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mardi 7 avril 2020

Une revanche de Waterloo

En 1836, Joseph Méry, ami de La Bourdonnais, écrit un poème échiquéen si l'on peut dire, où il décrit en vers une des victoires de La Bourdonnais face à Mac-Donnell en 1834 (17ème partie du 1er des 6 matchs entre les deux joueurs).
Ce poème sera publié dans "Le Palamède" en avril 1843.



Je me suis lancé dans une vidéo pour cet article.
Celle-ci n'est pas sans hésitation, et malheureusement je fais une faute de liaison à un moment...
Soyez indulgent.
La vidéo est suivi d'un échiquier interactif et du texte du poème.


Voici ce que j'en dis dans mon livre, dans le chapitre 8 consacré à La Bourdonnais.

« En 1836, M. Méry a composé ce petit poème sur une partie jouée en Angleterre, deux ans avant, entre La Bourdonnais et Mac-Donnell. L’ancien Palamède a donné cette partie (T. Ier, p.201). Quant au poème, il fut joint à un des numéros de cette époque, et envoyé à quelques abonnés ; mais il n’a jamais été partie intégrante du Palamède. Nous cédons à de nombreuses demandes en le reproduisant ici. Dernièrement, il a figuré aussi dans les Revues anglaises consacrées aux Échecs.  »

Son titre est assez révélateur de la fierté apportée aux Français de la victoire de La Bourdonnais qui est au faîte de sa gloire ; « Une revanche de Waterloo, ou une partie d’échecs, poème héroï-comique, par Méry » !

« Avis essentiel – Le lecteur qui suivra la partie d’échecs de ce poème sur l’échiquier voudra bien se rappeler que toutes les fois que je me sers de cette expression, Une pièce franchit deux cases, ou trois, ou six, ou deux degrés, ou trois relais, etc., la case où se trouvait la pièce est toujours comprise dans ce nombre. Au contraire : lorsque je dis qu’une pièce se place à deux ou trois cases devant ou en avant d’une autre pièce, la case de cette dernière ne doit pas être comprise dans le calcul. »

Et circa regem atque ipsa ad praetoria densae Miscentur. Virgile, Georg, liv. Iv »




[Event "Match Labourdonnais-McDonnell(1)+15-6=4"] [Site "London"] [Date "1834.??.??"] [Round "17"] [White "La Bourdonnais, Louis Charles Mahe de"] [Black "McDonnell, Alexander"] [Result "1-0"] [ECO "D20"] [PlyCount "57"] [EventDate "1834.06.??"] [EventType "match"] [EventRounds "25"] [EventCountry "ENG"] [Source "ChessBase"] [SourceDate "2001.11.25"] 1. d4 d5 2. c4 dxc4 3. e3 e5 4. Bxc4 exd4 5. exd4 Nf6 6. Nc3 Be7 7. Nf3 O-O 8. Be3 c6 9. h3 Nbd7 10. Bb3 Nb6 11. O-O Nfd5 12. a4 a5 13. Ne5 Be6 14. Bc2 f5 15. Qe2 f4 16. Bd2 Qe8 17. Rae1 Bf7 18. Qe4 g6 19. Bxf4 Nxf4 20. Qxf4 Bc4 21. Qh6 Bxf1 22. Bxg6 hxg6 23. Nxg6 Nc8 24. Qh8+ Kf7 25. Qh7+ Kf6 26. Nf4 Bd3 27. Re6+ Kg5 28. Qh6+ Kf5 29. g4# {The Chess Player's Chronicle 1841, p. 294} 1-0

lundi 2 novembre 2015

Le cimetière de Kensal Green à Londres

русский перевод

Je poursuis avec une autre promenade de circonstance durant la Toussaint.
Profitant de ma visite à Londres, je n'ai pu m'empêcher d'aller au cimetière de Kensal Green.
Ce cimetière est situé dans le nord-ouest de la capitale britannique.
Bon je rassure le lecteur, je n'ai pas passé tout mon séjour à Londres dans les cimetières...




Mon idée en visitant le cimetière de Kensal Green était de rendre hommage à 3 grands joueurs d'échecs du XIXe siècle, à savoir :

Alexander Mac Donnell (né à Belfast en Irlande en 1798 et décédé à Londres le 15/09/1835 à l'âge de 37 ans), adversaire malheureux de La Bourdonnais en 1834 dans une série de matchs-fleuves joués à Londres.

Howard Staunton (né dans le Westmoreland en Angleterre en 04/1810 et décédé à Londres le 22/06/1874), adversaire victorieux de Saint-Amant à la fin de l'année 1843 au Cercle des échecs de Paris, alors situé au-dessus du Café de la Régence.

