mardi 27 avril 2021

Promenade dans le quartier du Palais-Royal, présent et passé

La place du Palais-Royal vers 1890


J'ai déjà eu l'occasion de parler des différents changements de localisation des joueurs d'échecs au Palais-Royal. Voici un article récapitulatif et illustré par de courtes vidéos (15 secondes environ chacune) et des documents visuels de différentes époques.


Le quartier du Palais-Royal est situé "au-dessus" du musée du Louvre sur cette carte.


Sur cette photo satellite, j'ai entouré de rouge la place du Palais-Royal ainsi que le jardin.
On aperçoit également la Seine, l'ile de la Cité, ainsi que le jardin des Tuileries et le Louvre.


Ci-dessus le détail des positions des différents "chapitres" de cet article.

Chapitre 1
Commençons par la Place du Palais-Royal, également appelé place du Tribunat au début du XIXe siècle.


Le Café de la Régence est créé à la fin du XVIIe siècle sur cette place qui a une toute autre physionomie. Elle est plus petite et étroite, et on y accède par de nombreuses rues qui n'existent plus.
Dans le film il est possible de situer l'ancien café de la Régence là où se trouve le kiosque à journaux sur la droite (au début du film).
Le bâtiment gris de chantier, actuellement sur la place, correspond à l'emplacement du Château-d'eau détruit lors de la Révolution de février 1848.

La Prise du Château-d'eau en 1848.

Notez que l'on voit sur la gravure à droite : 243 - Café de la Régence
C'est l'adresse de l'ancien café, 243 rue Saint-Honoré.
Notez aussi le grand bâtiment derrière le Château-d'eau. Situé rue Saint-Thomas du Louvre (rue qui n'existe plus), c'est au rez-de-chaussée de celui-ci que Saint-Amant a sa boutique de vente de vin de Bordeaux.


Texier 1852 - Tableau de Paris.

Gravure de l'ancien Café de la Régence. 
Il y reste jusqu'en 1853, date de son expropriation et des travaux de percement de la rue de Rivoli qui marquent le début des grands travaux parisiens de Napoléon III.

Chapitre 2

Toujours la Place du Palais-Royal, mais vue en se retournant.


Nous voyons sur ce film le Conseil Constitutionnel.
Sur la droite de la place se trouvait l'Opéra de Paris qui brûla en 1781.

Gravure de Fichot vers 1880 - L'ancien Opéra de Paris Place du Palais-Royal.

Tableau de Vernet, intitulé : 31 juillet 1830 - Louis-Philippe quitte le Palais-Royal.
La place du Palais-Royal est un lieu central de l'histoire de France au XIXe siècle.

Chapitre 3

La Civette, la plus ancienne boutique de vente de tabac en France.
Son emplacement actuel ne correspond pas à son emplacement d'origine, mais cette boutique a toujours été à proximité de la place du Palais-Royal.
Pour ma part je pense que Lasker y a forcément acheté des cigares en allant à la Régence.


Chapitre 4

Voici, au fond, la Comédie Française (anciennement appelé "Théâtre-Français")



Vous remarquez la bouche de métro colorée que voici :


Il s'agit du Kiosque des noctambules.
C'est approximativement à cet endroit que se trouve à la fin du XVIIIe siècle le café Morillon.
Dans ce café, Deschapelles indique avoir appris à jouer aux échecs en 1798 et atteint son niveau de meilleur joueur du monde en 3 ou 4 jours...

Chapitre 5

L'emplacement du Café de l'Univers et l'avenue de l'Opéra.


Le Café de l'Univers est juste à côté du "nouveau" café de la Régence (sur la droite de l'image).
Le "nouveau" Café de la Régence s'installe en 1855 au 161 rue Saint-Honoré.
A noter qu'il est inauguré le 15 août 1855, au moment de l'exposition universelle, ce qui correspond à la fête nationale Française sous le second Empire, c'est à dire la "Saint-Napoléon" jour de naissance de Napoléon 1er.



L'Union Amicale des Amateurs d'échecs de la Régence est créée fin 1902 au Café de la Régence.
Cette association, issue de la loi de 1901, entre en conflit avec Lucien Lévy, propriétaire du café, en 1918.

L'U.A.A.R quitte alors la Régence pour se réfugier au 1er étage du café de l'Univers jusqu'en 1920.
Une nouvelle association, les Échecs du Palais-Royal, est créée.
Après 1920, l'association des Échecs du Palais-Royal trouvera refuge au café de la Rotonde dans le jardin du Palais-Royal (voir plus loin).
Quant à la Régence, il faudra attendre les années 1930 pour y voir à nouveau une activité échiquéenne d'intérêt.

Chapitre 6

La Comédie Française, et sur la gauche des images, l'emplacement de la statue d'Alfred de Musset.



La statue d'Alfred de Musset, inaugurée en 1906, à quelques dizaines de mètres du Café de la Régence qu'il fréquenta en tant qu'amateur éclairé du jeu d'échecs


La statue sera retirée de la place en 1964.
Désormais elle est visible au parc Monceau à Paris.

