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mercredi 27 août 2025

Le tournoi d’échecs de l’exposition universelle à Paris en 1900

Il s'agit d'un tournoi d’échecs très particulier, révélateur des problèmes de l'époque du microcosme échiquéen français, comme nous allons voir.
 

Le Monde Illustré - 23 juin 1900. Collection personnelle. Curieusement il manque une partie des numéros du Monde Illustré sur le site Gallica pour l'année 1900. Par un heureux hasard j'en possède un exemplaire qui contient cette gravure du tournoi de Paris 1900, gravure que je n'ai jamais vue par ailleurs. Samuel Rosenthal est représenté sur la droite, assis sur une chaise.

Au XIXème siècle, la France a organisé 5 expositions universelles à Paris : 1855, 1867, 1878, 1889 et 1900. A chaque fois, des comités se sont formés pour organiser un tournoi d’échecs international.
L’idée d’un tel tournoi provenait de l’exposition universelle de Londres en 1851 et du 1er tournoi d’échecs international remporté par l’allemand Adolf Anderssen.

En 1855, Jules Arnous de Rivière attribue l’échec de l’organisation d’un tournoi d’échecs par l’attitude de Saint-Amant.  Voir une lettre qu’il a écrit à ce sujet et à laquelle j'ai consacré un article.
 
En 1867 l’enthousiasme est là, on parle même pour la première fois de réunir les joueurs français au sein d’une fédération. Paul Morphy est de passage à Paris et beaucoup caressent l’espoir de le voir jouer le tournoi, un vœu pieux. C’est le hongrois Ignatz von Kolisch qui remportera le tournoi.  
 
En 1878, nouvelle exposition universelle, et c’est le polonais Szymon Winaver qui le gagnera.

Puis arrive l’exposition de 1889. Nous sommes 5 ans après le déchirement des joueurs d’échecs français à l’occasion du match par correspondance entre Paris et Vienne en 1884. J’ai déjà eu l’occasion de discuter de cet incident regrettable qui privera pour plusieurs décennies la France d’une fédération de joueurs d’échecs.
 
Le tournoi de 1889 n’aura pas lieu. Après Saint-Amant en 1855, c’est Samuel Rosenthal qui œuvrera pour faire échouer l’organisation. Voir la série d’articles que j’ai consacrés à ce sujet :
 
 
Pour l’exposition de Paris 1900, c’est Samuel Rosenthal qui va s’occuper de l’organisation. Il souhaite sans doute montrer à ses ennemis, Jules Arnous de Rivière, Albert Clerc et bien d’autres, qu’il est capable lui d’organiser un tel tournoi ! Jules Arnous de Rivière restera curieusement assez discret durant cette période, contrairement à 1889. Peut-être une explication : il fait profil bas et œuvre à l’organisation d’un premier tournoi d’échecs international à Monaco, tournoi qui aura lieu en 1901.
 

Le Monde Illustré - 23 juin 1900. Collection personnelle.Détail - Samuel Rosenthal

La première trace que j’ai trouvée, concernant le tournoi de 1900, remonte à un article paru dans « Le Monde Illustré » du 21 janvier 1899. C’est Samuel Rosenthal qui y tient la chronique hebdomadaire d’échecs depuis de nombreuses années.

Puis toujours dans Le Monde Illustré, le 28 janvier 1899, on apprend qu’un comité s’est formé avec des membres du Grand Cercle situé 16 boulevard Montmartre, dont Samuel Rosenthal y est le directeur du jeu d’échecs. 10.000 francs sont déjà alloués au tournoi, et les souscriptions sont ouvertes, pour un montant minimum de 100 francs.
 

