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jeudi 6 octobre 2022

Photo inédite de Lasker en simultanée au Café de la Régence en 1933

En mai dernier, j'ai fait l'acquisition sur Ebay d'une photo indiquant qu'il s'agissait d'Emanuel Lasker en simultanée en 1933 au Café de la Régence.
Simultanée de Lasker au Café de la Régence - Samedi 18 mars 1933, sur 30 échiquiers
Collection personnelle.
 
Quand je l'ai vue, j'ai immédiatement compris que le lieu indiqué dans l'intitulé de la vente était correct grâce à un détail : le carrelage au sol est le même que celui d'une autre photo du Café de la Régence, que j'ai déjà publiée, avec la table de Bonaparte !
 
Photo de la fameuse table de Bonaparte - Collection personnelle.
Remarquez le carrelage au sol :-)
 
Sol de la photo de la table

Sol de la photo de la simultanée
 
Au sujet de cette simultanée, je vous renvoie à l'article en deux parties que j'ai consacré à cet évènement. 
Lasker joue dans des circonstances tragiques pour lui, il vient de fuir l'Allemagne nazie.

Comme je l'indique dans la deuxième partie de l'article, il reste à mettre la main sur le film d'actualité qui a été tourné à cette occasion.

La même photo colorisée par Etienne Cornil que je remercie.

Pour compléter cette article, voici ce que pense Gaston Legrain chroniqueur d'échecs pour le journal royaliste et antisémite L'Action Française. Gaston Legrain était très investi dans la FFE et sa chronique était la meilleure de l'époque selon moi, malgré sa publication dans un journal sulfureux.

Gaston Legrain - Supplément à la revue L'Echiquier - Juillet 1929
Photo publiée sur le site Héritage des Échecs Français

Gaston Legrain garde toujours en travers de la gorge les articles anti-français signés par Lasker au début de la première guerre mondiale.

L'Action Française - 13 mars 1933 - Retronews

Lasker à Paris. — Samedi prochain, 18 mars, à la Régence, 14 heures, séance de parties simultanées par Emmanuel Lasker, 30 échiquiers à 10 francs. Jeu en consultation admis. Entrée libre.
Les Français qui se souviennent des articles que le champion écrivait, durant le deuxième semestre de 1914, dans la Gazette de Voss, n'assisteront peut-être pas sans malaise à cette exhibition. Nous avons commenté ici même, en 1918, et dans notre 18e cahier, cette arrogante chronique du conquérant qui se dit porteur d'une haute mission de culture pour prétendre asservir une nation voisine. 

J'ai également trouvé 3 photos de l'évènement dans la presse de l'époque - Source Retronews.

Le Petit Journal - 19 mars 1933
 

 
 
 
 
 


 

 








 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Excelsior - 19 mars 1933

L'Intransigeant - 20 mars 1933

dimanche 24 janvier 2021

Carte postale colorisée

Etienne Cornil m'a envoyé une carte postale colorisée de l'intérieur du Café de la Régence.
Le rendu est particulièrement réussi, et cela donne un caractère beaucoup plus "vivant" de cette photographie (sur une carte postale). 
Félicitations pour cette excellent idée !

Cela fait maintenant presque 10 ans (!) que j'ai publié un article sur ce blog au sujet de cette photographie qui date des environs de 1906. La femme derrière le comptoir est très probablement Mme Rachel Lévy (née Reiss), épouse de Lucien Lévy, propriétaire de l'époque du Café de la Régence.


La carte postale d'origine.


La carte postale colorisée.

vendredi 8 novembre 2019

Dernières traces du Café de la Régence ?

Mise à jour du 12 avril 1954 - Voir cet article au sujet de la fin du Café de la Régence
Selon moi, l'article paru dans la revue Caïssa en 1957 montre que l'information n'est pas à jour, car la Régence n'existe plus depuis environ une année.

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Etienne Cornil m’a fait parvenir un document qui date de début 1957 et qui représente à ce jour la trace la plus récente du Café de la Régence.
Je le remercie tout particulièrement pour cette découverte que j'ai le plaisir de partager sur ce blog.

Attention, quand j’indique « trace du Café de la Régence », il s’agit du lieu historique depuis 1855, et non l’ersatz ouvert en 2016 à quelques dizaines de mètres, qui se sert allègrement des images de ce blog et qui n’a rien à voir avec le jeu d’échecs.