Et surtout pour Louis-Charles Mahé de La Bourdonnais (né le 25/05/1797 à Paris et décédé le 13/12/1840 à Londres) meilleur joueur du monde de 1821 à 1840.

Notez que j'indique ici la date de naissance ainsi que le lieu probable de naissance de La Bourdonnais.
Mes recherches, publiées dans le tome 1 de mon livre, donnent une forte probabilité pour cette date du 25 mai 1797 et ce lieu, à savoir Paris.
Ainsi La Bourdonnais n'est pas né sur l'île de la Réunion ni à Saint-Malo comme cela est recopié de livre en livre et de site en site internet.

Notez les points que j'ai mis au stylo pour repérer les tombes si vous y allez un jour.

Du fait de notre choix d'entrée dans le cimetière, la première tombe à trouver était celle de Mac Donnell.
La référence que m'avait communiquée l'association du cimetière était "grave number 392 Square 182 Path Side".
Et après environ 30 minutes infructueuses et un découragement qui montait, le hasard a bien fait les choses.

 La plaque se distingue (quand elle n'est pas tombée...)


 

La plaque posée par "The Staunton Society" en 1997 était tombée dans l'herbe ce qui rendait la tombe difficilement identifiable.
Nous étions passés, mon épouse patiente et moi-même, plusieurs fois devant sans rien voir...
J'ai donc remis en place et nettoyé la plaque.

Initialement la gravure sur la tombe était
“Sacred to the Memory of
ALEXANDER MACDONNELL,
(Formerly of Belfast,)
Who died 14th September, 1835,
Aged 37 years.”

Maintenant il est absolument impossible de lire quoi que ce soit sur la pierre tombale.
Seule la plaque donne le nom de la personne enterrée là.
Voici ce à quoi ressemblaient les tombes de MacDonnell et La Bourdonnais en 1921.


“Our Folder” (The Good Companion Chess Problem Club) Mai 1921

Les deux autres tombes sont beaucoup plus simples à trouver, car elles se trouvent sur le bord d'un chemin.
Tout d'abord celle de La Bourdonnais "grave number 2796 Square 108 Road Side".
Celle-ci n'est pas à proximité de la tombe de Mac Donnell contrairement à ce que j'ai pu lire parfois.
Il faut marcher 5 à 10 minutes avant de la croiser.

La tombe de La Bourdonnais à une date indéterminée, la pierre tombale est alors au sol.
Photo non datée trouvée sur ce site internet.



Comme vous pouvez le voir, le texte est encore parfaitement lisible.
Mais il faut savoir que la pierre tombale était au sol par exemple dans les années 1920 ou bien beaucoup plus récemment (voir ci-dessus les photos).




Ce lieu me semble essentiel pour le souvenir du jeu d'échecs français.
C'est la seule tombe de la "Trinité française des échecs" à subsister (Philidor - Deschapelles - La Bourdonnais).
Il serait dommage de la voir se dégrader et l'idée d'une souscription pour la maintenir en l'état voire l'embellir me tente bien.


Vous pouvez donc lire sur la pierre tombale

“LOUIS CHARLES DE LA BOURDONNAIS,
The celebrated Chess Player,
Died 13th December, 1840,
Aged 43 years.”

Les obsèques de La Bourdonnais ont été prises en charge par son ami Georges Walker en présence de la femme de La Bourdonnais, Eliza Waller Gordon, de nationalité anglaise.
Tous les deux devaient parfaitement connaitre la date de naissance de La Bourdonnais en mai 1797, d'où la mention "âgé de 43 ans"...



Et à deux cents mètres de la tombe de La Bourdonnais se trouve celle d'Howard Staunton "Grave number 24419 Square 71 Road Side"
Là c'est le grand luxe. "The Staunton Society" a refait en 1997 de A à Z la pierre tombale de Staunton.
Le texte sur la tombe est un extrait de Shakespeare (dont Staunton fut un spécialiste) ainsi que la mention de son épouse inhumée à ses côtés quelques années plus tard.


Même si vous ne connaissez pas son nom (honte à vous) vous connaissez au moins les pièces d'échecs qu'il a approuvées, car elles sont devenues le standard du jeu d'échecs de compétition moderne.

Et pour l'anecdote, à la fin de l'année 1843, lors des discussions sur le match avec Saint-Amant, une des clauses du contrat portait sur la demande de Staunton d'utiliser ces nouvelles pièces d'échecs (au lieu d'un jeu "Régence")...
Ceci fut accepté par Saint-Amant, mais c'était déjà une victoire psychologique de Staunton...

