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mardi 15 novembre 2022

Vente d'une lettre de Baudelaire

Alain Barnier m'a informé qu'une lettre manuscrite de Baudelaire avait été vendue aux enchères le jeudi 10 novembre 2022 à l'Hôtel Drouot. Cette lettre mentionne l'automate joueur d'échecs, ou plus exactement la nouvelle écrite par Edgar Poe à ce sujet, et elle a été adjugée à 3900 euros hors frais !
 
Le très connu portrait de Charles Baudelaire par Étienne Carjat.
 
En effet, Charles Baudelaire a traduit, entre autres, la fameuse nouvelle "Le joueur d'échecs de Maelzel" d'Edgar Poe.
 
Edgar Allan Poe, probablement pris en juin 1849, à Lowell, Massachusetts, photographe inconnu (Wikipedia).
 
Le joueur d'échecs de Maelzel est écrit en 1836 par Edgar Poe, la lettre manuscrite date du début de l'année 1862, et le recueil de nouvelles d'Edgar Poe avec la traduction de Charles Baudelaire, Histoires grotesques et sérieuses qui contient la nouvelle sur l'automate, est publié en 1864.
 

 

Le texte que m'a communiqué Alain Barnier est le suivant :

BAUDELAIRE Charles (1821-1867)

L.A.S. « Charles », Lundi soir [10 février 1862], à sa mère Madame Caroline AUPICK ; 3 pages in-8.
Baudelaire annonce à sa mère le retrait de sa candidature à l’Académie française
 
« Chère maman, AUSSITÔT que tu recevras cette lettre, monte dans mon cabinet, cherche les œuvres d’Edgar POE (le dos est vert olive), prends le quatrième volume, informe toi du moyen le plus rapide (Poste ou chemin de fer ? je crois que c’est la Poste ; mais la Poste n’admet pas les paquets fermés), et envoie le moi tout de suite. Cet exemplaire de Poe me coûte un prix fou, c’est te dire qu’il faut que ce quatrième volume soit enveloppé de telle façon que le trajet ne puisse l’abîmer en aucune façon ». Il en a besoin d’urgence « pour gagner immédiatement 200 francs. […] C’est pour un article intitulé l’Automate joueur d’échecs ».
 
Puis il parle de l’Académie française : « Il y a eu Jeudi dernier une tentative d’élection à l’académie. 13 tours de scrutin, et aucun résultat. Je viens de retirer ma candidature pour le fauteuil du Père Lacordaire, je t’assure que j’agis sagement. Je sais maintenant que je serai nommé, mais quand ? – Je ne le sais pas. Je t’embrasse et je te regarde comme mon seul salut et mon seul amour »... Il recommande de bien protéger « surtout les coins et aux angles du volume »... Correspondance (Bibl. de la Pléiade), t. II, p. 230. Ph. de Flers, Th. Bodin, L’Académie française au fil des lettres, p. 224-227.
 
Source Gallica - Édition de 1871
 
Il faut noter que la révélation publique du secret de l'automate Turc joueur d'échecs de Kempelen/Maelzel se fait très probablement pour la première fois en 1834 dans la revue "Le Magasin Pittoresque" en page 155.

 
La fin de l'article fait écho avec mon article sur l'Hôtel de l’Échiquier d'Aaron Alexandre.
 

(...) Du reste, plus d'un amateur du café de la Régence, et surtout du club des Échecs tenu par M. Alexandre, joueur très distingué, a dû être initié à ce secret : l'un d’eux même, si nous sommes bien informé, a dirigé quelques temps l'automate, et c'est à eux de juger de la justesse et de la vérité de notre explication. 

Le joueur en question est Jacques François Mouret, et je vous invite à lire l'article que lui consacre Dominique Thimognier sur son site Héritage des Échecs Français.

dimanche 25 septembre 2022

Match Paris-Londres par correspondance

Avec la rivalité entre les deux pays, la France et l'Angleterre, le fait de montrer sa supériorité par une joute intellectuelle comme le jeu d'échecs apparait comme étant d'une grande importance, surtout quelques années seulement après la cinglante défaite de Waterloo.

Le seul portrait connu à ce jour de La Bourdonnais - Le Palamède 1842

La première tentative d'un match par correspondance semble être à l'initiative des Français en fin d'année 1823, et plus particulièrement de la part de La Bourdonnais. Malheureusement le match n'aura pas lieu.
Il faudra attendre 1834 pour qu'une deuxième tentative aboutisse, avec une victoire totale des joueurs Français...

