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mardi 18 octobre 2022

Le Café de la Régence en 1951

Voici un article du journal Ce Soir daté du 13 avril 1951, qui m'a été signalé par Dominique Timognier il y a déjà pas mal de temps et que je remercie.
 
Cet article présente plusieurs aspects intéressants. 
 
Tout d'abord il décrit une certaine activité échiquéenne à la Régence après la deuxième guerre mondiale. Ce n'est pas banal, car la preuve d'une activité échiquéenne la plus récente que je connaissais remontait à 1943. Mais cette activité reste néanmoins anecdotique et sans lien avec la FFE. Cela fait partie du folklore du lieu, car il n'est pas fait mention de la Régence comme cercle d'échecs dans la revue l’Échiquier de Paris (de 1946 à 1955). Néanmoins le très fort joueur Abraham Baratz le fréquente encore.
 
Photo d'Abraham Baratz parue dans l'échiquier de Paris en janvier/février 1952
 
Ensuite l'autre point capital de cette article concerne la photo qui l'accompagne avec la table de Bonaparte, au sujet de laquelle j'ai déjà rédigé plusieurs articles, par exemple ici et .

Globalement l'article me semble être de qualité, même si je doute de l'authenticité de l'anecdote qui démarre l'article et l'arrivée du jeu d'échecs au Café de la Régence en 1720. 
Mais vous y apprendrez par exemple l'origine du mot "kibbitz", cher aux joueurs d'échecs, et qui a remplacé le terme de "galerie" utilisé au XIXe siècle.
 
Ce soir – 13 avril 1951 - Retronews

Les Rendez-vous de Paris
Serge NAT vous emmène dans les cafés curieux de la capitale

A la « Régence » Napoléon venait déjà faire sa partie d’échecs.

C'ÉTAIT UN PIÈTRE JOUEUR, MAIS PERSONNE N'OSAIT LE LUI DIRE


Un jour de l'année 1720, un client entra dans le café de « La Régence », dégusta un verre de vin et demanda un jeu d'échecs. Il n'y en avait point, mais le lendemain le tavernier, qui avait le sens du commerce, acheta le jeu demandé.

C'est ainsi que « La Régence » est devenue le grand rendez-vous des joueurs d'échecs. Si M. Dumont, l'actuel directeur, veut bien se transformer en guide, vous aurez le privilège d'admirer les salons qui viennent d'être restaurés et aménagés. L'ancien gérant avait eu la curieuse idée d'éclairer les salles au moyen de tubes au néon, ce qui donnait un résultat médiocre, et lui valut d'être surnommé : l'être et le néon....

«  La Régence » a maintenant retrouvé son éclat d'antan et le fameux petit musée de Napoléon va être reconstitué. On peut déjà voir la table où l'Empereur jouait aux échecs et dans le salon de la pâtisserie le nom des joueurs célèbres perpétuent une tradition qui semble pourtant menacée de se perdre. 
 

 


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 Le Français n'aime plus jouer aux échecs...

C'est par cette déclaration désabusée que m'aborde un habitué, et il me montre la salle que la direction a réservé aux joueurs afin qu'ils ne soient pas trop intimement mêlés au reste de la clientèle. En effet le spectacle de parties d'échecs a de curieuses répercussions sur le public.
Les conversations s'arrêtent pour ne pas déranger les joueurs, les yeux se fixent sur ces personnages pensifs qui jouent un pion toutes les vingt minutes et commandent un demi toutes les trois heures Toute partie est interdite après huit heures mais la tradition reste la tradition et « La Régence » tient à ses joueurs d'échecs.

Il faut l'avouer : je ne sais pas jouer aux échecs. Les questions que je posai à mes voisins devaient manquer d'originalité, et ce que je souhaitai être un dialogue ne fut en fin de compte qu'un monologue :
— Vous aimez les échecs ?
— ………………..
— Est-ce que la concentration d'esprit que demande ce jeu n'est pas une fatigue pour vous ?
— ………………..
 
Je commence à me sentir très seul, mais un joueur a pitié de moi et m'explique que lui et ses amis viennent à « La Régence » pour faire des « parties légères » ou « pousser du bois », que la concentration n'est fatigante que dans les tournois, qu'on peut être fort joueur sans être intelligent et qu'il est certaines questions que l'on ne pose pas sans passer pour quelqu'un de distrait.