Voici donc le document d’Etienne, que j’ai retranscrit partiellement, suivi de quelques commentaires

« CAISSA
Revue mensuelle de la Fédération Belge des Échecs
15 janvier 1957 – 5



Paris la nuit
(traduit de l’anglais d’après un article de Art. Buchwald).

Nous sommes toujours heureux de trouver un restaurant ou un café qui a un passé historique. Cela ne rend pas la nourriture ou les boissons meilleures, mais nous donne l’occasion d’écrire au sujet de quelque chose.
Un des plus vieux cafés de Paris est le Café de la Régence, place du Théâtre Français, juste en face de la rue de la Comédie Française, salle Richelieu.
(…)
L’année passée, Monsieur et Madame Bataille (elle est la sœur de Claude Terrail) achetèrent le Café et essayèrent de faire revivre son grand passé. À l’entrée se trouve la table sur laquelle Napoléon joua. À l’intérieur se trouve un restaurant de premier ordre et un endroit retiré pour les célébrités actuelles du théâtre et des lettres.
Dans le fond, les même joueurs d’échecs qui n’ont pas bougé depuis les jours de Robespierre, peuvent être vus assis et rouspétant au sujet du bruit.
On peut y aller soit pour le déjeuner, le dîner ou le souper, quoique nous préférons ce dernier. Il n’y a rien de plus agréable qu’un restaurant tranquille et historique, surtout si vous désirez un peu jouer aux échecs. »

Je n’ai pas retranscrit la partie du texte qui contient les poncifs, broderies et légendes que l’on trouve partout au sujet du Café de la Régence, cela n’a pas d’intérêt.
Par contre la partie finale attire mon attention pour plusieurs raisons :
* La date de ce texte
* Les joueurs d’échecs
* le nom des nouveaux propriétaires

Pour la date, mes recherches pour mon livre montrent que le Café de la Régence change de nom en 1955 pour devenir « Hostellerie Guillaume de Conquérant ».


Bottin du commerce de 1954 au 161 rue Saint-Honoré (Archives de Paris)


Bottin du commerce de 1955 au 161 rue Saint-Honoré (Archives de Paris)

Mais Il y a quelque chose qui ne colle pas.
Le texte ci-dessus est publié en janvier 1957, à partir d’une traduction (probablement d’un texte de 1956), et parle donc d’un changement de propriétaire l’année d’avant en 1955.
Tout ça est ok, mais il ne s’agit plus du Café de la Régence, car le Bottin du commerce indique un changement de nom.

Quant à l’activité du jeu d’échecs, elle y existe peut-être mais elle est anecdotique.
Voici un extrait du tome 2 de mon livre.

J’ai passé pas mal de temps à feuilleter la collection complète de la revue L’Échiquier de Paris (1) puis de la revue L’Échiquier de France qui lui succède sans trouver la moindre allusion au Café de la Régence de 1946 à 1958. 
En 1946 la liste des Cercles d’échecs de la région parisienne que publie L’Échiquier de Paris montre qu’ils sont quasiment tous installés dans des Cafés. 
C’est une tradition française qui est alors encore fortement ancrée à cette époque. 
Si vous souhaitez jouer aux échecs en France depuis le début du XVIIIe siècle alors vous devrez obligatoirement ou presque mettre les pieds dans un Café. Vous noterez que curieusement le grand Cercle Caïssa se trouve alors dans le quartier du Palais-Royal si cher au jeu d’échecs français.  

« (…) Cercle Caïssa – Provisoirement installé au Café « Le Dauphin », Place du Théâtre Français (Métro Palais-Royal) et sous l’impulsion énergique et l’intelligente directrice direction de son active Présidente, Mme Le Bey Taillis, le Cercle « Caïssa » poursuit son activité avec le même brio que par le passé. (…)

Échecs du Palais-Royal (2)
La Coupe d’Or 330, rue Saint-Honoré (VIIIème) (…) (3) »

(1) L’Échiquier de Paris – Bulletin des Cercles de l’Ile de France – La collection complète va de 1946 à 1955. En 1956 cette revue fait place à l’Échiquier de France qui portera la mention ex-échiquier de Paris. En 1959 l’Échiquier de France fusionnera avec l’Échiquier de Turenne pour donner naissance à la revue toujours existante en 2015, Europe Échecs.
(2)  Comme déjà vu, il s’agit de l’association qui succède à l’Union Amicale des Amateurs d’échecs de la Régence en 1918. Cette association semble disparaître après l’été 1953. En effet je n’en ai plus trouvé de trace après le numéro de juin 1953 de l’Échiquier de Paris
(3)  L’Échiquier de Paris – Avril 1946

Voir également un petit article que j’avais rédigé sur la visite à Paris au début des années 1950 des deux joueurs soviétiques Flohr et Kotov.


