samedi 5 juillet 2025

Genèse des idées échiquéennes de François-André Philidor

En 2026, nous fêterons le tricentenaire de la naissance de Philidor, et sa ville natale, Dreux, organisera plusieurs évènements. Et ce sera l'occasion pour moi de publier plusieurs articles sur Philidor.
 
Dans ce présent article je souhaite mettre en lumière le travail remarquable d'un jeune Maître International, Benjamin Defromont, également étudiant en philosophie. Il s'agit de son mémoire de Master 2 au sujet de Philidor intitulé "Genèse des idées échiquéennes de François-André Philidor : L’Analyse des échecs à la lumière des théories ramistes". 
 
Benjamin, que je remercie, m'a autorisé à le publier sur mon blog, et je le mettrai très prochainement à disposition sur le site de la FFE. Vous trouverez donc dans cet article un résumé du travail de Benjamin, une entrevue et le texte intégral de son mémoire (à la fin de cet article), qui contient des documents inédits concernant Philidor. 
 
Benjamin Defromont en mai 2023 à Gournay-en-Bray
quand il réalisa sa 2ème norme de MI 
 

Résumé du mémoire

Benjamin Defromont, jeune Maître International, a soutenu le 30 juin 2023 à la Sorbonne Université, un mémoire de Master 2 en musicologie, intitulé "Genèse des idées échiquéennes de François-André Philidor : L'Analyse des échecs à la lumière des théories ramistes".

Le mémoire explore la vie et les contributions de François-André Danican Philidor, compositeur et joueur d'échecs français du XVIIIe siècle, en mettant l'accent sur ses idées révolutionnaires concernant les échecs et leur possible lien avec les théories musicales de Jean-Philippe Rameau. Le mémoire est structuré en plusieurs chapitres qui couvrent la biographie détaillée de Philidor, ses voyages, sa carrière musicale, ses idées sur les échecs, et une analyse des influences possibles sur sa pensée, notamment les théories de Rameau.

Benjamin Defromont examine plusieurs hypothèses pour expliquer la genèse des idées échiquéennes de Philidor, notamment l'influence des traités d'échecs précédents, le jeu de dames, la partie des pions inventée par le Sire de Le Gall, et les théories musicales de Rameau.

Le mémoire inclut également des annexes contenant des documents d'archives, des actes d'état civil, et des partitions musicales. L'objectif principal de Benjamin Defromont est de déterminer comment les théories de Rameau ont été portées à la connaissance de Philidor et quel a été leur impact sur sa pensée échiquéenne, tout en explorant d'autres hypothèses pour comprendre la genèse des idées de Philidor.

En résumé, ce mémoire offre une étude approfondie de la vie et de l'œuvre de Philidor, en mettant en lumière les intersections possibles entre la musique et les échecs, et en explorant les influences théoriques qui ont façonné ses idées. Il s'agit d'une contribution significative à la compréhension de l'héritage culturel et intellectuel de Philidor.

Retrouver le texte intégral du mémoire à la fin de cet article

Entrevue avec Benjamin Defromont

Jean Olivier Leconte - Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Benjamin Defromont - Je m’appelle Benjamin, j’ai 22 ans, je suis maître international. J’exerce en tant qu’entraîneur d'échecs en parallèle de mes études, et je m’intéresse également à l’arbitrage et à la composition et la résolution de problèmes. À tous les aspects du jeu d’échecs, en somme ! 

JOL - Qu'est-ce qui t'a inspiré à choisir ce sujet de mémoire sur François-André Danican Philidor et ses idées échiquéennes ?
BD - À vrai dire, je n’en sais rien ! J’avais déjà travaillé sur Philidor dans le cadre de mon prix d’histoire de la musique au C.R.R. de Lille (NDA : CRR - Conservatoire à Rayonnement Régional), et j’imagine que j’ai voulu approfondir quelque peu mes recherches. Quant à ce qui m’a amené à Philidor en premier lieu… mais ce n’est sans doute pas si fréquent de tomber sur un joueur et un théoricien des échecs de premier plan, qui occupe également une place de choix dans l’histoire de l’opéra français ! 

