mardi 29 décembre 2020

Le premier club d’échecs en France

23/06/2021 - Après la lecture de cet article, je vous conseille de lire celui-ci sur le Le Café Morillon où je corrige une erreur au sujet du Salon des Échecs.

Quel a été le premier club d’échecs en France ? Où se trouvait-il ? Et qui en est à l’origine ? etc.
Cet article apporte des réponses inattendues à toutes ces questions…

Le Comte de Provence (futur Louis XVIII et frère du Roi Louis XVI)
Vers 1778 - Joseph Duplessis

La réponse est apportée, par exemple, via un extrait du livre "Bibliographie anecdotique du jeu des Échecs", par Jean Gay – Paris 1864

« En (1777), un club d’échecs fut établi à Paris, près du Palais-Royal, sous la protection du comte de Provence, plus tard Louis XVIII, qui était lui-même membre du club. La souscription annuelle était de 4 Louis (100 fr.). Parmi les membres étaient : Bernard, Carlier, Verdoni, Léger, Garnier, le comte de Bissy, les chevaliers de Beaurevoir, de La Pallu et d’Anselet ».

Ainsi, juste avant la Révolution, un lieu dédié au jeu d’échecs est créé à Paris au Café de Foy au Palais-Royal, à l’initiative de Monsieur, frère cadet du Roi Louis XVI. Il s’agit sans conteste du premier club d’échecs de France. 

Le Café de Foy n'existe plus de nos jours.
Mais il est possible de voir son emplacement au Palais-Royal, du numéro 57 au numéro 60.
Actuellement s'y trouve la galerie d'art "Susse Frères".

Vue de l'emplacement du Café de Foy depuis le jardin du Palais-Royal (décembre 2020).

En fait Jean Gay se trompe sur la date de création de ce club d’échecs. Il indique 1783 dans son ouvrage, alors qu’il s’agit bien de 1777 (que j’ai corrigé dans son texte).
À ce sujet, je souhaite remercier Herbert Bastian pour les références qu’il m’a communiquées pour rédiger cet article. En particulier pour avoir corrigé la date de création de ce club d’échecs.

Dans les Mémoires du Duc de Lauzun (Paris 1858) on trouve page 273, la confirmation de cette date de 1777 et de Monsieur, frère du Roi Louis XVI et futur Louis XVIII :



« D’ailleurs ne venait-il pas de fonder (1777) et ne dirigeait-il pas un cercle qui suffisait à l’occuper, la Société des Échecs, premier club de ce genre qui ait été établi en France ? » 

On joue aux échecs au Café de la Régence en 1777, et Philidor en est le maître incontesté, mais cela reste un café. Pas vraiment un lieu pour que la bonne société puisse jouer tranquillement aux échecs.
Le club d’échecs se situe à 200 mètres de la Régence, au premier étage du Café de Foy, et porte le nom de Société du Salon des Échecs.

Almanach du voyageur à Paris, Jean-François de Lacroix et Luc-Vincent Thiéry, Paris 1787

« Le Salon des Échecs est situé au Palais Royal, au-dessus du Café de Foy. La société de ce salon est composée de seigneurs de la cour et de la ville, et l’on ne peut y être admis qu’avec l’agrément unanime de tous les membres. Le jeu d’échecs est le seul que cette société se permette. »

Le Café de Foy se trouve dans les arcades du Palais-Royal. La proximité avec le jardin est un avantage dont le propriétaire du lieu a su tirer parti.

« (Jousserand – propriétaire du Café de Foy) a eu à ce prix, pavillon en avant, avec salon des échecs au premier étage pour tenir tête au café de la Régence, privilège d’établir des chaises et des tables dans le jardin. Ce privilège ne concernait qu’un certain périmètre ou bien il avait été restreint par des conventions ultérieures, puisqu’il n’avait pas empêché la concession du café de la Tente patriotique.
C’est de là qu’est partie la révolution parisienne ; c’est là que, juché sur une table, brandissant un pistolet, s’improvisant une cocarde d’une feuille de marronnier, Camille Desmoulins a rué Paris sur les glacis de la Bastille. »


Titre de la gravure (source Gallica) : Motion faite au Palais Royal par Camille Desmoulins : le 12 juillet 1789 - Berthault Pierre-Gabriel.

En zoomant la gravure il est possible de voir le nom du Café, sous les personnages.
D'ailleurs ces personnages se trouvent très probablement dans le salon des échecs.

Curieusement je n’ai pas trouvé trace de la présence de Philidor au Salon des Échecs, mais on trouve les noms des rédacteurs principaux du livre d'échecs "Le Traité théorique et pratique du jeu des échecs par une société d'Amateurs "(Bernard, Carlier, Léger et Verdoni), ainsi que celui de Deschapelles.

