Il sent qu’il a beaucoup perdu de son jeu d’autrefois et il l’avoue. Mais comme organisateur et comme auteur, M. Staunton me semble appelé à rendre encore des services à la cause des échecs et je crois qu’il a conservé assez du goût du jeu pour ne rien négliger qui puisse contribuer à la prospérité en Angleterre ; Il est fâcheux que son caractère hautain lui ait attiré tant d’inimitiés.

Un prospectus du futur journal va être livré sous peu de jours. On s’abonne au Café de la Régence. Je serai très fier de vous avoir au nombre de mes abonnés et je compte sur votre bienveillance pour me mettre en bon rapports avec votre célèbre compatriote M. Anderssen.

Agréez, je vous prie, mon cher Monsieur de Lasa, mon assurance de mes sentiments distingués et dévoués,

J.Arnous de Rivière

Voici quelques éléments sur l'écrit de Lasa au sujet du manuscrit de Gabriel Eloi Doazan.
A ce sujet il me semble que le manuscrit de Doazan est considéré comme perdu à ce jour. Il est peut-être dans une collection privée.
Cet écrit de Tassilo von Heydebrand und der Lasa est consultable en ligne sur le site internet de la bibliothèque de Cleveland. Il date donc de 1855 (il est incorrectement daté de 1827 sur le site de la bibliothèque de Cleveland).

Résumé historique
L'intéressant manuscrit, évidemment authentique, en possession de M. Doazan à Paris, et qu'il nous est permis d'examiner maintenant, est déjà connu aux amateurs d'échecs par les extraits qu'en a publié le "Palamède" en 1843 et 1844, dans un récit plein d'imagination.
L'époque à laquelle le recueil italien qui forme un petit in-quarto d'environ 130 débuts et de 6 fins de parties doit avoir été fait, remonte vers l'an 1600.
Les noms des célébrités espagnoles et italiennes attachés à la plupart des débuts, ainsi que la différence des règles suivies dans les parties, tendent également à établir cette date éloignée. Nous la fixons à l'an 1610.



lundi 12 décembre 2022

Lettre d‘Arnous de Rivière à Tassilo von der Lasa en date du 15 octobre 1855

Suite de la correspondance entre Jules Arnous de Rivière et Tassilo von Heydebrand und der Lasa, conservée à Kornik en Pologne. Il s'agit de la 7ème lettre manuscrite dont je dispose d'une copie.

Lettre 1 - 18 mai 1854 - Premier échange - Sur le Cercle des Échecs de Paris - Les règles du jeu à uniformiser
Lettre 2 - 9 octobre 1854 - Les échecs en France sont apathiques - Projet de grand tournoi pour l'exposition universelle de Paris en 1855
Lettre 3 - 1er janvier 1855 - Le projet du grand tournoi prend forme
Lettre 4 - 12 mars 1855 - Difficultés dans le projet d'organisation du tournoi - le manuscrit de Doazan
Lettre 5 - 8 mai 1855 - Saint-Amant responsable de l'échec de l'organisation du tournoi prévu, selon Arnous de Rivière
Lettre 6 - 10 août 1855 - Congrès d'échecs de Leamington en Angleterre et Dubois à la Régence

Le bel autographe de Jules Arnous de Rivière à la fin de cette lettre.

Cette lettre est assez courte et Arnous de Rivière y parle d'un grand nombre de parties qu'il a jouées contre Serafino Dubois, le plus fort joueur d'échecs italien de l'époque, venu à Paris dans l'espoir de participer au tournoi de Paris en 1855.
 
Le score global est indiqué sur la page Wikipedia en anglais d'Arnous de Rivière : 8 victoires pour Arnous de Rivière, 21 défaites et 3 parties nulles. Ce qui explique l'éloge qu'il fait du Signor Dubois.
Voir l'article que j'ai consacré à son séjour à Paris. Il est à noter que la revue La Régence publiera en 1856 plusieurs parties jouées entre les deux joueurs. Il s'agit probablement de ce qu'Arnous de Rivière appelle "la nouvelle publication" et qui va bientôt paraitre.

Après son séjour à Paris, Dubois se rend donc à Bruxelles, où se trouve alors Tassilo von der Lasa en tant que diplomate pour la Prusse.Il lui apporte le fameux manuscrit de Doazan, dont j'ai déjà parlé brièvement lors d'une précédent lettre.

Paris, 15 octobre 1855

Monsieur,

Vous serez certainement charmé de voir l’excellent joueur Italien, Signor Dubois, qui sera demain à Bruxelles. Son mérite personnel le recommande mieux que ne pourraient le faire mes éloges et mes prières auprès de vous, mais je ne puis m’empêcher cependant de vous demander pour lui votre intérêt cordial.

M. Dubois, dans une assez grande série de parties avec moi, a obtenu un avantage considérable et je dois avouer en toute sincérité que si mon amour-propre s’est mal arrangé d’abord de cette défaite, je suis revenu à croire que M. Dubois était décidemment plus fort et plus expérimenté joueur d’échecs que moi. 
 
J’espère que vous aurez le temps de vous mesurer ensemble et je sollicite les parties.
Merci de votre bonne grâce à vous inscrire comme abonné de la nouvelle publication ; permettez-moi d’espérer encore que vous en serez de temps en temps le plus précieux des correspondants.

M. Doazan vous fait parvenir son manuscrit ; je le remets entre les mains de M. Dubois qui part dans la soirée de demain, de cette manière il vous parviendra surement, mais si vous en accusez réception à M. Doazan, soyez censé l’avoir reçu par la voie du courrier prussien.

Recevez les expressions nouvelles de mes sentiments les plus distingués,
J.Arnous de Rivière


mercredi 2 novembre 2022

Lettre d‘Arnous de Rivière à Tassilo von der Lasa en date du 10 août 1855

Voici la 6ème lettre, dont je dispose, de la correspondance entre Jules Arnous de Rivière et Tassilo von Heydebrand und der Lasa, conservée à Kornik en Pologne.

Lettre 1 - 18 mai 1854 - Premier échange - Sur le Cercle des Échecs de Paris - Les règles du jeu à uniformiser
Lettre 2 - 9 octobre 1854 - Les échecs en France sont apathiques - Projet de grand tournoi pour l'exposition universelle de Paris en 1855
Lettre 3 - 1er janvier 1855 - Le projet du grand tournoi prend forme
Lettre 4 - 12 mars 1855 - Difficultés dans le projet d'organisation du tournoi - le manuscrit de Doazan
Lettre 5 - 8 mai 1855 - Saint-Amant responsable de l'échec de l'organisation du tournoi prévu, selon Arnous de Rivière
 
Dans cette 6ème lettre, Jules Arnous de Rivière parle du congrès de Leamington en Angleterre auquel il a participé et dont j'ai déjà évoqué la fameuse gravure. Voir l'article dédié. Son compte rendu de l'évènement est assez amusant, il s'y est bien ennuyé pour rester poli :-)
 
Cette gravure est accompagné d'un texte concernant le banquet final du congrès d'échecs de Leamington.
Leamington Chess Meeting at the Regent Hotel, June 25th 1855
The Illustrated London News - 14 juillet 1855 - British Newspaper Archive 

 
Jules Arnous de Rivière indique qu'il va bientôt voyager jusqu'à Berlin en passant par Bruxelles. A cette époque Tassilo von Heydebrand und der Lasa y est diplomate pour la Prusse.
 