Voici quelques extraits de journaux de l'époque au sujet du match avorté. Détail intéressant, on y apprend qu'il existait alors à Paris un Cercle Philidor, au-dessus du Café de la Régence, à ne pas confondre avec le Cercle Philidor qui sera fondé dans les années 1880 à Paris et qui subsistera jusqu'à la deuxième guerre mondiale.
 
La Bourdonnais est appelé "le second joueur d'échecs de Paris" par les Anglais, le premier étant Alexandre Deschapelles qui se retira peu de temps après des échecs, pour revenir en 1836.


14 février 1824 Journal des débats - Retronews

Le club des échecs de Paris a invité le club des échecs de Londres à jouer une partie. L'enjeu est de 50 guinées. Deux comités de cinq membres dirigent les opérations de cette guerre pacifique. Les mouvements sont transmis d'une capitale à l'autre par la poste.
 
Le Journal des débats est alors un peu en retard sur l'actualité, car en fait le match est déjà annulé, comme on l'apprend dans Le Pandore du 23 février 1824.
 


GUERRE ENTRE LA FRANCE ET L'ANGLETERRE.
 
Quoique la politique nous soit interdite, nous osons annoncer avec assurance que la guerre s'est rallumée entre la France et l'Angleterre. Le Courrier anglais avait déjà parlé du défi porté par le club des Échecs de Paris, nommé le Cercle de Philidor, au Chess-club de Londres; les mouvements devant être transmis par la poste ou par courriers extraordinaires.
 
Le défi a été accepté, et cinquante guinées ont été déposées pour l'enjeu. Mais il parait que la discorde s'est introduite dans le Cercle de Philidor, qui est sur le point d'être dissous. En conséquence , M. de la Bourdonnaye , qui est le second joueur d'échecs de Paris (second player in Paris), a rompu la gageure.
Deux parties devaient être jouées en même temps ; les Français enraient eu le premier coup dans l'une, et les Anglais dans l'autre ; et l'on a calculé que, si les coups étaient transmis par la poste , ces deux parties auraient duré environ un an. 

Un enthousiaste des échecs du club de Londres a prétendu que l'honneur national était compromis dans une telle affaire , et que les ministres devraient rétablir les communications télégraphiques entre les deux pays pour cet objet spécialement.
Ce projet abrégerait considérablement la durée de ces parties, et ne coûterait aux deux pays que la bagatelle de dix mille livres sterlings ( 250,000 francs). 

Et finalement le club de Londres jouera un match contre un cercle Écossais comme nous l'apprend un journal Britannique parmi d'autres.


13 mai 1824 – Devizes and Wiltshire Gazette - Article que j'ai partiellement traduit en Français

Nous avons indiqué il y a quelque temps que le Club d'échecs de Paris, appelé le Cercle de Philidor, avait lancé un défi au Club d'échecs de Londres pour toute somme que ce dernier pourrait désigner ; les coups devaient être transmis soit par la poste, soit par des courriers extraordinaires.
Le London Chess-Club accepta le défi, nomma un comité de ses propres membres pour diriger les coups, et proposa que la mise soit de 50 guinées par partie. Une réponse fut renvoyée par M. Labourdonnaye, le premier joueur d'échecs de Paris, qui envoya le défi de la part du Club français, déclinant le match, au motif que le Cercle de Philidor était sur le point de se dissoudre.
 
En 1836, La Bourdonnais lance son journal d'échecs Le Palamède, et un des tous premiers articles qu'il rédige est consacré justement au match entre Paris et Londres par correspondance, match commencé deux années auparavant en 1834. La Bourdonnais nous parle également des évènements de la fin d'année 1823. 
 
Le Palamède 1836

UN DÉFI PAR CORRESPONDANCE.
 
On a beaucoup entendu parler de ces interminables parties d'échecs qu'on se léguait eu mourant, en Espagne surtout ; aussi, plusieurs fois on est venu me demander s'il était vrai que j'eusse accepté de continuer une partie par correspondance commencée par Philidor il y a soixante ans. A diverses époques, de forts amateurs d'échecs, séparés par de grandes distances, ont effectivement joué par lettres. 

En 1821, quelques amateurs formèrent un cercle au-dessus du café de la Régence, et le nommèrent cercle de Philidor. M. Deschapelles en était le président , et moi le secrétaire. Nous envoyâmes un défi au club de Londres, laissant nos adversaires maîtres de fixer la somme qu'ils voulaient engager. Les Anglais nous répondirent au bout de trois mois. Dans l'intervalle, quelques divisions s'étaient glissées dans notre cercle, dont le local était trop rétréci. Nous nous trouvâmes dans la nécessité de suspendre le défi. Les journaux anglais s'étaient beaucoup occupés de cette petite guerre ; dès qu'ils virent qu'elle ne s'engageait pas, ils dirent que probablement les Français avaient craint une seconde journée de Waterloo. 

