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samedi 1 octobre 2022

L'Automate Turc joueur d'échecs en visite à Paris en 1783

Dans le bandeau, en haut à droite de ce blog, vous pouvez voir une rubrique "Mystères". Il s'agit de plusieurs énigmes au sujet du Café de la Régence. Le 4ème mystère concerne la présence ou non du fameux automate Turc joueur d'échecs au Café de la Régence.
 
Une belle photo de la reconstitution du Turc mécanique de Wolfgang von Kempelen.
J'ai trouvé cette photo ici


Le Journal de Paris du 18 avril 1783 apporte quelques éléments de réponse. Un certain M. Anthon vient d'arriver de Vienne avec l'Automate. J'ignore qui est M. Anthon, il ne s'agit pas a priori de Wolfgang von Kempelen, le créateur de l'Automate, peut être un associé.

Après l'intéressante description du déroulement de l'attraction, on apprend que les places du spectacle doivent être achetées auprès du propriétaire du Café de la Régence de l'époque, François Haquin.
En 1783, c'est Philidor qui est le maitre du Café de la Régence. Et ce M. Anthon connait sans aucun doute la réputation des joueurs d'échecs à la Régence et il y cherche peut-être un compère pour animer son automate, avec la complicité du propriétaire des lieux. Le lien est en tout cas troublant.
 
La représentation a lieu à l’Hôtel d’Aligre, rue d’Orléans Saint-Honoré (rue aujourd'hui disparue), ce qui n'est pas très loin du Café de la Régence, sans doute trop exigu pour accueillir une cinquantaine de spectateurs dans de bonnes conditions.

Journal de Paris - Vendredi 18 avril 1783 - Retronews

 



 


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Mécanique

M. Anthon vient d’arriver de Vienne avec la fameuse machine qui joue aux échecs, dont il a été question dans plusieurs journaux. Il offre de la montrer à tous ceux qui seront curieux de la voir, et il annonce que cet Automate, Joueur d’échecs, représente une figure d’homme de grandeur naturelle, habillée à la Turque, et assise derrière une commode, sur laquelle est placé l’échiquier ; Il joue une partie aux échecs avec la première personne de la compagnie qui se présente.

Avant que de commencer la partie, M. Anthon ouvre toutes les portes de la commode pour en faire voir l’intérieur, dont la plus grande partie est composée de rouages, leviers, cylindres, cadrans, ressorts, etc. ; les portes refermées, l’automate commence la partie ; il porte la main sur une des pièces, la saisit des doigts, la transfère sur une autre case, l’y lâche, et retire sa main pour la reposer sur un coussin qui se trouve près de l’échiquier ; s’il donne échec, il en avertit son adversaire en faisant signe de la tête trois fois si c’est au Roi, et deux fois si c’est à la Reine ; si son adversaire, soit par inadvertance, soit par dessein, fait une fausse marche, il secoue la tête, prend la pièce mal jouée, et la remet à sa place ; mais alors le coup de l’adversaire est perdu, parce que l’Automate joue son coup immédiatement après.

Si de part ou d’autre l’on donne échec et mat, et si ensuite l’on voulait encore jouer un coup, il refuse de jouer en secouant la tête.

La partie finie, il fait la marche du cavalier de la manière suivante : après que l’on a ôté toutes les figures de l’échiquier, quelqu’un des spectateurs prend un cavalier, le met sur une case qu’il choisit à son gré ; aussitôt l’Automate le prend et parcourt toutes les soixante-quatre cases, en montrant chacune avec le cavalier, et sautant du blanc au noir et du noir au blanc, sans venir deux fois sur la même case, de quoi l’on peut s’assurer, en marquant, d’un jeton, chaque case sur laquelle il a été ; revenu à la première case, dont il est parti, il y lâche le cavalier et retire sa main.

Après la partie d’échecs, les spectateurs font des demandes à cet Automate, auxquelles il répond en montrant sur une table d’alphabet, les lettres qui, prises ensemble, forment la réponse. Cet Automate se verra, pour la première fois, le Lundi 21 de ce mois et les jours suivants. Il jouera deux fois par jour ; savoir, à midi et à cinq heures du soir, à l’Hôtel d’Aligre, rue d’Orléans Saint-Honoré. L’entrée est à six francs par personne.
 

 

Comme plus de cinquante à soixante personnes ne pourraient voir commodément en même temps cette machine curieuse, l’on donnera, pour chaque représentation, un nombre proportionné de billets chez le Sieur Haquin, tenant le Café de la Régence, Place du Palais Royal, où l’on pourra savoir d’avance s’il y a encore de la place ou non. C’est pour cela que l’on ne recevra point d’argent à la porte, que l’on ne laissera entrer que les personnes pourvues de billets.

L’on est prié d’observer les heures ci-dessus fixées, sans quoi l’on manquerait de voir l’intérieur de la commode, qui est une des choses essentielles, et qui ne se montre plus après le jeu.

Si quelques personnes de distinction désirent venir voir l’Automate et s’unir un certain nombre à cet effet, M. Anthon sera prêt à les recevoir hors des heures fixées, pourvu qu’elles l’en fassent prévenir la veille.


dimanche 14 octobre 2018

Les mystères du Café de la Régence - numéro 4

L'automate turc joueur d'échecs a-t-il joué au Café de la Régence ?
Cette question est actuellement sans réponse...
Mais voici quelques informations à ce sujet.