JOL - Peux-tu nous parler du processus de recherche que tu as suivi pour ce mémoire ? Quelles ont été tes principales sources d'information ?
BD -
Comme c’est presque toujours le cas en sciences humaines, la plus grande partie de mon travail a consisté en l’établissement et à la lecture d’une bibliographie. En outre, puisque mon sujet était avant tout axé sur l’histoire, je me suis fréquemment rendu aux archives de Paris, pour y consulter des documents d’époque. J’ai été le premier surpris de voir que je pouvais passer des heures dans les minutes [sic] de notaire ! 

JOL - En quoi les contributions de Philidor aux échecs et à la musique sont-elles toujours pertinentes aujourd'hui, selon toi ?
BD - En ce qui concerne les échecs, je dirais que la réponse est simple : c’est Philidor le premier qui a compris l’importance d’avoir un objectif stratégique à long-terme. Si la construction d’un plan nous semble aujourd’hui évidente (pas dans mes propres parties, malheureusement), c’est en quelque sorte grâce à lui. Je tiens aussi à ajouter qu’il est le premier, longtemps avant l’avènement de la génération de joueurs professionnels emmenée par Steinitz et Zukertort, à avoir cherché les principes du jeu, et à avoir voulu analyser celui-ci de façon scientifique.

Pour ce qui est de la musique, les choses sont un peu plus compliquées. Le fait qu’il y ait davantage de musiciens que de joueurs d’échecs fait qu’une discipline évolue plus vite que l’autre, et comme Philidor n’a pas laissé d’écrits théoriques sur la musique, son influence n’est plus très prégnante aujourd’hui. En fait, le Drouais fait partie des nombreux compositeurs qui ont été un peu laissés de côté par les historiens, ce qui ne veut pas dire pour autant que ses œuvres ne sont pas intéressantes ! Certains livrets qu’il a mis en musique sont même très actuels. Ce n’est pas pour rien que Julie Depardieu a consacré il y a quelques années une chronique sur France Musique aux Femmes vengées, l’un des plus grands succès du compositeur.
 
François-André Danican Philidor 
Portrait gravé (1772) par Augustin de Saint-Aubin d'après Charles-Nicolas Cochin. 
 
JOL - Quelles ont été les découvertes les plus surprenantes lors de tes recherches sur Philidor ?
BD - Sans hésiter, sa personnalité ! Avant de m’intéresser à Philidor, je ne connaissais de lui que quelques éléments biographiques, une ou deux parties, et les grandes lignes de ses théories échiquéennes. Au fur et à mesure de mes recherches, j’ai découvert un homme non seulement pétri de talent, mais aussi amical, généreux, sensible, et, si tant est que cela veuille dire quelque chose, profondément humain. De façon générale, apprécier la personne sur qui l’on travaille nous donne envie de redoubler d’efforts (excepté dans certaines professions, comme tueur à gages, par exemple), même s’il faut toujours veiller à garder une certaine distance critique vis-à-vis de son objet d’étude. 

JOL - Philidor était à la fois un compositeur renommé et un joueur d'échecs exceptionnel. Comment parvenait-il à concilier ces deux activités ?
BD - Philidor a toujours considéré la musique comme son activité principale, sa vraie profession, en quelque sorte. Les échecs étaient pour lui avant tout un passe-temps, un « objet d’amusement sérieux » pourrait-on dire. Durant ses voyages de jeunesse, cependant, et plus tard, à partir des années 1770, c’est pourtant bien le Noble Jeu qui a pris le pas sur la musique, mais pas tant par intérêt intellectuel que par intérêt financier. À l’époque, sans assurance, sans retraite et sans revenu fixe, les compositeurs qui n’avaient pas eu la chance de trouver une place à la cour, ou au service de l’Église ou de l’aristocratie vivaient en effet dans la plus grande précarité, et c’est donc vers les échecs que Philidor a été forcé de se tourner pour assurer la subsistance de sa famille.
 
JOL - Comment les théories musicales de Rameau ont-elles pu influencer la pensée échiquéenne de Philidor ?
BD - Excellente question ! J’ai travaillé sur le sujet il y a deux ans déjà, et j’ai bien peur que ma mémoire me fasse défaut…. heureusement qu’il y a un autre type de mémoire auquel se rapporter ! 
 
Jean-Philippe Rameau.
Portrait attribué à Joseph Aved (1702-1766)
Musée des beaux-arts de Dijon.