Chapitre 7

Dans le film, l'avenue de l'Opéra, avec l'Opéra Garnier dans le fond, puis la Régence, le Café de l'Univers et le Louvre.


1922 All about cafe WH Ukers 1922 New York
Le Café de la Régence en 1922.



L'avenue de l'Opéra, depuis l'hôtel du Louvre, vers 1900 et de nos jours.

Chapitre 8

Le Café de la Régence est maintenant remplacé par l'office du tourisme du Maroc.



Une gravure célèbre parue dans le Monde Illustré en 1874.
Il s'agit de l'intérieur du Café de la Régence.


Couverture de la revue "La Stratégie" en 1886.
Le Café de la Régence est alors uniquement au 161 de la rue Saint-Honoré.


Au 163 de la rue Saint-Honoré se trouve le Café du Sport (photo de la fin du XIXe siècle).
Sur cette photo il est possible de lire/deviner le nom "Régence" sur la gauche.
En 1903, le Café de la Régence change de propriétaire, et Lucien Lévy achète également le Café du Sport pour agrandir la Régence.
 

Et nous avons alors un Café de la Régence qui occupe le 161 et le 163 de la rue Saint-Honoré.
Il s'agit alors plutôt d'un grand restaurant très fréquenté par les artistes du Théâtre-Français.
Les joueurs d'échecs ont-ils encore toute leur place dans un tel lieu ?
La fracture n'est elle pas inéluctable ?


Pour résumer :
1- Le 161 de la rue Saint-Honoré (rez-de-chaussée et 1er étage), là où le Café de la Régence s'installe en 1855.
2- Le 163 de la rue Saint-Honoré, anciennement le Café du Sport. Cet établissement est absorbé par la Régence en 1903
3- Le 1er étage du 163 est également intégré au Café de la Régence en 1903. 

Chapitre 9



Par opportunisme, une brasserie "Le Café de la Régence" ouvre en 2017 au 167 rue Saint-Honoré.
Ce lieu n'a strictement rien à voir avec le Café de la Régence "historique".
Je serai curieux de savoir si des joueurs d'échecs y seraient tolérés...

Chapitre 10


L'Hôtel Dodun situé au 21 rue de Richelieu, toujours dans le quartier du Palais-Royal.
C'est là que s'installe le Café de la Régence en 1854 en attendant la fin des travaux dans le quartier.
A noter qu'en 1903 lors des travaux d'agrandissement, les joueurs d'échecs trouveront leur place pour quelques mois dans un café de l'avenue de l'Opéra.

Chapitre 11


En route vers le jardin du Palais-Royal.
Nous marchons dans un passage privé pour aller de la rue de Richelieu vers la rue du Beaujolais, puis un autre passage nous permet d'entrer dans le jardin.

Chapitre 12

Nous voici dans les arcades du Palais-Royal.




C'est devant le Café de Foy que Camilles Desmoulins harangue la foule le 12 juillet 1789.
C'est également au Café de Foy qu'est créé le premier club d'échecs en France.


La prostitution au Palais-Royal en 1815

Les arcades du Palais-Royal n'ont pas toujours été un lieu de promenade innocent avec des boutiques de luxe. Il faut attendre 1836 pour que ce lieu perde ses prostitués et ses maisons de jeu.

Mais pour autant le quartier n'est pas très sûr, comme l'indique par exemple cette nouvelle brève parue dans le journal La Presse du 31 janvier 1845 :


Chapitre 13

Marchons vers le nord du jardin du Palais-Royal, plus exactement vers un jardin d'enfants, comme le montre ce film.





Source Gallica
C'est à cet endroit que ce trouve jusqu'en 1931 le Café de la Rotonde.
C'est là que l'association des Échecs du Palais-Royal va s'installer de 1920 à 1931, date de la démolition du Café de la Rotonde.
Et bien évidemment, quand il fait beau les échiquiers sont dehors.
Aujourd’hui il n'y a plus de joueurs d'échecs au Palais-Royal, vous en trouverez au jardin du Luxembourg.

Journal Excelsior du 23 février 1925. Source Gallica
La grille finale du tournoi international remporté par Alekhine.

Alexandre Alekhine face à Edgard Colle (Belgique) - Source photo Gallica
On reconnait Tartakower à la gauche d'Alekhine, ainsi qu'Alphonse Goetz debout à la gauche de Tartakower.

C'est donc au Café de la Rotonde que se joue le premier tournoi international d'échecs depuis 1900 en France.
Ce tournoi réunit Alekhine, Colle, Opocensky, Tartakower et Znosko-Borowsky (voir ci-dessus la grille finale du tournoi).
Alekhine n'est pas encore champion du monde et il est en France depuis 3 ans environ.

Chapitre 14


A la recherche d'un nouveau local, les joueurs d'échecs s'installent à l'été 1931 dans le Véfour, qui est alors un café.



C'est désormais un restaurant réputé de Paris, au décor classé.