Alors je me décidai à partir pour l'Angleterre, et bien qu'à cette époque je ne fusse regardé que comme de seconde force en France, je donnai un défi à tous les joueurs d'Angleterre. Ils acceptèrent et furent battus.
 
Il y a deux ans, un club d'échecs de Paris a proposé un défi à un club de Londres ; le défi a été accepté, et l'une des parties, la première, a déjà été perdue par les Anglais; l'autre continue, et nous parait belle. Le défi ne se compose que de deux parties. MM. Boncourt, Saint-Amant, Alexandre et Cbamouillet ont supérieurement conduit le jeu français. 
 
Voici les deux parties de ce match entre Paris et Londres, match commencé en 1834 et achevé en 1837 par deux victoires.La partie où Paris est le joueur en second est particulièrement intéressante d'un point de vue historique.C'est en effet après cette partie que la partie du pion Roi un pas devient la partie Française...
Une défense particulièrement appréciée par le joueur Jacques François Mouret qui en était le promoteur. 
 
La première partie est commentée par La Bourdonnais, et la seconde par Saint-Amant, dont les commentaires sont particuliers :-)


[Event "Correspondance"] [Site "?"] [Date "1834.??.??"] [Round "?"] [White "Londres"] [Black "Paris Cercle des Echecs"] [Result "0-1"] [ECO "C01"] [Annotator "de la Bourdonnais"] [PlyCount "54"] {A noter qu'en fait le club de londres avait les noirs et le trait. Pour une lecture moderne de la partie je leur donne les blancs - JOL.} 1. e4 e6 2. d4 d5 3. exd5 exd5 4. Nf3 Nf6 5. Bd3 c5 6. Qe2+ {Ce coup de la part des blancs est une faute. Cet échec fait sortir une pièce aux noirs et place la dame devant le roi, position souvent dangereuse.} Be7 7. dxc5 O-O 8. Be3 {Les blancs, en jouant ce coup, veulent défendre le pion qui a pris le gambit de la dame, et cette défense est très dangereuse; ils auraient mieux fait de roquer et d'abandonner le pion.} Re8 9. Bb5 {Ce coup est très mal joué, il ne sert qu'à faire dégager le jeu de son adversaire.} Nc6 10. Nd4 {En portant à cette case leur cavalier, les blancs pensent gagner un pion ou forcer les noirs à un coup de défense; ils se trompent de nouveau, les coups suivants vont le démontrer} Bxc5 11. Bxc6 {Si les blancs avaient pris le cavalier avec leur cavalier, les noirs n'auraient pas dù reprendre, mais porter leur dame à la troisième case de son cavalier; par ce coup, ils auraient repris leur pion avec une excellente position.} (11. Nxc6 Qb6 $1) 11... bxc6 12. c3 {Les blancs ne peuvent prendre le pion avec leur cavalier, car s'ils le faisaient, les blancs, en jouant leur dame à la 3è case de son cavalier, gagneraient une pièce} (12. Nxc6 Qb6 $1) 12... Bxd4 13. cxd4 c5 14. Qd3 {C'est ici que l'on peut voir combien la position de la dame blanche devant son roi était dangereuse. Les blancs, sur ce coup, en portant leur dame à sa 3è case, jouent encore fort mal; elle eût été mieux placée à sa deuxième case.} Qb6 15. O-O Ba6 16. Qb3 Qxb3 17. axb3 Bxf1 18. Kxf1 Ng4 19. dxc5 Nxe3+ 20. fxe3 Rxe3 21. Nd2 Rae8 22. b4 Rd3 23. Rxa7 {Les blancs, en prenant ce pion et en abandonnant leur cavalier, terminent par une faute grave une partie fort mal jouée dès le début. S'ils voulaient continuer la partie qu'ils devaient perdre infailliblement, il fallait conserver ce cavalier; en le perdant, ont-ils cru pouvoir conduire à dame leurs pions, c'est difficile à croire; il s'est toujours écoulé quinze jours entre chaque coup de cette partie, et il ne faut pas quinze minutes pour voir que les noirs arrêteront facilement les pions des blancs dans leur marche, et resteront avec une tour de plus. Au reste, si toutes les parties par correspondance devaient être jouées ainsi, il faudrait renoncer à ce mode, car cette partie n'est certainement pas un modèle, et ne peut faire faire aucun progrès au jeu; cependant elle a duré près de deux ans.} Rxd2 24. b5 Rxb2 25. b6 d4 26. b7 d3 27. Ra8 Kf8 {Dans cette position, le club de londres a abandonné la partie comme perdue.} 0-1 [Event "Correspondance"] [Site "?"] [Date "1834.??.??"] [Round "?"] [White "Paris Cercle des Echecs"] [Black "Londres"] [Result "1-0"] [ECO "C56"] [Annotator "Saint-Amant"] [PlyCount "78"] 1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Bc4 {Il y a eu hésitation pour savoir si nous ne jouerions pas le pion de la reine deux pas. C'est un sacrifice momentané qui amène une belle attaque, et dont un exemple se trouve dans les parties jouées il y a quinze ans entre Londres et Edimbourg.} Bc5 4. c3 {Ici se présentait l'occasion de jouer la partie inventée par un Anglais d'une force remarquable, le capitaine Evans. Elle consiste à sacrifier le pion du cavalier de la reine. On retrouve au moins l'équivalent de ce pion dans les avantages de la position quand on joue contre un adversaire qui ne connait pas bien la défense. Ici ce n'était pas le cas.