Courier de l’Europe – Vendredi 23 Novembre 1787 (Gallica)

« Le club des Échecs a eu la permission de s’assembler sous une nouvelle forme ; c’est le concierge nommé Carlier, qui a annoncé à tous les associés, par un billet circulaire, qu’on le trouverait toujours chez lui. C’est une sorte d’académie d’échecs (…) »

Comme déjà vu dans un précédent article, la Révolution provoque l’éparpillement des joueurs d’échecs qui quittent le Café de la Régence. Le Salon des Échecs en profite, et dans le texte ci-dessous nous avons une très rare anecdote de ce lieu, durant la Révolution, qui implique Carlier et Léger.


Source Gallica

Une journée de Paris 1796, 1797 – Paris An cinquième, par Ripault.
Correction du 21/06/2021 - Le Salon des Échecs a changé d'adresse en 1796. Il n'est plus au Café de Foy, mais au Café Morillon. Lire l'article sur le Café Morillon.

« Je voulus diminuer un peu l’idée qu’on avait attachée à la légèreté de mon caractère. Je m’assis auprès d’un échiquier, en face d’une des têtes les mieux organisées du département, et je fis mouvoir mes pièces suivant leur marche respective. Je perdis d’abord, je perdis ensuite, je perdis encore, puis …, puis je gagnai, et mon adversaire me dit, en se pinçant le nez : … C’est singulier, je jouais mieux que cela au café de la Régence… 
- Vous avez donc joué au Café de la Régence ?
- Oui, Monsieur, et dans les beaux jours de Philidor encore.
- Ah ! … ah ! …
- Et j’étais un joueur de la onzième force ;
- Peste !
- Et je savais par cœur les deux mille trois cent quarante-quatre parties et leurs variantes qui sont enfermées dans le jeu des échecs.
- Diable, Monsieur,…
Depuis ce moment, je désirai, avec toute l’ardeur de mon âge, connaitre les dix classes de joueurs d’échecs supérieures à celui qui m’avait fait mat tant de fois.

Estampe eau forte - Source Gallica - Lynchage devant le Café de Foy - 1789

Je me présentai au café de la Régence ; les habitués de l’échiquier l’avaient quitté, et s’étaient établis en face de ce même café. Je lus, au-dessus de la porte : Salon des échecs.

Je tressaillis de joie, et je me précipitai étourdiment dans cette auguste enceinte… Chut, chut, chut, chut, entendis-je de toutes parts… Un grand monsieur me dit, à voix basse…jeune homme, on n’entre pas en courant dans le salon des échecs… Surtout lorsque Léger fait sa partie.
- Qu’est-ce que Léger ?
- En me faisant cette question, vous me prouvez que vous n’êtes pas joueur d’échecs ?
- J’arrive de province…Je ne sais que la marche.
- À la bonne heure. Eh bien ! cet homme qui prend quatre prises de tabac à la minute, qui en couvre sa cravate, sa veste, sa culotte et l’échiquier, qui tourne la mâchoire de temps en temps, cet homme est le fameux Léger, le successeur de Philidor…Il cède un pion à ce sexagénaire et le gagne. Cependant nous concevons de son partenaire de grandes espérances, et moi, personnellement, je parierais ma reine contre votre fou, qu’avant quatre ans il pourra jouer à but avec Léger. Oui ce fameux Léger…

Ce petit homme en habit gris, un peu râpé, et en culotte noire, devenue jaune, qui, placé derrière eux, suit leur partie en haussant les épaules, est Carlier, l’antagoniste, le rival de Léger ; ils ont joué dix ans ensemble, et pendant ces dix ans, ils n’ont fait que des parties nulles…Enfin, il y a six mois que Léger en gagna une ; Carlier prit sa revanche le lendemain.

Depuis ce moment, ils respectent assez leur réputation ; ils se respectent assez eux-mêmes pour ne plus jouer l’un contre l’autre. Et puis il y a eu des propos. Des gens mal intentionnés ont rapporté à Carlier que Léger s’était vanté de lui céder le trait. 
- Oh ! Si nous n’avions pas étouffé l’affaire, elle aurait eu des suites, mais elle s’est fort bien passée ; quoique, depuis ce temps, ils ne se parlent jamais.
Je m’approchai de la table de Léger ; il parcourait du doigt toutes les cases de l’échiquier l’une après l’autre, et disait à son adversaire :
- Monsieur, vous avez, …vous avez, …, vous avez, …, vous avez mal joué ?
- J’ai joué, répondit l’autre, j’ai joué, …, j’ai joué, …, j’ai joué le jeu ?
- Vous ne l’avez pas joué, …, vous ne l’avez pas joué, …, et la preuve, et la preuve, c’est que vous êtes mat ?
- Ah, mon dieu ! s’écria douloureusement l’autre, en faisant, d’un coup de poing, voler les échecs à la tête des assistants. Au reste, je m’y attendais ; je le prévoyais. Vous perdiez, monsieur, si, au troisième coup, j’avais fait avancer de deux pas le pion de la tour. Si, au sixième coup, j’avais couvert mon roi par le fou de la reine…Si, tout à l’heure, j’avais donné échec à votre roi par mon cavalier, et si…

Je n’entendis pas le reste de ces si. Je m’en allai, en songeant à la nouvelle espèce d’hommes que je venais de voir. Elle forme un peuple isolé au milieu du peuple. Un joueur d’échecs ne s’occupe point des nouvelles de la guerre. Quand on mène bien une partie d’échecs, on commande bien une armée… Des nouvelles politiques, qui sait conduire son jeu, sait gouverner un état. De ses affaires personnelles, qui joue aux échecs, est au-dessus des détails du ménage. »


Dans le Palamède de Mars 1845, Deschapelles mentionne qu’il a fréquenté le lieu. 