Et à la fin de cette lettre, Arnous de rivière mentionne le joueur Italien Serafino Dubois. Comme je l'explique ici, ce joueur d'échecs Italien était en route pour le tournoi de Paris de 1855 quand il a appris que ce dernier n'aurait pas lieu. Ce qui ne l'empêcha pas de venir à Paris et au Café de la Régence.

Serafino Dubois, meilleur joueur Italien du XIXe siècle
Bibliothèque de Cleveland - Photo non datée
Voir l'article dédié où j'estime que la photo a été prise en 1863/1864

Paris, 10 août 1855

Monsieur,

Le meeting auquel j’avais été invité d’assister à Leamington et qui s’est tenu, comme vous savez, dans les derniers jours du mois de juin, n’a offert aucun intérêt extraordinaire qui mérite de vous être rapporté. L’évènement le plus notable a été cette longue et fastidieuse partie par consultation qui a duré trois jours et près de trois nuits.

Si vous vous êtes donné la peine de lire les trois parties faites dans cette passe d’armes vous vous serez bientôt convaincu qu’il n’y a pas moyen de rien produire de bon à travers une aussi excessive fatigue, il y a des fautes grossières de part et d’autre et à peine une ou deux bonnes combinaisons ; mais aussi qui croirait qu’après avoir déjà passé deux journées de 14 à 15 heures devant leurs échiquiers les héros de ce tournoi se sont imposés un nouveau supplice de 19h.
Je n’exagère pas d’un iota, cette dernière partie commencée à midi s’est prolongée jusqu’à sept heures le lendemain matin !
 
C’est à la suite de ces travaux d’Hercule qu’on a essayé de discuter les lois du jeu. Je m’étais mis gravement dans mon lit décidé à n’en pas bouger de sorte que je n’ai point assisté à ce qui s’est passé dans cette séance et j’ai le regret de ne pouvoir satisfaire votre curiosité. Mais je crois qu’on a dit peut être de fort bonnes choses, autant que le pouvait permettre l’envie de dormir ; quant à avoir conclu, non.
 
Le meeting était fort nombreux et tous les arrangements confortables, grâce au zèle du secrétaire le Révérent M. Temple qui doit en avoir fait depuis une maladie. On m’a mis dans le camp des Foreign Visitors et je me suis trouvé assis entre Lowenthal et un esprit de démocrate qui répond au nom de M.E Falkbeer. Ces messieurs causaient en allemand ; vous jugez si leur agréable jargon était de nature à me faire paraitre le temps moins long. J’ai pensé – mais un peu tard, qu’on ne m’y reprendrai plus.

A Londres j’ai rencontré M. Wallis auquel j’ai appris que j’avais eu l’honneur de vous voir à Paris ; il s’occupe toujours de l’étude des lois et en attendant la gloire et la clientèle, rédige des articles de journaux, se mêle à une foule d’assemblées et va dans le monde menant une existence toute remplie de petits faits. Du reste homme vraiment spirituel et d’un commerce très sûr il est sensible à votre bon souvenir et m’a chargé, lorsque je vous écrirai, de vous renouveler les assurances de son amitié.

A moins de contre-ordre, je partirai le 15 pour Berlin chargé des dépêches et devrai m’arrêter à Bruxelles, puis-je espérer vous y rencontrer ? Je serai heureux, Monsieur, de profiter du peu d’heures de mon passage en cette ville pour pouvoir causer avec vous.
M. Brooke Greville est à Londres m’écrit M. Staunton ; M. Dubois de Rome est encore pour quelques jours à Paris.

Agréez, je vous prie, l’expression distinguée de mes meilleurs sentiments.
J.Arnous de Rivière

M. Dubois qui est venu me voir au moment où je fermais cette lettre me charge de vous faire parvenir ses compliments.
 

lundi 24 octobre 2022

Complément à la lettre du 8 mai 1855 d'Arnous de Rivière à von der Lasa

Dans mon précédent article, Arnous de Rivière parle d'un article au sujet de Saint-Amant dans le journal Le Sport en 1855. Le contexte est celui que j'ai expliqué : selon Jules Arnous de Rivière, Saint-Amant fait semblant de se préparer pour le tournoi international d'échecs de Paris prévu en cette année 1855, alors qu'il torpille le projet par ailleurs.
 
Il écrit dans sa lettre : Le Sport a publié des petits articles de lui où il se vante de vouloir prendre part à la lutte et annonce qu’il s’est remis à jouer contre M. Devinck pour pratiquer cette forme « d’entrainement » qui est si nécessaire quand on veut s’engager dans un défi aussi sérieux.


Et comme vous pourrez le constater un peu plus loin, l'article du journal Le Sport est particulièrement flatteur pour Saint-Amant, nous sommes à la limite de la flagornerie ! Il n'est pas impossible que ce soit lui-même qu'il l'ait rédigé (comme le laisse entendre Jules Arnous de Rivière). Notez que les parties, dont il est question, ne seront pas publiées.
 
Au sujet de l'adversaire de Saint-Amant, François Jules Devinck, je vous renvoie à la petite biographie écrite par Dominique Thimognier sur son site Héritage des Échecs Français. Sa page Wikipedia est également intéressante.

François Devinck
Album des députés du Corps Législatif entre 1852 et 1857

Voici donc l'article en question dans le journal Le Sport, où Saint-Amant fut le chroniqueur d'échecs de 1855 à janvier 1862 quand il cède sa place à Jean Préti (futur fondateur de la revue La Stratégie). Plus exactement le nom de Saint-Amant apparait pour la première fois dans le numéro 7 du Sport le jeudi 2 novembre 1854, où il rédige un article au sujet d'une chasse à l'ours en Californie ! Nous sommes loin du jeu d'échecs !


Le Sport - 29 mars 1855 - Gallica

Échecs

Depuis un mois, les habitués du Cercle des échecs ont suivi avec un vif intérêt une série de parties entre MM. Saint-Amant et Devinck. Le grand maître faisait avantage de pion et trait à son habile adversaire, qui passe, depuis vingt-cinq ans, pour un des meilleurs stratègiciens (sic) de l’échiquier français. Élève de La Bourdonnais, il a soutenu d’une pratique assidue l’étude approfondie de la théorie, aussi peut-on dire qu’il a apporté à la culture des échecs la même distinction que dans ses plus graves occupations magistrales et législatives.

M. Saint-Amant a fait ces quelques parties en vue de suivre nos avis sur l’entrainement, dans la probabilité du grand tournoi de l’Exposition. D’après le résultat, le maître n’aurait rien perdu de la puissance de ses brillantes facultés. Nous donnerons plus tard deux ou trois des meilleures parties, que nous tâcherons de livrer avec des annotations, dignes à la fois des deux célèbres joueurs et des lecteurs du Sport.

dimanche 23 octobre 2022

Lettre d‘Arnous de Rivière à Tassilo von der Lasa en date du 8 mai 1855

Voici la 5ème lettre, dont je dispose, de la correspondance entre Jules Arnous de Rivière et Tassilo von Heydebrand und der Lasa, conservée à Kornik en Pologne.