} d6 5. d4 exd4 6. cxd4 Bb6 7. h3 {Le coup a été fortement critiqué par les supériorité d'Angleterre. Nous avons été accusés de jouer un coup de défense, lorsque, ayant eu le trait, nous devions pousser vivement l'attaque. Il est très vrai que c'est un coup de prévoyance; mais on est souvent obligé d'aiguiser ses armes dans l'ombre pour amener les coups qu'on doit porter plus tard jusqu'au coeur de son ennemi. En poussant ce pion de la tour du roi, on évite l'arrivée du fou de l'adversaire, qui, venant se poser à la quatrième case du cavalier de votre roi, gêne votre jeu en forçant trois ou quatre coups de défense, qui font nécessairement diversion à l'attaque et changent momentanément les rôles. Du reste, les blancs n'ont pas eu un seul moment à se repentir d'avoir poussé ce pion, et ils attendent encore la démonstration de la critique un peu hasardée dont on les a poursuivis jusque dans les journaux anglais.} Nf6 8. Nc3 O-O 9. O-O Re8 10. a3 h6 11. Re1 a6 12. b4 Re7 {Sans chercher à blâmer ceux que nous devons nous contenter de gagner, il est permis de trouver ce coup assez faible. Il est la perte bien réelle de deux temps, car cette même tour devra s'en retourner au quinzième coup lorsqu'elle sera attaquée par le cavalier des blancs. On peut considérer ce ocup comme un de ceux qui ont contribué à donner mauvais jeu aux noirs. Cette partie française ne sera pas perdue comme l'autre par de grosses fautes. Les nuances sont ici plus délicates, aussi la partie sera-t-elle toujours plus remarquable que la partie anglaise.} 13. Ra2 Ba7 14. Rae2 Nh7 15. Nd5 Re8 16. Nf4 Ng5 17. Qb3 Ne6 18. Nxe6 fxe6 19. Bb2 Nb8 {Rentrer ainsi dans son jeu parait encore une perte de temps, puisque ce cavalier reviendra au vingt-deuxième coup occuper la case qu'il vient d'abandonner au dix-neuvième. Peut-être aussi est-ce une nécessité cruelle imposée par la position. Les noirs doivent craindre de voir pousser le pion de la reine, qui forcerait le pion de leur roi et donnerait une entrée dangereuse dans le jeu.} 20. a4 Bd7 21. Qc2 Re7 22. Ba2 Nc6 23. Bc3 Rf7 24. d5 Rxf3 25. dxe6 Qh4 26. exd7+ Kh8 27. Be6 {Il est évident qu'en prenant la tour avec le pion du cavalier du roi on gagnerait la pièce; mais alors les nours avaient la remise en donnant échec au roi à la sixième case du cavalier de leur roi. Ayant une tour de moins, ils se contentaient forcèment de cet échec perpétuel. Ils n'en eussent pas moins perdu le défi, puisque nous avions gagné l'autre partie; mais l'amour-propre était moins froissé. Ce sentiment, qui leur faisait désirer une défaite plus prompte mais moins complète, nous a empêché d'y consentir. Notre partie étant encore meilleure que celle de nos adversaires, nous avons voulu combattre et remporter une pleine victoire. Négligeant donc la question financière, nous montrons l'ambition de gagner les deux parties. Jusqu'à présent les chances sont belles, et, sans trop de présomption, on peut se flatter de voir le succès couronner la noblesse de l'intention. Il n'y a pas eu unanimité parmi les actionnaires sur la manière d'apprécier la conduite de la commission. Si la responsabilité doit peser plus particulièrement sur un membre de la commission, l'auteur de cet article ne la décline pas; il a été conséquent avec l'esprit dans lequel il a toujours envisagé le défi: secondaire sous le point de vue pécuniaire (quoiqu'il soit le plus fort actionnaire), mais essentiel surtout comme suprématie nationale.} (27. gxf3 Qg3+) 27... Qg3 28. Ba1 Raf8 29. Bf5 Bb6 30. Qd2 Rf4 31. Rc1 Qg5 32. Kh1 Rxf2 {On reprend le pion qu'on avait de plus; mais on le regagnera plus tard, et en attendant, on a fait doubler le pion du cavalier, ce qui sera un grand désavantage pour les noirs.} 33. Qxg5 hxg5 34. Rxf2 Bxf2 35. b5 {La partie en est là aujourd'hui. Nous attendons la réponse à notre trente-cinquième coup. Notre jeu est très beau; il n'y a qu'une distraction qui puisse le compromettre. Dans les exercices que font les divers amateurs en jouant entre eux cette partie, c'est presque toujours le jeu des blancs, même dirigé par une force inférieure, qui gagne la partie. Aussi dans notre camp est-on plein de confiance, et les actions sont considérablement à la hausse. On peut espérer la solution dans une quinzaine de coups, ce qui fera encore une année, et comme nous commençâmes en février 1834, si nous ne terminons qu'au printemps 1837, ce sera un peu plus de trois ans. On sent bien que de pareilles parties ne peuvent se recommencer tous les jours. En voilà sans doute pour quelques années, et ce seront nos neveux qui offriront la revanche. Il est un témoignage que nous nous plaisons à rendre publiquement à nos adversaires, c'est qu'ils ont été très beaux joueurs et que nos rapports avec eux nous ont été extrêmement agréables. Notre courtoisie n'a pas dégénéré depuis cent ans, et l'esprit révolutionnaire des deux pays ne leur a pas fait négliger les procédés chevalresques de leurs ancêtres dans cette seconde bataille de Fontenoi. Saint-Amant} axb5 36. axb5 Nd8 37. Rxc7 Kg8 38. Bg6 Bb6 39. Rc8 Ne6 { le club de Westminster a laissé passer le délai fixé pour répondre, nous devons croire qu'il a abandonné la seconde partie, qui était au reste dans un état désespéré} 1-0

