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samedi 27 mars 2021

Comment Victor est devenu un maître d’échecs


Dans cet article, j’explique quelle était la vision de Lasker sur le jeu d’échecs à Paris au début du XXème siècle, et plus particulièrement son point de vue sur Jean Taubenhaus et Samuel Rosenthal.
En fait, il faut lire entre les lignes du livre qu’il écrivit en 1937 « Comment Victor est devenu un maître d’échecs ».

Couverture du livre "Comment Victor est devenu un maître d'échecs"
Edition de 1973 - Merci à Oliver Sheppard.

Pourquoi ce livre écrit par Lasker ?

Derrière ce titre un peu mystérieux se cache en fait un livre écrit par Emanuel Lasker en 1937 alors qu’il était en Union Soviétique. La maison d’édition soviétique « littérature pour les jeunes » lui suggère d’écrire un livre pour donner aux jeunes la passion du jeu d’échecs. La cible était plutôt les adolescents entre 11 à 15 ans. La demande précisait que cela ne devait pas être un manuel du jeu d’échecs, mais un produit littéraire.

Lasker avait déjà écrit, par exemple, une pièce de théâtre avec son frère Bertold en 1925, intitulée « Vom Menschen die Geschichte » (traduction F. Hoffmeister « De l’Homme l’histoire »). L'écriture de ce livre ne présentait donc pas de difficulté pour lui.

Mais finalement, « Comment Victor est devenu un maître d’échecs » ne fut pas publié du vivant de Lasker. Il lui était reproché de ne pas l’avoir écrit comme cela était attendu par la propagande soviétique de l’époque. De toute façon Lasker quitte l’URSS en octobre 1937 pour les États-Unis et il laisse ce projet en l’état.
 
Il faudra attendre 1973 pour que le livre soit finalement publié pour la première fois en URSS, et je ne suis pas sûr qu’à ce jour, il ait été traduit dans une autre langue. A noter que la traduction du manuscrit de l’allemand vers le russe a été faite par Ilya Maizelis, un important auteur de livres d’échecs en URSS.

Quelle est la trame du livre ?

Le livre suit le parcours de 4 enfants qui découvrent le jeu d’échecs et essayent de progresser. Parmi eux, un certain Victor va percer et progresser rapidement. Devenu étudiant, il mène une recherche scientifique liée au jeu d’échecs et voyage à l’étranger pour étudier l’héritage laissé par le jeu d’échecs un peu partout dans le monde. 

Quelques parties et positions sont citées tout au long du livre, lors des différents voyages de Victor à Paris, Londres et aux États-Unis. Sa tournée commence par un séjour à Paris raconté dans les chapitres 12, 13 et 14 du livre de Lasker.

Mon interprétation des chapitres 12, 13 et 14 du livre de Lasker

La lecture de ces chapitres permet de comprendre que Lasker raconte sa propre expérience en réunissant des souvenirs de ses différents voyages à Paris, principalement en 1890, 1900, 1912 et 1933. Je me suis focalisé sur ces chapitres, et pas sur le reste de son voyage à l’étranger.
Ce que j’explique ci-après provient de mon interprétation des écrits de Lasker dans ce livre.

Merci à mon épouse, Maria, pour la traduction du Russe !

Sa description du Café de la Régence

Dans le chapitre 12, Victor (Lasker) est surpris de ne pas trouver les joueurs d’échecs dès son entrée dans le Café de la Régence. Il ne voit que la clientèle d’un restaurant classique. Mais en cherchant bien, il trouve au fond un petit endroit avec des échiquiers sur des tables, séparé du reste de la salle par un paravent. Quelques joueurs d’échecs sont là, avec l’habituelle galerie de curieux. Selon moi ceci correspond au Café de la Régence en 1933 quand Lasker fuit l’Allemagne nazie et se rend à Paris.

Puis dans le chapitre 14 on apprend que malgré la présence de Victor (Lasker), très fort maître d’échecs à Paris, la Fédération Française n’a rien fait pour le valoriser (pas de tournoi ni de simultanée au nom de la FFE) et que de toute façon « la presse et nos compatriotes ne s’intéressent plus du tout aux échecs » … 
Une simultanée sera finalement organisée dans le Café de la Régence, attirant les vieux joueurs d’échecs qui n’y venaient plus. Voir le premier et le deuxième article que j'ai consacrés à cet événement.

Une anecdote de son premier séjour à Paris

En 1890, Lasker vient probablement pour la première fois à Paris (j’ignore s’il est venu à Paris avant cette date). Malheureusement pour lui, en arrivant il se rend compte qu’il a perdu l’adresse de la chambre où il devait être hébergé. Lasker se souvenait seulement que c’était à proximité la Tour Eiffel dans une rue qui contenait les lettres A et I… finalement Lasker ne passera pas sa première nuit à Paris dans la rue et il trouva la chambre qu’il avait réservée. 
Il reprend l’anecdote pour Victor. 

La situation des joueurs professionnels à Paris en 1912 et plus particulièrement de Jean Taubenhaus au Café de la Régence

Jean Taubenhaus est cité nominativement dans le livre et l’interprétation n’est donc pas très compliquée. 
Il habitait à Paris depuis plusieurs années et gagnait sa vie exclusivement avec le jeu d’échecs en misant 1 franc par partie, parfois quelques francs si les spectateurs mettaient de l’argent. Certains jours étaient très favorables à Taubenhaus, surtout quand il était à jeun, mais en vieillissant des joueurs plus forts et plus jeunes le battaient.

Il traînait alors au café de la Régence en attendant sa chance et pour jouer une petite partie. Comme il n’avait pas d’argent, il fallait que quelqu’un mette un franc pour lui. Taubenhaus était un vrai maitre d’échecs et laissa derrière lui de belles parties. Il n’était pas marié, n’avait pas de véritable « chez lui » et mourut dans l’indigence la plus totale. 

Détail d'une photo montrant Jean Taubenhaus au tournoi de New York 1893
Héritage des échecs Français - Dominique Thimognier.

Dans le passage sur Taubenhaus, on sent Lasker ému face à cette situation fréquente pour un maître d’échecs à l’époque. Je situe ce souvenir en 1912, Taubenhaus décèdera en 1919 à Paris.

Lasker ajoute qu’en URSS dans les années 1930, un maître d’échecs a un véritable statut social et qu’il est aidé comme sportif de haut niveau. Lui-même a bénéficié d’excellentes conditions pour s’installer en URSS, avant de fuir aux États-Unis en 1937.

Le Grand Cercle et Samuel Rosenthal

L’allusion de Lasker à Rosenthal concerne l’année 1900 et le tournoi de Paris.

La couverture du livre de Rosenthal consacré aux parties du tournoi de Paris 1900

C’est Rosenthal qui organise ce grand tournoi au Grand Cercle et seuls les souscripteurs ou bien ceux qui payent un droit d’entrée peuvent assister aux parties. Et pour bien comprendre ce que dit Lasker sur Rosenthal, il faut savoir qu’en 1901, Rosenthal publia un recueil de parties du tournoi de 1900 en mettant sa propre photo dans le livre et non pas celle du vainqueur… Emanuel Lasker.

La  photo de Samuel Rosenthal dans son livre.
Il est assez étonnant de ne pas trouver à la place une photo de Lasker, large vainqueur du tournoi et champion du Monde en titre à l'époque.

Victor indique que le secrétaire et professeur d’échecs du Cercle sur les boulevards (i.e. Le Grand Cercle de Paris) s’appelle Monsieur Petit. Samuel Rosenthal n’était pas très grand et assez frêle, le choix du nom « Petit » par Lasker est donc assez naturel. 

Petit est la plus haute autorité du Cercle qui est composé de plusieurs pièces très richement décorées. Il y a un restaurant, une salle pour jouer aux cartes, une autre pour le billard et une salle pour les échecs.
Monsieur Petit gagne très bien sa vie grâce à ses cours d’échecs auprès de la bonne société, relations qui lui permettent aussi de tenir une chronique dans le journal « Le Monde » (il s’agit en fait de la revue « Le Monde Illustré » où Rosenthal sera chroniqueur de 1884 à 1902).

Lasker (Victor) se moque de façon humoristique des parties commentées par Rosenthal (Monsieur Petit) dans le Monde Illustré et ne considère pas les analyses de Rosenthal comme très sérieuses.

(Il lui montre) une des parties jouées sur cette variante, pleine de possibilités très prometteuses.
« Le très respectable » Petit, n’a strictement rien compris à ce que Victor lui montra, mais son orgueil ne lui permettait pas de le montrer ni qu’un jeune lui apprenait quelque chose.
Oui oui je sais, c’est une idée pas trop mauvaise, je suis au courant.


Rappelons qu’en 1900 Lasker a 32 ans et Rosenthal 63 ans.

Lasker indique que les membres de ce club pour riches ne s’intéressent aux échecs que dans leur cercle. Monsieur Petit se comporte comme un gourou et refuse de donner la vedette à un autre joueur d’échecs.

Au moins une simultanée ? Non, dit Petit car il est trop jeune et les membres de notre Cercle n’aiment pas jouer contre les jeunes. 

Le Cercle ne sert pas à développer les échecs.
 
Telle est la conclusion de Victor, après sa visite au Cercle.

