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jeudi 13 juillet 2023

Eventail publicitaire du Café de la Régence

Merci à Alain Barnier qui m'a fait parvenir une photo d'un éventail du Café de la Régence.
Celui-ci a été mis en vente sur le site Interencheres fin mai 2023 parmi un lot de plusieurs éventails divers.
 
Lot d'éventails dont Café de la Régence et dans le goût du XVIIIe 
Estimation 30 - 50 euros
Adjugé à 160 euros sur Interencheres
 
 
J'ignorai que ce type d'objet publicitaires avaient été conçus pour le Café de la Régence, mais on en apprend tous les jours !.
 
Pour la datation de l'éventail nous avons quelques pistes pour avoir une fourchette de dates.
Deux éléments peuvent nous aiguiller :

Tout d'abord l'adresse indiquée "161-163 rue Saint-Honoré" indique quelque chose de postérieur à 1903.
En effet, en 1903 le Café de la Régence change de propriétaire et le 161 rue Saint-Honoré absorbe le Café du Sport situé au 163 rue Saint-Honoré.
Ensuite la dénomination "Café Restaurant de la Régence" n'est plus la dénomination du lieu après le début d'année 1922 et l'arrivée de Pierre-Octave Brun. Il changera le nom pour l'appeler plus sobrement "La Régence".
 

Conclusion : je pense que cet éventail est à dater entre 1903 et 1921 période durant laquelle c'est Lucien Lévy qui fut propriétaire des lieux.

Le Café du Sport situé au 163 rue Saint-Honoré 

Le site internet de la BHVP indique
Date attribuée d'après le cachet de la poste : 16 août 1908
Mais c'est une certitude que celui-ci disparait en 1903.

A noter qu'on peut voir sur la gauche de la photo la mention"LA REGEN"

Il est étonnant de voir deux café l'un à côté de l'autre.
En tout cas, le Café du Sport est absorbé par le Café de la Régence en 1903 comme l'indique par exemple Alphonse Goetz dans le 2ème numéro des Cahiers de l’Échiquier Français de 1930.
 
 
Le Café de la Régence, (…) était encore à cette époque le vrai café de style français. J’en connaissais le prototype d’après maint ancien café de ma ville natale, par exemple le Café Bauzin, sur la place de Broglie . Une imposante terrasse, une grande façade vitrée, l’intérieur blanc et or, la caisse installée sur le côté droit de la pièce principale, là où maintenant le mur a été percé pour l’absorption du Café des Sports (1903). Les tables du fond ainsi que celles de la salle couverte et surélevée, la salle de billard, étaient réservées aux joueurs d’échecs.

samedi 3 juillet 2021

Naissance de l’association des échecs du Palais-Royal et fin de l'U.A.A.R.

L’année 1918 est critique pour les échecs au Café de la Régence. Un désaccord profond avec le propriétaire des lieux, Lucien Lévy, entraîne la fuite des joueurs d’échecs. Voir les deux articles que j’ai consacrés à ce sujet (il y a presque 10 ans !) : premier article et deuxième article

Le Journal Officiel du 7 septembre 1918 indique 

Source : Gallica

« UNION AMICALE DES AMATEURS D’ÉCHECS DE LA RÉGENCE. Association. Groupement d’amateurs d’échecs. Siège à Paris, Café de l’univers, rue Saint-Honoré, 159. 4 septembre 1918 ».

L’UAAR. fusionnera avec l’association LES ÉCHECS DU PALAIS-ROYAL créée quelques mois auparavant en juin 1918 également au Café de l’Univers (peut-être par des joueurs dissidents déjà partis du Café de la Régence ?!). Voici un autre extrait du Journal Officiel du 7 juin 1918.

Source : Gallica

« Date de la déclaration : 5 juin 1918
Titre : Les Échecs du Palais-Royal (association amicale)
Objet : groupement d’amateurs d’échecs
Siège social : café de l’Univers, 159, rue Saint-Honoré  »

L’association des Échecs du Palais-Royal quittera le Café de l’Univers en 1920 (je ne connais pas la date exacte) pour se retrouver au Café de la Rotonde dans le jardin du Palais-Royal. Le Café de la Régence ne sera plus que l’ombre de lui-même pendant près de 10 ans, avant le retour d’une certaine activité échiquéenne à La Régence vers 1930.

Mais en attendant, dans les années 1920, les joueurs d'échecs ne sont guère optimistes sur l'avenir de la Régence. Citons d’abord Alphonse Goetz dans la revue Cinéma du jeu des Échecs de décembre 1922.

« Tournoi d’Hiver du Cercle d’Échecs du Palais-Royal
Le Cercle du Palais-Royal, qui a son siège au Café de la Rotonde, est l’ancienne Association Amicale des Amateurs de la Régence, qui a quitté le Café de la Régence en 1918 et qui a pris depuis un si brillant essor sur l’initiative intelligente de notre camarade Conti. 
Le Café de la Régence, où quelques dissidents avaient essayé d’abord de maintenir une association d’amateurs, semble perdu pour la cause des échecs en France. » 

Ou bien encore, Gaston Legrain dans les Cahiers de l’Échiquier Français (3ème cahier trimestriel – 1925 – Page 75). Gaston Legrain évoque une association éphémère : La Régence-Association Française d’Amateur d’Échecs – créée après le départ de l’U.A.A.R.