Complément du 01/09/2022 - Dans les commentaires de cet article, Monsieur John Townsend (Wokingham, England) fait un commentaire pertinent et tout à fait exact au sujet des pièces d'échecs du match Saint-Amant vs Staunton à Paris en fin d'année 1843. Il s'agit de pièces d'échecs "St George", comme je l'ai indiqué dans un article correctif, si l'on peut dire, que j'ai publié quelques semaines après celui-ci en 2015.

lundi 23 janvier 2012

Louis-Charles Mahé de La Bourdonnais

Lors de ma dernière visite à la Bibliothèque Nationale de France, j’ai notamment consulté un petit recueil d’articles de journaux concernant le Café de la Régence.
Voici un premier article qui concerne Labourdonnais, meilleur joueur du Monde disons de 1830 environ à son décès en 1840.

Je n’ai pas le nom du journal dans lequel est paru cet article.
Il n’était pas mentionné dans le recueil à la BNF...
Seule une date crayonnée (mai 1841) était indiquée.

Avant de lire cet article voici quelques précisions sur Labourdonnais.
Louis-Charles Mahé de Labourdonnais est né en 1795 (peut-être en 1797).
Il est indiqué partout que son lieu de naissance est l’île de la Réunion.
Mais j’ai trouvé une source qui indiquait Saint-Malo… Bref il reste une incertitude à mes yeux.

Elève de Deschapelles, Labourdonnais est également le fondateur de la première revue d’échecs du monde « Le Palamède » en 1836.
En 1834 il joue plusieurs matchs contre le plus fort joueur de Grande-Bretagne Mac Donnell et gagne globalement.
Ceci lui permet de revendiquer le titre de meilleur joueur du Monde.
Un point important dans cet article : il est fait mention de ses excès de nourriture et d’alcool.
Ceci est probablement la cause du mal qui l’emporte prématurément le 13 décembre 1840 à Londres.

Ci-après le seul portrait connu à ce jour de Labourdonnais (source Google Book).
Ce portrait a été publié dans le Palamède en 1842 avec le texte suivant :

Il n’existe aucun portrait de Labourdonnais. A sa mort, M. Deville moula sa tête. C’est sur ce plâtre et les souvenirs qu’il en conservait que M. Marlet a osé entreprendre de remplir cette lacune. – Nos lecteurs jugeront la ressemblance et sauront apprécier toutes les difficultés qu’un artiste de mérite a eu à surmonter pour faire revivre les traits de Labourdonnais.


Voici maintenant le texte concernant La Bourdonnais.

LE CAFE DE LA REGENCE (mai 1841)

Un autre personnage, entrant à l'instant même dans le café, réclame toute notre attention. Quel tumulte cause son arrivée ! Il a peine à se frayer un passage au travers de la foule qui, à son aspect, s'est levée pour le recevoir. Cinquante joueurs l'accostent et lui parlent à la fois... mais ils font un tel vacarme, qu'il ne peut les entendre. Ne pas connaître ce potentat qui s'avance si noblement vers son trône, serait un crime de lèse-majesté pour un amateur des échecs. Le nouvel arrivant est M. de Labourdonnais, proclamé à l'unanimité, depuis la retraite de Deschapelles, le premier joueur d'échecs de l'univers entier.

M. de Labourdonnais est le rejeton d'une famille noble, et le petit-fils du gouverneur de l'Ile Bourbon, immortalisé par Bernardin de Saint-Pierre dans Paul et Virginie. Il a environ quarante-cinq ans (Note du rédacteur. Depuis que cet article a été écrit, M. de Labourdonnais est mort à Londres, Boncourt l'avait précédé dans la tombe).

Il fit ses études au collège de Henri IV, mais il n'exerça jamais aucune profession que celle de joueur d'échecs, profession qu'il adopta à l'âge de vingt ans; car une mauvaise spéculation lui enleva de bonne heure le petit héritage que lui avait laissé son père. Physiquement parlant, M. de Labourdonnais a de larges épaules carrées, une haute taille, une tête solide et massive, sur laquelle les organes du calcul et de réflexion sont énormément développés; un front napoléonien, et un regard si perçant, qu'à le voir on n'est plus étonné d'apprendre que son heureux possesseur joue si bien les yeux bandés.

N'avez-vous jamais vu M. de Labourdonnais faire sa partie ? Eh bien ! Approchez. Son adversaire est M. Boissy-d'Anglas, pair de France, auquel il rend la tour. La lice va s'ouvrir; autour des combattants se presse une foule choisie: le général Haxo, Méry le poète, Lacretelle, Calvi, Chamouillet, Robello, et enfin le vénérable chevalier de Barneville, âgé d'environ quatre-vingt-dix ans, qui a joué avec Philidor et J.J. Rousseau, et qui réunit ainsi trois générations.