Sur le Cercle Philidor et un court séjour à Lyon

Dans son livre, Lasker évoque également un club d’échecs parisien important qui occupe une petite pièce dans un restaurant, avec une vingtaine de joueurs d’échecs présents lors de sa visite. Le nom du club « Le Pion » me fait penser au Cercle Philidor. Difficile de ne pas rapprocher le nom de Philidor avec « Le Pion ». 

Enfin, Lasker raconte que Victor est invité à Lyon pour donner une simultanée, des cours d’échecs et une conférence. Il apprécie beaucoup ce séjour.
Effectivement Lasker se rend à Lyon en fin d’année 1912 et donne notamment une simultanée à la taverne Rameau.

En quittant Paris, « Victor indique que le temps qu'il a passé à Paris peut être considéré comme du temps perdu ». Lasker exprime aussi l'idée que depuis Philidor et La Bourdonnais il n'y a plus de forts joueurs d'échecs.

Notons que Lasker gagna un match en 1909 à Paris contre Janowski. Quant à Victor, l'auteur du livre lui fait jouer des matchs seulement aux États-Unis.

samedi 28 novembre 2020

Des "Régence" comme s'il en pleuvait...

Dans un article qui date déjà de 2013 et intitulé "Le long chemin vers la FFE" je donne la liste des réunions de joueurs d'échecs en France en Novembre 1919 (Source - La Stratégie).

Une première chose saute aux yeux dans la liste ci-dessous. Toutes les associations, ou presque, se trouvent dans des cafés ou des brasseries (tavernes).

La Stratégie – Novembre 1919

L’assemblée générale annuelle du Cercle Philidor s’est tenue le 23 novembre à son siège social : Brasserie Russe, 39 boulevard du Temple. Après l’approbation des comptes du trésorier il a été procédé au renouvellement du bureau ainsi constitué pour 1920 : MM. T.Guillemard, président ; E.Walbert, vice-président ; G.Pallard, trésorier ; C.Bourgeois, secrétaire ; A.Mouranchon, archiviste, et E.Bénard, conseiller.

A l’issue de l’Assemblée, la majorité des membres présents exprime le vœu de voir le Comité du Cercle reprendre l’initiative de la fondation définitive de la FEDERATION FRANCAISE DES ECHECS dont les statuts ont été adoptés à la réunion du 5 juillet 1914 par le Comité constitutif siégeant au Cercle Philidor.

En attendant l’établissement de cette Association nationale et pour répondre aux desiderata de nombreux lecteurs, nous donnons ci-après la liste des réunions françaises où tout amateur d’échecs peut rencontrer l’adversaire désiré. Nous y avons ajouté les réunions des pays limitrophes :

FRANCE

PARIS – « Les Echecs du Palais-Royal » : Café de l’Univers, 159, rue Saint-Honoré
PARIS – « Cercle Philidor » : Brasserie Russe, 39, boulevard du Temple
PARIS – « L’Echiquier » : Grand Café, 14, boulevard des Capucines
PARIS – « L’Echiquier du Lion de Belfort » : Café du Lion, 5, avenue d’Orléans
PARIS – Café de la Régence, 161, rue Saint-Honoré
            - Terminus Saint-Lazare, café de Rome (Cour de Rome)
            - Café Ludo, 18, rue de la Sorbonne
BELFORT – « Cercle Belfortain » : Café Danjean
BESANCON – « Société des Echecs » : Café du Helder
BETHUNE – Café Maillart
BORDEAUX – « L’Echiquier d’Aquitaine » : Café du Commerce et de Tourny
CANNES – Café des Allées
CHAMBERY – Café du Théâtre
DOLE – Café de la Ville de Lyon
ELBEUF – Grand Hôtel
EPERNAY – Café de Rohan
FONTAINEBLEAU – Café de l’Union, 142 rue Grande
HAUMONT – Café-Hôtel de la Gare
LE HAVRE – Grande Taverne
LILLE – « L’Echiquier du Nord » : Café du Boulevard
LIMOGES – Café de Paris
LYON – « Cercle Lyonnais » : Taverne Rameau
MARSEILLE – « L’Echiquier Marseillais » : Café de l’Univers
MENTON – Casino Municipal
MONT-DE-MARSAN – Cercle Montois, place de l’Hôtel-de-Ville
MONTPELLIER – « Montpellier-Echecs » : Café de France
NANTES – Café de Nantes
NIMES – Café Glacier
NICE – « Groupe des joueurs d’Echecs » : Café de la Régence


(Nice - Café de la Régence vers 1910 - Source Delcampe)

ORLEANS – Café de la Rotonde
OYONNAX – Café de France
PAU – Café de Paris
LA ROCHELLE – « L’Echiquier Rochelais » : Café Français
ROUEN – « Cercle Rouennais des Echecs » : Café Victor
SAINT-AFFRIQUE – Grand Café
SAINT-CLAUDE – Café Américain
SAINT-DIE – Café du Globe
SAINT-ETIENNE – Café Jaillardon
SAUMUR – Café du Commerce
STRASBOURG – Café de l’Univers, place de Broglie
TOULON – « L’Echiquier Toulonnais » : Taverne Alsacienne
TOULOUSE – « L’Echiquier Toulousain » : Café de la Paix
VICHY – Café Riche

ALGER – Café Continental
SAIGON – « Régence Saïgonnaise » : Continental Palace
Et l’article de poursuivre avec la Belgique etc…

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Mais il y a également un autre détail important. Le terme de "Régence" est utilisé plusieurs fois. 
Le Café de la Régence est encore fédérateur à cette époque et bénéficie toujours d'une forte notoriété.
Outre le Café de la Régence parisien (déserté par les joueurs d'échecs fin 1918 pour aller au Café de l'Univers et créer "Les Echecs du Palais-Royal"), les joueurs d'échecs se réunissent à Nice au Café de la Régence, et dans les colonies, à Saïgon, on trouve aussi la « Régence Saïgonnaise ».

Cette héritage du Café de la Régence existait auparavant aussi à Marseille, avec la "Régence Marseillaise" qui ne semble plus exister en 1919, mais aussi à Alger avec la "Régence Algéroise" également disparue de cette liste sous cette dénomination 


La Stratégie 1901

J'ignore si d'autres "Régence" ont existé et je n'ai guère plus de détails sur ces différentes "Régence".
Mais on trouve quelques traces de la Régence Marseillaise par exemple en 1901 après le tournoi de Monte-Carlo qui faisait l'objet de mon précédent article.

Plusieurs joueurs du prestigieux tournois passent par Marseille et y rencontrent les joueurs d'échecs locaux. On peut citer Tchigorine, mais également David Janowski et Jean Taubenhaus (non participant à Monte-Carlo mais qui avait essayé de s'y incruster...).
Voici une partie jouée par un regroupement d'amateurs contre Tchigorine ainsi que deux parties par équipe entre Janowski et Taubenhaus (parties parues dans La Stratégie 1901).

Jean Taubenhaus qui sera de nombreuses années professeur d'échecs au Café de la Régence à Paris.
 