Dans le 1er tome de mon livre, je consacre pas mal de place au fameux automate Turc joueur d'échecs, créé par Von Kempelen, puis acheté par Maelzel.
La raison en est simple : plusieurs animateurs de cet "automate" étaient des joueurs d'échecs de première force du Café de la Régence. Le plus célèbre d'entre eux se nommait Jacques François Mouret, qui n'était autre que le petit-neveu de Philidor.

On trouve trace du Turc à Paris, non loin du Café de la Régence. Par exemple en 1800 :


Courrier des Spectacles – Journal des théâtres et de littérature – Paris, 18 germinal an VIII de la République (8 avril 1800)


« Rue des Poulies , Place du Louvre, vis-à-vis la Colonnade, N°211 - Automate qui joue aux Échecs et aux Dames. C’est un Turc bien costumé : sa figure est en cire, bien expressive ; ses mouvements imitent la nature. Il joue avec le premier venu, et il se fâche lorsqu’on joue contre les règles. Cet amusement intéressant attire bien du monde.»

Cette adresse (Rue des Poulies) n’existe plus, et se trouvait à une centaine de mètres du Café de la Régence.

Dans le 1er tome de mon livre sur l'histoire du Café de la Régence, j'indique ceci :

« À ma connaissance, il n’existe pas de parties jouées à Paris par l’automate Turc qui aient été conservées. Par contre un recueil de celles-ci existe pour les parties jouées à Londres en 1820 : Fifty Games played by the Automaton Chess-Player, during its exhibition in London in 1820 - William Hunnemann.

Voici un extrait de la préface (de ce livre).

« Depuis le commencement de ses exhibitions en février dernier, l’Automate Joueur-d’Échecs a joué (donnant pion et trait) près de trois cents parties, desquelles il n’en perdit que six. Ce fait est essentiel, et le lecteur trouvera dans beaucoup des parties suivantes, la preuve de sa très grande habileté.

(…) Sans vouloir choquer les admirateurs de Philidor, il est possible d’affirmer que l’Automate Joueur-d’Échecs a, dans le cadre de ces démonstrations actuelles, joué des parties que le Maître aurait égalées, sans pouvoir les exceller.  »


L’auteur est dithyrambique sur le niveau de jeu de Mouret. Celui-ci joue quasi invariablement e7-e6 contre le premier coup e2-e4, ce qui est rare à l’époque. Il s’agit de la Défense Française, alors appelée la Partie du Pion du Roi un Pas et dont il est un fervent adepte. Nous verrons dans un prochain chapitre que Mouret réussit à convaincre le comité de Paris d’utiliser en 1834 cette défense lors de la partie avec les noirs dans le match par correspondance contre Londres . 

Les parties sont données sans commentaire dans ce livre et nous n’avons en général que la première et la dernière lettre du nom de l’adversaire de l’automate. Par exemple, celle que je donne ci-après mentionne un certain Mr C******E. En fait il s’agit de John Cochrane, un des plus forts joueurs anglais de l’époque, qui viendra en 1821 jouer un match triangulaire à Saint-Cloud, à côté de Paris, contre Deschapelles et La Bourdonnais. »


Ci-dessous vous trouverez la 18ème partie de ce livre, entre John Cochrane et Jacques François Mouret (Alias l'automate Turc joueur d'échecs).
Le recueil contient d’autres parties opposant ces deux joueurs. On voit parfaitement le jeu entreprenant de Mouret dans cette partie, même si son adversaire, dans une position supérieure, commet une gaffe terrible au 28ème coup. Il abandonne le pion en e5 et perd ensuite le Cavalier en d6.
Notez que le Turc rendait le pion en f7, ainsi que le trait à son adversaire.


[Event "Londres 1820"] [Site "?"] [Date "1820.??.??"] [Round "18"] [White "Cochrane, John"] [Black "Automate Turc joueur d'échecs"] [Result "0-1"] [SetUp "1"] [FEN "rnbqkbnr/ppppp1pp/8/8/8/8/PPPPPPPP/RNBQKBNR w KQkq - 0 1"] [PlyCount "68"] 1. e4 e6 2. d4 c6 3. f4 d5 4. e5 c5 5. Nf3 Nc6 6. Bb5 Bd7 7. Bxc6 bxc6 8. O-O cxd4 9. Nxd4 c5 10. Nf3 Nh6 11. Nbd2 Qb6 12. Kh1 a5 13. a4 c4 14. b3 Ng4 15. Qe2 Bc5 16. h3 Nf2+ 17. Kh2 c3 18. Nb1 Ne4 19. Ng5 Nxg5 20. fxg5 d4 21. Na3 O-O-O 22. Nc4 Qa7 23. Ba3 Rhf8 24. Bxc5 Qxc5 25. Nd6+ Kb8 26. Qe4 Bc6 27. Qe2 Ka7 28. Qc4 Qxe5+ 29. Kh1 Qxd6 30. Qd3 Qd5 31. Qe2 e5 32. Qg4 e4 33. Rf4 Rxf4 34. Qxf4 e3 0-1