C'est à cet endroit que ce tiennent des rencontres intercercles en mars 1943 dont j'ai parlé ici.
Le Véfour est vendu en 1944, et le nouveau propriétaire n'est pas complaisant avec les joueurs d'échecs. Cette vente marque la fin du jeu d'échecs au Palais-Royal.
L'association des Échecs du Palais-Royal déménage encore pour aller 5 rue de la Banque à quelques centaines de mètres.

Chapitre 15


En sortant du Palais-Royal par la galerie du Beaujolais (là où se trouve le Véfour) nous arrivons dans la rue du Beaujolais.
Au numéro 11 de cette rue est créé en 1879 le Cercle des Échecs de Paris, où se déroulera en 1880 le premier Tournoi National remporté par Samuel Rosenthal.

Chapitre 16

Enfin terminons cet article par une petite anecdote, avec le canon du Palais-Royal.

Source Gallica - Le Figaro du 1er avril 1833


Ce petit canon permettait à tout le quartier du Palais-Royal, y compris aux joueurs d'échecs, de connaitre l'heure de midi.


Je ne suis pas sûr que sa version actuelle soit fonctionnelle.
Et malheureusement il a été volé à plusieurs reprises.

samedi 17 avril 2021

Charles II, duc de Brunswick


Le duc de Brunswick : ce nom vous est peut être connu ?
Il s'agit d'un des adversaires de Paul Morphy dans la fameuse partie dite "de l'opéra", jouée fin octobre 1858 à l'Opéra Italien de Paris (salle Ventadour). J'ai déjà consacré un article à cette célèbre partie.
Mais aujourd'hui je vais vous parler d'une affaire judiciaire, liée aux échecs, qui l'implique et qui remonte à quelques mois avant la partie d'échecs contre Morphy.

Le duc de Brunswick en octobre 1833
Source - Livre : Le duc de Brunswick, vie et mœurs, 1875

Chassé du pouvoir, le duc de Brunswick s'établit à Paris en 1851, pour partir à Genève en 1870 au moment de la guerre franco-allemande de 1870.
Durant toutes ces années, il est une des personnes les plus riches à Paris, mais également un excentrique, que tout le monde reconnait lors de ses déplacements.

Ses extravagances étaient encore à l'esprit de beaucoup de gens, bien longtemps après sa disparition.
Par exemple dans le journal Le Français du 15 septembre 1902, au sujet du décès de Samuel Rosenthal

"(...) Le duc de Brunswick, le grand seigneur excentrique, aux perruques roses, aux diamants innombrables, s'adonna aux échecs, et, dépossédé de ses Etats, il y chercha l'illusion de la politique et de la stratégie.
Il eut la bonne pensée de distraire, au profit de Rosenthal, une partie de son héritage, bien minime, à vrai dire, énorme pour le pauvre réfugié polonais (...)"

Revenons en 1857. 
Le duc de Brunswick assiste à une représentation de La Traviata dans sa loge à l'opéra italien de Paris.
Ou plutôt il joue aux échecs dans sa loge, pendant la représentation, sur un magnifique échiquier, véritable oeuvre d'art.
Au passage, j'imagine qu'un an plus tard, c'est sur ce même échiquier que Paul Morphy jouera cette fameuse partie contre lui et le comte Isoar.
Qu'est devenu cet échiquier ? Est-il toujours en Suisse ?

Bref, pendant ce spectacle, le duc de Brunswick joue aux échecs, et comme à son habitude, il attire l'attention sur lui. C'est le début d'un scandale et d'une affaire judiciaire dont voici le jugement.

Le Droit, Journal des tribunaux, de la jurisprudence, des débats judiciaires et de la legislation – 6 juin 1860 - Source : Gallica

COUR IMPERIALE DE PARIS (1ère Chambre)
Présidence de M. Casenave
Audience du 5 juin

Une partie d’échecs dans une loge aux Italiens. Articles de la Gazette de Paris. Action en dommages intérêts. Le duc de Brunswick contre MM. Signouret et Dolligen.

Me Trouillebert, avocat de M. le duc de Brunswick, expose ainsi les faits de la cause :

Sous les apparences d’une affaire peu sérieuse, futile même, se cache dans ce procès un intérêt grave, celui du respect que le journalisme doit avoir pour la vie privée. Il s’agit d’un personnage fort connu dans Paris, qui tient beaucoup plus, quoi qu’on en dise, à la considération à laquelle il a droit qu’à la célébrité que peut lui donner très malignement une presse qui ne vit que de scandales.

En 1857, M. le duc de Brunswick, amateur de toutes les belles choses, assistait à une représentation de la Traviata, au Théâtre-Italien. Il a l’habitude, à ces sortes de représentations, de faire une partie d’échecs, pendant que s’exécutent les morceaux de second ordre. Il ne recherche alors ni la curiosité ni le bruit, et c’est cependant un incident de cette nature qui a donné lieu au procès actuel.
En effet, dans son numéro du 22 septembre 1857, la Gazette de Paris inséra l’article suivant :

« Tout le monde connait, au moins, de réputation, un étranger, le duc de …., l’un des originaux les plus célèbres et les plus riches de Paris. On sait les singularités de sa toilette ; on sait les miracles de patience qu’il réalise chaque jour pour donner à sa physionomie, déjà vieille, l’apparence de la jeunesse. Les perruques du personnage sont déjà aussi célèbres que ses chevaux.