L'acteur Jean Marais et la table de Bonaparte, dans les années 1950.
Café de la Régence ?

Le dernier point du texte communiqué par Etienne Cornil ouvre un espoir de retrouver la table de Bonaparte.
Il est indiqué que la femme du nouveau propriétaire est Mme Bataille, sœur de Claude Terrail.
Claude Terrail était le propriétaire du fameux restaurant « La Tour d’Argent » à Paris jusqu’en 2006, année de son décès. C’est son fils, André Terrail, qui lui a succédé.
J’ai écrit à la « Tour d’Argent » et à M. André Terrail, un peu comme une bouteille à la mer, en espérant avoir une piste au sujet de cette fameuse table de Bonaparte. A suivre…

jeudi 20 septembre 2018

Mise à jour des références bibliographiques sur le Café de la Régence et les échecs

Je viens de mettre à jour les références bibliographiques de ce blog (voir l'onglet ci-dessus).

Dans ces références, j'ai ajouté l'excellent document de près de 300 pages qui m'a fait découvrir le Café de la Régence.
J'en avais déjà parlé ici, il y a maintenant 5 ans...

Auparavant ce nom m'était connu, mais restait assez nébuleux quant à son histoire et ses personnages.
Il a été écrit par Etienne Cornil, que je remercie, du Cercle Royal des Échecs de Bruxelles (CREB) en 2007, puis révisé en 2013.
C'est cette dernière version dont vous trouverez le lien ci-dessous.
Le document fait environ 11 Mo.


C'est grâce à cet écrit que j'ai décidé d'aller plus en avant sur l'histoire du Café de la Régence.
Ce qui m'avait surpris à l'époque, c'était l'absence d'intérêt des échecs français au sujet de ce lieu.
Il fallait franchir la frontière pour trouver un travail sérieux à ce sujet, alors que tout était à portée de main.

dimanche 3 mars 2013

Un travail remarquable

Etienne Cornil a mis en ligne dernièrement la deuxième version de la brochure consacrée à l'histoire du Café de la Régence.
Un travail remarquable que je vous invite à télécharger de toute urgence sur le site du CREB (Cercle Royal des Echecs de Bruxelles).
Lien direct avec le document au format "pdf" d'une taille d'environ 11 Mo.

J'en profite également pour vous rappeler plusieurs sites internet en lien direct avec l'histoire du jeu d'échecs.

http://heritageechecsfra.free.fr/ site très documenté de Dominique Thimognier sur l'histoire du jeu d'échecs en France.

Pour les anglophones :
L'histoire du jeu d'échecs (un must et une référence) par Edward Winter
http://www.chesshistory.com/winter/

Un site américain entièrement dédié à Paul Morphy.
http://www.edochess.ca/batgirl/


samedi 12 mai 2012

Rachel Reiss épouse Lévy


Voici une des très (trop) rares photographies connues de l’intérieur du Café de la Régence.


Cette photographie (carte postale) n’est pas datée mais sans doute du début du 20ème siècle, voici ce qu’en dit Etienne Cornil dans la revue du CREB d’août 2011.

(…) une des rares cartes postales qui nous font découvrir l'intérieur du Café.
L'année de publication de la carte tourne autour de 1906.
La salle que nous voyons au fond pourrait être celle dont nous vous avions fait découvrir la vue dans notre numéro 15 de la Revue. C'est une hypothèse. (NDLR ; j’avais repris cette photo pour faire un article dédié).

Sur la gauche nous pouvons lire ''Tous les soirs concert symphonique de 9h à 1h''. Et en dessous une pancarte affiche ''Chocolat''.
De l'autre côté se trouve aussi une affiche mais qui reste illisible.
S'agit-il de la patronne des lieux qui se trouve derrière le comptoir devant un livre ouvert ?

Notons les magnifiques lustres ainsi que les deux petites marches qui permettent de rejoindre la pièce du fond.
La photo est certainement prise très tôt car toute la vaisselle est rangée et des brioches occupent la première table.

Il y a bien une horloge dont la position des aiguilles est difficile à identifier.
Un magnifique et ponctuel moment de ce café est ainsi capturé.(...)