De l'orient et de l'occident, du nord et du midi, tous les fameux joueurs d'échecs de l'univers sont venus s'agenouiller devant le trône de leur monarque. Quelques-uns, il est vrai, ont tenté de lui enlever sa couronne, sous le prétexte de lui présenter leurs hommages; aucun n'a réussi. Pendant les quinze années de son règne, Labourdonnais n'a rencontré qu'un seul homme auquel il ne put faire aucun avantage; c'était feu Mac Donnell. En ce moment, abattu par une longue et cruelle maladie, il joue encore mieux que jamais. Sa grande âme s'élève au-dessus de ses souffrances corporelles et triomphe de la douleur physique. Puisse sa santé lui être bientôt rendu.

Fermeté et promptitude, telle est la devise de Labourdonnais. Un adversaire redoutable l'appelle-t-il dans sa lice, il ne demande pas plus d'un quart d'heure pour se préparer au combat. Il joue à toute heure du jour et de la nuit; à tous prix, de 1 à 100 francs. Peut-être seulement fait-il trop souvent usage, pour s'exciter et se donner des forces, du moyen qu'employait Gargantua lorsqu'il vint étudier à l'université de Paris, et lorsqu'il se rafraîchit pendant deux ou trois jours avec ses amis, s'informant du nom des savants qui habitaient la ville et de la quantité de vin qu'ils avaient bue.

C'est surtout par la promptitude avec laquelle il calcule les coups, que Labourdonnais se distingue de tous les autres joueurs d'échecs. Depuis Philidor jusqu'à nos jours, aucun de ses rivaux n'a pu l'égaler sous ce rapport. Lorsqu'on joue avec lui pour la première fois, on est stupéfait de la rapidité de ses mouvements. Vous disposez-vous à faire marcher une pièce, avant que votre main n'ait atteint le milieu de l'échiquier, elle rencontre la main de votre adversaire, qui s'apprête à repousser votre attaque projetée. 

Vous jouez cependant, vous tentez un coup que vous avez médité pendant un quart d'heure, et , vous félicitant d'avoir fait le coup, vous vous appuyez nonchalamment sur le dos de votre chaise pour vous reposer de vos fatigues; vaine espérance, illusions terrestres! A peine touchez-vous ce soutien désiré, que votre adversaire a déjà joué à son tour; il vous faut renoncer à toute pensée de tranquillité et de repos, et, comme le damné de la mythologie païenne, recommencer à rouler la pierre fatale au sommet de la montagne.

Une seule chose égale la rapidité de Labourdonnais, c'est sa gloutonnerie de joueur; rien ne peut le rassasier, jamais vous ne l'entendrez crier: Assez, assez! Il joue aux échecs de midi à minuit, sept jours par semaine. Quant à moi, je le compare parfois à une espèce d'automate, fabriqué de manière à faire avec une précision mathématique toutes les parties possibles. Lorsque eut lieu ce fameux duel de cent parties entre lui et notre Mac Donnell, quelquefois, après six ou sept heures, Mac Donnell cessait le combat, épuisé de fatigue; Labourdonnais était toujours aussi frais et aussi dispos qu'au commencement de la lutte.

Il dîne en dix minutes, à côté de l'échiquier, et se remet au jeu dès qu'il a fini; puis il joue jusqu'à minuit, fumant des cigares, buvant du punch et de l'ale, fredonnant et lançant de temps à autre autour de  lui des bons mots et des épigrammes d'une voix aussi forte et aussi retentissante que celle de Lablache. C'est surtout après son dîner, et quand il gagne, qu'il se livre à ses accès de gaîté; s'il perd, au contraire, son front se couvre aussitôt de nuages sombres. Le sang-froid de Mac Donnell le stupéfait d'étonnement. "Eh quoi ! me disait-il un jour, il perd trois parties et il sourit ! à sa place je m'arracherais les cheveux de la tête." Il l'eût fait comme il le disait.

Labourdonnais n'a pas dédaigné d'étudier les livres; il a joué toutes les parties écrites. Aussi aucun joueur ne sait mieux que lui ouvrir ou terminer une partie. Sans doute il parait quelquefois mépriser les axiomes établis, mais parce que son génie lui fait découvrir de nouvelles lois et ne reconnait que celles qu'il crée. La sûreté avec laquelle il prévoit les coups éloignés, est vraiment admirable.

Nul ne sait si bien que lui sacrifier une pièce quand il le faut, nul ne devine mieux que lui le moment favorable de jouer telle ou telle pièce; se sent-il pressé, ses coups de ressource sont écrasants. Malheur à vous si vous n'avez fait que le renverser sans le tuer! Semblable à Antée, il se relève plus fort et plus terrible de sa chute. "Je n'aurai jamais abandonné le sceptre des échecs, disait Deschapelles, si je n'avais pas dû le transmettre à Labourdonnais; il est digne de soutenir l'honneur de l'école, et dans ses mains la réputation de la France ne court aucun risque".