C’est que le noble duc est un de ces êtres singuliers dont l’amour-propre est constamment surexcité ; pour sûr qu’il mourra de chagrin, le jour où il sera définitivement oublié ou dédaigné. Aussi, a-t-il toujours soin de réveiller l’attention publique au moment où elle semble ne plus vouloir s’occuper de lui. L’année dernière, il inventait sa fameuse chambre de fer, immense coffre-fort, doublé d’acier, mais très confortablement meublé, dans lequel il a accumulé ses richesses, et où il passe souvent de longues heures à compter et à classer son or, ses billets et ses diamants.

Cette année, il a acheté un jeu d’échecs, chef-d’œuvre de ciselure et d’incrustation, fabriqué par un de nos plus habiles joailliers ; et au lieu de le faire apporter chez lui et le confier aux joueurs émérites, qu’il convie parfois à partager ses luxueux loisirs, il l’a envoyé dans sa loge au Théâtre-Italien. A chaque représentation, on peut voir le duc et ses intimes groupés dans une avant-scène, au rez-de-chaussée, autour d’une table de jeu, ouvrage du célèbre Goujon.

Jusqu’à présent, cependant, cette nouvelle fantaisie avait été peu remarquée ; mais voici qu’à la dernière représentation de la Traviata une discussion est survenue entre ses partenaires, à propos d’un coup douteux. Déjà le public, troublé dans ses jouissances musicales, manifestait très sévèrement son mécontentement, lorsque l’intervention de M. Calzado, directeur du théâtre, a fait cesser la discorde et a permis à Mme Saint-Urbain de recommencer et de terminer sans encombres ce mélodieux andante du troisième acte si malencontreusement interrompu.

Le duc est enchanté de cet incident. Il ne pourra peut-être plus jouer aux échecs dans sa loge ; mais on va parler de ce petit scandale au moins pendant huit jours, et pour lui c’est une compensation plus que suffisante. 

Signé Raymond Signouret ».

Le duc de Brunswick en août 1873, sans doute peu de temps avant sa mort.
Source - Livre : Le duc de Brunswick, vie et mœurs, 1875

M. le duc de Brunswick, se trouvant justement blessé d’une pareille narration, assigna devant le Tribunal le signataire dudit article et M. Dollingen, gérant du journal, en 10.000 fr. de dommages-intérêts.

Sur cette instance, le Tribunal rendit le 6 juillet 1859 le jugement suivant :

« Attendu que, dans son numéro du 22 septembre 1857, la Gazette de Paris a publié sous ce titre : une partie d’échecs, un article qui, sans nommer le duc de Brunswick, le désigne suffisamment ;
Que son récit, par les détails malignement controuvés, a porté au duc de Brunswick un préjudice dont la réparation lui est due par les deux défendeurs ;
Que le tribunal a les éléments nécessaires pour en apprécier le degré d’importance ;
Dit que cette réparation ne doit consister que dans une condamnation des défendeurs aux dépens ;
En conséquence, les condamne envers le duc de Brunswick aux dépens. »

M. le duc de Brunswick a cru devoir interjeter appel de ce jugement, et je dois, en peu de mots, expliquer à la Cour l’intérêt sérieux qui se rattache à cet appel. Certes, M. le duc de Brunswick ne peut avoir à se défendre du reproche de faire une spéculation. Ce qu’il veut, par son insistance, c’est obtenir une condamnation efficace contre le retour de pareilles attaques. Or, il est bien certain qu’une simple condamnation aux dépens n’est pas de nature à effrayer certains journalistes qui ne vivent que de la curiosité qu’ils provoquent sur la vie privée des personnages dont le public peut avoir à divers titres entendu parler.

Le monument Brunswick à Genève.

La condamnation que le duc de Brunswick réclame, dit en terminant l’avocat, doit être prononcée à son profit d’autant plus facilement, que dans l’espèce il s’agit de faits mensongers. La preuve en résultat de la lettre suivante écrite par le directeur du théâtre Italien à l’aide-de-camp du duc :

« Monsieur le comte,
Selon votre désir, je vous fais parvenir la Gazette de Paris, contenant le paragraphe injurieux et mensonger sur S.A.R.M. le duc de Brunswick, auquel son nom est mêlé.
Il est inutile de vous dire que les échecs de Son Altesse ne gênent en rien les représentations ni le public, qui ne les voit pas même ; qu’aucun mécontentement ne s’est manifesté dans la salle pour une cause quelconque, et que je ne suis jamais venu dans la loge de Son Altesse pour un cas pareil.
Agréez, monsieur, l’assurance de mes cordiales salutations,
CALZADO ».

Me Crémieux, avocat des intimés, répond :

Avant d’aborder la discussion, que la Cour me permette de lui soumettre une première réflexion. L’article dont se plaint le duc de Brunswick est du 22 novembre 1857. Le jugement est du 6 juillet 1859 ; nous sommes au mois de juin 1860, et cependant le duc craint encore que sa considération soit atteinte. J’avais mission de répondre à l’appel principal par un appel-incident et de demander à la Cour d’effacer même la condamnation aux dépens. Mais j’ai adopté le jugement tel qu’il est, parce qu’aux yeux de la justice, il me semble nécessaire que cette condamnation soit maintenue.