 
Cette lettre est à mes yeux la plus importante de la correspondance entre Tassilo von der Lasa et Jules Arnous de Rivière. Arnous de Rivière dévoile ce qu’il pense de Saint-Amant et explique que ce dernier est la cause de l’échec de l’organisation du tournoi international d'échecs de Paris en 1855

Pierre Charles Fournier de Saint-Amant
Je n'ai pas la source de cette photo...
 
Saint-Amant se défile, et manifestement il a peur de ne pas être à la hauteur de ce tournoi international qui regroupera les meilleurs joueurs du Monde et de se retrouver ainsi humilié. Un peu comme l’attitude d’Howard Staunton 3 ans plus tard avec l’arrivée de Morphy en Angleterre. Staunton fera tout pour éviter un match contre le jeune prodige américain.

Arnous de Rivière évoque au sujet de Saint-Amant « son gouvernement des Tuileries en 48 ». Au moment de la Révolution de février 1848, Saint-Amant est nommé gouverneur des Tuileries par le gouvernement provisoire. Il semble que Saint-Amant en tire de la vanité à tout instant. Il écrira même un fascicule sur cette expérience.

Il parle également des manœuvres souterraines de Saint-Amant pour torpiller l'organisation du tournoi. Bref les relations ne vont pas pour le mieux, et ce tournoi historique n’aura hélas jamais lieu... 
 
Le drame des Tuileries, par Saint-Amant, Paris 1848

Puis Arnous de Rivière évoque à nouveau le manuscrit de Doazan (que j'ai mentionné dans l'article relatif à la 4e lettre et pour lequel je consacrerai un prochain article) qui intéresse tant von der Lasa.
Dozan est prêt à lui vendre, mais cela ne se fera pas.

Enfin Arnous de Rivière indique que Claude Vielle (le propriétaire) a vendu le Café de la Régence. Claude Vielle assistera à l’inauguration officielle du nouveau Café de la Régence le 15 août 1855 bien évidemment. C’est grâce à lui que l’antique café pourra poursuivre son histoire avec le jeu d’échecs pendant encore un siècle supplémentaire. 
 
Voici le texte de la lettre :


Paris, 8 mai 1855
 
Monsieur,

Vous me demandez en premier lieu s’il faut renoncer à l’idée d’un tournoi. Je vous répondrai avec une grande franchise quoique la matière soit délicate et qu’il me faille attaquer une des notabilités des échecs, mais je m’ouvre à vous sans réserve sachant à quel esprit discret et élevé au-dessus des coteries j’ai affaire en votre personne.

Vous connaissez mieux que moi le caractère et les antécédents de M. de Saint-Amant son orgueil immense et les moyens qu’il a mis en œuvre pour s’ériger en piédestal, avec quel soin il évite les occasions de se mesurer avec les forts joueurs… etc… je n’ai rien à vous apprendre de bien neuf sur toutes ces choses ; M. de Saint-Amant n’est ni un gentleman ni même un de ces hommes dont la probité est parfaitement nette, sa conduite politique a été déplorable, et comme il rappelle à chaque instant son gouvernement des Tuileries en 48, il s’est attiré le ridicule autant qu’il s’était attiré le blâme. 
 

Les rapports sont difficiles avec M. Saint-Amant. Je le vois rarement, nous ne parlons presque pas ; il semble deviner que j’évite de me lier, il craint que je ne sois au courant des mauvaises actions de sa vie, il est extrêmement mielleux dans sa politesse vis-à-vis de moi et je reste convaincu qu’il ne laisserait pas échapper une occasion secrète de m’être nuisible. Ceci vous expliquera Monsieur pour qui Monsieur de Saint-Amant fait une opposition souterraine au projet de tournoi que j’avais mis en avant. D’un côté il ne veut pas être obligé de jouer et il sent qu’il ne pourrait éviter, d’un autre côté il est envieux et systématiquement hostile à toute tentative faite en-dehors de lui pour ranimer le goût des échecs en France.

J’ai fait beaucoup de concessions dans l’intérêt des échecs, j’ai flatté l’amour-propre de ce personnage en répétant dans le Cercle que lui seul pouvait diriger avec succès le tournoi, il s’est rengorgé, il a trouvé mes paroles enchantées et s’est engagé à pousser à la roue mais tout en promettant son concours il effrayait les membres du Cercle et encourageait leur apathie soit en choisissant dans le passé du Cercle toutes les mésaventures propres à les faire réfléchir soit en grossissant les obstacles et particulièrement les difficultés de se procurer de l’argent. De sorte que plusieurs membres que l’on avait entrainés dans un beau moment de zèle se sont cramponnés à ces objections et sont arrivés avec une vitesse merveilleuse, comme leur logique, à conclure que le tournoi était chose impossible.

Alors, et sur le point d’ouvrir les listes de souscriptions, je me suis arrêté. Je n’ai pas osé assumer une responsabilité qu’on m’aurait rendu trop lourde, mais je vois par ma correspondance que l’idée d’un tournoi plaisait à une foule d’amateurs distingués soit en France soit à l’étranger, il ne se passe pas une semaine que je ne reçoive de substances à ce sujet.
 

Le mauvais vouloir d’un faux frère aura tout empêché. N’allez pas croire cependant que M. Saint-Amant exprime formellement une opinion contraire au tournoi projeté, Le Sport a publié des petits articles de lui où il se vante de vouloir prendre part à la lutte et annonce qu’il s’est remis à jouer contre M. Devinck pour pratiquer cette forme « d’entrainement » qui est si nécessaire quand on veut s’engager dans un défi aussi sérieux.

Le tournoi n’ayant pas lieu, il publiera qu’il le regrette profondément ; enfin il n’est préoccupé que de lui dans une question qui intéresse le progrès du jeu et l’agrément des joueurs de tous les pays, M. Saint-Amant n’a jamais considéré les échecs que comme un moyen de gagner ? de l’argent et de se faire connaitre.

Mais pardon de ces détails qui ressemblent aux cancans de province, mais j’ai voulu vous donner la véritable raison de l’insuccès de notre projet et vous prouver qu’il n’y a pas eu négligence de ma part.
 
M. Doazan attache du prix à son manuscrit et désir le conserver ; cependant il reconnaît que dans l’intérêt de l’art il serait mieux placé entre vos mains qu’entre les siennes ; M. Doazan me charge de vous exprimer, Monsieur, son vif désir de vous connaitre, il espère que vous vous déciderez à venir passer quelques jours à Paris – Vous jugeriez de la valeur du manuscrit par vos propres yeux et si vous teniez décidément à l’avoir, je crois pouvoir vous dire que son propriétaire s’en dessaisirait avec l’amabilité qui lui est personnelle.
 
Je m’occupe il est vrai de publier un journal d’échecs, mais que les temps sont mauvais… M. Vielle a vendu le Café de la Régence, j’ignore encore si le nouveau propriétaire sera disposé à faire les frais de cette publication.
 