Le Monde Illustré - 21 janvier 1899 - Gallica
 
Comme pour le tournoi avorté de 1889, il me semble intéressant de faire une courte disgression concernant la situation des échecs en France en 1899. Et c’est un article de « La Stratégie » qui nous donne quelques détails :

♔ ♖ Nous n’avons pas à Paris un local convenable pour faire jouer un grand match, pour faire donner des séances aux grands maîtres et faire apprécier les beautés du noble jeu en mettant en évidence le vrai talent. Le Grand Cercle, le Cercle artistique et littéraire et plusieurs autres ont des installations luxueuses dont une petite partie est consacrée aux échecs, mais ce sont des Cercles fermés pour le grand public ; ce qu’ils font n’est que pour leurs propres membres et n’aide en rien à la propagation des Échecs. Ainsi, par exemple, le Grand Cercle va, l’année prochaine, consacrer une somme importante pour un tournoi international ; combien de parisiens, de provinciaux assisteront aux belles luttes qui auront lieu ? Ceux qui pourront ou voudront souscrire 100 francs…

D’autre part, les membres du Cercle Philidor, le plus important de Paris comme nombre, se réunissent dans la salle commune d’un Café, la faible cotisation ne permettant pas les frais d’un loyer. Bien des amateurs désirent la fondation d’un lieu de réunions, lequel, sans être absolument fermé, ni luxueux comme les grands cercles, fût confortable, non accessible sans présentation, mais pourrait donner des fêtes, suivant ses ressources, auxquelles tout le monde serait convié.

Le Café de la Régence aurait dû remédier, depuis longtemps, à l’état actuel des Échecs à Paris, en mettant à la disposition des joueurs, un local indépendant ; comme il ne semble pas disposé à le faire, un groupe d’amateurs va le tenter. La nouvelle réunion prend le titre : « Association Française des Échecs » ; le local choisi est 36, rue Richelieu, salle du 1er étage du Café Molière. Momentanément l’on se réunira les lundis, mercredis et samedis de 4 heures à 7 heures. La cotisation annuelle est fixée à 12 francs ; nous la trouvons un peu minime, mais probablement tout est encore provisoire et statuts et règlements définitifs ne seront discutés et adoptés que lorsque les adhérents seront assez nombreux.

Les adhésions doivent être adressées à M. L. Maurat, président provisoire, au Café Molière, 36, rue Richelieu.

 
Ainsi, « L’Association Française des Echecs » refait parler d’elle. 
Mais à vrai dire, ce sera vraiment de façon éphémère. Et il est difficile d’en trouver des traces après 1900.

Projetons nous un peu plus tard dans l’année 1899. Toujours dans « Le Monde Illustré » nous apprenons que Samuel Rosenthal s’est rendu en Angleterre pour faire la promotion de son tournoi auprès des participants du tournoi de Londres 1899. Tournoi remporté par Emanuel Lasker.

Si vous consultez la page Wikipedia (en anglais) du tournoi, vous pouvez constater que David Janowski prend la 4ème place du tournoi, sous la bannière de la France. Et vous pouvez également constater qu’il n’est pas mentionné dans les joueurs abordés par Rosenthal à l’occasion de son voyage. Peut-être est il inclus dans le mot « etc. » (voir ci-dessous) ? Nous verrons un peu plus loin que ce n’était pas un oubli…
 


 Le Monde Illustré - 22 juillet 1899 - Gallica
 
En février 1900, Jean Préti parle de  l’organisation du tournoi et relève plusieurs aspects étonnants. 
 
 
  

Merci à Dominique Thimognier de m’avoir communiquer plusieurs années complètes de La Stratégie.

Voici la transcription de l'article de La Stratégie de février 1900.

Tournoi international des Échecs du Grand Cercle de Paris

Le Monde Illustré vient de publier le programme du Tournoi international organisé par le Grand Cercle.
Il y aura six prix d’une valeur totale de 13.500 fr., et les quatre premiers recevront en plus un Vase de Sèvres, offert par M. le Président de la République. Le tournoi commencera le 15 mai, il sera à un tour, avec un maximum de vingt concurrents ; chacun doit verser une entrée de 100 fr. et 200 fr. de dédit qui seront restitués quand il aura joué toutes ses parties ; quatre parties par semaine, trente coups pour les deux premières heures et ensuite quinze coups par heure ; la première partie nulle ne comptera pas et devra être recommencée avec changement du trait.

Nous désirons que ce programme reçoive l’approbation des maîtres auxquels il est fait appel, mais nous doutons qu’ils accourent nombreux et avec enthousiasme, car il est loin d’être comparable aux dernières luttes étrangères. — Tournoi du Jubilé de S. M. l’Empereur d’Autriche et Tournoi de Londres 1899.