Au surplus, le duc de Brunswick ne se fâche que d’une chose ; il ne relève pas ce qu’on dit de ses originalités, il ne se plaint que de ce qui est relatif au prétendu tumulte qui aurait eu lieu dans la loge du Théâtre-Italien, car la partie d’échecs est vraie, et on n’a rien inventé à cet égard. 

En première instance, on avait lu une lettre qui rendait compte de l’effet produit en Allemagne par l’article de la Gazette de Paris. Mon nouvel adversaire a eu le bon esprit de ne point la reproduire.
Me Trouillebert – Elle est dans le dossier, la voici.
Me Crémieux – Eh bien ! Tant mieux. Je vais la lire. Cette lettre est ainsi conçue :

« Monseigneur,
La Gazette de Cologne et le Correspondant de Hambourg ont reproduit un article de la Gazette de Paris, par lequel Votre Altesse est injuriée.
Cet article a soulevé d’indignation le cœur des Allemands, qui ont gardé de Votre Altesse le souvenir de ses bontés.
Le soussigné est de ce nombre, et il vient la supplier de faire prendre des mesures pour qu’une pareille infamie ne se reproduise plus à l’avenir.
Je suis avec le plus profond respect, De Votre Altesse, le très humble et très dévoué serviteur,
Léonard Baus
Wiesbaden, le 25 décembre 1857 ».

Maintenant, voyons un peu ce que dit l’article en question : on parle de l’originalité du duc en fait de toilette, mais ne sait-on pas qu’il a donné bien des exemples. Ainsi, notamment, un jour il arriva à la cour avec un costume dont chaque boutonnière était garnie d’un diamant magnifique. Tout le monde en parla alors. On a dit quelques mots de ses perruques. Mais le duc de Brunswick est un des hommes qui savent le mieux
« …. Réparer des ans l’irréparable outrage. »

Or, il avait de belles perruques. Comme il avait de beaux chevaux, on s’en entretenait beaucoup il y a quelques années. Mais aujourd’hui on a à penser à bien d’autres choses plus sérieuses. On a cité aussi sa caisse en fer. Eh bien ! L’existence de cette caisse n’est pas un mensonge…
En 1858, le duc de Brunswick l’a fait construire. C‘est une espèce de chambre en fer, dans laquelle il renferme ses immenses richesses, et, quand on l’allait voir, il éprouvait du plaisir à la montrer et à exhiber les trésors qu’elle contenait.

Puis, qu’arrive-t-il ? Un jour, il achète un jeu d’échecs et il le fait transporter au Théâtre-Italien. C’est un usage adopté en Italie, où chaque loge a un salon. Aussi, on va au Théâtre de la Scala, pour entendre un morceau isolé, puis on cause dans le salon, on prend des glaces, on y fait ce qu’on veut. En France, nous n’en sommes pas encore là. Il y a bien des loges à salon, mais on ne s’y retire que pendant les entractes. M. le duc de Brunswick a tenté une révolution, et, pendant la pièce, il joue aux échecs.

On dit, il est vrai, qu’il n’y a pas eu de bruit ; je le veux bien ; mais il aurait pu y en avoir. D’ailleurs, le journaliste a bien pu en entendre de la place qu’il occupait lui-même au théâtre, et cela seul suffirait pour légitimer son observation. Ce n’est donc pas un procès sérieux ; c’est une véritable cause grasse, indigne d’occuper plus longtemps la justice.

La Cour a rendu un arrêt par lequel, considérant que le Tribunal avait fait une juste appréciation du préjudice causé au duc de Brunswick, elle a confirmé la décision frappée d’appel.

========================================================================
Le duc a également marqué la ville de Genève par son séjour de 1870 jusqu'à son décès le 19 août 1873.

Obsèques du duc de Brunswick à Genève.
Le Monde Illustré - 13 septembre 1873 - Source Gallica

Numa Preti indique dans la Stratégie en 1873

"Le duc de Brunswick qui vient de mourir à Genève était le descendant direct du duc de Brunswick qui, en 1616, écrivit et publia, sous le pseudonyme de "Gustave Seleni", un traité des Échecs en allemand, qui est aujourd'hui très rare.
Représentant dignement son ancêtre, le duc de Brunswick était un fort amateur du jeu d’Échecs qu'il aimait beaucoup.
Depuis 1853, nous fîmes la partie et lorsqu'un fort joueur venait à Paris, S.A.R. voulait jouer avec lui.
Nous eûmes ainsi l'occasion de lui présenter, parmi les premiers joueurs, MM. Harrwitz, Anderssen et Séraphin Dubois.
MM. Silberschmid, Saint-Amant, Kolish, Paul Morphy, Rosenthal, firent souvent la partie.
Ce dernier avait été prié de passer quelque temps à Genève, à son retour de Vienne.(...)"