Je vous prie d’agréer, Monsieur, les nouvelles assurances de ma considération la plus distinguée.
J.Arnous de Rivière

95 Faubourg Saint-Honoré
 

 





samedi 15 octobre 2022

Lettre d‘Arnous de Rivière à Tassilo von der Lasa en date du 12 mars 1855

15/10/2022 - A peine publié, et voici déjà un addendum ! Merci à Oliver Sheppard pour sa précision au sujet du nom "Matscheko" ou "Matschego" que j'avais du mal à déchiffrer dans la lettre. Voir plus bas.
 
Voici la 4ème lettre, dont je dispose, de la correspondance entre Jules Arnous de Rivière et Tassilo von Heydebrand und der Lasa, conservée à Kornik en Pologne.
Lettre 1 – 18 mai 1854
Lettre 2 – 9 octobre 1854
Lettre 3 – 1er janvier 1855

Tassilo von Heydebrand und der Lasa - Bibliothèque de Cleveland
Collection de portraits de joueurs d’Échecs de de Dames de John G. White. 
 
Dans la précédente lettre, 3 mois auparavant, Jules Arnous de Rivière posait la trame de l’organisation d’un futur tournoi international d’échecs à l’occasion de l’exposition universelle de Paris en 1855. Tournoi envisagé sur le modèle de celui de Londres en 1851.

Dans le premier paragraphe de cette nouvelle lettre, on s’aperçoit que tout ne va pas pour le mieux dans cette organisation. Le Cercle Philidor (voir la lettre 1) est sur le point de se dissoudre, et on commence à sentir quelques tensions avec Saint-Amant.

En fait, le nouveau Café de la Régence sera inauguré le 15 août 1855, le jour de la Fête Nationale (voir un de mes tous premiers articles de ce blog), et le cercle s’installera au 1er étage, suivant la même configuration que l’ancien Café de la Régence, Place du Palais-Royal.

Puis Arnous de Rivière évoque un manuscrit ancien d’un dénommé Doazan, dont il semble douter de l’authenticité. Ce point qui semble anodin et pourtant capital pour l’histoire du jeu d’échecs. Je consacrerai un prochain article au sujet de Gabriel Eloi Doazan et de son manuscrit.
En quelques mots : à partir de ce manuscrit, qu’il indique daté de la fin du XVIe ou début du XVIIe siècle, Doazan publie dans plusieurs numéros du Palamède de 1843 et 1844 une série de textes plus ou moins romancés et de parties d’échecs très anciennes. Ce manuscrit controversé disparait après la vente en 1865 de la bibliothèque de Doazan, décédé en 1864. 
 
Le Palamède - février 1843 - Extrait du 1er texte de Doazan au sujet du manuscrit qu'il possède
 
Et enfin, Arnous de Rivière continue quand même de croire à la possibilité d’un tournoi de Paris en 1855 en évoquant des noms prestigieux susceptibles de venir jouer le tournoi, si, selon lui, les conditions financières sont acceptables.

Ajout du 22/10/2022 - Oliver Sheppard. Le nom difficile à lire dans le manuscrit correspond à Josef Matscheko (également orthographié Matschego semble-t-il). Dans le courrier d'Arnous de Rivière je lis plutôt Matscheko. Nous avons ici quelques informations que je traduis comme ceci :

Josef Matschego
(né le 12 août 1800, décédé en 1858, à l'âge de 57 ans) Autriche

Josef Matschego (i.e. Matscheko) a étudié le droit et est entré dans la fonction publique, où il fera carrière au ministère des affaires étrangères. Il fréquentait les cafés d'échecs de Vienne et était membre de la Wiener Schachgesellschaft.

source: Schachzeitung, vol 13, 1858, p 286-288.
 
L'autre nom, Ernst Falkbeer, est plus connu, c'est le fameux "inventeur" du contre gambit qui porte son nom dans le gambit du Roi. 


Voici le texte de cette 4ème lettre

Paris, 12 mars 1855
 
Monsieur,
Je vous suis très reconnaissant d’avoir pensé à m’envoyer l’adresse de MM. Falkbeer et Matscheko; si je donne suite au projet de tournoi dont je vous ai entretenu, je ne manquerai pas d’en faire part à ces messieurs ;
La difficulté de trouver l’argent n’est pas la seule, le Cercle est à la veille de se dissoudre ou de se reconstituer ; je suis seul croyant, M. de Saint-Amant qui pourrait beaucoup par son savoir-faire et par son influence ne veut pas se donner la moindre peine… Je ne vous cache pas qu’avant de lancer un prospectus, avant de faire un appel sérieux au zèle et à la bourse des joueurs et amateurs de l’étranger, je voudrai être plus sûr de l’appui de mes compatriotes.
 
Vous me demandez des renseignements sur le manuscrit ancien de M. Doazan ; j’ai lu votre lettre à ce respectable amateur des échecs et il s’est récrié à la pensée que vous aviez pu prendre au sérieux le roman publié dans le Palamède et qui n’est qu’un cadre imaginé par lui pour présenter d’une façon moins aride les parties dont vous contestez l’authenticité avec raison. En France nous voulons qu’on nous amuse même en nous instruisant. L’opinion de M. Doazan sur son manuscrit est qu’il est œuvre apocryphe de quelque joueur fort peu soigneux ; des copies fourmillent d’incorrections ; il est à croire que des altérations graves ont été commises. Cependant le manuscrit est ancien pour la manière de roquer – voir le Salvio

Si vous trouvez que ces indications générales ne suffisent pas je me ferai un plaisir de vous donner telle particularité qui pourrait vous être agréable. M. Greville m’entretient quelquefois du bonheur qu’il se promet de vous revoir ; en le rappelant à votre bon souvenir je m’acquitte d’une commission mainte fois renouvelée.
 
Herr Löwenthal me mande qu’il importe peu que les prix soient de 5000 ou de 500 francs et qu’il faut ne pas laisser tomber le tournoi projeté, mais pensez-vous, Monsieur, que Anderssen, Harrwitz et autres voudront se déranger et risquer leur réputation pour une petite somme ? Pour moi la lutte entre les célébrités n’est possible qu’à la condition d’offrir un prix d’argent assez considérable.
 
Agréez l’assurance de ma considération la plus distinguée
J.Arnous de Rivière
 

lundi 10 octobre 2022

Lettre d‘Arnous de Rivière à Tassilo von der Lasa en date du 1er janvier 1855

Voici la 3ème lettre d’Arnous de Rivière à Tassilo von der Lasa.
Vous avez les lettres précédentes ici et.
 
Cette lettre est datée du 1er janvier 1855. L’exposition universelle de Paris est prévue du 15 mai au 15 novembre. C’est la deuxième exposition de ce type organisée dans le monde, après celle de Londres en 1851. Et c’est justement à Londres qu’avait eu lieu le premier grand tournoi international d’échecs. Il semble donc tout naturel d’organiser un tel évènement à Paris en 1855…Et cette lettre pose les premiers jalons de cette organisation.
 
Estampe - Promenade à l'exposition universelle de Paris 1855 - Gallica
 
La première partie de la lettre a un curieux écho avec la situation géopolitique actuelle. La France et la Grande-Bretagne sont alliées contre la Russie dans la guerre de Crimée. Arnous de Rivière a une certaine inquiétude à cause de la situation et espère la paix pour le printemps 1855, mais la guerre va durer jusqu’au traité de Paris le 30 mars 1856.