Source : Gallica

« Hélas ! Cette association  n’eut qu’une durée éphémère et la ruche n’a plus maintenant que quelques abeilles passagères. Depuis le départ de la Société de l’Union Amicale d’Échecs de la Régence, devenue celle des Échecs du Palais-Royal, la petite salle du fond, dernier refuge des joueurs d’échecs, n’est plus – horresco referens – qu’un coin servant d’office à l’immeuble brasserie-restaurant. Un de ses murs a été abattu. De hauts comptoirs sur lesquels s’aligne toute la gamme des boissons et derrière lesquelles fument les percolateurs, ont remplacé la plupart des tables où s’affrontèrent les maîtres de l’échiquier. 

Le célèbre café est devenu un restaurant  la mode et quelques peintures murales, quelques gravures, une table, sont les seuls vestiges d’un renom séculaire et mondial. L’endroit jouit cependant d’une telle célébrité que les amateurs d’Échecs du monde entier qui viennent à Paris ne manquent jamais de lui rendre visite et d’y jouer quelques parties.

Le président du Marshall Chess Club de New-York raconte récemment qu’il avait eu comme adversaire à la Régence, il y a quelques années, un homme d’une affabilité extrême. Il découvrit le lendemain, par les journaux, que c’était Bonar Law, le ministre anglais.

Petit sanctuaire des Échecs, si riche en souvenir, nous ne croirons jamais que nous avons écrit la dernière page de ton histoire.»

dimanche 24 janvier 2021

Carte postale colorisée

Etienne Cornil m'a envoyé une carte postale colorisée de l'intérieur du Café de la Régence.
Le rendu est particulièrement réussi, et cela donne un caractère beaucoup plus "vivant" de cette photographie (sur une carte postale). 
Félicitations pour cette excellent idée !

Cela fait maintenant presque 10 ans (!) que j'ai publié un article sur ce blog au sujet de cette photographie qui date des environs de 1906. La femme derrière le comptoir est très probablement Mme Rachel Lévy (née Reiss), épouse de Lucien Lévy, propriétaire de l'époque du Café de la Régence.


La carte postale d'origine.


La carte postale colorisée.

samedi 23 mars 2019

Enveloppes

Voici deux enveloppes provenant du Café de la Régence.

La première date du 28 avril 1919, et je remercie M. Alain Barnier de me l'avoir communiquée.


La seconde est en ma possession, mais à défaut d'oblitération, le timbre a été simplement barré.


J'ai cherché la date d'émission du timbre afin de dater l'enveloppe.
Voici ce que j'ai trouvé :

Deuxième série des orphelins de la guerre 15c + 5c surchargé sur 10c gris-vert –
(Yvert et Tellier – Arthur Maury N°: 164)
Ce timbre a été émis le 1er septembre 1922 à ? exemplaires. Retiré de la vente le 31 août 1934.
Technique d’impression: typographie.
Dessinateur : Louis Dumoulin. Graveur: Léon Ruffé.

Pour ma part, la typographie étant la même entre les deux enveloppes, j'aurais tendance à dater la deuxième du milieu des années 1920.

Rappelons qu'à la fin de l'année 1918 les joueurs d'échecs quittent le Café de la Régence après de sérieux problèmes avec le propriétaire de l'époque, Lucien Lévy.
Ces mêmes joueurs d'échecs ne revinrent dans le café qu'au cours des années 1930 avec le nouveau propriétaire, Pierre-Octave Brun, nettement plus conciliant...

jeudi 28 septembre 2017

Le personnel du Café de la Régence en 1920

Claude Geiger m'a envoyé une nouvelle photo du Café de la Régence trouvée sur le site Delcampe il y a quelques temps.
C'est un document que je ne n'avais jamais vu auparavant et je le remercie beaucoup de nous faire partager cette découverte.


On y voit donc le personnel posant devant la porte d'entrée principale.
Si la date de 1920 est correcte, alors il me semble opportun d'émettre l'hypothèse suivante :

L'homme au chapeau est probablement le propriétaire du lieu.
C'est donc peut-être Lucien Lévy, le propriétaire du Café de la Régence depuis 1903.
L'homme semble assez âgé, ce qui collerait avec sa date de naissance en 1864.


J'ignore à ce jour qui était le propriétaire du Café de la Régence en 1920.
Mais c'est avec certitude que je sais qu'il s'agissait de Lucien Lévy à la fin de l'année 1918.

Par contre, rien ne ressemble de près ou de loin à un jeu d'échecs sur cette photo...

Mise à jour du 3 octobre 2017

Dans un commentaire posté sur cet article, Monsieur Luc Michiels a indiqué un détail que je n'avais absolument pas remarqué auparavant sur cette photo. Merci pour cet œil de lynx !
On distingue nettement une tour de chaque côté de la porte ainsi que des pions.
Plus haut je pense distinguer une autre pièce d'échecs, mais celle-ci a été coupé sur la photo.