Pour terminer, voici 5 parties jouées par le duc de Brunswick.
Pour ma part je doute qu'il soit venu au Café de la Régence comme simple joueur d'échecs.
Ce sont donc plutôt les joueurs d'échecs qui sont venus à lui !
 
[Event "?"] [Site "?"] [Date "1859.??.??"] [Round "?"] [White "Kolish, Ignaz"] [Black "Duc de Brunswick et Comte***"] [Result "1-0"] [ECO "C01"] [Annotator "I.Kolish - Le Monde Illustré 5 novembre 1859"] [PlyCount "79"] {Partie publiée dans "Le Monde Illustré du 5 novembre 1859" - Page 303. Un des joueurs avec les noirs n'est pas cité par Kolish, mais il est possible de penser qu'il s'agit du Comte Isoar, le même que celui qui joua avec le Duc de Brunswick quelques mois auparavant la célèbre partie de l'Opéra Italien contre Morphy (JO Leconte). La partie, disputée par nous à deux amateurs fort distingués, S.A. le duc de Brunswick et M. le comte de ***, offre une variante très peu connue de la partie ainsi nommée "française" et nous signalons en outre à nos lecteurs sa très piquante finale. (I.Kolish)} 1. e4 e6 2. d4 d5 3. Bd3 dxe4 4. Bxe4 f5 5. Bd3 Nf6 6. Nf3 Bd6 7. O-O O-O 8. Re1 c5 9. Ng5 Re8 10. Bc4 cxd4 ({Sur} 10... Nd5 {suivait} 11. Qh5 h6 12. Nf7 Qc7 13. Nxd6 {et gagnent}) 11. Nxe6 Bxe6 12. Rxe6 Kh8 13. Bg5 Rxe6 14. Bxe6 Bxh2+ 15. Kh1 Bc7 16. Bxf5 Qd6 17. f4 Nc6 18. Nd2 Rf8 19. Qf3 Ne7 20. Bd3 Ned5 21. Ne4 Nxe4 22. Qxe4 g6 23. Qxd4+ Nf6 24. Qf2 Nh5 25. Re1 Bd8 26. Bh6 Ng7 27. Qxa7 Qd5 28. Re5 Qc6 29. Be4 Qd6 30. Qxb7 Bf6 31. Rd5 Qe6 32. Rd7 Qg4 33. Kg1 Qh4 34. Qb4 Re8 35. Rf7 Ne6 36. Bd5 Bd4+ {Les Blancs font mat en quatre coups} 37. Qxd4+ Nxd4 38. Bg7+ Kg8 39. Re7+ Ne6 40. Bxe6# 1-0 [Event "Paris consultation"] [Site "Paris"] [Date "1855.??.??"] [Round "?"] [White "Dubois, Serafino"] [Black "Brunswick/Casabianca/Preti"] [Result "1-0"] [ECO "C33"] [PlyCount "51"] [EventDate "1855.??.??"] [EventType "game"] [EventRounds "1"] [EventCountry "FRA"] [Source "ChessBase"] [SourceDate "2001.11.25"] 1. e4 e5 2. f4 exf4 3. Bc4 Qh4+ 4. Kf1 g5 5. Nc3 Bg7 6. d4 c6 7. Nf3 Qh5 8. e5 b5 9. Bb3 h6 10. Ne4 Bf8 11. d5 c5 12. Qe1 a5 13. Bd2 b4 14. d6 Ba6+ 15. Kg1 Nc6 16. Nf6+ Nxf6 17. exf6+ Kd8 18. Ne5 c4 19. Nxc6+ dxc6 20. Qe5 cxb3 21. Qxa5+ Ke8 22. Re1+ Be2 23. Qc7 Rd8 24. Qxc6+ Rd7 25. Qc8+ Rd8 26. d7# 1-0 [Event "Opéra Italien de Paris"] [Site "Paris"] [Date "1858.10.??"] [Round "?"] [White "Morphy, Paul"] [Black "Duc de Brunswick/Comte Isoar"] [Result "1-0"] [ECO "C41"] [PlyCount "33"] [EventDate "1858.??.??"] [EventType "tourn"] [EventRounds "30"] [EventCountry "FRA"] 1. e4 e5 2. Nf3 d6 3. d4 Bg4 4. dxe5 Bxf3 5. Qxf3 dxe5 6. Bc4 Nf6 7. Qb3 Qe7 8. Nc3 c6 9. Bg5 {[%csl Rb7,Rb8,Rf8]} b5 10. Nxb5 cxb5 11. Bxb5+ Nbd7 12. O-O-O { [%csl Rd7]} Rd8 13. Rxd7 Rxd7 14. Rd1 {[%csl Rd7,Rf6]} Qe6 15. Bxd7+ Nxd7 16. Qb8+ Nxb8 17. Rd8# 1-0 [Event "?"] [Site "?"] [Date "1870.??.??"] [Round "?"] [White "Duc de Brunswick"] [Black "Prince de Villafranca"] [Result "1-0"] [ECO "C44"] [Annotator "La Stratégie - Avril 1870"] [PlyCount "67"] 1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. d4 exd4 4. Bc4 Bb4+ 5. c3 dxc3 6. O-O cxb2 7. Bxb2 Kf8 8. Nc3 d6 9. Nd5 Bc5 10. e5 Be6 11. exd6 Bxd6 12. Nd4 Qh4 13. Nxe6+ fxe6 14. Qf3+ Nf6 15. g3 Qxc4 16. Nxf6 Nd4 17. Bxd4 Qxd4 18. Ne4+ Ke7 19. Rad1 Qe5 20. Nxd6 cxd6 21. Qxb7+ Kf6 22. Rfe1 Qc5 23. Rxe6+ {Très bien joué. A partir de ce coup les Blancs conduisent leur partie d'une manière remarquable (S.Rosenthal)} Kxe6 24. Re1+ Kf5 25. Qf3+ Kg5 26. Re6 Qc1+ 27. Kg2 g6 28. Qf6+ Kh6 29. Qh4+ Kg7 30. Re7+ Kg8 31. Qf6 Qc6+ 32. Kh3 Qc8+ 33. g4 Qf8 34. Qe6+ 1-0 [Event "?"] [Site "?"] [Date "1857.06.??"] [Round "?"] [White "Comte Isoar/Vicomte Casabianc"] [Black "Duc de Brunswick/Harrwitz D."] [Result "0-1"] [ECO "B20"] [Annotator "Chess Monthly, janvier 1858"] [PlyCount "76"] {Partie jouée à Paris en juin 1857} 1. e4 c5 2. Nf3 Nc6 3. Bc4 e6 4. Nc3 a6 5. a4 g6 6. d4 cxd4 7. Nxd4 Bg7 8. Nde2 Nge7 9. O-O f5 10. exf5 Nxf5 11. Bd3 O-O 12. Bxf5 Rxf5 13. Ng3 Rf7 14. Nce4 d5 15. Nc5 Qe7 16. Nd3 e5 17. Re1 Be6 18. f3 Raf8 19. c3 h5 20. Be3 d4 21. cxd4 exd4 22. Bf2 h4 23. Ne2 h3 24. Bg3 Bh6 25. f4 hxg2 26. Nf2 Bg7 27. Ne4 Bd5 28. Ng5 Rf5 29. Rc1 Qd8 30. Rc5 d3 31. Qxd3 Qxg5 32. Rd1 (32. fxg5 Rf1+ 33. Rxf1 gxf1=Q#) 32... Nb4 33. Qd2 Qg4 34. Re1 Re8 35. Qxb4 Rxe2 36. Rxd5 Rxd5 37. Qc4 Bd4+ 38. Bf2 Bxf2# 0-1