Puis Arnous de Rivière assure avoir le soutien des Anglais pour l’organisation du tournoi, et propose de faire quelques changements par rapport au déroulement du tournoi de Londres en 1851. Un aspect important concerne également la révision des règles du jeu dans le but de les uniformiser et de les rendre universelles, chose qui avait échouée à Londres en 1851.

Arnous de Rivière demande ensuite de l’aide à son correspondant afin de diffuser l’annonce du congrès partout en Allemagne. Puis il propose une ébauche de budget, mais comme il l’indique, ce ne sont que des hypothèses car les souscriptions n’ont pas encore été lancées…

Le projet avance certes… Mais il ne faut pas perdre de vue qu’il n’y aura pas de tournoi à Paris en 1855 !

Voici le texte de la lettre. Elle est annotée par Von der Lasa – les notes (que j'indique en italique) sont transcrites et traduites de l’allemand par Herbert Bastian que je remercie.

Mit der Bitte um gelegentliche Rücksendung, dem Vorstand der Berliner Schachgesellschaft zur gefälligen Kenntnisnahme mitgeschickt. Brüssel 3. Jan 55 Lasa

Envoyé au comité de la société d'échecs de Berlin, avec prière de le renvoyer à l'occasion, pour information. Bruxelles 3 janvier 1855.
 
Paris, le 1er janvier 1855

Monsieur,
 
 
Je vous suis infiniment obligé de l’empressement que vous avez mis à répondre à mon appel ; vos deux lettres du 23 et du 29 décembre (NDA - xbre) me sont parvenues au temps de leur date, pour ne rien oublier de ce qu’elles mandent je vais les suivre alinéa par alinéa. Vous commencez par émettre un doute sur la réussite du congrès-tournoi en raison des circonstances actuelles, la guerre a détourné les esprits des échecs surtout en Angleterre (NDA - guerre de Crimée) et vous ignorez quelles sont les dispositions de vos compatriotes. 
 
A cela je vous répondrai franchement que j’ai conçu comme vous quelque inquiétude et je ne puis me flatter de l’espoir que la paix sera faite au printemps, mais d’un côté l’opportunité de l’époque où une Exposition Universelle attirera beaucoup d’étrangers (Quel que soit du reste l’état politique de l’Europe) et d’un autre côté l’utilité réelle d’un congrès-tournoi autant pour s’entendre sur la révision des lois * et le système de notation que pour réveiller et populariser le goût des échecs par la publication de toutes parties qui donneront lieu à des analyses savantes, enfin la bonne volonté de plusieurs membres du Cercle des échecs de Paris et notamment de notre premier joueur M. de Saint-Amant sont des considérations qui l’ont emporté dans mon esprit et me décident, après avoir pris l’initiative d’une entreprise assez lourde, à en poursuivre l’exécution sinon avec toute l’habilité et l’expérience désirable, du moins avec zèle et ce que je m’empresse de vous répéter, Monsieur, une facilité très grande à recevoir des conseils.

*Die Regeln und die Bezeichnung (= Notation) gehören wohl in die letzte Reihe am Congreß.
*Les règles et le système de notation occupent sans doute le dernier rang du Congrès.


Monsieur Staunton me parait être très disposé à seconder le Cercle de Paris, il me l’assure dans ses lettres et vous avez pu voir qu’il avait déjà publié dans L’Illustrated London News le nom des membres du Comité de Direction. Dans le court séjour que je fis en Angleterre l’année dernière, au mois de juin nous nous étions entretenus des moyens du succès pour un tournoi.
Je lui demandai s’il pensait que ses compatriotes souscriraient volontiers et M. Staunton m’assura qu’il trouverait parmi les joueurs anglais une somme d’au moins 200 livres sterling. Les embarras de la crise où nous avons été jetés depuis par la politique modifient peut-être ses idées comme ses ressources ?

**Wenn Herr Staunton sehr gütig sein wollte, hatte er wohl schon, selbst zu kommen, verworfen. Vielleicht sagt er aber doch zu.
**Si M. Staunton voulait être aimable, il avait sans doute déjà refusé de venir lui-même. Mais peut-être acceptera-t-il quand même.


Vous vous préoccupez, Monsieur, de la manière dont sera organisé le tournoi, vous critiquez celui de Londres et entre autre inconvénient vous me citez l’exclusion presque immédiate de MM Kieseritzky, Mayet et Lowenthal ; vous proposez de restreindre le nombre des concurrents et d’augmenter le nombre des parties en ce sens que chaque joueur devra gagner deux parties sur trois à son adversaire. C’est aussi l’avis de M. Anderssen.*** Il ne faut point négliger selon vous de se mettre en rapport direct avec le plus grand nombre d’amateurs dans tous les pays.

Soyez certain, Monsieur, que l’esprit de notre comité est d’écarter soigneusement l’arbitraire. Hier même, M. de Saint-Amant avec lequel j’ai pu m’entretenir pour répondre à vos obligeantes communications me disait qu’il convenait de faire régler par les joueurs de tous pays réunis en assemblée générale**** (NDA – ass.gale) dans notre cercle toutes les questions relatives à l’organisation du tournoi.

***Falsch verstanden. F
***Mauvaise compréhension.

****Das ist bequem für das Comitée, aber nicht practicabel.
****C'est commode pour le comité, mais ce n’est pas pratique.

F ich hatte denModus des London Clubs empfohlen – Anderssen will bei der Art des St. G. Clubs bleiben, aber die Zahl der Siege über zwei vermehren.
F j'avais recommandé la méthode du London Club - Anderssen veut rester dans le style du St. G. Club, mais augmenter le nombre de victoires au-delà de deux.


Un rapport sera préparé qui résumera les opinions des autorités en matière d’échecs et dès la première réunion on votera sur l’adoption de tel ou tel système.

Ce procédé me semble de beaucoup le meilleur ; le Cercle de Paris s’efface le plus possible et chacun est appelé sur le pied d’une parfaite égalité. D’ici au temps de notre réunion nous pourrons traiter par correspondance sur les divergences d’avis des principaux amateurs. Je reconnais comme vous la convenance d’une invitation directe de notre club à ceux des joueurs étrangers dont le concours parait le plus à désirer. Veuillez être assez amical pour m’envoyer une liste des cercles importants d’Allemagne et leur adresse ainsi que celle des grandes célébrités de l’échiquier dont j’ai le malheur d’ignorer jusqu’à l’existence au moins pour un certain nombre d’entre eux ; il faut pardonner cela à un adepte aussi novice que moi.

Le vœu que vous exprimez sur la publicité des séances est juste, il sera certainement écouté, ne craignez rien à l’endroit de la publication des parties, elles seront propriété publique, chacun butinera à son aise. Il est à regretter que le congrès de Londres manquait d’autorité suffisante pour résoudre les questions de révision des lois et de notation universelle. J’espère que notre congrès aura un caractère d’universalité qui lui permettra de se prononcer utilement sur ces questions. Pour ma part je compte insister pour que cette portion de notre programme soit accomplie sérieusement.