Pourquoi une entrée de 100 fr. ? Il est établi maintenant que lorsque l’on fait appel à des professionnels, il faut leur offrir une compensation. Aux précédents concours, à Vienne, par exemple : pour 19 concurrents il y a eu 11 prix valant 19.700 couronnes, à Londres, 15 concurrents, 10 prix valant 12.800 fr., plus le remboursement des frais de séjour. En ne payant pas un nombre restreint de prix, comme 25 ou 50 fr. à ceux qui n’ont pas triomphé, on les oblige à perdre une partie des frais de séjour et de voyage.

Or, nous pensons que les maîtres refuseront net, et, après avoir consenti aux prix offerts pour 100 fr., ils devront payer leurs frais eux-mêmes, comme amateurs, en temps de l’Exposition ! Pour des professionnels, cela ressemblerait même peu à une prime…

Pourquoi aussi 200 fr. de dédit ? À Vienne il n’a été demandé que 100 couronnes, à Londres 1,5 l.

Les prix sont de valeurs suffisantes, mais ils ne sont pas assez nombreux, parce que la souscription n’a pas marché ; en dehors des dons spéciaux du Grand Cercle et de M. le baron A. de Rothschild de Vienne, il n’a été recueilli que 3.400 fr., presque entièrement parmi les membres du Grand Cercle.

La cause de cette abstention totale du public français est le pouvoir omnipotent imposé de M. Rosenthal, comme directeur du Tournoi. Pour un tel rôle il faut une impartialité impeccable envers tous les concurrents et la confiance ne se commande pas. Déjà, en allant à Londres, faire signer aux concurrents l’engagement de venir à Paris, M. Rosenthal s’est adressé à tous, sauf à M. Janowski (!) qui depuis longtemps représente dignement la France dans les tournois Allemands, Anglais et Autrichiens.

Malgré les prix du Président de la République, ce tournoi n’a pas un caractère national : ce n’est pas Paris qui l’organise, mais seulement un groupe d’amateurs et c’est ce qui explique le titre sous lequel nous en donnerons des nouvelles… si nous pouvons.

Jean Préti, directeur de « La Stratégie » est pessimiste sur les joueurs qui viendront. Mais finalement, on peut le dire, ce sera un succès pour Samuel Rosenthal. Les meilleurs seront présents à quelques exceptions, dont Steinitz atteint de troubles mentaux et qui décèdera le 12 août 1900 à New-York.

Les souscripteurs proviennent essentiellement du Grand Cercle, dont les membres sont fortunés. Et vous pouvez voir l’attitude étonnante de Samuel Rosenthal vis-à-vis de David Janowski qu’il semble ignorer. 
Déjà, Jean Préti s’inquiète de ce qui risque être un tournoi privé. D’ailleurs les spectateurs ne pourront venir que s’ils ont déboursé la somme de 100 francs de souscription, une somme importante qui correspondait à peu près au salaire mensuel moyen d’un ouvrier en France à l’époque !
 
La liste des participants, au tournoi de Paris 1900, est publiée dans « La Stratégie » de mai 1900. On retrouve bien David Janowski, mais celui-ci jouera sous le drapeau de l’Empire Russe...
Rosenthal est français depuis une dizaine d'année, et ce n'est peut-être pas le cas de Janowski ? Un aspect à fouiller. Pourtant c'est lui qui représente la France dans les grands tournois...

 
Collection Dominique Thimognier 
 
Plus nous nous approchons de la date prévue pour le tournoi, plus les journaux français en parle. Par exemple dans « L’Écho de Paris » du 7 mars 1900


Retronews - L’Écho de Paris - 7 mars 1900 
 
Puis par exemple dans le journal « Le Temps » du 17 mai 1900. Le tournoi va commencer, le tirage au sort a été effectué.
 