[Event "Régence Marseillaise"] [Site "?"] [Date "1901.02.??"] [Round "?"] [White "Amateurs"] [Black "Tschigorine"] [Result "0-1"] [ECO "C84"] [Annotator "La Stratégie"] [PlyCount "64"] {Jouée en consultation à la Régence Marseillaise en février 1901} 1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Bb5 a6 4. Ba4 Nf6 5. O-O Be7 6. Nc3 b5 {Coup favori de M. Tschigorine.} ({l'on recommande} 6... d6) 7. Bb3 d6 8. d4 $2 {Coup faux qui coûte un Pion sans compensation.} ({il fallait jouer} 8. d3) 8... Nxd4 9. Bd5 ( {Si} 9. Nxd4 {vient la variante bien connue} exd4 {la Dame blanche ne peut prendre le Pion à cause de} 10. Qxd4 c5 11. Qe3 c4) 9... Nxf3+ 10. Qxf3 Nxd5 11. Nxd5 O-O 12. Nxe7+ {Probablement pour rester avec des Fous de couleurs différentes, mais la correction du jeu des Noirs ne permet pas d'en profiter pour la nullité.} Qxe7 13. Qg3 f5 14. Bg5 Qf7 15. f4 exf4 16. Bxf4 Qc4 17. e5 dxe5 18. Bxe5 Rf7 19. c3 Be6 20. b3 Qc6 21. Rad1 Re8 22. Rfe1 Bd5 23. Bf4 Be4 24. Rd2 Rf6 25. Qe3 h6 26. h4 Rg6 27. g3 Qf6 28. Kf2 Rg4 29. Bxc7 {Ce coup précipite la fin, mais la partie est sans ressource.} f4 30. Bxf4 g5 31. Rd6 Qf5 32. hxg5 hxg5 0-1 [Event "Régence Marseillaise"] [Site "?"] [Date "1901.04.29"] [Round "?"] [White "Taubenhaus et amateurs"] [Black "Janowski et amateurs"] [Result "0-1"] [ECO "C67"] [Annotator "La Stratégie"] [PlyCount "80"] {Jouée en consultation à la Régence Marseillaise le 29 avril 1901} 1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Bb5 Nf6 4. O-O Nxe4 5. d4 Be7 6. Qe2 Nd6 7. Bxc6 bxc6 8. dxe5 Nb7 9. Nc3 O-O 10. Re1 Nc5 11. Nd4 Ne6 12. Nxe6 {Ce faible coup ouvre la ligne de la Tour noire.} ({Il fallait jouer} 12. Nf5) 12... fxe6 13. Qg4 d5 14. Bh6 { Attaque prématurée dont le résultat n'est qu'une perte de temps car ce Fou sera obligé de se retirer.} Rf7 15. Rad1 Bd7 16. Rd3 Rb8 17. Rg3 Qf8 18. Bc1 Bc5 {Maintenant les Noirs commencent l'attaque.} 19. Nd1 Rb4 $1 20. Qg5 ({Si} 20. Qe2 Re4 21. Qd2 Rxf2 22. Nxf2 Qxf2+ 23. Qxf2 Rxe1#) 20... Rf5 21. Qd2 Rd4 $1 {Gagnant l'échange} 22. Rd3 Rxd3 23. cxd3 Bb4 24. Qe2 ({Il est évident que le Cavalier ne peut couvrir à la 3ème case du fou à cause de} 24. Nc3 d4) 24... Bxe1 25. Qxe1 Qc5 26. Nc3 Qd4 27. Qe2 c5 {Ce coup qui annihile l'action du Cavalier blanc est meilleur que la prise du pion roi (en e5).} 28. Be3 Qb4 29. a3 Qa5 30. Bd2 Qb6 31. g4 Rf8 32. Bc1 Bc6 {Joué avec l'intention de placer plus tard leur Dame devant le Fou dans la grande diagonale.} 33. f3 Qb3 34. Kg2 d4 {Ce coup permet au Cavalier de rentrer dans le jeu, mais la Dame noire prend possession de la grande diagonale avec un jeu supérieur.} 35. Ne4 Qd5 36. Nd2 h5 37. h3 a5 38. Kg3 a4 39. f4 g5 $1 {Décisif} 40. fxg5 Qh1 {Les Blancs abandonnent} 0-1 [Event "Régence Marseillaise"] [Site "?"] [Date "1901.04.30"] [Round "?"] [White "Janowski et amateurs"] [Black "Taubenhaus et amateurs"] [Result "1/2-1/2"] [ECO "C79"] [Annotator "La Stratégie"] [PlyCount "139"] {Jouée en consultation à la Régence Marseillaise le 30 avril 1901} 1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Bb5 a6 4. Ba4 Nf6 5. O-O d6 {Cette continuation donne aux Noirs une partie serrée, mais elle évite les variantes connues que les Blancs peuvent adopter avec avantage.} 6. d4 exd4 7. Nxd4 Bd7 8. Nc3 Be7 9. Nde2 O-O ({L'on ne peut chercher à gagner le Pion du Roi par} 9... b5 10. Bb3 b4 11. Nd5 Nxe4 12. Nxc7+ Qxc7 13. Qd5) 10. Ng3 b5 11. Bb3 Na5 12. f4 Nxb3 {La prise de ce Fou pouvait être retardée puisqu'il ne peut s'échapper.} (12... Re8 {d'abord valait mieux.}) 13. axb3 c6 14. h3 b4 15. Na4 {Les Blancs préfèrent placer leur Cavalier hors du jeu plutôt que de permettre d6-d5 aux Noirs, lequel dégagerait le Fou Roi noir.} c5 16. c4 Qc7 17. Qd3 Bc6 18. Bd2 Rad8 19. Rfe1 Rfe8 20. Re2 Bf8 21. Rae1 Qb7 22. Qc2 Nd7 23. Nh1 g6 24. Qd3 Bg7 25. g4 { Ils cherchent une attaque du côté du Roi, mais elle ne peut réussir à moins d'une grosse faute de la part des adversaires.} ({Il est évident qu'ils ne peuvent jouer} 25. Qxd6 {à cause de} Bd4+ 26. Kf1 Nf8 {gagnant la Dame}) 25... Bd4+ 26. Kh2 Nf6 ({Nous aurions dû jouer} 26... g5 {pour placer le Cavalier en e5} 27. fxg5 Ne5 {Les Noirs regagneraient le Pion du côté de la Dame avec une position supérieure.}) 27. Ng3 Re7 28. g5 Nd7 29. h4 f6 30. Nc3 {Profitant du faible coup des Noirs pour dégager leur Cavalier sans trop de perte.} bxc3 $2 ( {Il était meilleur de jouer} 30... fxg5 31. Nd5 Bxd5 32. exd5 Rxe2+ 33. Nxe2 Bf2 {Suivi de la prise du pion h4 restant avec deux pions de plus.}) 31. bxc3 Qxb3 $1 {Ce coup a probablement surpris les adversaires car ils sont forcés de sacrifier l'échange.} 32. Rb1 Qa3 33. Ree1 Ba4 34. Ra1 Qb3 35. Rxa4 Qxa4 36. cxd4 Qc6 37. d5 Qc7 38. Bc3 Rf7 39. Qd2 Rdf8 40. Rf1 Qd8 41. Ba1 Qb8 42. Rg1 Qb4 43. Qxb4 cxb4 44. gxf6 Nxf6 ({Il fallait prendre ce Pion avec la Tour} 44... Rxf6 {et se contenter des deux Pions passés}) 45. Nf5 Re8 46. Nh6+ { Regagnant l'échange} ({Si} 46. Nxd6 Rxe4) 46... Kf8 47. Nxf7 Kxf7 48. e5 Nh5 49. e6+ Ke7 50. f5 Rf8 51. Bd4 ({Si} 51. fxg6 {Les Noirs répondraient d'abord} Rf2+ {et ensuite ils prendraient le Pion}) 51... Rxf5 52. Ra1 Rf4 53. Be3 Rxh4+ 54. Kg1 Rxc4 55. Rxa6 Nf6 56. Ra7+ Kd8 57. Kf2 Nxd5 58. Bg5+ Kc8 59. e7 Nxe7 60. Rxe7 Rc7 61. Re8+ Kd7 62. Rb8 Ke6 63. Rxb4 Kf5 64. Be3 d5 65. Rf4+ Ke6 66. Ke2 h5 67. Ra4 Rd7 68. Kd3 Kf5 69. Rf4+ Ke6 70. Rf1 {Après quelques coups la partie a été déclarée nulle.} 1/2-1/2

mercredi 25 novembre 2020

Monte Carlo 1901

Dans un précédent article, j'ai eu l'occasion de parler du premier tournoi de Monte Carlo joué en 1901.
Avec notamment une anecdote révélatrice sur David Janowski, vainqueur de ce tournoi.

David Janowski vainqueur du tournoi de Monte Carlo en 1901 - Le Monde Illustré 1902

Voici quelques détails intéressants parus dans la revue La Stratégie en 1901 au sujet de ce tournoi.
La liste des organisateurs fait apparaître des noms bien connus du Café de la Régence et des échecs parisiens : Henri Delaire et Albert Clerc. Il manque à cette liste Jules Arnous de Rivière qui sera l'arbitre du tournoi. 



Les Conditions du tournoi international de Monte-Carlo que nous avons données le mois dernier sont à peu près conforme au programme qui vient d'être publié. Les prix sont un peu inférieurs : 1er Prix 5000 fr. et un objet d'art, les autres 3000, 2900, 1000, 800 et 500 fr. Prix de M. le baron Rothschild 500 pour la meilleure partie ; prix de M. Rice 250 pour la plus brillante partie. 

Le Comité est composé de : Président M. Albert Clerc, conseiller honoraire de la Cour d'appel de Paris, vice-président, M. Hoffer journaliste ; membres MM. Asselin, H. Delaire, président du Cercle Philidor, Pecher de Bruxelles, le Président du Cercle de Vienne, Autriche, Isaac L. Rise, Rosenthal, Salvioli, baron de Weissenbach et Wasmuth. Le tournoi commencera le 1 er février 1901 et tout fait espérer qu'il réunira les premiers maîtres du Monde des Échecs.

Le premier prix de 5000 francs est considérable pour l'époque.
Le site de l'INSEE indique que ce montant correspond à 20000 euros actuels.

Même si le champion du Monde en titre, Emanuel Lasker, ne joue pas le tournoi, son ombre plane sur celui-ci comme l'indique une note dans la Stratégie de décembre 1900. Ceci explique les quarts de point dans la grille finale du tournoi.

La première partie nulle comptera pour ¼ à chaque joueur et devra être rejouée; si l’un d’eux gagne la seconde elle lui sera comptée ¾ en tout; si elle est encore nulle chacun aura ½ point. Cette modification pour les nullités a été suggérée par M. le Dr E. Lasker.

Grille finale du tournoi - Janowski remporte le tournoi avec 10,25 points.

Voici l'article final au sujet du tournoi.
Il s'agit-là d'un des plus grands succès de David Janowski, la star de l'époque du Café de la Régence.
Il faut noter l'âge des différents joueurs, qui tranche avec la jeunesse des GMI actuels du top niveau.

Dans le tournoi international de Monte-Carlo, douze concurrents seulement devaient être reçus, mais à l’unanimité les concurrents ont bien voulu élever ce nombre à quatorze. Un quinzième concurrent qui s’est présenté sans prévenir, et parait-il sans être invité, M. Taubenhaus, n’a pas pu être admis.