 
JOL - Philidor est souvent considéré comme un pionnier des échecs modernes. Selon toi, quelle est sa contribution la plus marquante à ce jeu ?
BD - Philidor a été le premier a véritablement tenter d’analyser les échecs. Il a été le premier à étudier un certain nombre de finales encore importantes aujourd’hui pour la théorie. Il a été le premier à se pencher en détail sur le Gambit Dame. Il a été le premier à comprendre l’importance de l’avantage d’espace et la valeur relative du matériel, même dans des positions fermées - là où Greco s’était cantonné aux positions ouvertes. Bref, il n’a été ni plus ni moins qu’un pionnier, qui a fait progresser le jeu dans toutes ses phases. Le plus important d’après moi se situe cependant ailleurs, dans la cohérence qui existe entre sa théorie et l’application qu’il en fait. Pour le dire autrement, Philidor a logicisé le jeu d’échecs. 
 
JOL - J'ai vu qu'actuellement tu étais en thèse à l'université de Lille avec comme thème "La beauté aux échecs". peux-tu nous en parler ?
BD - Mon mémoire sur Philidor a été réalisé dans le cadre d’un master en musicologie, mais je suis avant tout un étudiant en philosophie, et mon doctorat s’inscrit dans cette dernière discipline. J’avais, durant mes deux années de master, travaillé sur la pantomime dans l’œuvre de Diderot, et j’ai voulu rester dans le champ de l’esthétique. Au vu de mon intérêt pour la composition échiquéenne, le sujet s’est presque imposé de lui-même.

Je ne vais pas rentrer dans le détail ici, mais la première étape de mon travail a consisté à choisir la définition de la beauté que j’allais défendre, pour ensuite montrer comment elle pouvait s’appliquer aux échecs. Pour le moment, je suis assez satisfait du résultat, et, si tout se passe bien, je devrais soutenir ma thèse en juin 2026. Comme je le dis souvent aux élèves de mon cours d’histoire des échecs, il y a de nombreuses façons de s’intéresser à notre jeu : à travers les parties par correspondance, la composition, la résolution, l’arbitrage, etc.. 
 
Tous ces domaines sont autant de facettes des échecs, qui, selon moi, ne devraient pas être éclipsées par le jeu à la pendule. De ce point de vue, je regrette que les fédérations nationales ne communiquent pas davantage sur la diversité de ces pratiques, et j’espère que mes recherches permettront de mettre en évidence le caractère pluriel des échecs, et de faire découvrir de nouveaux aspects du jeu à un public qui n’en aurait peut-être jamais entendu parler autrement.
 
Merci Benjamin ! 

 

samedi 21 juin 2025

Comment Philidor apprit à jouer aux échecs

L’année 2026 marquera le tricentenaire de la naissance de François-André Danican Philidor à Dreux. Sans aucun doute, il fut l’un des joueurs d’échecs les plus influents de l’histoire. À cette occasion, je publierai plusieurs articles consacrés à cette figure majeure du XVIIIe siècle.


Je l’ai déjà mentionné par le passé, mais selon moi, l’un des ouvrages de référence sur Philidor demeure celui de Sergio Boffa. D'autres publications méritent d’être citées, notamment Philidor, musicien et joueur d’échecs, paru en 1995. Plus récemment, on peut saluer l'excellent mémoire de Master 2 soutenu à Paris-Sorbonne en juin 2023 : Genèse des idées échiquéennes de François-André Philidor, rédigé par le jeune Maître International Benjamin Defromont.

Revenons à Philidor lui-même. Nous sommes aux alentours de 1736. Âgé d’une dizaine d’années, le jeune François-André est alors page de la Musique du Roi, chantant dans les chœurs de la Chapelle royale de Versailles.

Voici comment son fils aîné, André-Joseph-Hélène Philidor (1762–1845), raconte ses débuts au noble jeu (témoignage rapporté par Jules Lardin dans Philidor peint par lui-même, Paris, 1847) :

« Les musiciens, en attendant la messe du Roi, avaient l’habitude de jouer aux échecs sur une longue table où étaient incrustés six échiquiers.

Philidor s’amusait à les regarder, et y mettait toute son attention. Il avait à peine dix ans, qu’un jour un vieux musicien, arrivant le premier, se plaignait devant lui du retard de ses camarades, et regrettait de ne pouvoir faire sa partie.