Un jeu vieux comme le monde

Au bout d'une heure, l'ambiance s'humanise un peu et avec une infinie discrétion (?) je cherche à m'instruire. J'apprends que le jeu d'échecs aurait été inventé par un certain Palamède lors du siège de Troie, pour distraire les guerriers entre les combats. Mais les gens compétents affirment qu'il vient des Persans ou des Chinois et qu'il fut introduit en France pendant les Croisades. 
 
Le Larousse, que j'ai consulté discrètement en rentrant chez moi écrit : « On prétend que l'inventeur de ce jeu en ayant fait l'honneur à son souverain, celui-ci enchanté lui offrit la récompense qu'il désirerait. II demanda un grain de blé pour la première case, deux pour la seconde, quatre pour la troisième et ainsi de suite en doublant toujours jusqu'à la soixante-quatrième et dernière. L'empereur ordonna à son ministre de faire droit à une demande si modeste en apparence : mais le calcul étant fait, il se trouva que tous les greniers du vaste empire étaient insuffisants pour satisfaire à la demande ».

— Le jeu d'échecs a ses champions, m'explique Baratz, professeur d'échecs et habitué de la « Régence ». Les Russes sont imbattables, et Botvinnik est vraiment le meilleur joueur du monde. Ceci dit les autres pays européens ont de grands joueurs comme le Hollandais Euwe... mais l'Union Soviétique encourage systématiquement la pratique des échecs pour lesquels il existe un département spécial au ministère des Sports et Loisirs. Pourtant, les Français ont été les plus forts dans le temps, et Philidor, qui a sa statue à Dreux, fut certainement un champion. Ce n'est pas le cas de Napoléon qui, contrairement à la légende, jouait mal aux échecs. Mais peu de gens osaient le lui dire...

Les échassiers regardent

Lorsqu'une partie commence, un petit cercle de spectateurs se forme autour de la table. Ce sont les « kibbitz ». Ce mot tiré du yiddish désigne les échassiers mélancoliques qui restent debout sur une patte pendant des heures. II y a beaucoup de kibbitz à la « Régence ». La pratique du jeu d'échecs nourrit difficilement son homme et il y a peu de professionnels. Les leçons particulières sont rares et seuls les tournois nationaux permettent des gains appréciables.

M. Dumont a beaucoup de sympathie pour « ses » joueurs d'échecs dont le nombre tend à diminuer et qui ne constituent qu'une partie de la clientèle. Car la « Régence », retrouvant une tradition un moment perdue, est devenue aussi le rendez-vous de beaucoup d'artistes (la Comédie-Française est proche), journalistes et parlementaires qui seraient certainement déçus s'ils n'apercevaient pas dans la petite salle du fond ces hommes pensifs et silencieux penchés sur leurs échiquiers.

Petit drame de ménage

Au moment de quitter cet établissement Intimement lié à l'histoire de Paris, j'aperçois une dame qui se dirige d'un pas décidé vers une table où deux joueurs s'affrontent. Elle reste immobile derrière l'un des partenaires qui se retourne et se lève précipitamment sans dire un mot, met son pardessus et quitte le café avec la dame. On m'explique la signification de cette petite scène : la dame est la femme du joueur, elle déteste les échecs mais adore le bridge, alors quand il lui manque un quatrième, elle vient enlever son Mari, qui a un tempérament paisible et résigné…

vendredi 1 mai 2020

Album de caricatures d'Abraham Baratz

Dominique Thimognier m'a envoyé en fin d'année dernière un document tout à fait exceptionnel.
Je le remercie vivement pour cet envoi que je vous partage ici.

Il s'agit d'un album de caricatures par Abraham Baratz, qui date de la fin de l'année 1936.
Pour découvrir ce joueur d'échecs et artiste, je vous renvoie au site "Héritage des Échecs Français"
de Dominique Thimognier.
Vous trouverez sur son site internet de nombreuses biographies totalement inédites de joueurs d'échecs.