Malgré l’absence regrettable de plusieurs maître célèbres, l’on voit par les noms donnés ci-dessous que le champ est encore très redoutable et que le vainqueur pourra en être fier. L’absence de M. Pillsbury est expliquée : le célèbre champion américain a subi un échec et mat matrimonial ! Il s’est marié, le 17 janvier dernier à Chicago, avec Mlle Mary E. Bush…Nous joignons nos sincères félicitations à celles de ses nombreux amis et admirateurs.

L'absence de MM. Brun, Lasker, Maroczy et Showalter ne s’explique pas ; le programme du tournoi est très libéral, les prix suffisants, pourquoi se sont-ils abstenus ? Le tournoi devait commencer le 1er février, mais à cause de la mort de S. M. la Reine d'Angleterre et par déférence envers les champions anglais, la lutte a été retardée Jusqu'au 4 février. 

Cette fois Paris n'a pas eu besoin de recourir aux journaux anglais pour avoir des nouvelles ; avec une bonne grâce dont les amateurs parisiens lui sauront gré, M. Arnous de Rivière a transmis chaque jour les résultats au Café de la Régence et au Cercle Philidor. 

Les participants du tournoi de Monte Carlo en 1901. Photo parue dans l'hebdomadaire Sport, journal polonais de l'époque. Curieusement le vainqueur du tournoi est absent de la photo. Un Jules Arnous de Rivière vieillissant est debout sur la droite.

L’absence de MM. Lasker, Maroczy et Pillsbury est bien regrettable ; cela est surtout fâcheux pour M. Janowski car celui-ci se trouvait en d’excellentes dispositions et la victoire qu’il a remportée est, de l’avis de tous, bien méritée.

Il a battu tous les gagnants de prix, sauf M. Alapin avec lequel il pouvait faire nulle, mais toujours sa haine de la nullité l’a emporté et il a perdu ! Il a été plus sage pour la dernière partie du tournoi avec M. Marco, 1/4 de point lui suffisait pour avoir 10, nombre qu’aucun autre concurrent ne pouvait atteindre ; il a joué la nullité et l’a facilement obtenue. 

Nous lui adressons nos plus vives félicitations, avec d’autant plus de plaisir qu’il a réalisé la prédiction que nous avons faite après le tournoi de Munich (Voir La Stratégie 1900, page 243).

M. Schlechter qui a partagé le 1er prix avec M. Pillsbury à Munich, a mal commencé ; la première partie qu’il a perdue avec M. Scheve l’a placé dans une infériorité dont il n’a pas pu sortir malgré tous ses efforts.

M. Th. v. Scheve a 50 ans ; depuis longtemps il n'avait participé à aucune lute internationale. A Leipzig 1888, il a été 4ème , à Berlin 1890 il a été 3ème et à Manchester la même année il a été 7ème. Son jeu s'est amélioré et certainement il a surpris ses adversaires. 

M. Tschigorine qui vient de gagner le 2e tournoi national de Moscou sans perdre une seule partie, aurait dû faire mieux mais c'est un irrégulier et en définitif il n'est qu'à 1 1/4 du 1er Prix. 

Mikhaïl Tchigorine

M. S. Alapin n'a perdu qu'une seule partie ; il détient le record de la nullité : 14 parties nulles ! Son jeu serré et sa forte constitution lui permettent de soutenir sans fatigue les luttes les plus longues. 

M. J. Mieses est toujours le joueur brillant par excellence ; plusieurs de ses parties seront soumises à l'examen pour les prix spéciaux. 

Jacques Mieses, formidable joueur d'attaque

M. Blackburne, qui pendant tant d'années a toujours été parmi les vainqueurs n'a pas de prix. Pendant le tournoi il a été malade et n'a pu se présenter pour jouer la deuxième partie contre M. Reggio. Malgré ses 59 ans quelques-unes de ses parties sont remarquables. 

M. Gunsberg non plus n'a pas de prix et cela a généralement surpris. C'est un journaliste et il est difficile de remplir les devoirs de cette profession et de lutter en même temps dans un tournoi de maîtres.11 a été du reste démoralisé après avoir perdu une partie contre M. Tschigorine qu'il aurait dû gagner. 

M. Marco n'occupe pas la place due à son talent ; il a cependant joué de très jolies parties et il a été le seul qui a battu M. Alapin. 

La non réussite de M. Marshall a été une surprise ; le jeune maître américain a été souffrant pendant toute la première période du tournoi et naturellement il a perdu tout espoir d'être bien placé. Il a eu un dédommagement pécuniaire en gagnant le ter prix du tournoi de Salta. 

MM. Reggio et Didier sont de très forts amateurs à qui il manque l'expérience des tournois et l'occasion de pratiques a des maîtres. 

M. Winawer a 63 ans ; il n'est plus au courant des débuts modernes, mais dans le milieu et les fins de parties il est toujours fort redoutable.
En résumé, le tournoi de Monte-Carlo est un très grand succès. D’après M. Hoffer, M. Arnous de Rivière l’a conduit avec beaucoup de courtoisie envers les joueurs et les représentants de la presse.

M. Camille Blanc recevra les félicitations du monde des échecs surtout qu’il se propose d’organiser tous les ans un tournoi pareil. La prochaine fois des mesures seront prises pour que l’admission des spectateurs soit rendue plus facile qu’elle ne l’a été cette année. 


Pour terminer voici les deux parties qui furent récompensées comme les plus belles du tournoi.
J'ai laissé les commentaires publiés dans La Stratégie en 1901. Bien sûr, une brève analyse avec un logiciel d'échecs actuel montre toutes les erreurs dans les commentaires de l'époque.


[Event "Monte Carlo"] [Site "Monte Carlo"] [Date "1901.02.04"] [Round "1"] [White "Marco, Georg"] [Black "Mieses, Jacques"] [Result "0-1"] [ECO "B45"] [Annotator "Deutsches Wochenschach"] [PlyCount "60"] [EventDate "1901.??.??"] [EventType "tourn"] [EventRounds "13"] [EventCountry "MNC"] [Source "ChessBase"] [SourceDate "1997.11.17"] {Jouée le 4 février 1901 dans le tournoi international de Monte-Carlo (La Stratégie 1901)} 1. e4 c5 2. Nf3 e6 3. d4 cxd4 4. Nxd4 Nc6 5. Nc3 Nf6 6. Ndb5 Bb4 7. a3 Bxc3+ 8. Nxc3 d5 9. exd5 exd5 10. Bf4 (10. Bg5 {joué dans la partie Pillsbury-Mieses du tournoi de Paris est, croyons-nous, défavorable aux Blancs. }) 10... O-O 11. Bd3 Bg4 12. f3 Bh5 13. O-O Bg6 14. Bxg6 hxg6 15. Bg5 Qb6+ 16. Kh1 Qxb2 17. Bxf6 gxf6 18. Qd2 Qb6 19. Nxd5 Qd8 20. Rad1 Kg7 21. Qf4 Ne5 {Ils étaient menacés de Nc7} 22. Qb4 Rh8 $1 23. h3 ({Meilleur était} 23. f4) 23... Qc8 $1 {Attaque le pion en c2 et menace de prendre en h3 avec la Tour} 24. Qe7 Qf5 ({Mauvais serait} 24... Rxh3+ {à cause de} 25. Kg1) 25. Kg1 Rae8 $1 26. Qxb7 $2 ({Il fallait jouer} 26. Qb4 {auquel les Noirs auraient répondu} Qxc2) 26... Rxh3 $1 {Une élégante fin} 27. gxh3 Qg5+ 28. Kf2 ({Si} 28. Kh1 Rh8) ({et si} 28. Kh2 Nxf3+ 29. Rxf3 Re2+ {etc.}) 28... Nd3+ 29. Rxd3 Qh4+ 30. Kg1 Qg3+ { et mat en quelques coups} 0-1 [Event "Monte Carlo"] [Site "Monte Carlo"] [Date "1901.02.08"] [Round "4"] [White "Mieses, Jacques"] [Black "Mason, James"] [Result "1-0"] [ECO "C01"] [Annotator "Field, M.Hoffer"] [PlyCount "77"] [EventDate "1901.??.??"] [EventType "tourn"] [EventRounds "13"] [EventCountry "MNC"] {Jouée le 8 février 1904 dans le tournoi international de Monte-Carlo (La Stratégie 1901)} 1. e4 e6 2. d4 d5 3. exd5 exd5 4. Be3 Nf6 5. Bd3 Bd6 6. Nc3 c6 7. Qd2 Qe7 {Un coup de dégagement aurait été meilleur} 8. O-O-O Na6 9. Re1 Be6 10. Bg5 h6 11. Bh4 g5 12. Bg3 Nc7 13. Nf3 Nd7 14. Ne5 Bxe5 15. Bxe5 Nxe5 16. Rxe5 O-O-O 17. Na4 b6 ({Une autre suite aurait été de permettre Nc5, mais de chasser d'abord la Tour par} 17... f6 {La position devenait alors très délicate et très compliquée, les Noirs préférent adopter la continuation la plus simple.}) 18. h4 $1 {un bon coup} f6 ({Si} 18... gxh4 19. f4 {et le pion en h4 isolé sera pris facilement}) 19. Re3 Qd6 20. b4 {Menaçant 21.Nc5 b6xc5 22.b4xc5 suivi de Qa5 avec une violente attaque.} Kb7 {Pour libérer leur Dame qu'ils veulent jouer en f4} 21. Qc3 Qf4 22. Kb1 gxh4 {D'utilité douteuse} 23. Ka1 Bd7 24. Rb1 Ne6 25. Ba6+ Kc7 ({Si} 25... Kxa6 26. Rxe6 Bxe6 27. Qxc6 {et gagnent}) 26. Nc5 $1 Nxc5 (26... bxc5 27. bxc5 {et gagnent}) ({et si} 26... Nxd4 27. Bd3 bxc5 28. Qa3 {avec une attaque encore plus forte}) 27. bxc5 Rb8 28. Rf3 Qg5 29. Qe1 {Un subtil coup de problème, amenant des variantes de grand intérêt; la menace immédiate est Qe7} Qg4 ({Si} 29... Rhe8 30. Qh1) 30. Rd1 {Pour ne pas fermer, par c3, la diagonale à leur Dame.} Rbe8 31. Qh1 Kd8 { Une position très difficile que nous invitons nos lecteurs à examiner.} ({Une autre défense serait} 31... f5 32. Qh2+ f4 33. Rxf4 Qxd1+ {et les Blancs dans les conditions les plus défavorables ont au moins la nullité}) 32. Qh2 bxc5 33. Qd6 {Le seul coup correct, menaçant mat par Rb1} Qe6 34. Qxc5 Bc8 35. Bxc8 Qxc8 ({Si} 35... Kxc8 36. Rb1 {doublant ensuite les Tours sur la ligne du Cavaier Dame avec une partie gagnée.}) 36. Rxf6 Re6 37. Rf7 Ke8 38. Qxa7 Rf8 39. Rb7 { Les noirs abandonnent. Une belle partie jouée dans un grand style par M. Mieses. (Field, notes par M. Hoffer)} 1-0