lundi 29 août 2022

Courte référence à Deschapelles en 1810 au Café de la Régence

Les mentions de Deschapelles, véritable successeur de Philidor, sont rares, et chaque découverte, aussi minime soit-elle, est une satisfaction personnelle :-)
Si vous ne connaissez pas Deschapelles, vous trouverez ici une courte biographie le concernant.
Et dans le livre du centenaire de la FFE j'ai rédigé un article dédié à Deschapelles, en m'appuyant essentiellement sur les recherches de Pierre Baudrier.
 
Le seul portrait de Deschapelles connu à ce jour.
Auteur inconnu — Tiré du livre de Robert Czoelner, 
"Alexandre Honoré Deschapelles :The French king of chess"

Pour reprendre l'expression utilisée au XIXe siècle par les joueurs d'échecs, Deschapelles fait partie de la "trinité des joueurs Français" avec Philidor et La Bourdonnais. Trois joueurs qui assurent la domination des français au jeu d'échecs de la deuxième moitié du XVIIIe siècle à 1840 (13 décembre 1840 - Décès de La Bourdonnais).

Ainsi, je suis tombé par hasard sur un texte de quelques lignes qui mentionne Deschapelles au Café de la Régence en 1810, même s'il faut lire entre les lignes...
 
Source Gallica

Tablettes d'un voyageur au commencement du XIXe siècle.

Par Auguste Hus, Paris 1810  

(...) M'endormant avec l'idée de Paris, je crus déjà y être arrivé; et comme j'aime beaucoup les échecs, je m'imaginais être transporté au café de la Régence, fameux par ce jeu allégorique des Indiens.
Ce café est la métropole des échecs, de ces échecs, seul jeu qui puisse flatter l'amour-propre d'un homme d'esprit, que Voltaire se désolait de ne pas jouer aussi bien que le père Adam, capucin; que Rousseau jouait si mal, qu'il passait au café de la régence pour une mazette...
Cela peut consoler d'être faible aux échecs...
Philidor, qui est le Dieu de ce café, a pour successeur M. Villiams (*) grand maître des échecs.
Ses acolytes, presque aussi forts que lui sont le géomètre Dun..., homme d'esprit, mais qui parle quelquefois musique comme un géomètre; M. Mour..., homme aimable, ainsi que M. Bonc.... (**) , très fort aussi.
Ce café, depuis qu'il a été fréquenté par Rousseau et Diderot, attire beaucoup de gens de lettres et d'esprit.
Parmi les personnes qui composent la partie littéraire de ce café dans les courts moments que leurs occupations leur permettent de venir humer le moka célèbre qu'on y trouve (...) (***)