Philidor, en hésitant, lui propose de la faire. Le musicien se met à rire, mais finit par accepter.
La partie commence, et l’étonnement succède bientôt au dédain qu’inspirait le jeune adversaire ; la partie avance, et l’humeur ne tarde pas à s’en mêler. Elle monte à un tel point que l’enfant, craignant quelque suite malencontreuse d’un amour-propre profondément blessé, regarde la porte, suit le cours de ses succès, se glisse doucement jusqu’au bout de son banc et s’enfuit en avançant la pièce victorieuse, en criant : “Mat !” à son adversaire indigné de n’avoir pas des jambes assez lestes, et obligé de dévorer son dépit sans pouvoir se venger.

Dès le lendemain, c’était à qui ferait sa partie avec lui. »

Mais une question demeure : comment Philidor a-t-il appris à jouer aux échecs ?

La tradition veut que ce soit en observant ces musiciens pendant les longues attentes. Mais Sergio Boffa propose une autre hypothèse, tout aussi fascinante.


André Danican Philidor, Philidor l'ainé, père de Philidor

En 1700, le père de François-André, André Danican Philidor — dit « Philidor l’aîné » —, présente au roi Louis XIV une mascarade intitulée Le Jeu d’échecs (voir le texte à la fin de cet article - Google Book). Sergio Boffa écrit à ce sujet :

« Nous pouvons donc penser qu’il connaissait les rudiments du jeu, et il est possible — mais ce n’est qu’une hypothèse — qu’il en ait enseigné les règles à son très jeune fils. Cela aussi permettrait d’expliquer l’incroyable précocité du jeune Philidor. »

Rappelons que le père de Philidor meurt le 11 août 1730, à l’âge de 78 ans. Son fils n’a alors pas encore quatre ans. Aurait-il appris à jouer aussi jeune, peut-être sur les genoux de son père ? L'idée n'est pas invraisemblable.

Ce n’est pas sans rappeler les débuts précoces d’un autre prodige des échecs : José Raúl Capablanca. Le futur troisième champion du monde raconte lui-même :

« Je me souviens clairement de ma première découverte d’une partie d’échecs. Je venais de fêter mon quatrième anniversaire. (...) » Munsey’s Magazine, juin 1916

« Jusqu’ici, je n’avais jamais assisté à une partie : les pièces m’intéressaient, et le jour suivant, je suis revenu en spectateur. Le troisième jour, alors que j’observais la partie, mon père, un amateur sans grand talent, déplaça son Cavalier d’une case blanche vers une autre case blanche. Son adversaire, manifestement pas meilleur, ne le remarqua pas.

À la fin, mon père gagnait la partie. Je me mis à rire et l’accusai d’avoir triché. Après une brève remontrance — j’ai failli être expulsé de la pièce — je lui montrai l’erreur. Il répondit que c’était impossible, car je ne savais même pas placer les pièces. Nous avons joué… et j’ai gagné. C’était mes débuts aux échecs. » My Chess Career, 1920


À notre époque, les cas de précocité ne manquent pas non plus. Citons, par exemple, le jeune prodige russe Roman Shogdzhiev (Роман Шогджиев), qui vient d’obtenir le titre de Maître International, avec un classement Elo de 2402 au 1er juin 2025…
 
 
 
 
 
 
Le Jeu d'Échecs, mascarade mise en musique par Mr Philidor l'aîné, Ordinaire de la Musique.
Représentée devant le roi à Marly le 19 février 1700 
A PARIS
Par Christophe Ballard, seul imprimeur du Roi pour la Musique, rue Saint-Jean de Beauvais, au Mont-Parnasse. 
1700
Par exprès commandement de Sa Majesté.


LE JEU D'ÉCHECS, MASCARADE
PREMIÈRE ENTRÉE

Après la Marche & Ouverture, le premier qui paraît,
c’est l’Échiquier, représenté par un Homme habillé
en Pantalon, tout garni d’Échiquiers devant, derrière,
sur les manches & les cuisses ; & pour coiffure c’est un
Carton fait en forme de Trictrac.
L’ÉCHIQUIER
Héritier des plus vaillants Héros,
J’amuse leur repos
Par une image de la Guerre.
Heureux, heureux le Potentat,
Qui peut malgré toute la Terre,
À ses fiers Ennemis donner Échec & mat.
CHŒUR
Heureux, heureux le Potentat,
Qui peut malgré toute la Terre,
À ses fiers Ennemis donner Échec & mat.