Reste à savoir quels seront les prix accordés ? Je ne puis vous répondre d’une manière assez positive, ce que je vais vous dire émane de mes appréciations personnelles car les listes de souscriptions n’ont pas encore été lancées et j’ignore au juste ce qu’elles produiront, mais enfin voici les bases qui me paraissent les plus probables.
 

M. L’Empereur donnera un prix de 1000 à 3000 francs
Le Cercle des Échecs de Paris 2000 francs
La Régence et les amateurs de province 1000 à 2000 francs
L’Angleterre 5000 à 6000 francs
L’Allemagne (?) 2000 (?) francs

11000 francs à 15000 francs

Le produit des droits d’entrée (??) 2000 francs
Soit un total de 13000 à 17000 francs

Il se peut bien qu’il y ait quelque exagération dans ces chiffres quoiqu’ils ne soient pas élevés mais en tout cas il me parait qu’on peut compter sur 12000 francs. Nous le verrons bien !
Le prix principal sera proportionnellement très considérable, ainsi soit un encaisse de 12000 francs, le prix du grand match serait de la moitié 6000 francs. Le reste de la souscription sera réparti entre les joueurs de second ordre, les compositeurs de problèmes et les analystes qui à partir du 1er janvier 1855 auront contribué à faire progresser la théorie du jeu.

Voici, Monsieur ce que je puis vous dire de plus pressé ; il me reste à vous remercier de votre bienveillant concours en vous priant de continuer à me servir d’intermédiaire auprès de vos compatriotes. Dois-je nourrir l’espoir de vous voir prendre vous-même une part active dans notre congrès ? C’est le vœu le plus ardent de tous les amateurs d’échecs en France et je suis heureux de les représenter, Monsieur, pour vous le dire.
 

Agréez l’assurance de ma haute considération
J.Arnous de Rivière

jeudi 29 septembre 2022

Une célèbre gravure

Dans mon article d'hier, j'ai publié un portrait de Jules Arnous de Rivière provenant d'une gravure du journal The Illustrated London News en date du 14 juillet 1855.
 

The Illustrated London News - 14 juillet 1855 - British Newspaper Archive
 
L'intérêt de cette gravure est d'avoir un portrait de Jules Arnous de Rivière quand il était jeune.
Car le plus souvent il est représenté quand il avait déjà un certain âge, avec son bonnet d'astrakan caractéristique.


Un lecteur de ce blog m'a demandé de voir la gravure dans son intégralité. C'est donc l'occasion d'en faire un petit article.
 
Elle est assez connue et il est facile de la trouver sur internet, par exemple ici
 
 
Cette gravure est accompagné d'un texte concernant le banquet final du congrès d'échecs de Leamington.
Leamington Chess Meeting at the Regent Hotel, June 25th 1855
 
Les différentes personnes sur la gravure sont listées ci-dessous. J'indique également leur rang mondial estimé selon l'EDO Historical Chess Rating de 1855.
 
n°1 - Lowenthal, Johann - 8ème selon l'EDO - 2552
n°2 - Arnous de Rivière, Jules - 17ème selon l'EDO - 2455
n°3 - Wyvill, Marmaduke - 27ème selon l'EDO - 2435
n°4 - Falkbeer, Ernst - 23ème selon l'EDO - 2446
n°5 - Staunton, Howard - 3ème selon l'EDO - 2632
n°6 - Lyttelton, George - 161ème selon l'EDO - 1782 - Le meeting est sous son patronage.
n°7 - Kennedy, Hugh - 51ème selon l'EDO - 2366
 

dimanche 9 août 2020

un lien familial inattendu

Un peu par hasard, je viens de découvrir que le 1er ministre britannique actuel, Boris Johnson, était un descendant de Jules Arnous de Rivière.

Boris Johnson

Jules Arnous de Rivière - L'Illustration 26 mai 1894

Il faut remonter sur plusieurs générations, 5 pour être précis, du côté de son père d'après Wikipedia.
Plusieurs articles sur des sites de généalogie mentionnent ce lien totalement inattendu pour ma part.

Jules Arnous de Rivière est incontournable dans l'histoire des Échecs Français et du Café de la Régence pour la seconde moitié du XIXè siècle.

Pour terminer ce court article, voici une gravure parue dans le journal Anglais (of course) The Illustrated London News du 14 juillet 1855.
Jules Arnous de Rivière n'a que 25 ans et il est le deuxième en partant de la gauche.

Source : BNA
De gauche à droite, Lowenthal, Arnous de Rivière, Wyvill, Falkbeer, Staunton, Lord Lyttelton, Kennedy.
La gravure est intitulée : "Célébrités du jeu d'échecs lors du dernier meeting d'échecs - D'après des photographies du signor Aspa (Club d'échecs de Leamington) et M. Russell."

A noter par curiosité que les pièces représentées semblent êtres des pièces de type Régence et non Staunton, malgré la présence de leur promoteur ...


Complément du 10/08/2020
Merci à Oliver Sheppard pour les précisions ci-dessous :
Staunton est plutôt le promoteur des pièces de type "Staunton" et non son inventeur.
Les pièces visibles sur la gravure sont de type "barleycorn" (littéralement "grain d'orge"), un modèle similaire au modèle Régence.


Boris Johnson joueur d'échecs ?



samedi 30 mai 2020

Serafino Dubois, un italien à la Régence

Je remercie tout particulièrement Frank Hoffmeister de m'avoir communiqué les documents qui m'ont permis de rédiger cet article.

Celui-ci est basé sur l'autobiographie du joueur d'échecs Italien Serafino Dubois (22/03/1817 - 15/01/1899).
"Quarant'anni di scacchi da campione" publié dans la Rivista Nueva degli Scacchi (1900-1903).



Serafino Dubois est très certainement le plus fort joueur d'échecs italien du XIXème siècle.
Ses mémoires sont très intéressantes, car il se rend à Paris au cours de l'été 1855, à une période où il existe peu de témoignages sur l'activité du Café de la Régence.
La revue "La Régence" s'est arrêtée en 1851, et "La Régence - Journal des échecs" ne reprend qu'en 1856. 1855 correspond à l'année de l'inauguration du nouveau Café de la Régence rue Saint-Honoré.


A ma connaissance, la seule photo (de mauvaise qualité hélas) connue de Dubois

Dans ses mémoires, Dubois explique son intention de venir à Paris du fait de l'organisation d'un grand tournoi d'échecs à l'image de celui de Londres en 1851.
Il était effectivement prévu d'organiser un grand tournoi à l'occasion de l'exposition universelle de 1855. Mais ce tournoi n'aura jamais lieu, et Dubois l'apprend alors qu'il est en route vers Paris.

Rappelons quelques faits :
Au deuxième semestre de l'année 1853 le Café de la Régence est définitivement exproprié de la Place du Palais Royal. Il s'installe pour l'année 1854 à l'Hôtel Dodun, 21 rue de Richelieu, à quelques centaines de mètres.
Le Cercle des Échecs, anciennement situé au 1er étage du Café de la Régence, là où s'était joué le match Saint-Amant / Staunton en fin d'année 1843, s’installe au Palais-Royal.