Pour aller au delà de ce qu'indiquait Etienne Cornil, à mon avis la personne sur la photographie est sans doute la patronne du café de la Régence de l’époque. On imagine mal qu’il s’agisse là de n’importe quelle employée du café. 
Ainsi il est probable qu’il s’agisse de Rachel Reiss l’épouse de Lucien Lévy le propriétaire du café de la Régence depuis 1903.

mardi 20 mars 2012

Origine et épilogue

29/12/2020 - Correction du nom Verdini en Verdoni.
12/04/2021 - Voir cet article au sujet de la fin du Café de la Régence : https://lecafedelaregence.blogspot.com/2021/04/la-fin-du-cafe-de-la-regence.html

Deux dates restent actuellement un mystère dans l’histoire du Café de la Régence.
Il s’agit pourtant de deux dates essentielles :
Quand le jeu d’échecs a-t-il investi le Café de la Régence ?
Quand le jeu d’échecs a-t-il quitté définitivement le Café de la Régence ?

Pour l’origine du Café de la Régence, il existe quelques pistes imprécises.
Je doute qu’il soit possible de trouver une date exacte, mais il est possible de raisonnablement situer l’arrivée du jeu d’échecs au Café de la Régence un peu avant 1725.

La première piste est un extrait du « Traité pratique théorique du jeu des Echecs » (source Google book) édité à Paris en 1775 par « une Société d’Amateurs ».
En fait cet ouvrage est signé par de forts amateurs du Café de la Régence de l’époque, à savoir Bernard, Carlier, Léger et Verdoni (dont on ne possède que très peu d’informations. Par exemple, leurs prénoms sont actuellement inconnus).
Dans ce texte il est indiqué en 1775 « Depuis plus d’un demi-siècle, le Café de la Régence étant le chef-lieu du jeu des Echecs en France (…)», soit au moins 1725.

Un autre texte fait mention d’une activité du jeu d’échecs à cette époque.
Ceci est connu par une affaire de justice qui fit grand bruit à l’époque.
Il s’agit de l’affaire de la Saint-Gervais, qui date de l’été 1725, au sujet de laquelle je reviendrai dans un prochain article.
Le personnage central de cette histoire, un certain Bulliot, vient régulièrement jouer aux échecs au Café de la Régence en 1725.

Ensuite, à quelle époque les échecs quittent-ils définitivement ce lieu ?
1918 a été une année presque fatale pour les échecs au café de la Régence.
L’Union Amicale des Amateurs de la Régence quitte le café (plus tard elle deviendra l’association des « Echecs du Palais-Royal »).
En 1925 dans les « Cahiers de l’Echiquier Français » l’optimisme n’est pas de mise sur l’avenir du Café de la Régence pour le jeu d’échecs.
Il est vrai que ce lieu qui se voulait le centre des échecs français, n’a plus trop de sens sportif avec la création nécessaire de la FFE, création d’une fédération française de joueurs d’échecs qui intervient tardivement par rapport à d’autres pays.
Mais il reste un lieu historique sans équivalent, d’un intérêt immense, qui hélas a disparu aujourd’hui.

Dans les années 30, Pierre-Octave Brun, nouveau propriétaire du Café de la Régence, remet le lieu au goût du jour pour les amateurs du jeu d’échecs.
Les choses avancent petit à petit. Sur ce blog, en octobre dernier, j’indiquais un article du « Petit Parisien » de 1939 comme dernière trace à ma connaissance du jeu d’échecs au Café de la Régence.
Etienne Cornil, m’a fait parvenir un document qui repousse de quelques années cette limite.

 (Source Etienne Cornil - Bulletin de la FFE 1943)

Ainsi, au moins jusqu’en 1943 on y trouve la trace de joueurs d’échecs et une certaine activité.

Curieusement, à ce jour il semble aussi difficile de connaître la date de début que la date de fin.

mardi 8 novembre 2011

Le petit salon

Voici un extrait de l'excellent travail d'Etienne Cornil au sujet du Café de la Régence.
Je profite de l'occasion pour vous indiquer qu'une version actualisée du fameux cahier dédié au Café de la Régence sera publiée probablement vers la mi-décembre 2011 !