(*) L'auteur cite un certain "Villiams". Il s'agit en fait de Deschapelles.
Voici ce qu'il dit de lui-même - cité dans l'article nécrologique sur Deschapelles écrit par Saint-Amant dans Le Palamède de novembre 1847
«(…) j'inscrivis sur le registre Philiam, c'était le nom d'un petit chien qui m'accompagnait. On estropia depuis ce mot, car c'est sous le nom de William que je fus introduit.
Depuis, on m'a longtemps appelé de ce nom ; fort indifférent à la gloire de remuer mieux qu'un autre de petits morceaux de bois, je ne réclamai pas contre le sobriquet. (…) ».

(**) L'auteur du texte abrège les noms. Il est néanmoins possible d'en reconnaitre 2 sur les 3 cités.
Mou... correspond très probablement de Jacques-François Mouret, petit-neveu de Philidor, et un des animateurs du turc mécanique joueur d'échecs.
Bon... est sans doute Hyacinthe Boncourt
Par contre je ne vois pas qui est Dun...

(***) On boit donc un excellent café à la Régence à cette époque !
La suite du texte se poursuit avec une liste d'hommes de lettres qui fréquentent alors le Café de la Régence.

dimanche 14 octobre 2018

Les mystères du Café de la Régence - numéro 4

L'automate turc joueur d'échecs a-t-il joué au Café de la Régence ?
Cette question est actuellement sans réponse...
Mais voici quelques informations à ce sujet.

Dans le 1er tome de mon livre, je consacre pas mal de place au fameux automate Turc joueur d'échecs, créé par Von Kempelen, puis acheté par Maelzel.
La raison en est simple : plusieurs animateurs de cet "automate" étaient des joueurs d'échecs de première force du Café de la Régence. Le plus célèbre d'entre eux se nommait Jacques François Mouret, qui n'était autre que le petit-neveu de Philidor.

On trouve trace du Turc à Paris, non loin du Café de la Régence. Par exemple en 1800 :


Courrier des Spectacles – Journal des théâtres et de littérature – Paris, 18 germinal an VIII de la République (8 avril 1800)


« Rue des Poulies , Place du Louvre, vis-à-vis la Colonnade, N°211 - Automate qui joue aux Échecs et aux Dames. C’est un Turc bien costumé : sa figure est en cire, bien expressive ; ses mouvements imitent la nature. Il joue avec le premier venu, et il se fâche lorsqu’on joue contre les règles. Cet amusement intéressant attire bien du monde.»

Cette adresse (Rue des Poulies) n’existe plus, et se trouvait à une centaine de mètres du Café de la Régence.

Dans le 1er tome de mon livre sur l'histoire du Café de la Régence, j'indique ceci :

« À ma connaissance, il n’existe pas de parties jouées à Paris par l’automate Turc qui aient été conservées. Par contre un recueil de celles-ci existe pour les parties jouées à Londres en 1820 : Fifty Games played by the Automaton Chess-Player, during its exhibition in London in 1820 - William Hunnemann.

Voici un extrait de la préface (de ce livre).

« Depuis le commencement de ses exhibitions en février dernier, l’Automate Joueur-d’Échecs a joué (donnant pion et trait) près de trois cents parties, desquelles il n’en perdit que six. Ce fait est essentiel, et le lecteur trouvera dans beaucoup des parties suivantes, la preuve de sa très grande habileté.

(…) Sans vouloir choquer les admirateurs de Philidor, il est possible d’affirmer que l’Automate Joueur-d’Échecs a, dans le cadre de ces démonstrations actuelles, joué des parties que le Maître aurait égalées, sans pouvoir les exceller.  »


L’auteur est dithyrambique sur le niveau de jeu de Mouret. Celui-ci joue quasi invariablement e7-e6 contre le premier coup e2-e4, ce qui est rare à l’époque. Il s’agit de la Défense Française, alors appelée la Partie du Pion du Roi un Pas et dont il est un fervent adepte. Nous verrons dans un prochain chapitre que Mouret réussit à convaincre le comité de Paris d’utiliser en 1834 cette défense lors de la partie avec les noirs dans le match par correspondance contre Londres . 