Baratz au tournoi international de Paris 1929.
Supplément à L’Échiquier (août 1929)
Héritage des Échecs Français

Voici ce que dit Dominique au sujet de cet album de caricatures :

"J'ai de la chance d'avoir un exemplaire d'un album de Baratz dans ma bibliothèque.
Ou du moins une partie de l'album, car il n'y a pas de couverture et je ne sais pas s'il est complet.
J'ai essayé de le scanner, mais ce n'est pas facile car c'est un grand format (...)
Je pense qu'il s'agit d'un album sorti à l'occasion du championnat de Paris 1936-1937 (joué du 05/11/1936 au 14/01/1937), même si la dédicace indique 01/11/1936.
Il devait y avoir avec deux documents distincts, je ne suis pas très sûr".

Si quelqu'un a plus de précisions au sujet de cet album, je suis preneur.
En tout cas, toutes les personnes représentées sur cet album fréquentent le Café de la Régence en 1936.

Voici ce magnifique document au format pdf :

mardi 19 novembre 2019

Une simultanée de Lasker au Café de la Régence (2 sur 2)


русский перевод

Mise à jour du jeudi 6 octobre 2022 : pour compléter cet article vous pouvez également lire celui-ci
 
Suite des articles découverts par Dominique Thimognier.

Le contexte historique de cette simultanée à la Régence est important, car 1933 est une année tragique pour Emanuel Lasker.
Hitler accède au pouvoir en début d’année 1933, et lance très rapidement une campagne d’intimidation et de discrimination envers les juifs, les dépossédant de leurs biens et les privant de leur nationalité. Ceci pousse Lasker et sa femme Martha à l’exil.

Cela faisait près de 10 ans qu’il ne jouait plus aux échecs à haut niveau (il a 65 ans en 1933), et ce retour aux échecs est probablement lié à une nécessité économique suite à son départ d’Allemagne.

Le journal Comoedia publie, le mercredi 22 mars 1933, un article signé Tartakover au sujet de la simultanée donnée quelques jours auparavant par Lasker au Café de la Régence.

Ce texte permet de répondre partiellement au mystère numéro 5 sur le Café de la Régence.
Oui il existe bien au minimum un film à l’intérieur du Café de la Régence. Celui-ci concerne justement la simultanée de Lasker. Après il reste à trouver ce film…
Ensuite nous apprenons que la simultanée a été couverte par de nombreux journalistes étrangers.
Il est raisonnable d’imaginer que des photos ont été prises et publiées dans la presse étrangère.
Il reste également à les trouver…


Jeu ou Science
Combats de fous, tours et dames

Le fameux Lasker montre au Café de la Régence, contre trente adversaires, sa maitrise.
Par Tartakover

« Victoire des blancs. La séance continue… » Telle est à peu près la formule sous laquelle se déroula la mémorable séance d’échecs que l’ex-champion du monde, Dr Emanuel Lasker, a donné samedi au « Café de la Régence » qui est – depuis plus de deux siècles ! – le temple reconnu du noble art des échecs.
Pendant plus de cinq heures (sans compter les petites interruptions de la séance pour le filmage, etc.), le maître se promena d’un échiquier à l’autre – toujours souriant et fumant sans cesse ses cigares « Voltigeurs » - avant que le résultat final put être énoncé : 22 gains, 3 nullités et 5 défaites, ce qui démontre, du reste, que le niveau de force des joueurs parisiens est très haut.

La consultation fut permise. Dans beaucoup de parties, l’ex-champion fit surtout valoir sa maitrise – si redoutée ! – pour les fins de partie : mais quelquefois les rôles furent changés et ainsi, par exemple, sur l’un des échiquiers, ce sympathique directeur des Cahiers de l’Échiquier Français, M. F. Le Lionnais, put annoncer à l’ex-champion au 52ème coup un mat en trois coups !

C’est aussi dire que la plupart des échiquiers furent tenus par des joueurs accomplis. Toute l’exhibition, - assistée d’à peu près 800 spectateurs enthousiasmés -, se déroula sous le signe de cette haute sportivité qui est surtout propre au jeu des échecs.
Chaque résultat fut promulgué à haute voix sous les applaudissements des spectateurs par le directeur technique de la séance, l’ex-champion de Paris, M. A. Baratz, tandis que l’orchestre du « Café de la Régence » dirigé par ce fameux virtuose, M. Paul Dony, entonnait sa belle musique.