Pas de doute, nous sommes bien au Café de la Régence !

jeudi 4 avril 2013

1903 une année charnière

J’ai déjà évoqué le changement de propriétaire du Café de la Régence en 1903.
M. Joseph Kieffer, après 30 ans de prospérité, cède alors le café à M. Lucien Lévy.
Un article dans « La Stratégie » parle de ce changement qui semble assez rapide.
Joseph Kieffer, vétéran de la guerre de 1870, a-t'il eu subitement des problèmes de santé pour céder le Café de la Régence ? Est-il tout simplement fatigué ?

En avril 1903 "La stratégie" annonce :

Nous sommes heureux de constater que la nouvelle société l'Union Amicale des Amateurs d'échecs de la Régence est en pleine prospérité, elle compte déjà plus de soixante adhérents et tout fait espérer que sous l'habile direction du Comité actuel, elle deviendra bientôt l'Association générale des Échecs de France.
Nous rappelons que la cotisation annuelle est de 12 fr. et que les inscriptions sont reçues par M. Kieffer, trésorier, au Café de la Régence.


Dans un article récent j'ai mentionné la création de la FFE.
Il semble donc qu'en 1903 l'idée soit déjà là.
En juin 1903, toujours dans "La Stratégie", un article indique la cessation d'activité de M. Kieffer.

M. Kieffer, propriétaire depuis trente ans du Café de la Régence, vient de céder son établissement ;
l'acquéreur a résolu d'apporter de notables améliorations, avec une luxueuse décoration style Louis XV, lesquelles nécessitent la fermeture du vieux Temple des Echecs pendant les mois de juillet et août prochains.
Pendant la durée des travaux les amateurs se réuniront à la Taverne de l'Opéra, avenue de l'Opéra, 26.


Puis encore dans la Stratégie durant l'été 1903

Les portes du Café de la Régence ont été closes le 16 juillet; la réouverture est annoncée pour le 1er septembre.
Nous rappelons que pendant la durée des travaux les amateurs d'échecs se réuniront à la Taverne de l'Opéra, 26, avenue de l'Opéra.


Et enfin le Café de la Régence rouvre ses portes.
Le style Louis XV est devenu un style Louis XVI...

Le Café de la Régence a fait sa réouverture le 6 Octobre dans un cadre merveilleux. Le caractère de la décoration blanc et or, style Louis XVI, a été conservé, mais avec les aménagements d'une élégance appropriée qui ornent les salons, le vieux Temple des Échecs a un aspect gai et bien français.
Au point de vue "restaurant" la transformation est complète;les nouveaux propriétaires ont certainement le désir de se placer au premier rang des établissements parisiens.
Nous avons le plaisir de constater que les Échecs, qui depuis bientôt deux siècles ont rendu universelle la réputation du Café de la Régence, n'ont pas été oubliée; une partie de l'ancienne salle de billard leur est réservée.
Espérons qu'avec une si brillante installation, une nouvelle ère de prospérité s'ouvrira pour eux et pour le Café de la Régence.


La fameuse salle de billard où Morphy donna sa simultanée en septembre 1858...


(Première page du journal "Gil Blas" - 1er juillet 1903 - Source Gallica - photo suivante ; article sur le Café de la Régence dans l'édition du 1er juillet 1903 - Source Gallica)


Mais la presse était inquiète au début de l'été 1903 et plusieurs journaux font état de la fin pure et simple du Café de la Régence. Heureusement ce ne fut pas (encore) le cas.
Mais il est raisonnable de penser que ce changement de propriétaire marque la fin de l’âge d’or du Café de la Régence.
A noter néanmoins ce qu’on peu appeler une prophétie : Le poker fera oublier le jeu d’échecs.
A notre époque hélas, le poker semble avoir largement supplanté le jeu d'échecs.

Donc, le 1er juillet 1903 dans le journal "Gil Blas" parait l’article suivant qui donne quelques détails sur le Café de la Régence.

CROQUIS

La fin de la Régence.

Le Café de la Régence ferme ses portes ! Encore un coin de Paris – du Paris d’autrefois – qui disparaît… ou se transforme, ce qui revient au même ! Quelles jolies anecdotes ne manquera pas de conter à ce propos, M. Maurice Quentin-Bauchart, érudit charmant qui connaît son Paris et l’histoire des souvenirs qui s’y rattachent. C’était, en effet, le dernier café blanc, le vrai café de jadis, auquel la hideuse gargote ne s’était pas encore adjointe, et où les consommateurs ne craignaient pas d’être troublés par de stridents appels téléphoniques… Aujourd’hui, c’est fini, le Café de la Régence est mort, bien mort, qu’il repose en paix !...

Pauvre Café de la Régence ! … Pauvre M. Quentin-Bauchart !... Pauvres joueurs d’échecs, ce sont eux surtout que je plains !... Où se réuniront-ils maintenant pour prendre le fou avec la dame, et pour résoudre les problèmes compliqués que certains journaux périodiques proposent encore par habitude sur leur couverture colorée, avec image à l’appui ?