dimanche 10 mai 2020

Vassily Soldatenkov, joueur d'échecs oublié aux multiples talents

Dans le numéro de décembre 2018 de la revue russe "64", un article a attiré mon attention.
Un dénommé Stanislav Soukhanitski y publie un article au sujet d'un joueur d'échecs russe, Vassily Soldatenkov, qui a fréquenté le café de la Régence au début du 20ème siècle.

Il me semble intéressant de publier un résumé de cet article au sujet d'un homme au parcours étonnant.
L'auteur de l'article dans "64" dédie celui-ci à la mémoire de Victor Tcharouchine, auteur d'un livre sur Vassily Soldatenkov "Gare-Marine énigmatique" Oms 2000.

Vassily Soldatenkov (Василий Васильевич Солдатёнков) est né le 14 juillet 1879 à Tsarkoe-Selo (actuellement Pouchkine, une ville à proximité de Saint-Pétersbourg).
Il est issu d'une grande famille aristocratique.

A l'âge de 14 ans, il est placé dans le corps des cadets de la marine de Saint-Pétersbourg où il est garde-marine.
C'est durant ses études qu'il développe sa passion pour le jeu d'échecs.
Ainsi en 1897 on trouve ses premières publications de problèmes dans la "revue des échecs" (Chakhmatni journal).

Source revue "64" - décembre 2018

Il signe "Garde-Marine Soldatienkoff" et ne cesse de publier dans cette revue.
Dans un numéro de 1898 on y trouve ses premières parties, et il gagne dans un style brillant.
En 1900 sont publiées des parties qu'il joue à Athènes lors d'un tour du Monde avec des navires de la marine russe.

L'année suivante Soldatenkov bénéficie d'un long congé. Il est alors âgé de 22 ans.
Il en profite pour aller en Suisse puis à Paris, où naturellement il va au Café de la Régence.
La revue "La Stratégie" publie ses parties et il commence à être connu à Paris.
(Voir à la fin de l'article la partie contre Sittenfeld sur l'échiquier interactif).


Voici une photo de lui en costume traditionnel, lors d'un bal costumé donné au Palais d'Hiver du Tsar Nicolas II du 11 au 13 février 1903.
Un événement exceptionnel qui regroupait toutes les célébrités de la Russie.
L'impératrice avait alors souhaité que tous les participants soient pris en photo par les meilleurs photographes de Saint-Pétersbourg.

Il poursuit ensuite sa carrière dans la marine.
En 1905 il est officier dans le sous-marin "Le Dauphin" lors du conflit russo-japonais.
Il souhaite alors faire des sous-marins sa spécialité, et il commence à étudier la cryptographie.
Dans le cadre d'accords militaires avec la France il retourne à Paris pour mettre au point un appareil cryptographique pour la marine russe.
Il sera décoré par le Tsar Nicolas II pour ses travaux en 1912.
Et bien évidemment, durant son nouveau séjour à Paris il fréquente le Café de la Régence.

A la fin de l'article vous pouvez rejouer une partie jouée en consultation.
Il a les noirs avec Janowski, contre la paire Lasker (alors champion du Monde) et Jean Taubenhaus.
C'est dire son niveau de jeu s'il participe à une telle rencontre.
Une partie brillante, mais où ils n'ont pas trouvé le gain avec les noirs, la paire avec le champion du Monde trouvant une défense.

Une autre partie, datée du 9 janvier 1912, contre Frédéric Lazard est publiée dans la Stratégie.

Alphonse Goetz écrit à ce sujet :
"La partie a été un peu légèrement jouée par le jeune champion de la Régence et ne donne pas la mesure de sa force. 
Par contre, le brillant amateur russe l’a conduite avec une précision et une logique impeccables. 
Nous considérons Mr Soldatenkoff comme un des plus forts joueurs de Paris. 
Personne n’a plus de science ni de brio."

Il laisse même son nom à une variante du Gambit du Roi refusé, après 1.e4 e5 2.f4 Fc5 3.Cf3 d6 4.fxe5, l'attaque Soldatenkov (diagramme).


Parmi tous ses talents, Soldatenkov fut également passionné par les courses automobiles.
En 1911 il participe à la Targa Florio (en Sicile) est prend la 3ème place au volant d'une Mercedes.

Source Gallica - Le 4 août 1913, Soldatenkov sur le circuit du Mans, au volant d'une Brasier.

Mais sa carrière de pilote s'arrête en novembre 1913 lors d'un accident grave près de Versailles.

Diplomate à Rome, il se retrouve à l'état major de la Marine russe durant la première guerre mondiale.
En 1917, le gouvernement de Kerenski l'envoie aux USA comme représentant du gouvernement provisoire russe.
Il continue de jouer aux échecs et il est membre d'un club d'échecs à Manhattan où il rencontre Frank Marshall.

Précurseur du Gambit Marshall au Café de la Régence ?

En 1918 dans le numéro de novembre de "the American Chess Bulletin" une lettre de Soldatenkov est publiée au sujet de la partie Morisson / Marshall New York 1918, où Marshall a joué sa fameuse attaque dans la partie espagnole.
Soldatenkov indique que les 18 premiers coups ont été joués par lui lors de sa partie contre Stanislas Sittenfeld à la Régence en 1901 lors d’un match.
Il cite cette partie, certes jouée par des joueurs secondaires et qui n’a sans doute pas attiré l’attention sérieusement à l'époque.
Mais il pense qu’il est probable que Marshall connaissait cette partie et lui a donné l’idée de développer l’attaque.

Voici la position au 18ème coup des blancs.
Soldatenkov gagnera au 25ème coup, tandis que Marshall devra attendre le 84ème coup.

Voir à la fin de l'article l'échiquier interactif.

Peu avant son départ des USA, en 1928 Soldatenkov remporte une brillante partie contre Marshall.
C'est un amateur du jeu d'échecs, mais pas n'importe qui pour rivaliser avec un des meilleurs joueurs du monde.
Il revient en 1928 en Europe et s'installe à Nice jusqu'en 1930.
Puis il part à Rome la ville où jadis il était diplomate.

Notons qu'en 1929 a lieu le championnat du Monde entre Alekhine et Bogolioubov.
Un éditeur et joueur d'échecs allemand, Bernhard Kagan, demanda aux joueurs célèbres de l'époque de commenter les parties du match.
Marcozy, Tartakower, Euwe participèrent, ainsi que Soldatenkov qui commenta la 8ème partie du match d'une façon novatrice (abordant les aspects psychologiques entre les joueurs d'échecs).
Ses commentaires furent publiés dans la revue "Kagans neueste schachnachrichten".

Puis il n'y a plus rien de sa part pour les échecs.
Il décède le 31 juillet 1944 à l'âge de 65 ans.
Il est enterré au cimetière du Testaccio à Rome.