Dans le cahier N°15 du CREB est publié une carte postale qui correspond sans aucun doute au "petit salon" décrit dans mon précédent article "Les cafés artistiques et littéraires de Paris".
On y reconnait les détails indiqués dans l'article.
La carte postale date d'environ 1900 (?) soit une vingtaine d'année après l'article.
Mon sentiment est que la décoration "échecs" de ce salon est d'origine.
Ceci sans doute à l'initiative de Claude Vielle, propriétaire du Café de la Régence avant, pendant et après l'expropriation de la Place du Palais-Royal.
C'est à dire que ces décorations sont probablement de 1855 date de l'installation dans ces nouveaux locaux.

Correction du 5 mars 2012 :
Non, mon intuition n'était pas bonne. 
L'initiateur de ce projet magnifique est le propriétaire en 1892, M Kieffer.
Voir l'article sur Edouard Jean Niermans à ce sujet.

Il s'agit véritablement d'un temple du jeu d'échecs !
Et comme l'indique Etienne Cornil à la fin de l'article, c'est tout simplement magnifique.


L'agrandissement nous permet de découvrir quelques détails intéressant : en haut nous pouvons lire le nom de ''Philidor'' ... En dessous sur un fond sombre ce sont les noms de ''Ruy Lopez'' et, sans certitude aucune, celui de ''Greco''. Notons aussi le système de lampes que nous retrouvons dans les gravures de l'époque.


L'oeil du joueur reconnait immédiatement les figurines représentant les rois et reines. Les autres figurines sont également représentées sur les autres murs.


Sur les colonnes, nous découvrons un ensemble de quatre motifs dont le second (en partant du bas) n'est autre qu'un fou, un roi ou encore un cavalier suivant le modèle des pièces de la Régence.
Magnifique !

jeudi 3 novembre 2011

Les cafés artistiques et littéraires de Paris - Auguste Lepage – 1882

Voici un long extrait du livre cité dans le titre, mais très intéressant sur le Café de la Régence en 1882.
Auguste Lepage consacre un de ses plus longs chapitres au café de la Régence, ce qui montre bien l'importance du lieu au-delà du jeu d'échecs.
Le lieu est manifestement à la mode.
Des personnes célèbres viennent y jouer aux échecs ou simplement pour un moment de détente et se montrer.
La description du « petit salon » où l’on joue aux échecs est un élément important.
Car dans un prochain article je mettrai en ligne une photo de cette salle (Merci à Etienne Cornil pour cette découverte).
La description de la salle correspond à la photographie qui sera prise une dizaine d’années plus tard.
Enfin l'auteur parle de la table d'échecs de Bonaparte que l'on retrouve dans un article de 1939 que j'ai déjà cité.


Les cafés artistiques et littéraires de Paris
Auguste Lepage – 1882 (Source Gallica - BNF)