De ce café tranquille et silencieux, où l’on pouvait, avec un peu d’imagination, espérer croiser au lavabo l’ombre de d’Alembert, s’entretenant de l’Encyclopédie avec celle de Diderot, où l’on voyait la table où Robespierre gagna de nombreuses parties à Bonaparte, il ne restera bientôt plus rien…
…Tout le monde s’y connaissait, on se serrait la main en entrant, la caissière avait pour chacun de ses clients un sourire et une poignée de main de bonne hôtesse, et, n’eussent été les éclats de voix de M. Paul Mounet, on se serait plutôt cru dans une salle de repos que dans un café. Mais, remplacé par les bars américains et les brasseries allemandes, le café a vécu, le Procope cher à Verlaine est devenu un bouillon à prix fixes, et la Régence disparaît, entraînant avec elle les échecs que le bridge et le poker feront vite oublier !....

On n’avait pas, non plus, l’idée de joueur aux échecs au commencement du vingtième siècle ? C’était coco et suranné, cela ne se portait plus à une époque où l’on se passionne que pour savoir si M. Lépine autorisera ou non le baccara !

La Café de la Régence ne sera plus désormais qu’un prétexte à chronique et à souvenirs rétroactifs : on se souviendra qu’un certain préfet du second empire disait de lui : « C’est le seul café où j’aime à me réunir !... » et qu’un jour, Gambetta, en pleine gloire, y faisant un discours, fut interrompu par un joueur impatienté qui lui cria : « Monsieur, vous parlez si fort que vous m’empêchez d’entendre mes pions !... » L’interrupteur, c’était le prince Poniatowski…
Comme tout cela semble loin !...

Pierre Mortier

lundi 11 février 2013

Un voleur de cavaliers


Il existe une source d’information très intéressante pour la recherche au sujet du Café de la Régence. Il s’agit de la revue « L’intermédiaire des chercheurs et des curieux ».
Le site GALLICA permet sa consultation en ligne de tous les volumes de 1864 (année de sa fondation) à 1936.
C’était une revue participative dans laquelle tout un chacun pouvait poser une question et un lecteur répondait dans une édition suivante s’il avait la réponse, sur des sujets très divers (histoire, géographie, sciences, etc…).

Il semble même que la revue existe encore !? En tout cas il existe un site internet dédié.

Bref dans son édition de juillet 1903 (volume 48) trouvé sur le site de la BNF en ligne « Gallica », se trouve une description du Café de la Régence en 1832 que je n’avais lu nulle part ailleurs. 
Il est néanmoins dommage que la référence du texte ne soit pas mentionnée par la revue.

Pour rappel nous sommes en 1903 et le propriétaire, Joseph Kieffer, cède sa place à Lucien Lévy (nouveau propriétaire) pour une raison que je ne connais pas. 
Ce changement de propriétaire laissa même à penser que la fin du Café de la Régence était proche. Pour le moment j’ignore tous des éléments de ce changement vers 1903.
Le Café subit alors une transformation importante avec ce changement de propriétaire.
Ceci explique le début du texte.

En 1832 il s’agit bien entendu du Café de la Régence sur son emplacement « primitif » de la Place du palais-Royal et nous sommes deux ans après les évènements de 1830 qui ont impliqués des travaux de rénovation conséquents. Le propriétaire est alors Monsieur Evezard.

Le Café de la Régence en 1832

Au moment où l’on transforme ce célèbre établissement, il peut être intéressant d’en lire la description originale suivante, d’après un journal de l’époque.

Le Café de la Régence s’est entièrement mis à la mode : la salle triangulaire qui le compose est tapissée de glaces ; on n’aperçoit pas un seul point de muraille. Le comptoir est élégamment décoré, et la limonadière y est brillante et affable ; tout y respire la civilisation et les belles manières. Cependant, l’observateur qui, ne s’arrêtant pas dans la première et étroite enceinte, formée par ce que j’appellerai le sommet du triangle, pénètre plus loin et s’avance au-delà du poêle, retrouve les traits de physionomie première.

Voici les joueurs d’échecs : leur attention, leur air de supériorité, leurs chants à demi-voix, leurs tremblements nerveux, l’agitation musculaire de leurs traits et la rapidité des mouvements de leurs mains, révèlent et leur occupation et leur talent. Point d’élégance dans les échiquiers ; ils sont primitifs ; mais pour les joueurs du Café de la Régence, il faut que le cavalier ait sa tête de cheval ; et comme les tourneurs de Paris ne façonnent pas ainsi cette pièce, le maître de l’établissement en a une provision toujours prête. Il y a quelques années, tous les cavaliers disparaissaient chaque soir. On observa, et l’on reconnut qu’un des habitués du jeu d’échecs avait la singulière manie de mettre les cavaliers dans sa poche ; on les lui fit payer.
On loue l’échiquier par heure au Café de la Régence ; le soir, le prix augmente à cause des deux chandelles placées sur les côtés du damier.
Depuis les deux chandelles, que de chemin parcouru par le luxe !

dimanche 10 juin 2012

La fin de l'U.A.A.R. (2ème partie)


En juin 1918, la première guerre mondiale touche à sa fin.
Les dernières offensives allemandes sont un échec et les alliés prennent petit à petit le dessus.