[Event "Café de la Régence"] [Site "?"] [Date "1901.??.??"] [Round "?"] [White "Sittenfeld"] [Black "Soldatenkov"] [Result "0-1"] [ECO "C89"] [PlyCount "50"] 1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Bb5 a6 4. Ba4 Nf6 5. O-O Be7 6. Re1 b5 7. Bb3 O-O 8. c3 d5 9. exd5 Nxd5 10. d4 exd4 11. cxd4 Bb4 12. Bd2 Bg4 13. Nc3 Nf6 14. Be3 Bxf3 15. gxf3 Qd7 16. d5 Ne7 17. Bg5 Qh3 18. Bxf6 Bd6 19. f4 Bxf4 20. f3 Qxh2+ 21. Kf1 Nf5 22. Ne4 gxf6 23. Qd3 Kh8 24. Qc3 Rg8 25. Qxf6+ Rg7 0-1 [Event "Partie en consultation"] [Site "Cafe de la Regence, Paris FRA"] [Date "1909.01.??"] [EventDate "?"] [Round "?"] [Result "1/2-1/2"] [White "Lasker / Taubenhaus"] [Black "Janowski / Soldatenkov"] [ECO "C68"] [WhiteElo "?"] [BlackElo "?"] [PlyCount "65"] 1.e4 e5 2.Nf3 Nc6 3.Bb5 a6 4.Bxc6 dxc6 5.d3 Bd6 6.Be3 Bg4 7.Nbd2 Qe7 8.h3 Be6 9.d4 f6 10.Qe2 O-O-O 11.O-O g5 12.dxe5 Bxe5 13.Nxe5 fxe5 14.Nf3 g4 15.Nxe5 gxh3 16.Nxc6 Qh4 17.Rfd1 Rf8 18.Na7+ Kb8 19.Nc6+ Kc8 20.Na7+ Kb8 21.Nc6+ Ka8 22.Qd3 Nf6 23.Qd4 b6 24.g3 Rhg8 25.Qe5 Ng4 26.Qxe6 Nxe3 27.Nd8 Rxd8 28.Rxd8+ Qxd8 29.fxe3 Ka7 30.Qe5 Kb8 31.Kh2 Rg5 32.Rd1 Qxd1 33.Qxg5 1/2-1/2 [Event "Café de la Régence"] [Site "?"] [Date "1912.01.09"] [Round "?"] [White "Soldatenkov"] [Black "Lazard, Frederic"] [Result "1-0"] [ECO "D53"] [PlyCount "61"] 1. d4 d5 2. Nf3 Nf6 3. c4 e6 4. Nc3 dxc4 5. Bg5 Be7 6. e3 Nd5 7. Bxe7 Nxc3 8. bxc3 Qxe7 9. Bxc4 O-O 10. O-O b6 11. Bd3 Nd7 12. Qc2 g6 13. Be4 Rb8 14. Qa4 a5 15. Bc6 Rd8 16. Rfd1 Bb7 17. Bxb7 Rxb7 18. Qc6 Ra7 19. Rab1 Qd6 20. Qe4 Nf6 21. Qh4 Qe7 22. e4 Kg7 23. Rb5 c6 24. Rxb6 Qc5 25. e5 Qxb6 26. exf6+ Kf8 27. Qxh7 Ke8 28. Ne5 Qc5 29. Qg8+ Qf8 30. Qxf8+ Kxf8 31. Nxc6 1-0 [Event "Manhattan CC International"] [Site "New York,NY"] [Date "1918.??.??"] [Round "?"] [White "Morrison, John Stuart"] [Black "Marshall, Frank James"] [Result "0-1"] [ECO "C89"] [PlyCount "168"] [EventDate "1918.10.23"] [EventType "tourn"] [EventRounds "12"] [EventCountry "USA"] 1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Bb5 a6 4. Ba4 Nf6 5. O-O Be7 6. Re1 b5 7. Bb3 O-O 8. c3 d5 9. exd5 Nxd5 10. d4 exd4 11. cxd4 Bb4 12. Bd2 Bg4 13. Nc3 Nf6 14. Be3 Bxf3 15. gxf3 Qd7 16. d5 Ne7 17. Bg5 Qh3 18. Bxf6 gxf6 19. Qd4 Bd6 20. Qg4+ Qxg4+ 21. fxg4 Ng6 22. Ne4 Be5 23. Rab1 Nf4 24. g5 fxg5 25. Nxg5 Rae8 26. Re3 h6 27. Rbe1 hxg5 28. Rxe5 Rxe5 29. Rxe5 Kg7 30. Rxg5+ Kf6 31. Rg4 Ke5 32. h4 a5 33. a3 Rh8 34. f3 f5 35. Rg7 Kd6 36. Kf2 Re8 37. Rf7 Re2+ 38. Kg3 Nh5+ 39. Kh3 Nf4+ 40. Kg3 Nh5+ 41. Kh3 Rxb2 42. Bd1 Nf4+ 43. Kg3 Nh5+ 44. Kh3 Ke5 45. Re7+ Kd6 46. Rf7 Nf4+ 47. Kg3 Nxd5 48. h5 f4+ 49. Kh3 Rb1 50. Be2 Rh1+ 51. Kg4 Ke6 52. Rf8 Rg1+ 53. Kh3 Rh1+ 54. Kg4 Nf6+ 55. Kxf4 Rxh5 56. Ke3 Nd5+ 57. Kd4 Ke7 58. f4 Rh2 59. Rc8 Rxe2 60. Kxd5 Rc2 61. Rb8 c6+ 62. Ke5 Rc5+ 63. Ke4 Rc3 64. a4 bxa4 65. Ra8 Rc5 66. Rh8 a3 67. Rh7+ Kd6 68. Rh6+ Kc7 69. Rh7+ Kb6 70. Rh2 Rb5 71. Ra2 Rb4+ 72. Ke5 Rb3 73. f5 Kb5 74. f6 Rf3 75. Ke6 Ka4 76. f7 Kb3 77. Rg2 a2 78. Rg3 Rxg3 79. f8=Q Re3+ 80. Kd7 Rd3+ 81. Kxc6 a1=Q 82. Qf7+ Ka3 83. Qf8+ Ka4 84. Qf4+ Qd4 0-1 [Event "Manhattan CC International"] [Site "New York,NY"] [Date "1918.10.23"] [Round "1"] [White "Capablanca, Jose Raul"] [Black "Marshall, Frank James"] [Result "1-0"] [ECO "C89"] [Annotator "ChessBase"] [PlyCount "71"] [EventDate "1918.10.23"] [EventRounds "12"] [EventCountry "USA"] [Source "ChessBase"] [SourceDate "1999.07.01"] 1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Bb5 a6 4. Ba4 Nf6 5. O-O Be7 6. Re1 b5 7. Bb3 O-O 8. c3 d5 9. exd5 Nxd5 10. Nxe5 Nxe5 11. Rxe5 Nf6 12. Re1 Bd6 13. h3 Ng4 14. Qf3 Qh4 15. d4 Nxf2 16. Re2 Bg4 17. hxg4 Bh2+ 18. Kf1 Bg3 19. Rxf2 Qh1+ 20. Ke2 Bxf2 21. Bd2 Bh4 22. Qh3 Rae8+ 23. Kd3 Qf1+ 24. Kc2 Bf2 25. Qf3 Qg1 26. Bd5 c5 27. dxc5 Bxc5 28. b4 Bd6 29. a4 a5 30. axb5 axb4 31. Ra6 bxc3 32. Nxc3 Bb4 33. b6 Bxc3 34. Bxc3 h6 35. b7 Re3 36. Bxf7+ 1-0 [Event "New York"] [Site "New York,NY"] [Date "1928.??.??"] [Round "?"] [White "Marshall, Frank James"] [Black "Soldatenkov, Vasily"] [Result "0-1"] [ECO "C32"] [PlyCount "42"] [EventDate "1928.??.??"] [EventRounds "1"] [EventCountry "USA"] 1. e4 e5 2. f4 d5 3. exd5 e4 4. d3 Nf6 5. dxe4 Nxe4 6. Qe2 Qxd5 7. Nd2 f5 8. g4 Nc6 9. c3 Be7 10. Bg2 Bh4+ 11. Kf1 O-O 12. gxf5 Nxd2+ 13. Bxd2 Qxf5 14. Be4 Qf6 15. Nf3 Bh3+ 16. Kg1 Rae8 17. Qd3 Rd8 18. Bxh7+ Kh8 19. Qg6 Rxd2 20. Nxd2 Nd4 21. Qh5 Qg5+ 0-1

dimanche 30 octobre 2016

En 1911 au Café de la Régence...

Dans mon précédent article j'indiquais ne pas avoir trouvé de photographie avec ces échiquiers particuliers utilisés sur la gravure de l'Illustration en 1873.
M. Etienne Cornil (Belgique), que je remercie, vient de me rappeler à juste titre l'existence d'une photo avec cet échiquier. La voici:


Elle a été publiée dans la revue La Stratégie d'avril 1911.
Nous y voyons bien l'échiquier avec ses bords particuliers pour recueillir les pièces d'échecs comme sur la gravure de l'Illustration en 1873.

La Stratégie indique la légende suivante :
"Les deux frères champions parisiens"
à gauche Frédéric Lazard "Union Amicale de la Régence"
à droite Gustave Lazard "Cercle Philidor"

La photo a probablement été prise dans un café (la bouteille d'eau de Seltz sous pression dans le fond semble l'indiquer). Mais La Stratégie ne précise pas le lieu exact...
Je me plais à croire qu'elle a été prise au Café de la Régence...

Champions parisiens ?

C'est dans La Stratégie de Janvier 1911 que nous apprenons la victoire de Frédéric Lazard au "Tournoi-Championnat d'automne de L'Union Amicale de la Régence".
Il remporte largement le tournoi avec 12 points 2/3 sur 16 devant Gibaud avec 9 points 1/3.
2/3 ? Deux tiers ? Oui car les parties nulles comptèrent pour 1/3 de point...