« Le cercle de la Régence a été obligé de se séparer du café du même nom, par suite de la démolition de la maison située à l’angle de la place du palais-Royal, dont le café occupait le rez-de-chaussée, et le cercle le 1er étage. Le café a émigré provisoirement au fond d’une cour de la rue Richelieu, 21 ; 
le cercle, dans quelques pièces attenantes au café de Lyon, galerie de Montpensier, 6, au Palais-Royal. Ce cercle où se trouvent des gens du grand monde, des illustrations de la magistrature, 
de la science, de la vie littéraire et artistique, est un champ ouvert à l’observation, mais d’un ordre élevé.» 


Paris illustré, nouveau guide des voyageurs – Paris 1855
Google Book

Dubois explique qu'il existe des dissensions entre le Café de la Régence et le Cercle des Échecs.
Et ce sont probablement ces problèmes qui expliquent que le grand tournoi parisien tombera à l'eau.
En tout cas, le Cercle des Échecs reviendra quelque temps plus tard au 1er étage du nouveau Café de la Régence. Frederick Edge (secrétaire de Morphy) mentionne le Cercle à cet endroit dans son livre sur Morphy à Paris en 1858.

Voici comment Dubois décrit la Régence en 1855 (je reprends la traduction de l'italien paru sur le site Europe Échecs)

Notez qu'il est mentionné la présence de tables de billard. C'est dans cette salle que se tiendra la fameuse simultanée à l'aveugle de Morphy le 27 septembre 1858 immortalisée par cette gravure.

« Il est vrai que le café de la Régence a été rénové et embelli avec luxe, décoré de miroirs, divans et autres commodités, mais la proximité bruyante du billard et du domino entrait en conflit avec les méditations silencieuses des joueurs d’échecs. 
En effet beaucoup des anciens habitués m’ont avoué que la Régence avait perdu son âme 
et était devenu ni plus ni moins que l’un de ces nombreux établissements similaires 
que l’on trouve dans cette immense cité. 
Toutefois je fus accueilli avec la plus grande cordialité par le propriétaire M. Vielle qui me connaissait plus que de nom puisque nous avions échangé quelques lettres auparavant. 
J’ai eu l’occasion de connaître plusieurs personnalités du jeu et rapidement je pus me confronter aux meilleurs et autres Préti, Séguin, Budzinsky. J’assistais chaque jour aux luttes de quelques gros papa, qui avant d’être joueur, étaient des dilettantes enthousiastes et bons vivants, le doux et affable Saint Elme le Duc et ce cher vieux Doazan, plein d’esprit, qui m’invita aussitôt chez lui pour me présenter à De Rivière, une nouvelle étoile qui venait de naître au firmament des échecs.»

Dans sa biographie Dubois évoque ses matchs au Café de la Régence contre les plus forts de l'époque. Et ce n'est pas compliqué, selon Dubois il obtient un score positif contre tous les joueurs de la Régence contre qui il a joué !

Il cite Jules Arnous de Rivière, le polonais Budzinsky (un joueur maigre, mais nerveux et émotif, 
et qui se met en colère lorsqu'il rencontre la défaite. Il connait peu les ouvertures mais son jeu est tenace et plein de ressources, selon Dubois), Seguin, Lécrivain, Lequesne, etc. tous avec un score positif en sa faveur, malgré ce qu'en dit l'Illustration du 11 août 1855 et qu'il conteste dans ses mémoires.


L'Illustration - 11 août 1855

Il parle également d'un joueur appelé Montigny, maigre, sans barbe, portant des lunettes, avec une physionomie intelligente et un peu espiègle.
Il jouait avec la plus grande vitesse, ce qui lui a valu des triomphes inouïs avec des joueurs plus faibles, à tel point qu'il était surnommé "Le petit Le Bourdonnais".

Rappelons que la plupart des parties se jouent à enjeu d'argent, 50 centimes étant une somme courante pour une partie. Un journal quotidien comme "La Presse" coûte 15 centimes au numéro, et on peut estimer 50 centimes de franc de l'époque à environ 10 euros actuels.

Source : Gallica

C'est l'occasion pour lui de rencontrer des joueurs italiens installés à Paris ; Jean Preti de Mantoue (futur fondateur de La Stratégie), Tassinari de Faenza (joueur très prometteur décédé trop jeune à 44 ans en 1856 lors de son retour en Italie), Lustro Levi de Modène (élève d'Ignazio Calvi).

Il décrit également Devinck, "un des joueurs les plus solides de la vieille école Française", député et connu pour sa fabrique de chocolat, mais également Jules Grévy, futur président de la République, avec qui il joue quelques parties "un joueur de belle force".


Quelques mots sur le Cercle des échecs (Dubois y passe au cours de l'été 1855) :
"(...) lieu de rencontre aristocratique du jeu d'échecs, alors situé au Palais Royal.
A cette époque c'était presque désert, les 410 membres étant presque tous à la campagne ou à l'étranger. La figure de proue est toujours Saint-Amant, bien qu'il soit presque entièrement retiré de la pratique du jeu à cause de ses affaires."

Dubois y rencontre quand même "le brillant Schulten, le solide Brooke Greville, le vicomte de Vaufreland, le vieux Delondre docteur de La Bourdonnais, Devinck, Hersent, le comte Isoard (futur adversaire de Morphy lors de la fameuse partie de l'opéra)"

Il parle également de Delannoy, célèbre chroniqueur échiquéen français du XIXème siècle.
"Un jour à l'estaminet, cet agréable visage de Delannoy arriva par hasard. Quelqu'un lui parla de moi et suggéra de jouer avec moi. Ce n'était pas un joueur fort; son point fort, c'est bien connu, était la plume. A cette proposition de jouer, il se leva pour dire que les joueurs de l'époque étaient lents comme des tortues, mais que si j'avais voulu jouer en faisant un coup toutes les minutes, il m'aurait donné la Tour."

Il indique avoir "eu de la chance de rencontrer Alfred de Musset, passionné par le jeu, grand admirateur de Ristori (qu'il préférait beaucoup à Rachel), et il a toujours suivi ses pérégrinations en province."

Dubois joue plusieurs fois avec Musset et finit par lui donner l'avantage d'un pion et deux coups.
Voir à la fin de l'article une partie de Dubois contre Musset.

"Il était douloureux, cependant, de voir une si belle et si rare intelligence avec une bouteille d'absinthe toujours à ses côtés, tombant de temps en temps sous la table ivre de cette terrible liqueur, qui peu de temps plus tard l'emporta encore jeune au sépulcre.
Une fois, après avoir perdu deux ou trois parties avec moi, il commença à devenir fou et m'apostropha :
- Eh ! Cher Monsieur, pensez-vous que vous êtes un La Bourdonnais parce que vous m'avez gagné avec l'avantage d'un pion et deux coups ?
Ne savez-vous pas que la Bourdonnais m'a donné le Cavalier mais aussi la Tour et m'a battu à plate couture ?
- Je le crois très bien, répondis-je calmement, mais ce que je voudrais que vous ne croyiez pas, c'est que je n'ai aucunement la prétention de me croire être un 
La Bourdonnais que je n'ai jamais été, que je ne suis pas et que je ne serai jamais".
Cette déclaration explicite semble le calmer, puis de plus en plus apaisé il ajoute 
"Oh ! Alors c'est autre chose, et je crois, pour ma part, que nous resterons toujours de bons amis"
Alors que le champagne arrivait, il reprit son thème préféré, Ristori, et il souhaita que nous buvions à la santé de la grande actrice."