Au milieu des articles de première page qui traitent tous des combats en cours, les difficultés que rencontrent les joueurs d’échecs à la Régence font la première page du journal « Le Gaulois » !
C’est un fait notable et assez incroyable !

(Source l'inépuisable Gallica BNF)


Vous remarquerez quand même que l’auteur de l’article attribut à Philidor la création de la première revue d’échecs du monde « Le Palamède ». Pour ceux qui ne le savent pas, « Le Palamède » a été fondé en 1836 par Labourdonnais…

Le Gaulois du samedi 8 juin 1918 – Article signé Louis Schneider.

« Les joueurs d’échecs et le Café de la Régence.
Les joueurs d’échecs du café de la Régence sont déracinés depuis quelques jours ; le temple qui les a abrités depuis de si longues années est désaffecté. C’est désormais au café de l’Univers, situé en face du Théâtre-Français, que se joueront les interminables parties de ce jeu savant qui a passionné les intelligences les plus élevées, les cerveaux les plus sérieux. Il faut l’énergie et la patience d’un chef pour faire manœuvrer les pièces stratégiques d’un échiquier ; toutes les facultés sont mises à l’épreuve pendant ce jeu : les mathématiques, la science des probabilités, le raisonnement, rien n’est inutile au virtuose des échecs. Et Montaigne, précisément à cause de ces difficultés, disait que « les échecs ne sont pas assez un jeu et sont un divertissement trop sérieux ».

Le musicien Danican Philidor, aussi célèbre au dix-huitième siècle comme joueur d’échecs que comme compositeur d’opéras-comiques, se passionnait tellement dans les calculs de ce jeu qu’on craignait pour lui la folie ; il dut pendant cinq ans s’abstenir de toute pratique de l’échiquier. A propos d’un voyage qu’il était allé faire à Londres pour battre les joueurs anglais à ce jeu, où ils étaient, parait-il, d’une force hors ligne, Philidor – qui jouait sans voir les pions – reçu de son ami le philosophe Diderot la lettre fort sage que voici :
« Je ne suis pas surpris, monsieur, qu’en Angleterre toutes les portes soient fermées à un grand musicien et soient ouvertes à un grand joueur d’échecs : nous ne sommes guère plus raisonnables ici que là. Vous conviendrez cependant que la réputation du Calabrais n’égalera jamais celle de Pergolèse. Si vous avez fait les trois parties sans voir, et sans que l’intérêt s’en mêlât, tant pis ; je serais plus disposé à vous pardonner ces essais périlleux si vous eussiez gagné à les faire cinq ou six cent guinées; mais risquer sa raison et son talent pour rien, cela ne se conçoit pas. Croyez-moi, faites-nous d’excellente musique, faites-nous-en pendant longtemps. Encore, si l’on mourait en sortant d’un pareil effort ! Mais songez, monsieur, que vous seriez peut-être pendant une vingtaine d’années un sujet de pitié, et ne vaut-il pas mieux être, pendant le même intervalle de temps, un objet d’admiration ? ».

Philidor suivit le conseil de Diderot et interrompit sa carrière de joueur. Mais il ne put néanmoins s’en abstraire complètement et il créa une revue, le Palamède, qui fut l’organe, l’épopée des exploits de tout ce qui se passait d’intéressant dans le monde spécial des amateurs d’échecs. 

Dans les dernières années de l’Empire, un des joueurs les plus forts était l’Américain Murphy. Il défiait ses rivaux par télégraphe et une partie s’engageait entre New-York et Londres ou Paris. D’autres joueurs avaient la spécialité de mener de front dix parties à la fois, d’autres encore se faisaient bander les yeux et gagnaient.
Les empereurs, les rois et les princes ont joué aux échecs. Bonaparte lieutenant d’artillerie a fréquenté le café de la Régence, et Napoléon empereur y revint, dit-on, un jour pour évoquer ses souvenirs de jeunesse. L’enjeu était parfois très élevé. Il y avait à la Régence, jadis, deux clans : ceux qui jouaient par amour de l’art- on les appelait les « antiquaires » - et ceux qui risquaient de fortes sommes : des patrimoines furent engloutis. Et les parties duraient des semaines. On a cité le cas d’un joueur qui se trouva mal en posant un pion ; on le fit revenir avec des sels, et on lui demanda ce qu’il avait :
-          J’ai, répondit-il, que je joue depuis trente-six heures, et j’ai faim. Je me croyais plus fort que cela.
Jean-Jacques Rousseau était un assidu du café de la Régence. Il y venait moins pour jouer que pour se faire voir et pour faire semblant de se dérober à la foule quand il avait été reconnu. Les gazettes d’alors ne se firent pas faute de démasquer cette vanité doublée de fausse modestie qui caractérisait bien l’auteur du Contrat Social.
Les gens de lettres sont nombreux qui pratiquait le jeu d’échecs à la Régence. Jouy, l’auteur de Sylla et du livret de Guillaume Tell, faisait sa partie avec le vicomte de Chateaubriand ; Alfred de Musset s’attablait des heures entières avec l’acteur Provost, de la Comédie-Française, ou le tueur d’éléphants Delgorgue, ou encore Eugène de Mircourt.
Un des cas les plus amusants fut celui d’un habitué qui, pendant dix ans, depuis sept heures jusqu’à onze heures du soir, passait son temps à étudier les parties autour des tables. On le croyait de première force, et un jour, à l’occasion d’un coup embarrassant, on lui demanda son arbitrage. Il répondit, effaré :
-          Mais je ne connais rien à la marche des pièces !
-          Alors, pourquoi, depuis dix ans, vous voit-on derrière les joueurs, les yeux écarquillés sur l’échiquier ?
-          Pourquoi ? Je vais vous le dire : je m’ennuie chez moi, et ce que je vois ici m’amuse en comparaison de ce que je vois chez moi : ma femme tricote toute la journée et toute la soirée depuis le jour où nous nous sommes mariés !
Voilà un homme qui avouait naïvement ses préférences pour les émotions du jeu qu’il ignorait ; jugez alors ce que doit être la joie, la passion d’un spectateur qui s’y connaît, d’un joueur habile, et vous comprendrez que les échecs ont encore aujourd’hui leurs adeptes fervents. »