Les parties sont données sans commentaire dans ce livre et nous n’avons en général que la première et la dernière lettre du nom de l’adversaire de l’automate. Par exemple, celle que je donne ci-après mentionne un certain Mr C******E. En fait il s’agit de John Cochrane, un des plus forts joueurs anglais de l’époque, qui viendra en 1821 jouer un match triangulaire à Saint-Cloud, à côté de Paris, contre Deschapelles et La Bourdonnais. »


Ci-dessous vous trouverez la 18ème partie de ce livre, entre John Cochrane et Jacques François Mouret (Alias l'automate Turc joueur d'échecs).
Le recueil contient d’autres parties opposant ces deux joueurs. On voit parfaitement le jeu entreprenant de Mouret dans cette partie, même si son adversaire, dans une position supérieure, commet une gaffe terrible au 28ème coup. Il abandonne le pion en e5 et perd ensuite le Cavalier en d6.
Notez que le Turc rendait le pion en f7, ainsi que le trait à son adversaire.


[Event "Londres 1820"] [Site "?"] [Date "1820.??.??"] [Round "18"] [White "Cochrane, John"] [Black "Automate Turc joueur d'échecs"] [Result "0-1"] [SetUp "1"] [FEN "rnbqkbnr/ppppp1pp/8/8/8/8/PPPPPPPP/RNBQKBNR w KQkq - 0 1"] [PlyCount "68"] 1. e4 e6 2. d4 c6 3. f4 d5 4. e5 c5 5. Nf3 Nc6 6. Bb5 Bd7 7. Bxc6 bxc6 8. O-O cxd4 9. Nxd4 c5 10. Nf3 Nh6 11. Nbd2 Qb6 12. Kh1 a5 13. a4 c4 14. b3 Ng4 15. Qe2 Bc5 16. h3 Nf2+ 17. Kh2 c3 18. Nb1 Ne4 19. Ng5 Nxg5 20. fxg5 d4 21. Na3 O-O-O 22. Nc4 Qa7 23. Ba3 Rhf8 24. Bxc5 Qxc5 25. Nd6+ Kb8 26. Qe4 Bc6 27. Qe2 Ka7 28. Qc4 Qxe5+ 29. Kh1 Qxd6 30. Qd3 Qd5 31. Qe2 e5 32. Qg4 e4 33. Rf4 Rxf4 34. Qxf4 e3 0-1

samedi 7 novembre 2015

Chapitre 13 – 1844 à 1849 La fin de la Monarchie de Juillet

русский перевод

Contenu du chapitre 13

Les membres du Cercle des Échecs de la Régence par Alphonse Delannoy – Un manuel d’échecs signé Claude Vielle, propriétaire du Café de la Régence – Kieseritzky s’affirme comme le plus fort joueur de la Régence – Les échecs en vogue à Paris – 50 parties jouées au Cercle des Échecs et au Café de la Régence – Les inventions de Kieseritzky – Aménagements de la Régence – Le Roi Louis-Philippe et les échecs – Décès de Deschapelles – La Révolution de février 1848 – Saint-Amant sauve les Tuileries – Le choléra ravage Paris – Match historique entre le Café de la Régence et le Cercle des échecs de la Régence

Février 1848. Les combats font rage sur la Place du Palais-Royal.
Une barricade se trouve à l'angle de la Place et de la rue Saint-Honoré.
Sur cette gravure vous pouvez voir :
Au centre de la gravure, d'où partent des coups de feu, le Château-d'Eau, défendu par l'armée, et qui sera totalement détruit par la population.
Le grand bâtiment sur la droite, et qui surplombe le Château-d'Eau, est celui où Saint-Amant possède son magasin de vins, rue Saint-Thomas du Louvre.
Et sur la droite, vous apercevez le nom "Café de la Régence".

Louis-Philippe, Roi des Français, avait quelques liens avec le jeu d'échecs et les joueurs de la Régence.
Ses enfants recevaient quelques années auparavant des leçons d'échecs de Jacques François Mouret (Paris, 22/08/1787 - Paris, 09/05/1837), ancien animateur de l'automate Turc joueur d'échecs.
Un de ses espions n'est autre que le plus grand joueur d'échecs du début du XIXe siècle en la personne de Deschapelles (qui décède à Paris le 27 octobre 1847 après une longue agonie).
Ce même Deschapelles qui fournit la table du Roi avec ses melons, les meilleurs de Paris.
Enfin, Saint-Amant, directeur du Palamède rend visite en 1847 au Roi qui est abonné à sa revue.
Il faut dire que le Palais des Tuileries est à proximité de son magasin de vente de vins de Bordeaux.

Voici un texte publié dans Le Palamède en mars 1847.