Chapitre XVI – Le Café de la Régence

Si un militaire, un artiste, un savant, un administrateur peuvent arriver à la célébrité ou au moins à la notoriété grâce au courage, au talent, à la science, à l’habileté que chacun d’eux aura déployés, il ne faudrait point conclure que les moyens d’atteindre la réputation soient limités. Danseurs de corde, joueur de billard ou d’échecs peuvent attirer la foule, soulever des discussions passionnées tout comme un général qui a gagné une bataille ou un orateur applaudi à la Chambre.
M. Blondin a autant de réputation que M. Gambetta ; M. Vignaux, le roi du billard, a toujours autour de lui un public haletant qui regarde avec émotion les billes d’ivoire rouler sur le tapis vert et applaudit fiévreusement les carambolages bien réussis ; enfin le joueur d’échecs, M. Murphy (sic - Morphy), est aussi connu que son illustre compatriote, le courageux voyageur Stanley.
Marcher sur une corde, faire des séries, manœuvrer avec habileté les différentes pièces d’un échiquier, toutes ces qualités spéciales à certains individus n’ajoutent rien à la gloire d’un pays, mais elles font la fortune de ceux qui les possèdent.
Pour beaucoup, les échecs sont une science ; et un grand joueur a forcément un cerveau admirablement organisé, capable de comprendre et de résoudre les plus hautes questions de la politique. D’autres prétendent que les échecs sont un jeu tout simplement. Nous n’avons pas à nous prononcer en faveur de l’une ou de l’autre de ces opinions, mais nous constatons que le jeu d’échecs a ses fervents qui ont un centre où ils se réunissent, engagent silencieusement les parties et, durant des heures quelquefois, poussent les rois, les reines, les cavaliers, les tours, les fous, avec un calme qui fait complètement défaut à ceux qui jouent aux cartes ou à la roulette. Les fanatiques des échecs se réunissent à la Régence, près du Théâtre-Français.
La réputation du café de la Régence date de loin. Situé autrefois au coin de la rue Saint-Honoré et de la place du Palais-Royal, cet établissement eut des clients célèbres et des joueurs d’échecs d’une force remarquable. C’étaient Deschapelles, La Bourdonnais, Philidor, Saint-Amand, le général Bonaparte ; ce dernier ne fut jamais d’une grande force aux échecs. Alfred de Musset fut, jusqu’à la maladie qui l’emporta, un des fidèles de la Régence. Il était noté comme fort joueur. Connaissant les habitudes de l’illustre auteur des contes d’Espagne et d’Italie, les étrangers et les provinciaux se rendaient au café pour le voir.
L’expropriation causa un déplacement, le café de la Régence se transporta à peu de distance et ses habitués revinrent. Sur la longue terrasse en bordure sur la place du Théâtre-Français, on ne voit que des étrangers, Anglais, Américains, Scandinaves, Allemands. Les norvégiens, les Suédois, les Danois sont là comme chez eux. On reçoit les journaux de Stockholm, de Copenhague et de Christiana, et les compatriotes de madame Nilsson se livrent à des discussions littéraires ou politiques dans cette langue que fort peu de Français comprennent.
Après avoir franchi la terrasse si bruyante et si animée, on pénètre dans un petit salon où sont attablés des joueurs d’échecs. Là, pas de discussions vives, pas de mouvement. On n’entend que le petit bruit sec des pièces que l’on fait manœuvrer. Autrefois on ne fumait point dans ce salon ; mais l’amour du tabac a gagné même les amateurs d’échecs ; les cigarettes, les cigares et même les pipes y forment quelquefois des nuages de fumée. Le joueur d’échecs est tellement absorbé, que très souvent il ne prend aucune consommation et paye les frais ; quelquefois il oublie de boire le grog qu’il a demandé, ou, comme il ne regarde jamais autre chose que le champ de bataille, - c’est-à-dire la boite où il déploie son habileté- s’il boit, il prend les consommations de ses voisins, avalant une gorgée de bière ou de café à la crème, mélangeant l’absinthe au grog américain. Ces erreurs amusent la galerie qui rit de la grimace du joueur distrait. Sur les murs du petit salon dont nous parlons se détachent des médaillons portant les noms de : La Bourdonnais, Philidor, Deschapelles, Ph.(Sic - Ruy) Lopez, Greco, P. Stannia (Sic – P.Stamma), MacDonald (Sic - MacDonell), G. Lulli (Sic- Lolli), G.Selenus ; puis la date de la fondation du café, 1718, et celle de sa restauration 1855.
A l’extrémité droite de la terrasse est l’entrée d’un salon beaucoup plus vaste où se jouent les parties les plus sérieuses. Vers six heures, toutes les tables sont occupées. Sur l’une d’elles est gravé le nom Bonaparte ; elle a été apportée de la place du Palais-Royal dans le nouvel établissement. Le futur empereur faisait mettre un échiquier sur ce marbre.