« (Le jeu à l’aveugle) Je n’ai pas approuvé la fanfare appliquée à ce silencieux et savant jeu ; j’ai fait effort pour arrêter La Bourdonnais, se suicidant par la concentration qu’exige la partie sans voir, rendue encore plus funeste par l’âge mûr et l’heure indue. Dans ma jeunesse, au Salon des Échecs, cette partie fut mise à la mode, mais bientôt abandonnée comme une puérilité. Pour vous donner une idée de son peu de mérite, je vous dirai qu’il ne s’agissait que de s’y essayer pour y réussir, et, que nombre de personnes m’y ont rivalisé auxquelles je donnais facilement la Tour (…) »

Après la Terreur et la chute de Robespierre, apparaît en 1795 la période dite du Directoire qui dure jusqu’au coup d’État de Napoléon le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799). La chasse aux suspects n’est pas terminée comme l’indique le texte suivant, où l’on voit que le Salon des Échecs, suspecté d’aristocratie, est fermé par le Directoire.

Source Gallica.

Mémoires sur la Convention et le Directoire – Paris 1824 – Tome II, le Directoire, par A.C. Thibaudeau
(page 43)

« Le Directoire fut enfin effrayé de l’audace des anarchistes. Leur club du Panthéon comptait jusqu’à quatre mille membres. (…) Les anarchistes des départements et des étrangers suspects de tous les pays affluaient à Paris. Tout annonçait une explosion prochaine. Le Directoire révoqua toutes les permissions de séjour délivrées aux individus non domiciliés à Paris 
(…) En se fondant sur l’article 360 de la Constitution portant qu’il ne pouvait être formé d’association ni de corporation contraire à l’ordre public, il fit fermer les clubs anarchistes du Panthéon et des Patriotes, et, pour se donner un air d’impartialité, les réunions royalistes du Salon des Princes de la maison Serilly, de la Société des échecs. »

 
Voici un extrait de l’arrêté du Directoire du 28 février 1796 (8 ventôse an IV).

« Article premier – La réunion formée dans le local connu sous les noms de Salon des Princes et de Salon des Arts, boulevard des Italiens ; la réunion formée dans la maison de Sérilly, vieille rue du Temple ; la réunion formée dans le palais Égalité, sous le nom de Société des Échecs (…)

Sont déclarées illégales et contraires à la tranquillité publique. Leurs emplacements respectifs seront fermés dans les vingt-quatre heures, et les scellés seront apposés sur les papiers y existant. (…) »


C’en est terminé de ce premier club d’échecs Français.

Le Palamède 1836 (page 14)


Un Cercle d’échecs « Philidor » fut créé en 1821 pour la première fois au-dessus du Café de la Régence pour une courte durée. À partir de 1834, créé à l’initiative par La Bourdonnais sans doute inspiré par son séjour à Londres et son match contre McDonnell la même année, le Cercle d’échecs des Panoramas puis le Cercle de la rue Ménars ont du mal à se pérenniser.  

Le Cercle d’échecs dissout, il se refonde au 1er étage du Café de la Régence en 1839, grâce à la bienveillance de Claude Vielle, propriétaire des lieux, jusqu’aux travaux de la Place du Palais-Royal en 1854, date à laquelle le Cercle d’échecs se désolidarise à nouveau de la Régence. Mais il y revient de 1855 à 1859, à la nouvelle adresse du Café de la Régence au 161 rue Saint-Honoré, avant de cesser définitivement de s’y trouver.

Après plusieurs tentatives infructueuses (pour différentes raisons, mais essentiellement liées au coût élevé de la location d’une salle parisienne), il faut attendre les années 1880 avant de voir la création d’un vrai club d’échecs à Paris, avec le Cercle des Échecs de Paris (10 rue du Beaujolais – encore à proximité du Palais Royal !) puis le Cercle Philidor (dans différentes brasseries à proximité de la place de la République).

Pendant tout ce temps-là le Café de la Régence a poursuivi sans faillir son œuvre d’utilité publique vis-à-vis des joueurs d’échecs ! 

vendredi 25 décembre 2020

Tranche de vie au Café de la Régence en 1836

Les textes relatifs à l'activité dans le Café de la Régence sont très rares avant 1842.
C'est seulement à partir de cette année-là, dans Le Palamède repris par Saint-Amant, qu'Alphonse Delannoy commencera à décrire assez régulièrement le lieu et les joueurs d'échecs.