 

 

SECONDE ENTRÉE
Comme le Jeu d’Échecs s’ouvre ordinairement par les Pions du Roi & de la Reine, sitôt que l’Échiquier
aura cessé de chanter, l’on verra danser quatre petits
Pions, représentés par quatre Enfants, deux vêtus de
blanc & deux de noir ; deux Garçons pour les Pions
du Roi, deux Filles pour ceux de la Reine ; Garçon &
Fille blancs, Garçon & Fille noirs, coiffés d’un Bourrelet ;
L’Habit des Garçons en Pantalon & les Filles en
Jupes rondes, tenant un peu du Vertugadin : Ils
dansent au son des Flûtes.
TROISIÈME ENTRÉE
Un Héraut d’Armes qui précède les Chevaliers chante pour eux ces paroles :

Nul obstacle opposé n’arrête ma victoire,
J’entre & perce partout, & me vois tout soumis,
Le nombre de mes Ennemis
Ne sert qu’à redoubler ma gloire.
CHŒUR
Le nombre de mes Ennemis
Ne sert qu’à redoubler ma gloire.





QUATRIÈME ENTRÉE
Après que le Héraut a chanté, les deux Chevaliers se mettent en mouvement pour la Danse :
Ils paraissent montés sur des Chevaux, l’un blanc & l’autre noir,
l’un vêtu de noir avec l’Écu noir chargé d’une Fleur-de-Lys blanche ;
& l’autre blanc avec l’Écu blanc chargé d’une Fleur-de-Lys noire ;
& dansent au son des Hautbois.
CINQUIÈME ENTRÉE
Momus, vêtu fantasquement & précédant les Fous,
vient chanter pour eux ces paroles :
MOMUS
Sages, qui méprisez & vos Ris & vos Jeux,
Vous avez vos Plaisirs, mais nous avons les nôtres,
Et les plus fous ne sont pas ceux
Qui vivent aux dépens des autres.
CHŒUR
Et les plus fous ne sont pas ceux
Qui vivent aux dépens des autres.



SIXIÈME ENTRÉE
Après Momus paraissent deux Fous, habillés à la manière que les Fous sont peints ; c’est-à-dire, en Pantalon de deux couleurs tout rempli de grelots,
& le Bonnet finissant en corne houppée, tenant à la main des Marottes grelottées ou des Tambours de Basque ; l’un sera vêtu de rouge & violet, & l’autre de jaune & vert : Ils danseront au son des Hautbois & Tambours de Basque.

SEPTIÈME ENTRÉE
Cybèle, avec ses Tours sur la tête, précède la Marche des Tours & chante :
CYBÈLE
Mille Tours, mille Forteresses
Contre ton bras puissant ont en vain combattu,
Leur chute a montré leurs faiblesses,
Et ton invincible vertu.
Mille Tours, mille Forteresses
Contre ton bras puissant ont en vain combattu.
CHŒUR
Mille Tours, mille Forteresses
Contre ton bras puissant ont en vain combattu.

HUITIÈME ENTRÉE
Ce chant cessé, deux Tours paraissent, représentées par deux grosses Femmes vêtues d’une espèce de maçonnerie,
l’une d’or & l’autre d’argent, & pour coiffure
des chapiteaux de Tours : Elles danseront d’une manière grave au son des Bassons.

NEUVIÈME ENTRÉE
Enfin, pour dernière Entrée paraissent les deux Rois & les deux Reines, vêtus royalement ;
deux de couleur d’or & deux de couleur d’argent :
Le Roi d’argent chantera avec la Reine d’or.
LE ROI & LA REINE
Plus on nous voit dans la gloire suprême,
Plus de Jaloux
S’élèvent contre nous ;
Heureux qui porte un Diadème ;
Mais pour le bien porter
C’est Vous, Grand Roi, qu’il faut seul imiter.
CHŒUR
Heureux qui porte un Diadème ;

Mais pour le bien porter
C’est Vous, Grand Roi, qu’il faut seul imiter.


Après ce chant, le Roi d’or danse avec la Reine d’argent, ou tous quatre ensemble ; et après leur danse, le Chœur répète encore :
CHŒUR
Heureux qui porte un Diadème ;
Mais pour le bien porter
C’est Vous, Grand Roi, qu’il faut seul imiter.
FIN





 

 

 

 


jeudi 17 avril 2025

Deschapelles et La Bourdonnais vus par ChatGPT

Deschapelles et La Bourdonnais sont les plus forts joueurs d'échecs au Monde du premier tiers du XIXème siècle. J'ai déjà eu l'occasion de parler d'eux à maintes reprises sur ce blog et ce n'est pas terminé !
 