Dubois indique : "Les Italiens triomphent sur toute la ligne à Paris : Verdi à l'Opéra, Ristori aux Italiens et Dubois à la Régence"

Me trouvant si proche de l'Angleterre, j'aurais eu un grand plaisir d'aller à Londres pour me battre avec les joueurs de premier ordre qu'elle abrite. Mais avec toute ma bonne volonté j'ai dû rester de ce côté du détroit. (...) C'est M. Staunton qui ma déconseillé de venir car j'y trouverai le désert.

Et Dubois part de Paris vers la fin du mois d'octobre et poursuit son voyage en Europe en passant par Bruxelles, Aix-la-Chapelle, Cologne, Mayence, Strasbourg, avant de rentrer en Italie.


[Event "Paris"] [Site "Paris"] [Date "1855.??.??"] [Round "?"] [White "De Musset, Alfred"] [Black "Dubois, Serafino"] [Result "0-1"] [ECO "C33"] [PlyCount "48"] [EventDate "1855.??.??"] [EventType "game"] [EventRounds "1"] [EventCountry "FRA"] [Source "ChessBase"] [SourceDate "2001.11.25"] 1. e4 e5 2. f4 exf4 3. Bc4 Qh4+ 4. Kf1 g5 5. Nf3 Qh5 6. Nc3 Bg7 7. d4 Ne7 8. e5 Nbc6 9. Ne4 g4 10. Nfg5 O-O 11. Bxf4 h6 12. Ng3 Qh4 13. N5e4 Na5 14. Be2 f5 15. Nf2 Nd5 16. Bd2 f4 17. Nge4 Ne3+ 18. Bxe3 fxe3 19. Qe1 d5 20. g3 Qh3+ 21. Kg1 exf2+ 22. Nxf2 Rxf2 23. Kxf2 Nc6 24. c3 Bf5 0-1 [Event "Paris"] [Site "Paris"] [Date "1855.??.??"] [Round "?"] [White "Dubois, Serafino"] [Black "Lecrivain, M."] [Result "1-0"] [ECO "C23"] [PlyCount "31"] [EventDate "1855.??.??"] [EventType "game"] [EventRounds "1"] [EventCountry "FRA"] [Source "ChessBase"] [SourceDate "2001.11.25"] 1. e4 e5 2. Bc4 Bc5 3. b4 Bxb4 4. f4 exf4 5. Nf3 Nc6 6. c3 Bc5 7. d4 Bb6 8. Bxf4 d6 9. O-O Nge7 10. Ng5 O-O 11. Qh5 h6 12. Nxf7 Rxf7 13. Qxf7+ Kh8 14. Bxh6 gxh6 15. Rf6 Ng8 16. Rg6 1-0 [Event "Paris"] [Site "Paris"] [Date "1855.07.20"] [Round "?"] [White "Dubois, Serafino"] [Black "Arnous de Riviere, Jules"] [Result "0-1"] [ECO "B21"] [PlyCount "96"] [EventDate "1855.??.??"] [EventType "game"] [EventRounds "1"] [EventCountry "FRA"] [Source "ChessBase"] [SourceDate "2001.11.25"] 1. e4 c5 2. f4 e6 3. c4 Nc6 4. Nf3 f5 5. e5 Nh6 6. Nc3 Be7 7. Be2 O-O 8. O-O a6 9. d3 b6 10. b3 Bb7 11. h3 Qc7 12. Be3 Rad8 13. a3 d5 14. exd6 Bxd6 15. Ng5 Rf6 16. Qd2 Nd4 17. Bxd4 cxd4 18. Na4 Bc6 19. Nb2 e5 20. fxe5 Bxe5 21. Bf3 Bg3 22. Bxc6 Qxc6 23. Rf3 f4 24. Ne4 Rg6 25. Nxg3 fxg3 26. Raf1 Qd6 27. Qb4 Qxb4 28. axb4 b5 29. c5 Re6 30. Rxg3 Re2 31. Rf2 Rxf2 32. Kxf2 Nf5 33. Rf3 Ne3 34. Rxe3 dxe3+ 35. Kxe3 Kf7 36. d4 Re8+ 37. Kf4 Ke6 38. Ke4 Kd7+ 39. Kd5 Re3 40. Nd1 Rxb3 41. Nf2 Rxb4 42. Nd3 Rb3 43. c6+ Kc7 44. Nc5 Ra3 45. Ne6+ Kc8 46. Kc5 Rc3+ 47. Kb6 b4 48. d5 Rd3 0-1 [Event "Paris"] [Site "Paris"] [Date "1855.09.05"] [Round "?"] [White "Arnous de Riviere, Jules"] [Black "Dubois, Serafino"] [Result "0-1"] [ECO "B01"] [PlyCount "52"] [EventDate "1855.??.??"] [EventType "game"] [EventRounds "1"] [EventCountry "FRA"] [Source "ChessBase"] [SourceDate "2001.11.25"] 1. e4 d5 2. exd5 Nf6 3. Bb5+ Bd7 4. Bxd7+ Qxd7 5. c4 c6 6. dxc6 Nxc6 7. Nf3 e5 8. O-O e4 9. Re1 O-O-O 10. Ng5 Qf5 11. Nxf7 Bc5 12. Rf1 Ng4 13. Nxh8 Nxf2 14. Qe1 Rf8 15. d4 Bxd4 16. Nd2 Nd3+ 17. Kh1 Nxe1 18. Rxf5 Rxf5 19. h3 e3 20. Ne4 Rf1+ 21. Kh2 Be5+ 22. g3 Nd4 23. h4 h5 24. Ng5 Nef3+ 25. Nxf3 Rf2+ 26. Kh3 Nxf3 0-1 [Event "Paris consultation"] [Site "Paris"] [Date "1855.??.??"] [Round "?"] [White "Dubois, Serafino"] [Black "Brunswick/Casabianca/Preti"] [Result "1-0"] [ECO "C33"] [PlyCount "51"] [EventDate "1855.??.??"] [EventType "game"] [EventRounds "1"] [EventCountry "FRA"] [Source "ChessBase"] [SourceDate "2001.11.25"] 1. e4 e5 2. f4 exf4 3. Bc4 Qh4+ 4. Kf1 g5 5. Nc3 Bg7 6. d4 c6 7. Nf3 Qh5 8. e5 b5 9. Bb3 h6 10. Ne4 Bf8 11. d5 c5 12. Qe1 a5 13. Bd2 b4 14. d6 Ba6+ 15. Kg1 Nc6 16. Nf6+ Nxf6 17. exf6+ Kd8 18. Ne5 c4 19. Nxc6+ dxc6 20. Qe5 cxb3 21. Qxa5+ Ke8 22. Re1+ Be2 23. Qc7 Rd8 24. Qxc6+ Rd7 25. Qc8+ Rd8 26. d7# 1-0