lundi 12 avril 2021

La fin du Café de la Régence


Lors de l’écriture de mon livre sur l'histoire du Café de la Régence, je fus surpris par la difficulté de trouver des informations au sujet de la fin du Café de la Régence.

Le nombre de journaux numérisés n’était pas le même qu’actuellement, et lors de mes recherches aux archives de Paris, le seul élément tangible que j’avais trouvé était dans le bottin du commerce de Paris, où à l’adresse de la Régence, au 161 rue Saint-Honoré, on trouvait dans le bottin de 1955 l’Hostellerie Guillaume le Conquérant


Toujours à la recherche d’éléments utiles à mon sujet d’étude, j’ai fini par découvrir la fin de l’histoire de ce lieu unique pour le jeu d’échecs.

Depuis la scission de 1918 et la création de l’association des échecs du Palais-Royal, le Café de la Régence n’apparait plus comme un centre majeur du jeu d’échecs à Paris. Il reste néanmoins un lieu de pèlerinage, si l’on peut dire, pour beaucoup de touristes et joueurs d’échecs très intéressés par l’atmosphère de ce lieu et la fausse relique de la table de Napoléon. 

Néanmoins le gérant du lieu depuis 1922, Pierre Octave Brun, réussit à relancer cette activité échiquéenne au cours des années 1930. Les joueurs d’échecs s’y retrouvent, quelques événements s’y déroulent (simultanées, rares tournois), et la dernière trace d’activité échiquéenne avérée date de 1943.

Bulletin de la FFE 1943 - Document communiqué par Etienne Cornil

En 1946, Pierre Octave Brun cède son établissement et c’est là que démarre la fin du Café de la Régence. Dans les revues d’échecs, je pense en particulier à l’Échiquier de Paris, je n’ai trouvé aucune trace du Café de la Régence comme centre parisien du jeu d’échecs après la Deuxième Guerre mondiale et dans les années 1950. Il doit sans doute rester quelques courageux pour y jouer aux échecs et perpétuer cette tradition, mais cela reste anecdotique à mon avis.

En 1953 (et depuis plus de 40 ans à ce moment-là), le Café de la Régence occupe le 161 et le 163 de la Rue Saint-Honoré, au rez-de-chaussée et au 1er étage, c'est-à-dire toute la photo de gauche à droite. Le restaurant est très grand ! Au 161 se trouve aujourd'hui l'Office du tourisme du Maroc et au 163 un restaurant Japonais. 