Dans cette foule de joueurs et spectateurs l’élément féminin se laissait aussi constater et cela non seulement comme spectatrices charmantes (parmi lesquelles citons la Présidente du Club d’Echecs féminin de Paris, Mme d’Autremont ; puis Mmes A. Alekhine et E. Znosko-Borowsky), mais aussi comme des joueuses pleines de courage. Ce courage fut aussi couronné du succès chez la championne italienne, Mme C. Tonini. Une autre jeune dame qui promet beaucoup est Mlle Germaine Simonnot.

Journalistes de Paris et correspondant pour l’étranger (Suisse, Belgique, Hollande, Espagne, etc.) : photographes, dessinateurs, interviewers, chercheurs d’autographes – tous réunis dans leur amour et leur admiration pour la science échiquéenne ! – tels étaient les éléments vivaces (et même vivifiants !) qui complétaient la multitude dans cette réunion curieuse, vouée à un sport, plein de « sacrifices ».

A la fin de la séance, un représentant du « Comité des Amis du Café de la Régence » félicita, non seulement le Dr Lasker pour sa décision de reprendre sa glorieuse carrière d’échecs, mais aussi le propriétaires du café, l’initiatif M. Octave Brun, pour son effort de rendre aux Echecs Parisiens leur ancienne splendeur, quand, en effet, Paris représentait le centre mondial pour les jeu des échecs.

Tartakover
Maître des Échecs


Photo François Le Lionnais vers 1935 1940.


Photo Alice Tonini (provient du site http://heritageechecsfra.free.fr/)
source: Storia degli scacchi in Italia - Chicco & Rosino  (1990)

La Méga Database de Chessbase contient une partie datant de 1933 jouée par Lasker en simultanée contre A.Tonini et F.Le Lionnais en association.
Le lieu n’est pas mentionné.
S’agit-il de la partie jouée au Café de la Régence ?
C’est possible car celle-ci s’arrête au 50ème coup et l’ordinateur annonce un mat en quelques coups, ce qui est cohérent avec l’annonce du mat en 3 coups par le Lionnais dans l’article.
Voici la partie


[Event "Lasker Emanuel sim"] [Site "Paris"] [Date "1933.??.??"] [Round "?"] [White "Lasker, Emanuel"] [Black "Tonini,Mme/Le Lionnais,F"] [Result "0-1"] [ECO "B22"] [PlyCount "99"] [EventDate "1933.??.??"] [EventType "simul"] [EventRounds "1"] [EventCountry "FRA"] [Source "ChessBase"] [SourceDate "2000.11.22"] 1. e4 c5 2. Nf3 Nc6 3. c3 e6 4. d4 d5 5. exd5 exd5 6. Be3 c4 7. Nbd2 Be6 8. Ng5 Nf6 9. Be2 Bd6 10. f4 O-O 11. O-O Qe7 12. Bf3 Bf5 13. Re1 Qc7 14. g4 Bxg4 15. Bxg4 Bxf4 16. Qf3 Bxh2+ 17. Kg2 Rfe8 18. Nh3 Nxg4 19. Qxg4 Ne7 20. Bf4 Bxf4 21. Nxf4 Rad8 22. Nf3 Qd7 23. Qxd7 Rxd7 24. Re2 f6 25. Rae1 Kf7 26. Ne6 Rc8 27. Nc5 Rdc7 28. Nd2 b6 29. Ne6 Rd7 30. Nf1 Nf5 31. Nf4 g5 32. Nh3 Re7 33. Rxe7+ Nxe7 34. Ne3 Rc6 35. Ng1 Re6 36. Nf3 Kg6 37. Kf2 h5 38. Rg1 g4 39. Ng2 Kh6 40. Nd2 Kg5 41. Re1 Rxe1 42. Nxe1 f5 43. Nf1 f4 44. Nd2 h4 45. Nc2 h3 46. Ne1 g3+ 47. Kg1 Kg4 48. Nef3 Ng6 49. Ne5+ Nxe5 50. dxe5 0-1