M.Grévy (image ci-contre), le président de la République, a été longtemps un des fervents de la Régence ; il jouait ou suivait les coups. On y voit souvent M. Paul Bethmont ainsi que M. Audren de Kerdrel, sénateur. Un député, M. Fernand Gatineau, reste sur la terrasse ; les échecs ne paraissent l’intéresser que médiocrement.
Les joueurs dont on suit les parties avec le plus d’attention sont : M. Rosenthal, un Polonais ; M. Festhamel qui, au Monde Illustré, à feu l’Opinion Nationale, au Siècle pose les problèmes les plus difficiles ; M. le vicomte de Bornier ; d’après les on-dit des connaisseurs, l’auteur de la Fille de Roland est, en peu de temps, devenu d’une force remarquable ; M. Chaseray, commissaire-priseur, qui se délasse des fatigues de l’Hôtel des Ventes devant un échiquier ; le sculpteur Lequesne ; M. Baucher, fils du professeur d’équitation ; M. Charles Jolliet, dont la voix emplit la salle ; M. Auguste Jolliet, des Français ; M. Prudhon du même théâtre ; M. Séguin ; M. Charles Royer, un lettré qui a écrit, pour plusieurs volumes de Lemerre, des préfaces très remarquables. M. Royer est le neveu de M. Garnier-Pagès, dont on apercevait quelquefois à la Régence les longs cheveux blancs retombant sur son immense faux-col ; M. Maubant, de la Comédie-Française ; M. de la Noue, gendre de l’ancien ministre de l’Empire, M. Billaut ; un officier en retraite, M. Coulon, qui pousse ses pièces avec un sang-froid tout militaire.
(photo - Les deux Pégase de l'Opéra de Paris par le sculpteur Lequesne)
Parmi les habitués de la Régence que n’attire point l’amour des échecs, nous citerons : M. Sellenick, chef de musique de la garde républicaine auteur d’œuvres fort remarquables. Il a succédé dans ce poste difficile à M. Paulus. Avec M. Sellenick, on voit M. Guilbert, le sculpteur qui a obtenu le prix pour le monument à élever à M. Thiers ; M. Goechsy, un écrivain doublé d’un artiste ; il est l’auteur d’un ouvrage sur les peintres militaires dont les illustrations sont de M. de Neuville ; c’est un des collaborateurs de la Galerie Contemporaine, du Musée pour tous, du la Vie moderne ; MM. Feyen-Perrin et Boetzel, dont la réputation comme peintres est depuis longtemps consacrée par le succès. M. Victor Champier qui s’occupe aussi des questions artistiques au Moniteur Universel ; M. Ludovic Baschet, l’éditeur artiste qui a fondé deux magnifiques publications : Le Musée pour tous ; la Galerie Contemporaine littéraire et artistique.
Presque toujours à la même table on a vu longtemps M. Jules Chantepie, un poète qui a, dans un temps, fait un peu de politique. Il a été rédacteur en chef de feu l’International de Londres. Depuis plusieurs années il ne s’occupe plus que de littérature ; avec M. Chantepie était M. Alexandre Valfrey qui rédigeait la revue des théâtres à l’Europe diplomatique. En 1877, M. Valfrey a été nommé percepteur dans une ville des environs de Paris. Les visites de ces deux écrivains au café de la Régence sont moins régulières.
A la table voisine prend place M. Pons neveu, le célèbre professeur d’escrime. M. Pons, sous la commune, a fait partie de la conspiration organisée par le colonel Charpentier. Arrêté par les hommes de l’Hôtel de Ville, il resta au Dépôt jusqu’à l’entrée des troupes dans Paris. Au moment ou les communards venaient de mettre le feu au Palais de Justice, M. Pons força les portes de son cachot et délivra plusieurs prêtres détenus comme lui. L’un d’eux, M. l’abbé Jourdan, a été depuis nommé évêque. Il arrêta les flammes qui envahissaient la Sainte-Chapelle et sauva ainsi ce merveilleux monument. Il arbora le drapeau tricolore sur la grille du Palais. Le gouvernement lui donna la décoration de Légion d’honneur. M. Charles Grimont, secrétaire de la rédaction de la Patrie ; M. Souchère, ancien rédacteur de l’Avenir National ; M. Brunesoeur, qui a rédigé la chronique de la Petite Presse sous le pseudonyme de Nicolet ; le capitaine Aubert, un amateur de billard, formaient avec M. Pons un groupe des plus animés.
M. O. Galligan, rédacteur en chef du Gallignani’s Messenger, M. Ory, correspondant du Daily-News, fréquentent aussi le café de la Régence. M. Ory est un amateur passionné des courses.
M. Champollion aqua-fortiste de grand talent, médaillé en 1881 ; M. Charles Chabert, fils de M. Chabert, inspecteur d’académie et auteur de livres classiques fort estimés ; M. Massenet, commandant de la garde républicaine, frère du célèbre compositeur. Homme charmant, M. Massenet a la manie de l’à-peu-près porté à un degré inouï. Le frère du célèbre Père jésuite Milleriot, est aussi un habitué de la Régence.