J'ai déjà eu l'occasion de publier un texte datant de 1821 qui apporte quelques détails sur le Café de la Régence de l'époque. L'article suivant, paru dans la Gazette des Théâtres date du jeudi 7 avril 1836, apporte des informations très intéressantes.

L'Illustration - 24 janvier 1851 - Il existe très peu d'images de l'ancien Café de la Régence, alors place du Palais Royal. Même si la gravure date de 15 ans après, son aspect a probablement peu changé. Voir le plan ci-après du Café de la Régence.

C'est justement l'année 1836 qui est une année charnière de l'histoire du jeu d'échecs :
Le plus fort joueur du Monde à l'époque, La Bourdonnais, crée avec son ami Joseph Méry la première revue d'échecs au monde, Le Palamède.

Le même La Bourdonnais, influencé par son match à Londres contre McDonnell en 1834 et les clubs qui y existent depuis longtemps, crée le Cercle des Panoramas (près du passage du même nom), sans doute aussi pour échapper au tumulte du Café de la Régence. Il réussit, pour une poignée d'années (jusqu'au début de l'année 1839), à rassembler la bonne société dans un club dédié au jeu d'échecs.

En 1836, le propriétaire du Café de la Régence est Claude Vielle. Il vient juste de s'installer et s'est marié avec une des filles de l'ancien propriétaire, Joseph Evezard. Claude Vielle est à mes yeux le plus important propriétaire de l'histoire du Café de la Régence.   

Jacques Arago, l'auteur de ce texte :

* Dépeint un endroit chaleureux, où Philidor a son portrait ! 
* Parle de la spécificité du lieu : on y joue aux échecs, mais également aux dames ainsi qu'aux dominos.
* Indique que le Café de la Régence (comme plus tard le nouveau Café de la Régence) est le lieu de rencontre "de la bonne compagnie" qui se rend au Théâtre Français (l'actuelle comédie Française) et au Vaudeville (rue Montpensier - au Palais-Royal).
* Donne un détail du quartier : les fiacres de la place du Palais-Royal, qui seront présents au moins jusqu'au début du XXe siècle. 

Jacques Arago


MÉLANGES LITTÉRAIRES.
PHYSIONOMIE DES PRINCIPAUX CAFÉS DE LA CAPITALE.
LA RÉGENCE.

On a beau répudier certaines gloires, le temps fait justice des outrages, les transfuges reviennent à merci, et l'idole, grattée dans sa base, résiste, debout et puissante, aux coups et aux sarcasmes dont on a voulu la flétrir.

Le café Procope n'a pas cessé d'être le café Procope, et enrichit toujours celui qui l'exploite.
Le café Turc reste le café Turc, et est en possession de la vogue, aux jours surtout de la belle saison.
Le caté de Foy ne perd rien de son ancienne réputation ; la foule s'y précipite.
Le café Véron n'a plus besoin de son luxe pour y retenir ses nombreux habitués.
Le café Corazza peut se passer de ses belles patronnesses pour y appeler les consommateurs.
Le café du Vaudeville sera, longtemps encore, le rendez-vous privilégié des gourmets et des hommes d'esprit.

LE CAFÉ DE LA RÉGENCE, dont nous voulons nous occuper aujourd’hui, sera, ad vitam æternam, le point de mire de la bonne compagnie qui va chercher des émotions aux Français ou au Vaudeville, ainsi que des flâneurs qui parcourent les fraîches galeries du Palais-Royal, ou qui viennent s'embaumer aux suaves allées des Tuileries… Toute course doit avoir un but et un point de repos.

Source : Gallica

Mais, pourquoi le privilège de cette vogue ? — Qui donc l'a établie ? qui la soutient ? qui la propage ? Il n'y a pas d'effet sans cause.
Le café Procope possède le fauteuil de Jean-Baptiste Rousseau, et résonne encore des disputes des beaux esprits de l'époque.
Le café Turc a un jardin charmant, et s'est longtemps enorgueilli des deux plus forts joueurs de billard de la capitale.
Le café de Foy a toujours été renommé pour l'excellence de ses glaces.
Le café Véron brille de ses dorures et de ses précieux arabesques.
Le café Corazza... son comptoir explique la faveur publique.
Le café du Vaudeville… Les directeurs et auteurs de ce théâtre y font leurs repas habituels.

Le café de la Régence… Oh ! celui-ci a mille sujets distincts pour justifier sa vogue. D'abord, la beauté, les grâces et la décence siègent au comptoir.
Et puis, du premier regard, vous y reconnaissez un air de bonne compagnie qui vous plaît et vous y rappelle. Les garçons, sous l'œil vigilant du maître, y sont actifs et prévenants.

Le café y est délicieux, l'excellence de ses riz-au-lait est devenue proverbiale dans le quartier ; et la consommation de chocolat y est si grande qu'il faut bien l'expliquer à l'avantage de l'établissement.