« Le directeur du Palamède  se trouvant commander le poste du Drapeau de la garde nationale  au palais des Tuileries, a fait prier le roi de lui accorder quelques instants d’entretien, pour lui présenter le dixième volume du Palamède, dont il est l’abonné depuis la fondation. Sa Majesté a souscrit à ce désir avec une grâce parfaite, l’accompagnant des paroles suivantes :

« J’ai beaucoup aimé le jeu des Échecs ; mais je n’ai plus de temps à lui accorder. Je n’en vois pas moins avec plaisir celui qui jouit aujourd’hui d’une si haute réputation dans un jeu moral et qui honore l’intelligence. Vous avez raison de le dire : tous les empiètements de ce noble délassement sur les autres jeux, surtout sur les jeux de hasard, sont des conquêtes dont il est permis de s’enorgueillir ».

Et, reprenant ensuite en anglais : « Vous allez retourner prochainement en Angleterre, et vous trouver dans ces chess-meetings, si remarquablement composés. Je vous en fais mon compliment et vous félicite du développement que vous avez su donner au côté sérieux de la question, celui de rapports affectueux et bienveillants avec l’étranger ».

Et après avoir bien voulu nous permettre de lui répondre aussi en anglais, quoique nous parlions également cette langue moins bien que Louis-Philippe, le roi a ajouté en français :
« Monsieur Saint-Amant, croyez que j’apprécie les bons sentiments que vous m’offrez en votre nom, comme en celui de la compagnie que vous commandez. Je les recevrai toujours avec plaisir ».

Le roi parait jouir d’une santé parfaite, et tant qu’a duré cet entretien, seul à seul avec Sa Majesté, tout respirait dans sa voix et sa physionomie, la bonté et le contentement. Il est impossible, sans l’avoir éprouvé soi-même, de se faire une juste idée de tant de simplicité et de royale bienveillance.

En août 1830 nous étions au nombre des délégués des départements qui félicitèrent Louis-Philippe sur son avènement constitutionnel au trône. Depuis, nous ne lui avions rendu que des devoirs officiels. Cette fois-ci nous avons saisi l’occasion d’exprimer personnellement nos sentiments au chef de l’état ; les Échecs, et non la politique, en ont fait tous les frais.  »




Nous retrouvons Saint-Amant fin février 1848 lors de la Révolution qui chasse Louis-Philippe et qui va aboutir à la deuxième République.
Saint-Amant est officier de la Garde Nationale et le gouvernement provisoire lui confie la mission d'aller sauver les Tuileries du pillage.

jeudi 10 septembre 2015

La maison natale de Philidor

Profitant d'un peu de temps libre, je me suis rendu dernièrement à Dreux afin de voir la maison natale de Philidor.

Dreux est situé à environ 80 kilomètres dans l'ouest de Paris.


Curieusement sur internet je n'ai pas trouvé de photo de cette maison de Philidor.
Si ce n'est la carte postale qui date des années 1920 / 1930, trouvée sur le site "Delcampe".


La maison existe toujours à Dreux. Mais elle est habitée et n'est pas visitable.
D'ailleurs rien n'indique à l'extérieur qu'il s'agisse de la maison de Philidor.
Une nouvelle fois il est dommage de ne pas trouver une indication dans ce sens (je pense par exemple à l'absence de signalisation sur la façade du 161 rue Saint-Honoré à Paris, pour le Café de la Régence).

La maison natale de Philidor se trouve dans le parc de la Chapelle Royale de la famille d'Orléans.


Heureusement, Philidor a une rue à son nom à Dreux.
Notez l'échiquier sur le blason de la ville. Est-ce un lien avec le jeu d'échecs ?
Je ne le pense pas.

  

Du coup je me demande si le blason sous le buste de Philidor à l'Opéra Garnier n'est pas le blason de la ville de Dreux et non un échiquier ?


Du bas de la rue Philidor il est possible de voir sa maison sous un autre angle.


A deux pas de la maison de Philidor, vous trouvez donc la sépulture des membres de la famille d'Orléans dans la Chapelle Royale de Dreux, .
Et notamment celle de Louis-Philippe qui accède au pouvoir après les Trois Glorieuses journées de juillet 1830.


Pour l'anecdote : 
C'est sous Louis-Philippe que je situe l'âge d'or du Café de la Régence.
Ses enfants prenaient des cours d'échecs avec Jacques Mouret, très fort joueur d'échecs, petit-neveu de Philidor et ancien animateur du Turc "automate" joueur d'échecs.
Retrouvez une courte biographie de Jacques Mouret en suivant ce lien sur le site "Héritage des Échecs Français".
Saint-Amant mentionne que le Roi était abonné à la revue d'échecs "Le Palamède" dont il était le directeur.
Et Deschapelles, qui possédait des cultures dans le quartier de la Courtille (dans le bas de Belleville à l'est de Paris), approvisionnait la table de Louis-Philippe avec ses célèbres melons réputés pour être les meilleurs de Paris.