 Retronews - Le Temps - 17 mai 1900 

Passons directement au mois de juin 1900 et un article de « Le Journal » du 27 juin 1900. Celui-ci s’étonne du peu de publicité pour le tournoi dans les journaux Français, tandis qu’à l’étranger une très large place était faire à ce tournoi dans les feuilles quotidiennes…C’est tout simplement Samuel Rosenthal qui distille les informations au fur et à mesure du tournoi. Il n’informe que ceux avec qui il s’entend bien à l’étranger en ignorant la presse Française. 

L'INTERNATIONAL DES ÉCHECS
au Grand Cercle de Paris

Le concours qui a pris fin lundi dernier au Cercle des échecs de Paris a eu, dans toute l'Europe et jusqu'en Amérique, un retentissement considérable. Des centaines de journaux ont tenu leurs lecteurs au courant des péripéties de la lutte. Nos voisins d'Allemagne et d'Angleterre ont fait dans leurs feuilles quotidiennes et dans leurs périodiques une très large place aux jeux sportifs dont les échecs sont le plus sérieux. Le jour viendra où l'on comprendra en France qu'il convient de mieux équilibrer les parts de publicité entre les exercices du plein air et les spéculations scientifiques. S'il est bon de savoir tirer du fusil ou exécuter des pirouettes, il n'est pas moins utile de fortifier chez les jeunes gens la puissance de concentration et les qualités maîtresses de la pensée logique et de l’intelligence active. Voilà ce que savent bien des nations. Et l'on est fondé à croire que les Français comprendront comme les autres peuples l’intérêt qu’il y a à faire vivre chez nous une science du jeu aussi sérieuse que celle des échecs. De fortes sommes, aujourd’hui, sont dépensées dans ce but.

Le tournoi de 1900 ne fut pas seulement une rencontre de maîtres ; il fut aussi un groupement d’une association vitale entre les bons éléments que possède notre pays.

Vingt années se sont écoulées depuis le dernier concours d’échecs à Paris. Le Grand Cercle vient de donner enfin avec beaucoup d’éclat et de succès une regrettable lacune et nous aurons, l’hiver prochain, à Monte-Carlo, un nouveau concours pour lequel les notabilités de l’échiquier se sont fait inscrire sans hésitation.

Le tournoi de 1900 a été pour Lasker l’occasion d’établir une fois de plus sa supériorité. Il a remporté le premier prix comportant un beau vase de Sèvres offert par le Président de la République et une allocation de 5.000 fr. L’Américain Pillsbury, si célèbre par ses performances du jeu sans voir, est arrivé second. Maroczy (de Vienne) et Marshall, le Canadien, ont reçu ex æquo les troisième et quatrième prix. Après eux, le champion anglais Amos Burn, puis Tchigorin, le grand maître russe.

Mieses (de Leipzig) s’est adjugé un prix spécial donné par M. le baron Albert de Rothschild pour récompenser la partie la plus brillante.

À l’issue du tournoi, un vote de remerciements a été émis par les hôtes du Cercle de Paris, dont les somptueuses générosités et l’hospitalité pleine de courtoisie ont charmé les concurrents et tous les visiteurs.


La réaction de Jean Préti dans « La Stratégie » de juin 1900 est cinglante : « Chez nous la propagande se fait par le silence ».
 

 
 
 
 





En cas de partie nulle, une seconde partie était immédiatement rejouée en inversant les couleurs.
Cette seconde partie attribuait le résultat définitif. Ceci explique les « n » dans le tableau (1ère partie nulle).

En 1937 Lasker, vainqueur de ce tournoi de Paris, va publier un livre très intéressant dans lequel il décrira de nombreux épisodes de sa carrière échiquéenne. Ce livre s’intitule « Comment Victor est devenu un maitre d’échecs » et je lui ai consacré un article. Nous suivons les aventures de Victor (personnage fictif du livre, qui n’est autre que Lasker). Emanuel Lasker dresse un portrait très critique de Samuel Rosenthal directeur des échecs au Grand Cercle.
 

 Le Monde Illustré - 23 juin 1900. Collection personnelle. Portrait d'Emanuel Lasker, champion du Tournoi international d'Echecs

Le Cercle ne sert pas à développer les échecs. Telle est la conclusion de Victor, après sa visite au Cercle.