Voilà déjà des causes suffisantes de préférence, n'est-ce pas ? Je n'en ai rappelé qu'une faible partie.

Philidor y venait habituellement. — Qui, Philidor ? — Le célèbre Philidor. — Je ne le connais même pas de nom. Qu'a fait ce célèbre Philidor ?
Ignorant ! qu'a fait Voltaire ? qu'a fait Jean Jacques ? qu'ont fait Napoléon, Gengiskan, Alexandre, César ? qu'ont fait Newton, Laplace, Leibnitz, Lagrange ? qu'ont fait Clément, Ravaillac, Damiens et Fieschi ?..

Vous ne savez pas ce qu'a fait Philidor ? vous ne savez donc pas ce qu'a fait et ce que fait encore La Bourdonnais ? — Si, si, il a fait, à l'Ile-Bourbon, les rampes magnifiques qui conduisent de St.-Denis à St.-Paul ; mais je le croyais mort depuis longtemps. — Oui, celui-là est mort ; mais il a un descendant du même nom, qui fait tous les jours ce que Philidor faisait avant de mourir. — Quoi donc? — Il fait mat un cataclysme de rois et de reines qui, certes, se croyaient bien tranquilles sur leurs trônes. — Je commence à comprendre ; Philidor était un célèbre joueur d'échecs. — Vous avez l'intelligence active.

Donc, Philidor venait tous les jours au café de la Régence recevoir et accepter les défis des plus forts joueurs d'échecs de l'univers. Pénétrez dans ce triangle dont les côtés sans dorures sont taillés en zig-zag, avancez un peu ; là, à votre droite, à hauteur de l'œil, vous trouvez le portrait encadré de Philidor avec sa face joufflue, ses cheveux flottants, et le pitoyable quatrain dont on a appauvri la gravure. Saluez le monarque au tombeau.

Gazette des Théâtres - jeudi 7 avril 1836

Vous avancez encore et vous vous asseyez observateur attentif, en prenant un verre d'eau sucrée. Etudiez maintenant ces physionomies.

Ici, un front balafré, là une épaule équivoque, plus loin un œil absent. D'un côté, une moustache grise, de l'autre, une face ridée, bronzée par les neiges de Moscou ou le soleil des Pyramides, et sur presque toutes les poitrines, le ruban rouge. Vous vous retrouvez au milieu de nos vieilles gloires.

Ceux-ci étaient à Arcole et à Montmirail, ceux-là à Austerlitz et à Saint-Jean d'Acre ; leurs noms dans les bulletins ont fait souvent battre votre cœur ; leur présence vous est douce, et vous saluez ces débris, de la main ou du regard, parce que vous savez que sous ces vêtements usés il y a de nobles blessures et un reste de sang généreux que les sacrifices à la patrie n'ont pas refroidi.

Ceci est l'affaire de toute la journée. Les gloires se succèdent sans relâche au café de la Régence.

Cependant, les rendez-vous se donnent le matin, pour l'après-dîner ; les provocations ont lieu entre le chocolat et le verre d'eau ; et, impatients du triomphe, vous voyez souvent les adversaires appeler les garçons, demander un échiquier, s'attaquer comme le feraient deux tigres affamés dans le Sahara, et ne se quitter, haletants, épuisés, que lorsque la clarté du gaz vient leur rappeler que bobonne les attend pour souper. Oh ! Ces combats aux échecs sont des affaires fort sérieuses, je vous jure !

- Le soir, c'est encore le matin pour les preux chevaliers. Un échiquier ! un échiquier ! un échiquier ! C'est une guerre sans relâche aux rois, une guerre à mort, une guerre d'extermination… ou pourtant le vaincu rit parfois de sa propre défaite.

Il y a tel joueur d'échecs si incrusté sur son siège, que si vous veniez lui dire, au milieu d'une partie, que le feu consume son magasin, il vous enverrait de bon cœur à tous les diables, et ne bougerait pas plus que si vous toussiez à cinquante pas de lui.

Un jour, la femme d'un de ces messieurs, coquette comme une débutante au théâtre, reçoit par la petite poste une déclaration d'amour à bout portant. Déjà elle avait remarqué. Bah ! bah ! je vous conterai cela une autre fois, pas de médisance aujourd'hui.

Outre les parties d'échecs, principal amusement des habitués de la Régence, il se fait à ce café de belles parties de dames, dans lesquelles vous voyez briller quelques-uns des premiers artistes de la Comédie-Française, aux prises avec ces rudes coupeurs de membres qui allaient, sur nos champs de bataille, extraire des balles, des biscayens, et enlever des bras, des cuisses... et des têtes à nos soldats de la république et de l'empire. 

Le plan du Café de la Régence en 1836. Archives de Paris - Cadastre par îlots de Vasserot et Bellanger.
Notez la forme particulière du Café, alors situé 243 rue Saint-Honoré, Place du Palais-Royal


Ce sont des parties fort curieuses à étudier. Les premiers, polis et mesurés comme des acteurs sur les planches dans une pièce de Bouilly, les autres jurant et grimaçant comme sous la mitraille russe ou le yatagan mameluck. A chacun ses habitudes. Le combat fini, la gaîté est dans les deux camps, et ce n'est pas toujours celui qui a le plus vociféré pendant l'action qui est le moins gai après la débâcle.