Dans son édition du lendemain, le dimanche 9 juin 1918, Le Gaulois revient sur le Café de la Régence.
Cette fois-ci l’article est en deuxième page dans la rubrique « ça et là ».

« Le Café de la Régence et les joueurs d’échecs.
Nous avons annoncé que le café de la Régence n’abrite plus les joueurs d’échecs. Un groupe d’amateurs, il est vrai, vient de se former au café de l’Univers, mais l’historique et célèbre temple des échecs n’en continuera pas moins de recevoir les fidèles « pousseurs de bois ». Nous savons même que le propriétaire de la Régence doit, après la guerre, transporter le sanctuaire dans une de ses salles plus vaste et plus confortable que celle où il est actuellement installé. Cela permettra aux fidèles qui, avant 1914, se pressaient dans un local souvent trop exigu, de célébrer leur culte plus solennellement et de faire ainsi des prosélytes.
Par ces temps d’hérésie il est bon qu’un culte se perpétue dans les lieux qui l’ont vu naître, au milieu des souvenirs historiques qui l’entourent. Personne n’ignore qu’à la Régence, outre des gravures reproduisant des matchs fameux et des portraits des maîtres du jeu d’échecs, il y a la fameuse table sur laquelle Bonaparte, étant consul, jouait aux échecs au café de la Régence. »

Dans la presse, une bataille de communiqués fait rage dans le petit monde des échecs...

Le Figaro du mercredi 26 juin 1918 (source Gallica BNF) .


COMMUNIQUES
Joueurs d’échecs – Le président de l’Association des amateurs d’échecs nous adresse cette lettre :

Monsieur le Directeur,
Plusieurs journaux ayant annoncé le transfert du siège de l’Association des amateurs d’échecs de la Régence au premier étage du café de l’Univers, M. Lévy, propriétaire du café de la Régence a fait insérer une rectification dans ces mêmes journaux.
A l’assemblée générale extraordinaire du 18 juin, les membres de l’Union amicale des amateurs d’échecs ont voté à l’unanimité le transfert du siège de l’Association au café de l’Univers.
Je vous prie donc de bien vouloir remettre les choses au point, et je profite de cette circonstance pour vous demander d’inviter les nombreux amateurs des armées alliées à se rendre à notre nouveau lieu de réunion, où nous serons très heureux de les recevoir.

Le Figaro du vendredi 28 juin 1918 (source Gallica BNF) .


Les joueurs d’échecs
Le propriétaire du café de la Régence nous écrit :
La rectification relative aux joueurs d’échecs de la Régence comporte elle-même une rectification.
Il est tout à fait inexact que la motion du transfert du siège de l’Union amicale des amateurs d’échecs ait été adoptée à l’unanimité ; la remarque en a été faite à l’assemblée générale par les membres opposés à cette mesure, et leur réclamation à ce sujet a été reconnue exacte.
Il y a eu si peu unanimité, que cette mesure a provoqué la démission d’un certain nombre d’adhérents et de la majorité des membres de l’ancien comité de l’Union amicale, qui se sont immédiatement réunis pour constituer une nouvelle association à la Régence…
Lucien Lévy.

Mais le divorce est consommé. Il faudra attendre une quinzaine d'années pour que le café de la Régence retrouve ses lettres de noblesse pour un soubresaut final.

samedi 12 mai 2012

Rachel Reiss épouse Lévy


Voici une des très (trop) rares photographies connues de l’intérieur du Café de la Régence.


Cette photographie (carte postale) n’est pas datée mais sans doute du début du 20ème siècle, voici ce qu’en dit Etienne Cornil dans la revue du CREB d’août 2011.