En 1901, Samuel Rosenthal publiera le livre du tournoi de Paris 1900. La seule photo qui s’y trouve est celle de Samuel Rosenthal ! (Il décèdera le 12 septembre 1902).
 
Les photos ci-dessous proviennent de l'exemplaire du livre du tournoi de Paris 1900 de Jean Mennerat.
Livre consultable à Belfort au fonds Mennerat.
 
* La seule photo du livre, celle de Samuel Rosenthal
* La dédicace de Samuel Rosenthal à un certain Monsieur Malmanche 
* Un extrait du texte en vers en l'honneur du tournoi et de Rosenthal 
* La signature de Jean René Mennerat - 26 août 1940 






 









Le tournoi d'échecs de Paris 1900 était quand même un évènement sportif d'importance. Plusieurs évènements annexes se déroulèrent durant l'exposition universelle. On peut citer par exemple la simultanée donnée par Pillsbury.
 
Je termine avec la partie Mieses - Janowski qui remporte le prix de beauté du tournoi de Paris 1900.
Partie commentée par Samuel Rosenthal dans Le Monde Illustré du 21 juillet 1900.

 
 
 
[Event "Paris"] [Site "?"] [Date "1900.06.12"] [Round "?"] [White "Mieses, Jacques"] [Black "Janowski, David"] [Result "1-0"] [ECO "C27"] [Annotator "Samuel Rosenthal"] [PlyCount "71"] {Commentaires de Samuel Rosenthal pour Le Monde Illustré du 21 juillet 1900. "Jouée le 12 juin 1900 au Grand Cercle, dans le tournoi international, entre MM. Mieses et Janowski. Cette partie a obtenu le 1er prix de 500 francs offert par le baron Albert de Rothschild, de Vienne, à la plus belle partie du tournoi." Partie Viennoise} 1. e4 e5 2. Nc3 Nf6 ({Ainsi que nous l'avons dit à plusieurs reprises, le coup juste est} 2... Nc6 3. f4 exf4 {pour la suite voir nos analyses données sur ce début.}) 3. Bc4 Bc5 ({Nous aurions préféré} 3... Nxe4 4. Qh5 (4. Bxf7+ Kxf7 5. Nxe4 d5 6. Qf3+ Kg8 7. Ng5 Qd7 { etc. mieux}) 4... Nd6 5. Bb3 Nc6 6. Nb5 g6 7. Qf3 Nf5 8. Qd5 Nh6 9. d4 d6 10. Bxh6 Be6 {etc. mieux}) 4. d3 d6 5. f4 Nc6 (5... Ng4 6. f5 h5 ({Si} 6... Nf2 7. Qh5 g6 8. Qh6 Nxh1 9. Qg7 {etc. et gagnent}) 7. Nh3 Qh4+ 8. Kf1 {etc. mieux}) 6. f5 Na5 7. Qf3 c6 8. g4 h6 (8... h5 9. g5 Ng4 10. Nh3 {etc. mieux}) 9. h4 b5 10. Bb3 Nxb3 11. axb3 h5 12. gxh5 Nxh5 13. Nge2 Qb6 14. Ng3 Nf6 15. Bg5 Bb7 16. h5 Nh7 17. Bd2 O-O-O 18. h6 g6 19. O-O-O Rhg8 20. fxg6 fxg6 21. Rdf1 Kb8 22. Qf7 Rh8 ({Si} 22... Qc7 23. Qxc7+ Kxc7 24. Rf7+ Rd7 25. Rhf1 Rgd8 26. Rg7 { et gagnent}) 23. Qxg6 Rdg8 24. Qg7 {Très joli coup qui termine brillamment la partie} Bc8 (24... Rxg7 25. hxg7 Rg8 26. Rxh7 {etc. et gagnent}) 25. Nf5 Bxf5 26. Rxf5 Bb4 27. Kb1 Bxc3 ({Si} 27... Rxg7 28. hxg7 Rg8 29. Rf7 ({Si} 29. Rxh7 Qg1+ 30. Ka2 Rxg7 {défendrait la partie}) 29... Nf6 30. Rh8 {et gagnent}) 28. bxc3 Nf8 29. Rhf1 Ng6 30. Qd7 Rd8 ({Si} 30... Qc7 31. Qxc7+ Kxc7 32. Rf7+ Kb6 33. Be3+ c5 34. R1f6 {et gagnent}) 31. Qe6 Nf4 32. Bxf4 exf4 33. R5xf4 Qc5 34. Rf7 Qg5 35. Rf8 Qc5 (35... Rhxf8 36. Rxf8 Rxf8 37. Qxd6+ {et gagnent}) 36. Qe7 1-0