Ces affaires de dames et d'échecs ont lieu sur les ailes du champ de bataille. Le centre est occupé par les ferrailleurs aux dominos, avec leur physionomie à eux, leurs allures à eux, leurs habitudes à eux.
En voici an tout gai, tout jovial, et pourtant grondant sans cesse, qui ne peut pas placer un domino sans vous dire : Attendez ! doucement ! Jamais on ne l'a vu jouant des deux mains ; jamais sans son mouchoir et sans sa tabatière.

En voici un autre, la canne toujours sous l'aisselle en forme de béquille, dont les doigts convulsifs tournent les dominos avec une rapidité prodigieuse et incessante. Quel luxe de mouvements ! Un troisième accuse toujours le sort, quand c’est à sa maladresse seule qu'il devrait s'en prendre de sa défaite. Un quatrième croit pallier une faute grave par un- quolibet ou un mauvais calembour, On lui rit au nez. Un cinquième, pris en flagrant délit d'une bévue, en charge la conscience de son partenaire, et se moque sous cape de son étourderie. Celui-ci c'est le sage. Un sixième, ne jugeant qu'après coup, trouve et prouve que le hasard a tout fait, et que le calcul n'est pour rien dans le succès. Un septième, vice-roi aux échecs, tient à prouver à tous qu'il mérite également une palme aux dominos, tandis que chaque jour vient lui démontrer que c'est trop de deux trônes pour un seul monarque. Un huitième a appris ce jeu à Pau et le joue comme on joue la comédie à Carpentras. Vous avez la mesure. Un neuvième apporte quotidiennement ses jolies petites pièces de monnaie du faubourg Saint-Germain à ses adversaires d'outre-Seine, qui lui donnent depuis quelques années des leçons inutiles de prudence et de calcul. Un dixième, vif, impatient comme un valet de Beaumarchais, se qualifie de premier joueur de dominos des douze arrondissements ; tandis que tous ceux qui l'entourent, y compris le flegmatique amateur de la rue Cherche-Midi, lui disputent la palme.

A ce jeu si drôle, si amusant, si stupide et si gai à la fois, le -voisin croit toujours en savoir autant que le voisin. L'expérience a beau démontrer le contraire et classer les forces, chacun reste dans sa foi en dépit des leçons et de l'arithmétique des faits.

Ces parties de dominos, au café de la Régence, ne sont pas seulement amusantes par la variété des caractères des joueurs qui s'y réunissent ; elles le deviennent bien davantage encore par l'importance des conseillers et des jugeurs, oh ! ceux-ci, par exemple, je Vous les livre avec plaisir ; et vous avez un moyen sûr de ne pas perdre, c'est de faire le contraire de ce qu'ils vous indiquent. La guerre entre eux et les joueurs est des plus amusantes et des plus originales.

Au café de la Régence, point de ces chanteurs vagabonds qui peuplent tant d'autres lieux publics. Je ne veux pas dire pour cela que vous n'y entendiez aucune musique, au contraire. Il y a ici un chanteur infatigable, beau joueur d'échecs, à qui il serait impossible de prendre une Tour ou de sauver un Cavalier, s'il ne faisait pas suivre ses combinaisons, d'un air ancien, triste, rococo, que sa voix de linotte siffle perpétuellement. Ceci est un pacte conclu, une affaire faite. Cet air est une partie inhérente au joueur que je vous signale. Ne le grondez pas, ne lui en veuillez pas ; il est bâti avec cet air, comme vous êtes bâti avec votre nez au milieu du visage ou avec votre manie des calembours, ou votre haine de toute royauté, ou votre amour exclusif pour une seule femme, ou votre culte pour toutes. 
Cet air rococo, c'est tout l'homme indiqué ; si l'air tombe, l'homme est nul aux échecs. Accommodez-vous de cette charpente. M. La Bourdonnais ne parle-t-il pas sans cesse entre ses dents ?... La nature est capricieuse dans ses combinaisons. Soumettons-nous.

Avant le spectacle et après le spectacle, en entrant au Vaudeville ou aux Français, en sortant de ces deux théâtres, il est de bon ton de faire une pause au café de la Régence. On y entend juger les pièces, on y apprend les nouvelles de la journée, et le punch, les orgeats, les limonades et le lait y coulent à flots.

Minuit sonne, le gaz s'éteint ; on a là, sous sa main et sous ses pieds, les fiacres de la place du Palais-Royal, on rejoint sa demeure ; et, dans ses promenades aux Tuileries, ou ses visites aux théâtres voisins, chacun revient faire une station au café que je signale, pour tous les motifs que je viens d’énumérer : comptoir, échecs, dames, dominos et parfum de bonne compagnie.