(…) une des rares cartes postales qui nous font découvrir l'intérieur du Café.
L'année de publication de la carte tourne autour de 1906.
La salle que nous voyons au fond pourrait être celle dont nous vous avions fait découvrir la vue dans notre numéro 15 de la Revue. C'est une hypothèse. (NDLR ; j’avais repris cette photo pour faire un article dédié).

Sur la gauche nous pouvons lire ''Tous les soirs concert symphonique de 9h à 1h''. Et en dessous une pancarte affiche ''Chocolat''.
De l'autre côté se trouve aussi une affiche mais qui reste illisible.
S'agit-il de la patronne des lieux qui se trouve derrière le comptoir devant un livre ouvert ?

Notons les magnifiques lustres ainsi que les deux petites marches qui permettent de rejoindre la pièce du fond.
La photo est certainement prise très tôt car toute la vaisselle est rangée et des brioches occupent la première table.

Il y a bien une horloge dont la position des aiguilles est difficile à identifier.
Un magnifique et ponctuel moment de ce café est ainsi capturé.(...)

Pour aller au delà de ce qu'indiquait Etienne Cornil, à mon avis la personne sur la photographie est sans doute la patronne du café de la Régence de l’époque. On imagine mal qu’il s’agisse là de n’importe quelle employée du café. 
Ainsi il est probable qu’il s’agisse de Rachel Reiss l’épouse de Lucien Lévy le propriétaire du café de la Régence depuis 1903.

mercredi 4 avril 2012

Lucien Lévy

Il y a quelques temps j’avais parlé d’un propriétaire du Café de la Régence vers 1850, Claude Vielle.
Voici un article sur un autre propriétaire, Lucien Lévy.

Lucien Lévy est un parisien, né le 13 mai 1864 dans le 11ème arrondissement de Paris.
Il est issu d’une famille modeste comme nous l’apprend son acte de naissance (source archive de Paris). Au moment de sa naissance, son père Louis Lévy est commis, et sa mère, Marguerite Félicité Jacob est institutrice. 

 (Source - Archives de Paris)

Il se marie le 29 juin 1897 avec Laure Jenny Rachel Reiss sans profession.
L’acte de mariage indique que Lucien Lévy est alors négociant sans plus de précision.

Son ascension sociale est certaine puisqu’il arrive en 1903 à faire l’acquisition du très à la mode Café de la Régence. Très à la mode car je rappelle que celui-ci fait face au Théâtre-Français…
Le propriétaire jusqu’au début de l’année 1903, depuis plus de 25 ans est Joseph Kieffer, Alsacien et vétéran de la guerre franco-prussienne de 1870.

L'été 1903 correspond à de gros travaux suite au changement de propriétaire.
D’ailleurs à l’occasion de ces travaux de nombreux journaux parisiens de l’époque annonçaient la fin des échecs au café de la Régence (article à suivre). La toute jeune association de la loi de 1901 l’UAAR (Union Amicale des Amateurs de la Régence – créée le 5 décembre 1902 – source La Stratégie) allait-elle disparaître ?

Il n’en est rien, et à l’issue de ces grands travaux de l’été 1903, les joueurs d’échecs reprennent leurs habitudes sans doute grâce à l’habileté du président de l’UAAR Eugène Deroste (avocat parisien réputé).

L’assemblée générale de l’UAAR qui suit nomme Lucien Lévy comme trésorier de l’association (Joseph Kieffer l’ancien propriétaire ayant été le 1er trésorier).
Contrairement à Claude Vielle (ancien propriétaire) je n’ai pas (encore ?) trouvé de trace de Lucien Lévy joueur d’échecs. C’est peut être justement là un des problèmes.

Ensuite en 1910 de nouveaux grands travaux ont lieu qui augmentent considérablement la surface de ce qui n’est plus maintenant un simple café mais plutôt un vaste restaurant où se jouent des concerts. 


Voici une carte postale qui date de cette époque (dessus est écrit 1915) trouvée sur le site de vente de cartes postales Delcampe.
Le restaurant qui fait face à la Comédie-Française est imposant, c’est le moins que l’on puisse dire.
Il est à noter que la vieille pancarte indiquant sur la façade la création du café en 1718 - à une autre adresse d’ailleurs, voir un de mes premiers articles surle Café de la Régence – cette pancarte a disparu.

Vaille que vaille l’UAAR survit dans un local de plus en plus exigu semble-t-il au sein du Café de la Régence. Mais tout n’est pas si rose. Lucien Lévy doit sans doute vivre un peu mal la présence de ses joueurs d’échecs qui font un peu tâche dans ce restaurant rutilant. Des tensions apparaissent.

Manifestement Lucien Lévy mène également la vie dure à ses employés.
Pour rentabiliser son affaire, il use ses employés, et 15 d’entre eux finissent par déposer plainte contre lui en 1910 (source archive de la préfecture de police).
Il est convoqué au commissariat du Palais-Royal pour donner sa version des faits que voici.