Le numéro de La Stratégie d'avril 1911 donne le résultat du XXIIè tournoi annuel du Cercle Philidor remporté en 1ère classe par Gustave Lazard.
Le Cercle Philidor a plusieurs fois changé de lieu, mais sauf erreur il était toujours dans un café non loin de la place de la République à Paris.

Enfin pour terminer sur 1911, voici des informations relatives au café de la Régence (La Stratégie - Avril 1911).
José Raul Capablanca (1888 - 1942)

"Les visites que firent au Café de la Régence la plupart des maîtres ayant pris part au Tournoi de Saint-Sébastien ont donné pendant plusieurs jours à notre vieux temple parisien une physionomie d'animation inaccoutumée, au grand plaisir des habitués et, souhaitons-le, au profit de la propagande générale.
- Le 19 mars le maître russe Rubinstein donne dans l'après-midi une séance de 16 parties simultanées, il obtient le beau résultat de 14 victoires et perd contre MM. Gueffier fils et B. Tschabritsch.

- Le 24, une petite rencontre en trois parties est organisée entre les maîtres Teichmann et Taubenhaus. Résultats : Teichmann gagne les deux premières parties, la troisième ne pouvant rien modifier est jouée en analyses.

- Puis le 25, "l'Union Amicale", profitant du très court passage de Capablanca et pour fêter dignement le beau succès qu'il vient de remporter à Saint-Sébastien, réunit hâtivement en un banquet la plupart des sommités de l’Échiquier parisien auquel elle invite également Marshall le grand ami de la Régence et le toujours fidèle professeur Taubenhaus.

Malgré une organisation à l'improviste la fête est en tout point réussie et le jeune lauréat américain gagne bien vite les sympathies de tous les assistants venus le complimenter.
Sont présents : MM. Deroste qui préside, Tauber, Pape, Place, Constant-Bernard et Levy du comité de l'U.A.A.R; MM.Antoniadi, A. Joliet, Merle, Singer, Letorey, Gestesi, etc.
Après le banquet: splendide exploit de notre vétéran A. Joliet, de la Comédie, qui conduit simultanément deux parties, contre... Capablanca et Marshall !! Résultat: une partie nulle avec le dernier nommé; l'autre perdue avec... beaucoup d'esprit.

- Pour terminer la soirée Capablanca mène de front huit parties contre quelques forts amateurs de la Régence, d'aucuns luttant pour leur propre compte, d'autres opposant leurs forces regroupées. Le jeune maître américain joue avec une rapidité vraiment surprenante, puisque exactement en 22 minutes ! il termine sur les huit échiquiers, gagnant 7 parties et ne perdant que celle avec M. Halberstam.

mercredi 7 mars 2012

Le jeu d'échecs dans les écoles

L’idée d’introduire le jeu d’échecs dans les écoles est un cheval de bataille de la FFE depuis quelques années.
Différentes lettres d’intentions et différents accords avec le ministère de l’éducation semblent indiquer que c’est sur la bonne voie.
Mais cette idée n’est absolument pas récente, loin de là.

Voici un article paru dans la revue « La Stratégie » de juin 1912.
Mais l’expérience ne semble pas être reconduite les années suivantes.

La Stratégie - Juin 1912

« Dans son assemblée générale du 22 juin, l’Union des Amateurs de la Régence, après l’approbation sans réserve des comptes du trésorier et lecture du rapport de l’année, prend quelques décisions d’ordre intérieur – [établissement d’un catalogue de la bibliothèque, reliure ; mise à jour de la liste des sociétaires ; création d’un banquet annuel, etc…] – elle ratifie la nomination, à titre d’essai, du maître J.Taubenhaus comme professeur de la Société, et approuve un certain nombre de dons et souscriptions accordés par le Comité durant son dernier exercice et dont le plus important consiste en traités d’échecs offerts en prix aux lycées parisiens. Il est ensuite procédé au remplacement des membres sortant du comité : M. Lucien Lévy, démissionnaire, est réélu trésorier à l’unanimité.
Puis, sur proposition de M. Delaire, l’Assemblée décide de relever le défi du club de Ajedrez de Lima (Pérou) pour un match en deux parties par télégraphe ».
(Le Figaro - 12 juillet 1911 - Source Gallica BNF)

Le Figaro avait déjà publié dans une brève en première page (!!) de son édition du 12 juillet 1911 (donc l’exercice précédent dont parle la Stratégie de 1912).
Théodore Steeg est alors le ministre de l'instruction publique et des Beaux-arts.

PETITES CURIOSITÉS

On savait qu’un certain nombre de joueurs d’échecs se réunissaient tous les jours au café de la Régence. Il n’est guère de Parisiens qui n’aient été voir ces sages, penchés sur l’échiquier, et faisant galoper le cavalier vers la dame. Pourtant, tout a bien changé depuis que Diderot recueillait les mémorables propos du neveu de Rameau.
Mais ce qu’on ignorait, c’est que les joueurs d’échecs du café de la Régence se fussent réunis en une association qui a pour titre : Union amicale des amateurs d’échecs de la Régence. Or, que voulez-vous que fasse le président d’une Union, sinon d’aller voir les ministres ? Tous les présidents des Unions agissent ainsi, et pareillement les secrétaires des syndicats. Et ils présentent des revendications.
Donc, le président des amateurs d’échecs est allé voir le ministre de l’instruction publique. Il lui a dit « : « Ne pourrait-on enseigner le jeu d’échecs aux élèves des lycées ? »
Et sans doute il n’était pas question de nommer dans chaque lycée un maître du noble jeu. Le ministre a écouté avec bienveillance. Il a autorisé l’Union à faire distribuer, en même temps que les livres de prix, des « Traités du jeu d’échecs » aux bons élèves. C’est très bien. Palamède, dit-on, trompa par cette distraction les mornes factions du siège de Troie. C’est un petit souvenir classique que sauve M. Steeg, sans y penser. Peu de chose, dites-vous ? Hé ! au temps où nous sommes…

lundi 5 mars 2012

Edouard Jean Niermans

Non ce n’est pas un joueur d’échecs, mais un très célèbre architecte et décorateur de la belle époque.
Il s’est occupé de l’aménagement d’un grand nombre de lieux dans Paris.
Le Palace « Le Negresco » à Nice est son œuvre (image ci-dessous). 


De nombreux restaurants dans Paris décorés par ses soins sont maintenant classés au patrimoine national.
Parmi ces cafés / restaurants il y avait le café de la Régence…


Cité de l’architecture et du patrimoine se trouve un document au format pdf au sujet d' Edouard Jean Niermans (1859 – 1928).
Mais depuis que j’ai découvert cette biographie il semble que le document ne soit plus en ligne.

(Edouard Jean Niermans)

Voici quelques exemples caractéristiques du style de Niermans.

 (Angelina - salon de thé parisien)

 (Brasserie Mollard - Paris)

On apprend donc en page 6 de la brochure sur Niermans qu’il est l’architecte qui a travaillé sur l’aménagement du Café de la Régence vers 1895 – 1902. 


Hélas sans plus de précision, car à ma connaissance (et suivant la revue « La Stratégie ») les grands travaux dans le Café de la Régence durant cette période datent de l’été 1892 et de l’été 1903... Je penche donc pour 1892 pour les travaux de Niermans.

Mais ceci me sert dans transition pour la suite…
Au sujet des travaux de 1892 sur lesquels je vais revenir, j’ai commis une erreur en attribuant intuitivement à tort (article corrigé) le projet de décoration du petit salon des échecs du Café de la Régence à son propriétaire Claude Vielle en 1855.
Cet article de la Stratégie montre clairement qu'il s'agit de Kieffer propriétaire en 1892.

Après être passé d’un éclairage avec les quinquets,  puis au gaz, voici l’électricité au Café de la Régence !

Voici l’extrait de la stratégie de septembre 1892.

« Voilà bientôt deux siècles que le Café de la Régence est sans interruption le rendez-vous officiel et attitré des amateurs d’échecs de Paris. Bien d’autres établissements, dans d’autres genres, ont eu des moments de faveur publique plus ou moins prolongés, Café Procope…Brebant… mais à la longue l’oubli est venu.
Le Café de la Régence n’a jamais perdu sa vogue ; la persistance de sa renommée à travers les générations est un fait unique dans l’histoire parisienne.

Il faut reconnaître que le mérite principal de ce long succès est dû à une heureuse succession de propriétaires, lesquels se sont attachés, quelques fois par de très grands sacrifices pécuniaires, à satisfaire la clientèle exigeante des amateurs d’échecs.

Le propriétaire actuel M.Kieffer, n’a pas voulu rester en arrière de ses devanciers, il vient de profiter des vacances d’été pour faire de grandes améliorations. Elles sont si importantes que nous pouvons les considérer comme la « régénération » du Café de la Régence.