Les journaux y abondent, vous pourrez y lire cet article... Si vous n'avez rien à faire.

J. ARAGO.

Les fiacres de la Place du Palais Royal vers 1830. Anonyme, Estampe, Musée Carnavalet, Histoire de Paris. Le bâtiment est le Château-d'eau détruit lors de la Révolution de février 1848. Voir la belle gravure ici.

Les mêmes fiacres au début du XXe siècle, sur une Place du Palais-Royal bien différente.

mercredi 9 décembre 2020

Le jeu d'échecs révolutionnaire


Durant la Révolution Française les joueurs d'échecs désertent le Café de la Régence, surtout à partir de 1793 et la Terreur qui commence. Le propriétaire des lieux est alors un dénommé François Haquin, successeur de Guillaume Rey mentionné par Diderot dans "Le neveu de Rameau".

C'est de cette période révolutionnaire que nous vient une célèbre anecdote apocryphe au sujet de Robespierre. Vous pouvez la découvrir ou la redécouvrir en lisant à ce sujet un de mes précédents articles sur une émission radiophonique en 1937 qui reprend quelques anecdotes sur le Café de la Régence et la période révolutionnaire.


Il est tout de même fort probable que Robespierre venait au Café de la Régence. Lui-même habitait un peu plus loin dans la rue Saint-Honoré. 

« Il ne venait presque plus personne à la Régence, raconte dans ses Souvenirs un des plus illustres « pousseurs de bois » d’Angleterre ; on n’avait pas le cœur à jouer et ce n’était pas gai de voir à travers les vitres passer les charrettes de condamnés dont la rue Saint-Honoré était le chemin. 
Robespierre que ce spectacle n’affligeait pas, à ce qu’il parait, était un des seuls qui y vinssent encore faire leur partie. Il n’était pas très fort, mais il faisait si grand-peur que même les plus habiles, quand ils jouaient avec lui, perdaient toujours. »


La rue Saint-Honoré de la Révolution à nos jours – Robert Hénard – Paris 1909

L'exécution de Robespierre - La Guillotine, symbole de la Terreur

Cette période révolutionnaire ne souhaite plus voir apparaître les noms de roi, reine etc.
Un vent de changement radical emporte le jeu d'échecs, les jeux de cartes etc.
Par exemple au théâtre :

« Il y a une scène dans le Bourru bienfaisant où celui-ci joue aux échecs. Baptiste Ainé jouant un soir ce rôle au théâtre de la République en pleine Terreur, s’oublia jusqu’à dire échec au roi
– Il n’y a plus de roi, s’écria un individu placé au parterre, on lui a coupé le cou le 21 janvier 
– C’est juste, dit Baptiste ; échec au tyran 
– À la bonne heure.  »

Souvenirs Thermidoriens – Georges Duval 1844 – Il s’agit de souvenirs durant la Terreur. 

Voici un texte étonnant qui propose donc de révolutionner le jeu d'échecs.
Il est signé de Louis-Bernard Guyton-Morveau, député et membre du Comité de Salut Public.


Source Retronews / Gallica
Gazette Nationale ou le Moniteur Universel – N°51, Primidi, 3ème décade de Brumaire, l’an 2 de la République une et indivisible (11 novembre 1793, vieux style)

« Sur le jeu des échecs

Sera-t-il permis à des Français de jouer à l’avenir aux échecs ? Cette question fut agitée, il y a quelques jours, dans une société de bons républicains, et il fut conclu, comme on devait s’y attendre, par la négative absolue.

Mais on demanda ensuite s’il ne serait pas possible de républicaniser ce jeu, le seul qui exerce véritablement l’esprit, et, proscrivant des noms et des formes auxquels nous avons juré une haine éternelle, de conserver ce chef-d’œuvre de combinaison qui le rend si piquant et que l’on ne peut se flatter de remplacer.

Voici les réflexions que j’ai faites sur cette seconde question et les résultats auxquels elles m’ont conduit. Tout le monde sait que le jeu d’échecs est une image de la guerre ; jusque-là rien qui répugne à un républicain, car il n’est que trop certain qu’un peuple libre doit toujours être prêt à soutenir sa liberté par les armes.

Ainsi, alors même que ce peuple renonce à en faire d’autre usage, que pour la plus légitime défense, il ne peut sans imprudence se dispenser d’avoir une force militaire et d’en ordonner, au moins de temps en temps, le rassemblement, pour l’exercer. Que ce rassemblement soit plus ou moins considérable, quelle que soit sa durée, on en manquerait l’objet si l’on n’y formait le simulacre d’un camp. 

Il paraîtra sans doute convenable de diviser momentanément ce camp en deux, composés chacun de troupes de toutes armes, qui se partageront et se rangeront sous deux drapeaux différents dont on sera convenu, pour figurer alternativement des attaques et des défenses.