Une question intéressante est de savoir à quoi ils ressemblaient physiquement. Et là ce n'est pas simple.
Pour Deschapelles, jusqu'en 2011, il n'existait aucun portrait connu de lui. 

Jusqu'à la publication du livre Alexandre Honoré Deschapelles – The french king of chess – par Robert Czoelner, 2011 – Un livre que je trouve assez décevant, car n’apportant pas grand-chose à la biographie de Deschapelles, si ce n’est ce portrait, qui semble provenir de descendants de la famille Deschapelles en Allemagne, d'après l'auteur.

Et pourtant, il est possible d’imaginer qu’un autre portrait a bien été réalisé en 1842 et qu’il sortira peut-être un jour d’une collection privée. En effet, dans le numéro de juin 1842 de la revue Le Palamède, où apparait un portrait de Saint-Amant, nous apprenons qu’initialement ce n’était pas lui qui devait y figurer, mais Deschapelles. Il est ainsi envisageable que quelques esquisses aient été réalisées par Henri Grévedon  cité dans l’article et finalement refusées par Deschapelles.


Le Palamède – Juillet 1842
 
« Il est une supériorité aux Échecs qui certes devait avec La Bourdonnais partager les honneurs du Palamède dans l’illustration des deux volumes de cette première année. Mais il n’a pas dépendu de nous de forcer la volonté de M. Deschapelles. C’est à défaut de l’ayant droit que le Gérant de cette revue a pris une place qu’il ne devait occuper qu’à sa suite. (…)

Ne nous flattons pourtant pas de retrouver toujours le crayon à qui nous devons le portrait d’aujourd’hui. C’est le dévouement de l’amitié la plus obligeante qui a pu déterminer un artiste aussi haut placé, à réduire son magnifique talent à des proportions aussi exiguës. À cette touche si fine et si délicate, nul ne peut se méprendre, et notre premier peintre lithographe, M. Grévedon, se révèle ici dans toute la grâce de son dessin.  »

Henri Grévedon, 17/10/1776 – 01/06/1860, peintre, aquarelliste, dessinateur et lithographe français de renom
 
J'ai demandé à plusieurs IA de prendre le portrait de profil de Deschapelles et de me le montrer de face.
Toutes les IA génératives faisaient un peu n'importe quoi, sauf ChatGPT qui m'a proposé ces deux portraits. Un avec la perruque et un autre sans la perruque.
 
 
Portraits de Deschapelles reconstitués par ChatGPT dans un style de peinture à l'huile.
 
Concernant La Bourdonnais, le seul portrait connu à ce jour provient également d'une publication dans Le Palamède de décembre 1841.
 
Voici ce qui est écrit
 
« Il n’existe aucun portrait de La Bourdonnais. À sa mort, M. Deville moula sa tête. C’est sur ce plâtre et les souvenirs qu’il en conservait que M. Marlet a osé entreprendre de remplir cette lacune. – Nos lecteurs jugeront la ressemblance et sauront apprécier toutes les difficultés qu’un artiste de mérite a eu à surmonter pour faire revivre les traits de La Bourdonnais. »
 


« Ah ! qu’il était superbe, ce bon gros joufflu de La Bourdonnais ! Doué d’un appétit de Gargantua, d’un estomac prodigieux, quand debout, le verre en main, le regard étincelant, la figure illuminée, il sablait nos vins généreux en buvant à la santé de l’amphitryon, à celle des notabilités anciennes et modernes de la science, et jetant un défi au monde entier. S’il fût resté quelques bouteilles, il aurait bu à la santé du Bon Dieu, il aurait bu à celle du diable. Ah ! Le bon vivant que c’était ! »
 
La Stratégie – Janvier 1874 – Article d’Alphonse Delannoy

Comme pour Deschapelles, j'ai demandé à plusieurs IA de restituer un portrait réaliste à partir de ce dessin du portrait de La Bourdonnais. A nouveau, toutes les IA génératives faisaient un peu n'importe quoi, sauf ChatGPT qui m'a proposé ces deux portraits. Le premier représente La Bourdonnais en concordance avec le dessin et l'autre un La Bourdonnais un peu plus jeune et mince. 
 
 
 
 Portraits de La Bourdonnais reconstitués par ChatGPT dans un style de peinture à l'huile.