D’abord le gaz, cet affreux gaz, tant acclamé quand il a remplacé les fameux quinquets, vient à son tour de céder la place à la lumière électrique. Le choix des lampes du nouvel éclairage a été très heureux, la lumière bien plus intense que celle du gaz est cependant assez pondérée pour ne pas fatiguer la vue. Ensuite toutes les peintures, toutes les tentures ont été entièrement remises à neuf ; non pas dans le goût du jour, tons sombres, surchargés de lourds et riches ornements, mais dans le genre Régence, fond blanc mat, avec filet or, et cela donne aux salons du vieux Temple de Echecs un incontestable cachet aristocratique.
Le petit salon, notamment, est une merveille : sur les panneaux, autour de la salle et entre les glaces, sont peintes les pièces d’échecs, au milieu de légers attributs artistiques, et dans les cartouches, tout autour, sont inscrits les noms des principaux maîtres français et étrangers dont la réputation a été consacrée par la postérité. Le plafond représente un échiquier en deux couleurs distinctes. »
 (Le petit salon des Echecs du Café de la Régence - date inconnue)

Onze ans après, en 1903, M.Kieffer cède le Café de la Régence à Lucien Lévy le nouveau propriétaire. Ce dernier procède à des travaux d’aménagement.

La stratégie décrit le résultat des travaux dans son numéro d’octobre 1903.

« Le Café de la Régence a fait sa réouverture le 6 octobre dans un cadre merveilleux. Le caractère de la décoration blanc et or, style Louis XVI, a été conservé mais avec les aménagements d’une élégance appropriée qui ornent les salons, le vieux Temple des Echecs a un aspect gai et bien français.
Au point de vue « restaurant » la transformation est complète ; les nouveaux propriétaires ont certainement le désir de se placer au premier rang des établissements parisiens.

Nous avons le plaisir de constater que les Echecs, qui depuis bientôt deux siècles ont rendu universelle la réputation du Café de la Régence, n’ont pas été oubliés ; une partie de l’ancienne salle de billard leur est réservée. Espérons qu’avec une si brillante installation, une nouvelle ère de prospérité s’ouvrira pour eux et pour le Café de la Régence (…) 

Pour inaugurer le salon des Echecs du Café de la Régence, l’Union Amicale a fait donner une séance de parties simultanées par M. Taubenhaus, dimanche soir 11 octobre. Le célèbre professeur a joué 22 parties et, en moins de 3 heures, il a obtenu le résultat de 15 gagnées, 2 nulles et 5 perdues contre MM. Delaire, d’Hersignerie, Humbert, Joubert et du Manoir. (…)

L’Union Amicale est en pleine prospérité, elle compte actuellement plus de cent adhérents »

Enfin en 1910 le lieu s’agrandit. Le Café de la Régence est un lieu très à la mode dans Paris.
Cahier de l’Echiquier Français, n°33 - 1925

« La régence et la brasserie mitoyenne du Sport furent réunis en 1910 et forment maintenant un vaste établissement pourvu de tout le « confort moderne », mais d’où s’est enfuie la majorité des joueurs qui comprennent le confort d’une façon moins moderne ».

vendredi 30 septembre 2011

Le gambit d'Aquitaine

Voici un article extrait de la revue « La Stratégie » de mars 1917.
L’article n’a que peu d’intérêt théorique, surtout à l’heure actuelle où il est possible avec un bon logiciel d’échecs de vérifier en quelques minutes si un sacrifice tient ou non la route.
(Image : La Stratégie - Source BNF)

Mais son intérêt est ailleurs. Au travers de cet article on voit bien l’importance qu’occupe encore le Café de la Régence dans les échecs français du début du 20ème siècle.
Il montre également l’étroite relation entre les différentes revues françaises d’échecs du 19ème et début 20ème siècle avec le fameux Café de la Régence.

Dernière précision: la notation dans « La Stratégie » est une notation descriptive française. Je l’ai transcrite en notation algébrique pour une lecture plus aisée.

Le Gambit d’Aquitaine dans la partie Lopez

1.é4 é5 2.Cf3 Cç6 3.Fb5 a6 4.Fxç6 dxç6 5.Cxé5 Dd4 (ou De7 ou Dg5) 6.0-0 Le coup constitutif, comme dit notre directeur Delaire. 6….Dxé5 7.d4

Voici la position que notre confrère anglais, le British Chess Magazine (mars 1917, p.71) soumet à l’appréciation de ses lecteurs, à la suite d’une lettre adressée par R.Gaudin, de Bordeaux, champion de l’Echiquier d’Aquitaine, l’inventeur de ce « gambit ». Mr. G. semble bien se douter que son gambit ne saurait résister à une analyse sérieuse, mais il sollicite néanmoins l’examen en vue de son emploi pratique.

Un coup d’œil sur la position révèle l’idée qui a présidé au sacrifice : la D noire est embarrassée, elle n’a directement pas de bonne case à sa disposition. En effet les deux cases sur le côté (Db5 – Da5) ne paraissent pas recommandables, tandis que, sur chacune des 4 autres cases – d6, e6, e7 et f6 elle gène manifestement le développement des pièces noires, tout en restant exposée à l’attaque des P blancs.
Après quelque réflexion, je me suis décidé en faveur de
7. … Df6
Et cela dans l’intention avouée de porter la D à une des deux cases – g6 ou h4, où elle parait être pratiquement inattaquable, tout en préparant une attaque sur le R noir.
Là-dessus je me retourne vers les blancs pour examiner leurs chances. Ils ont un beau centre, c’est incontestable. Mais aussi c’est tout, car le P en plus ne saurait compter comme compensation de la pièce sacrifiée. Leurs deux pièces mineures, F et C, n’ont pas de bien brillantes perspectives. Je me demande particulièrement où devra aller le C et je reste perplexe. Mais avant tout, par suite de l’échange fait au 4ème coup, ils n’ont plus de FR (Fou Roi) ; il leur manque le F d’attaque, sans lequel Philidor, Tarrasch et maints autres ont déclaré ne rien savoir inventer. Il faut donc que l’avantage constaté ou entrevu par le promoteur du gambit consiste dans la difficulté que devront éprouver les Noirs à se développer. Dans ce sens, le gambit est vraiment original. Il est, en effet, d’ordre stratégique, tandis que tous les autres gambits où l’on sacrifie une pièce au début (Muzio, Pierce, Allgaier, Rice, etc.) sont d’ordre tactique et visent directement la position du R noir.
Or pour gêner le développement des Noirs, notamment celui de leur FD (qui menace de dominer, à la longue, sur les cases blanches, conséquence logique de la disparition du FR des Blancs), le meilleur coup parait être
8.f4
Sur quoi les Noirs, réalisant le plan conçu, jouent de suite
8…. g6
Il importe de ne pas laisser venir le P blanc à f5, où il paralyserait pour longtemps le FD des Noirs. Exemple : 8….Dh4 9.f5 Cf6 10.Tf4 Dh5 11.De1 g5 12.Tf1 et le développement des Noirs est pénible. Le coup 8…g6 donne, en outre, une nouvelle issue au FR.
Maintenant le développement des Noirs est assuré. Si 9.é5, à ce moment ou plus tard, ils obtiendront la commande des diagonales blanches pour leur FD. Si par exemple
9.Cc3 Fg7 10.Fé3 Fé6 11.f5 (ou A) 11….gxf5 12.exf5 Fxf5 (12….Fd5 est complètement sûr) 13.g4 Dé7 14.Ff4 Fé6 suivi de Roq TD (grand Roque) et gagnent.
A 11.Ca4 000 12.Cc5 Ff8 13.Cd3 Fxc4 etc. Tout ceci à simple titre d’indication.

Désireux d’avoir l’opinion de quelques très forts joueurs, j’ai soumis au Café de la Régence, le Gambit d’Aquitaine à aéropage de Maîtres, composé de MM. Jean Taubenhaus, Aurbach, E.M.Antoniadi et H.Weinstein, ce dernier tout récemment revenu de Pétrograd. Leur avis unanime a été que, dans la position relativement favorable où se trouvaient les Noirs au 7ème coup, avec leurs deux F dégagés, leur grand Roq assuré, le sacrifice des Blancs n’avait pas obtenu de compensation suffisante. Après quelques analyses sur les lignes indiquées par moi, ces messieurs ont déclaré qu’en allant plus loin ils craindraient « d’enfoncer des portes ouvertes ».
J’en conclus donc que le Gambit de M.Gaudin ne peut être considéré que comme une ingénieuse fantaisie. Ça peut se jouer, contre un joueur faible, dans une partie légère, mais là tout peut se jouer, même des parties à avantage. Mais c’est intéressant, dites-vous ? Oui, je sais bien, les Échecs sont un jeu très intéressant.
J’affirme que je n’ai mis aucun parti-pris dans les lignes qui précédent, et je me sais couvert, dans mes conclusions, par l’unanimité des meilleurs joueurs de France. Peut-être M.Gaudin en tirera-t-il la conclusion qu’il est certaines innovations et inventions qu’il vaut mieux ne pas soumettre à l’examen de la presse échiquéenne. Encore moins faut-il s’étonner de ne pas trouver trace de pareilles fantaisies dans le « Handbuch ». Le célèbre manuel, quelque volumineux qu’il soit, comporte de nombreuses lacunes d’ordre plus sérieux. Ainsi j’ai constaté que la dernière édition ne mentionne pas la défense Rosenthal dans la partie Ecossaise (1.é4 é5 2.Cf3 Cç6 3.d4 éxd4 4.Cxd4 Cxd4 5.Dxd4 Df6)

Paris, 15 mars 1917   A.Geoffroy-Dausay