Rien n’empêche encore que, dans cette lutte de pure émulation entre des frères, on ne convienne que l’enlèvement du drapeau soit le but et le signe de la victoire. Eh bien ! Il ne faut pas aller chercher plus loin : on trouve dans ces idées simples, et nullement étrangères aux habitudes que nous connaissons, les figures et les noms dont on a besoin, qui s’adapteront avec facilité à toutes les règles, à toutes les chances du jeu, et qui conserveront de plus une analogie que n’ont pas les anciens noms, dont le long usage a pu seul nous dérober la ridicule discordance avec les fonctions qu’ils indiquent.

Dans ce système, ce sera le jeu des camps, ou si on aime mieux, de la petite guerre. Le mot échec a une étymologie royale (1) ; c’en est assez pour le condamner à l’oubli, au moins dans l’acceptation de son dérivé immédiat. Le principal personnage sera le porte-parole, ou, pour mieux dire, le drapeau. 
Il ne sera pas difficile de donner à la pièce une forme convenable à cet attribut ; elle tiendra la place du ci-devant roi, et aura sa marche, très analogue à la condition de ne pouvoir échapper qu’à pas réglés ; tout ce qui l’entourera sera destiné à la protéger, lorsqu’on l’attaquera, on en avertira par ces mots : Au drapeau ; lorsqu’elle sera forcée, on criera : victoire ; lorsqu’elle sera enfermée, on dira : blocus, et la partie finira comme le pat.

Louis-Bernard Guyton-Morveau

Tout le reste va de suite pour organiser la représentation d’une armée en présence de l’ennemi. 
Je ne parle pas du général ; il n’est pas sur le casier, mais dans la tête de celui qui conduit la partie.
La pièce appelée si bêtement Reine ou Dame (2) sera l’officier-général ; pour abréger, l’adjudant. Les tours seront les canons, et l’on cherchera plus le rapport de leur mobilité avec leur dénomination. 
Roquer sera mettre un canon près du drapeau ; on l’annoncera en disant : Batterie au drapeau. 
Les fous représenteront la cavalerie légère, les dragons. Les ci-devant chevaliers étaient déjà descendus au rang de cavaliers. 

Les pions formeront l’infanterie, les fusiliers : quand ils auront enfoncé le camp ennemi jusqu’à se limite, au lieu de changer de sexe (3), leur nouvelle marche ne sera plus que l’image naturelle de l’élévation en grade d’un brave soldat.

Je laisse à juger si j’ai résolu le problème au gré de ceux qui désirent trouver dans le jeu un délassement qui ne soit pas le déguisement de l’avarice, je crois du moins avoir réussi à en écarter tout emblème, toute expression qui pourrait contraster avec les mœurs républicaines, et retracer cette absurde idolâtrie que les rois sont tout, que les hommes n’existent que pour eux, il faut la laisser aux esclaves assez stupides pour craindre celui qui n’est à craindre que par eux. 

Ils s’apercevront sans doute un jour que, comme les pions aux échecs, ils ne sont que de vils instruments dont jouent les tyrans, qu’ils ménagent ou qu’ils brisent au gré de leurs caprices.  

L.B. GUYTON-MORVEAUX 

(1) Schach mat, en persan, signifie le roi est pris.
(2) Quelques-uns font venir ce nom de Vierg, qui a servi à désigner un officier civil et militaire : Autun a eu un Vierg.
(3) Sicut virgo solet, dit un ancien poète latin »



Jeu d'échecs en porcelaine - Musée Russe de Saint-Pétersbourg
Merci à Olessya pour la photo !

Un parallèle intéressant peut être fait avec la Révolution Russe. Il est possible de voir au Musée Russe de Saint-Pétersbourg le jeu d'échecs ci-dessus qui fut fabriqué en plusieurs exemplaires.

En 1923, l'usine nationale de porcelaine de Petrograd fabrique ces échiquiers conçus par Natalia Danko pour promouvoir la lutte du prolétariat contre le capitalisme (Charmatni Listok - Page échiquéenne - n°15/16 avril 1923). Le prix de cet échiquier était de 3000 roubles somme importante pour l'époque (tout en sachant qu'en 1923 le champion de Russie du jeu d'échecs remporta un prix de 3200 roubles).
Seul les étrangers en voyage en Russie pouvait acheter un jeu pareil, avec comme objectif de transporter cette lutte révolutionnaire à l'étranger !

A la place des blancs se trouvent les rouges qui représentent la Révolution éclairée et le travail
Par exemple le Roi est un ouvrier, La Dame une paysanne, les Fous des soldats de l'armée Rouge etc.
Le monde du capitalisme s'y oppose. La mort représente le Roi, la Dame est une femme de mauvaise réputation tenant un sac rempli d'or, les fous sont des officiers de l'armée impériale Russe, et vous pouvez voir le prolétariat enchaîné qui est représenté par les pions. 

L'illustration - 10 mars 1928

Quelques années plus tard, le 10 mars 1928, le journal "L'illustration" publie une photo et un court article sur une nouvelle variante soviétique du jeu d'échecs...Le jeu d'échecs à la mode des Soviets !