samedi 10 septembre 2011

Introitus

Depuis plusieurs années je me passionne pour un lieu mythique du jeu d’échecs malheureusement disparu : Le Café de la Régence.
Ce lieu a été le centre du monde échiquéen durant plus d’un siècle et ce simple fait a suffi à aiguiser ma curiosité de joueur d’échecs.

Les plus forts joueurs d’échecs savaient que la gloire passait par ce lieu unique au monde et n’hésitaient pas à franchir l’Atlantique ou traverser toute l’Europe pour affronter les meilleurs joueurs français.
Mais il était également possible de croiser un grand nombre de personnes, influentes dans différents domaines, qui aimaient venir "pousser du bois".
Ainsi Diderot, Robespierre, Bonaparte, Alfred de Musset, Jules Grévy pour n’en citer que quelques uns jouèrent au Café de la Régence.

Cet estaminet a également traversé une période très agitée de l’histoire parisienne et française.
Ainsi, il fut par exemple « victime » des grands travaux parisien du 19ème siècle (Second Empire) et il dut déménager.
Ainsi, je trouve qu’un parallèle avec les évènements de chaque époque est très intéressant pour comprendre son évolution et ses activités.

En cherchant sur internet, il est possible de trouver quelques bribes de-ci de-là de son histoire. Les informations sont assez parcellaires et trop succinctes à mon goût.
A une exception formidable : Le Cercle Royal des Echecs de Bruxelles qui a mis en ligne fin 2007 un document exceptionnel sur la chronologie du Café de la Régence, signé Etienne Cornil.
Si vous ne connaissez pas cette brochure, alors précipitez vous sur ce travail de grande qualité.

Si cela est possible, mon projet est d’essayer d’aller plus loin que ce cahier et de vous faire part de mes recherches.
Contrairement à un texte imprimé qu’il faut bien terminer un jour, ce site internet restera constamment ouvert au gré des différentes découvertes que je ferai ou qu’on me fera partager.

La numérisation des livres et leur mise à disposition sur Internet ouvre des perspectives insoupçonnées.
Ainsi, la mise en ligne par la BNF de très nombreux documents sur le site Gallica, ou bien encore Google Book, permettent de gagner du temps dans la consultation des documents de différentes époques. Il s’agit d’une véritable mine d’or !
Il faut ensuite assembler les textes pour constituer une vue d’ensemble des évènements qui se déroulèrent dans ce lieu.
Mais certains documents nécessitent de se déplacer à la BNF François Mitterrand.
Le fait d’habiter à Paris à proximité de celle-ci est bien entendu un atout non négligeable pour ce type de passion !

Avant de démarrer dans le vif du sujet il est possible de déterminer plusieurs périodes pour ce lieu :

Ainsi à mes yeux il existe 3 périodes « géographiques »

1)      De sa fondation jusqu’aux travaux de la place du Palais Royal
2)      Les travaux et l’exil rue de Richelieu de 1852 à 1854
3)      Le « nouveau » Café de la Régence de 1854 à sa « chute d’activité » en tant que temple du jeu d’échecs en 1918.

Ensuite il existe 2 périodes concernant la documentation disponible.

1)      De sa fondation à 1836 avec la création de la première revue dédiée au jeu d’échecs « Le Palamède ».
2)      A partir de 1836 jusqu’à sa disparition.

A partir de 1836 comme il est facile de comprendre, la documentation devient beaucoup plus abondante du fait des revues d’échecs qui se succèdent et qui ont un lien très particulier avec le Café de la Régence.
Ces repères me semblent importants.

Il est dommage que ce lieu n’intéresse pas beaucoup de personnes en France semble-t-il. J'espère me tromper.
L'histoire du jeu d'échecs est très riche en France. Pour le jeu d’échecs en France au 20ème siècle il faut consulter le site « héritage des échecs Français ».
La revue Europe-Echecs publie chaque mois un article sur l'histoire des joueurs d'échecs grâce à Georges Bertola.
Dommage de ne rien trouver en ligne car leurs archives doivent être considérables.

J’ai déjà fait référence à nos amis Belges de Bruxelles et cette merveilleuse brochure. Mais la photo ci-contre montre également l’intérêt de ce lieu par exemple en Russie !
En effet la cérémonie d’ouverture de la coupe du monde d’échecs 2011 en Sibérie à Khanty-Mansisk comportait notamment un spectacle chorégraphique reprenant directement le thème du Café de la Régence.

Enfin, le titre de cet article renvoie au texte du requiem :
Lux perpetua luceat eis.
Que la lumière éternelle les illumine.

Beaucoup de très forts joueurs du Café de la Régence finirent dans la plus totale misère pour avoir essayer de survivre de leur passion (Philidor, Labourdonnais, Kieseritzky etc…).
Leurs concepts étaient novateurs pour l’époque, leurs parties parfois incroyables ont été et seront maintes et maintes fois recopiées. Une lumière éternelle les illumine.
J’espère leur rendre ainsi un modeste hommage.

Pour terminer cet article liminaire, et comme vous avez du le deviner, ce site parlera donc de tout ce qui touche de près ou de loin la Café de la Régence.
J’espère que vous passerez un moment agréable en découvrant la richesse historique de ce lieu qui malheureusement n’existe plus.