Nous sommes en 1953, le Café de la Régence se trouve au 161-163 rue Saint-Honoré, il occupe le rez-de-chaussée ainsi que le 1er étage. Plusieurs célébrités parisiennes décident de créer un nouveau club à la mode.

Le journal Paris Presse L’Intransigeant du 27 septembre 1953 nous indique :

« Juliette Greco, Philippe Lemaire, Lise Deharme, Lise Delamare, Geneviève Fath fondent un club avec Marc Doelnitz.
Marc Doelnitz, créateur avec Gréco et Anne-Marie Cazalis du « Tabou », animateur de l’« Œil de Bœuf », du « Bœuf sur le Toit », du « Crazy Horse Saloon » et plus récemment du « Procope » va lancer un nouveau club.
« Celui-ci, dit-il, où tous les acteurs se retrouveront le soir »
Ce club siégera au premier étage du Café de la Régence, au Palais-Royal.
Dans le comité composé de Lise Delamare, Jacques Charron, Lise Deharme, Geneviève Fath, Juliette Gréco et Philippe Lemaire ces derniers donneront le côté sérieux du meilleur jeune ménage de Paris ».

En 1953, deux Grands-Maîtres soviétiques se rendent à Paris et constatent l’absence du jeu d’échecs au Café de la Régence. 

Projetons-nous en 1955, le Café de la Régence est alors devenu un lieu à la mode où se croise le Tout-Paris.

Source Retronews - BNF

Dans Paris-Presse L’Intransigeant, le 2 janvier 1955 :

« Les provinciaux ont sauvé les réveillons de Paris… Car les Parisiens, eux, ont préféré passer la nuit les uns chez les autres.
Par Jean-François Devay

(…) Il y a eu du monde partout, bien entendu, mais nous étions loin, cette nuit, de l’allégresse quasi hystérique de l’an dernier quand, à sept heures du matin, le Tout-Paris s’écrasait dans les boîtes de nuit.
(…) A « Cour et Jardin », le club de la Régence où les stars vont tous les soirs de la semaine, on les cherche vainement toute la nuit. Adieu Jean Marais, Michèle Morgan, la douzaine de duchesses, les trois ministres et le Tout-Paris des générales qui s’y déchainèrent le 1er janvier 1954. Cette nuit, il n’y eut pour représenter les acteurs qu’Ivan Desny, comédien français d’origine russo-britannique dont le cinéma allemand a fait son jeune premier numéro un. Arrivé tout droit d’Allemagne, il ne savait pas. Jacques Charon, venu un quart d’heure, lui expliqua que, cette année, les comédiens se couchaient tôt (…) »

Photo de Claude Geiger
Notez le nom "Cour et Jardin" allusion directe au théâtre.

Ainsi le club « Cour et Jardin » a rencontré un beau succès en 1954 et un peu moins en 1955.

Photo trouvée sur Ebay et datée de 1955.

Point de joueurs d’échecs, mais plutôt le Tout-Paris comme il est dit. Ce succès est de courte durée, car dans le journal L’Aurore du 26 décembre 1955 on apprend :

« C’est signé, c’est définitif et c’est navrant pour les vieux Parisiens : le Café de la Régence a été vendu à une société archiconnue pour les nombreux cafés qu’elle a déjà édifiés dans notre capitale.
M. Bataille, l’ancien propriétaire de la Régence, voulait transporter le club de gens de théâtre, « Cour et Jardin », situé au-dessus de son restaurant à l’ouest de Paris et faire exécuter la décoration de ses nouveaux locaux par Marc Doelnitz. Mais ce dernier, à cette nouvelle, a eu une crise de rage, car il affirme que le club installé loin de la Comédie-Française n’aurait plus aucun succès »

Photo trouvée sur Ebay et datée de 1955.

Le Bottin du commerce de Paris était manifestement déjà au courant au moment de sa parution. La fin est confirmée dans le journal Le Semeur du 8 janvier 1956

« Ce splendide échiquier, qui fut la propriété de Napoléon, est encore exposé dans une salle de l’historique « Café de la Régence », siège du club des gens de théâtre « Cour et Jardin », qui va bientôt disparaitre pour céder la place à un restaurant moderne. »


La photo, de très mauvaise qualité, représente bien un échiquier, alors que la relique connue jusqu’à présent était la table qui le porte. Espérons que la table n’a pas été détruite au profit de cet échiquier… A ce jour l’endroit où se trouve la table de Bonaparte reste un mystère. Pour l’échiquier, c’est la première fois que j’en entends parler, et il est permis de douter sur son appartenance passée.

Le rideau tombe définitivement sur le Café de la Régence et sa riche histoire…

A noter qu’en 2017, un restaurant nommé « Le Café de la Régence » s’est ouvert un peu plus loin, au 167 rue Saint-Honoré. Ce lieu n’a strictement aucun lien avec la Régence historique. Je doute qu’ils apprécient qu’on sorte un jeu d’échecs pour y jouer. Par contre ils n’ont pas hésité à se servir des photos du Café de la Régence historique.