(Source - Archive de la préfecture de police de Paris - Main courante du commissariat du Palais-Royal 1910)

Main courante du commissariat de police du quartier du Palais-Royal
4 et 6 juin (1910) - N°463 – Parquet
Etat Civil
Lévy (Lucien) né le 13 mai 1864 à Paris 11ème de Louis et de Jacob Félicité, marié avec Mlle Reiss (Laure) le 1er juillet 1897 à Paris 1er arrondissement. Propriétaire du Café de la Régence 161 rue Saint-Honoré.
Résumé de l’affaire
Instruction du parquet pour interrogatoire
Infraction à la loi du 13 juillet 1906 – quinze employés n’ayant pas le repos hebdomadaire – Dit que les employés prennent ce qu’ils veulent et beaucoup préfèrent grouper leur repos pour avoir plusieurs jours de suite – Mais tous ont la faculté de prendre un jour par semaine.

Mais la disparition du président de l’UAAR, Eugène Deroste décède le 5 novembre 1917 à l’âge de 68 ans (source La Stratégie), ainsi que la 1ère guerre mondiale (et fatalement une moins grande fréquentation du lieu par les joueurs d’échecs) entraîne le divorce entre le Café de la Régence et l’UAAR  – Ceci fera l’objet d’un prochain article.

Divorce provisoire puisque dans les années 30 un nouveau propriétaire donnera ses dernières heures de gloire au jeu d'échecs dans ce lieu mythique.

mercredi 7 mars 2012

Le jeu d'échecs dans les écoles

L’idée d’introduire le jeu d’échecs dans les écoles est un cheval de bataille de la FFE depuis quelques années.
Différentes lettres d’intentions et différents accords avec le ministère de l’éducation semblent indiquer que c’est sur la bonne voie.
Mais cette idée n’est absolument pas récente, loin de là.

Voici un article paru dans la revue « La Stratégie » de juin 1912.
Mais l’expérience ne semble pas être reconduite les années suivantes.

La Stratégie - Juin 1912

« Dans son assemblée générale du 22 juin, l’Union des Amateurs de la Régence, après l’approbation sans réserve des comptes du trésorier et lecture du rapport de l’année, prend quelques décisions d’ordre intérieur – [établissement d’un catalogue de la bibliothèque, reliure ; mise à jour de la liste des sociétaires ; création d’un banquet annuel, etc…] – elle ratifie la nomination, à titre d’essai, du maître J.Taubenhaus comme professeur de la Société, et approuve un certain nombre de dons et souscriptions accordés par le Comité durant son dernier exercice et dont le plus important consiste en traités d’échecs offerts en prix aux lycées parisiens. Il est ensuite procédé au remplacement des membres sortant du comité : M. Lucien Lévy, démissionnaire, est réélu trésorier à l’unanimité.
Puis, sur proposition de M. Delaire, l’Assemblée décide de relever le défi du club de Ajedrez de Lima (Pérou) pour un match en deux parties par télégraphe ».
(Le Figaro - 12 juillet 1911 - Source Gallica BNF)

Le Figaro avait déjà publié dans une brève en première page (!!) de son édition du 12 juillet 1911 (donc l’exercice précédent dont parle la Stratégie de 1912).
Théodore Steeg est alors le ministre de l'instruction publique et des Beaux-arts.

PETITES CURIOSITÉS

On savait qu’un certain nombre de joueurs d’échecs se réunissaient tous les jours au café de la Régence. Il n’est guère de Parisiens qui n’aient été voir ces sages, penchés sur l’échiquier, et faisant galoper le cavalier vers la dame. Pourtant, tout a bien changé depuis que Diderot recueillait les mémorables propos du neveu de Rameau.
Mais ce qu’on ignorait, c’est que les joueurs d’échecs du café de la Régence se fussent réunis en une association qui a pour titre : Union amicale des amateurs d’échecs de la Régence. Or, que voulez-vous que fasse le président d’une Union, sinon d’aller voir les ministres ? Tous les présidents des Unions agissent ainsi, et pareillement les secrétaires des syndicats. Et ils présentent des revendications.
Donc, le président des amateurs d’échecs est allé voir le ministre de l’instruction publique. Il lui a dit « : « Ne pourrait-on enseigner le jeu d’échecs aux élèves des lycées ? »
Et sans doute il n’était pas question de nommer dans chaque lycée un maître du noble jeu. Le ministre a écouté avec bienveillance. Il a autorisé l’Union à faire distribuer, en même temps que les livres de prix, des « Traités du jeu d’échecs » aux bons élèves. C’est très bien. Palamède, dit-on, trompa par cette distraction les mornes factions du siège de Troie. C’est un petit souvenir classique que sauve M. Steeg, sans y penser. Peu de chose, dites-vous ? Hé ! au temps où nous sommes…

Lucien Lévy


Lucien Lévy fut le propriétaire du Café de la Régence à partir de 1903, j’ai eu la confirmation qu’il en était encore le propriétaire fin 1918 via un article du journal le Figaro de l’époque.
Je reviendrai sur Lucien Lévy prochainement (et sur cet article du Figaro).
En attendant, j’ai mis à jour la liste des "limonadiers" !