dimanche 28 avril 2024

Guide touristique de Paris en 1893

M. François Zutter (Suisse) m’a envoyé plusieurs photos d’un guide touristique de Paris datant de 1893, et je l’en remercie. Il s’agit de « Paris, par Paul Joanne », avec la mention « Renseignements pratiques mis au courant en 1893 ». Comme beaucoup de guides touristiques anciens de Paris, il est fait mention du Café de la Régence.
 
Photo de M. François Zutter.

J’ai déjà parlé de ce guide dans un précédent article. Mais il s’agissait alors de l’édition de 1876, par Adolphe Joanne, le père du précédent. 
Je remercie d’autant plus M. Zutter, que je n’ai pas trouvé le guide de 1893 sur Gallica, ni les suivants, ni les précédents pour la plupart. Par exemple sur Gallica, outre celui de 1876, on trouve celui de 1887 qui ne contient que quelques lignes sur le jeu d’échecs.

Le texte de 1893 reste assez similaire à celui paru dans le guide de 1876. Par exemple sur le prix de la location d’un jeu d’échecs, ou bien les enjeux des parties. Mais, de mon point de vue c’est une assez bonne synthèse du Café de la Régence de l’époque et de la revue La Stratégie. La photo qui illustre ce blog date approximativement de cette époque.
 
Une photo fameuse (dont je possède un tirage d'époque), où l'on peut voir le propriétaire du Café de la Régence à l'époque, Joseph Kieffer.

Il y a quand même une phrase qui m’intrigue dans le texte du guide touristique de 1893.
« Le Demi-Cavalier ne se rend pas dans les tournois. »
J’avoue ne pas connaitre cet avantage. Un joueur peut rendre un Cavalier, mais je ne vois pas à quoi correspond le demi-cavalier. Si un lecteur a une idée à ce sujet, je suis preneur !
 
Photo de M. François Zutter.
 
Les Échecs.

Le Café de la Régence (actuellement rue Saint-Honoré, 161, sur la place du Théâtre-Français), fondé en 1718, et dont l'histoire est si intimement liée à celle de Paris, a vu, comme le Café Procope, défiler les personnages illustres des deux derniers siècles.

C'est à La Régence que Diderot allait dépenser les six sous que sa femme lui donnait tous les jours pour sa tasse de café, et c'est le décor où il a placé la scène de ce chef-d'œuvre d'esprit français qui s'appelle Le Neveu de Rameau.

Parmi ses souvenirs, on y voit les bustes de Philidor et de Morphy, les portraits des joueurs célèbres et la Table de Bonaparte, en marbre noir, portant cette inscription gravée sur une plaque d'argent :
« Table où Napoléon, Premier Consul, joua aux échecs. — Café de la Régence »

On peut dire que La Régence est le Salon des Échecs, où s'unit le calme d'un cercle à la liberté d'un café. Une courtoisie toute française est de tradition entre les habitués, et les étrangers y trouvent cette hospitalité qui fait de Paris une ville d'élection, une monde patrie. On reçoit surtout les journaux scandinaves.

On joue moins aux échecs à Paris qu'à Londres ; mais Paris n'en reste pas moins le grand théâtre où les joueurs célèbres, comme les artistes, viennent consacrer leur réputation et recueillir leur plus belle couronne.

L'école française a été longtemps incomparable pour ne pas dire unique en Europe ; aux Grands-Maîtres de l’Échiquier, Philidor, Deschapelles et La Bourdonnais, l'Amérique ne saurait opposer celui dont le génie éclipse tous ses devanciers : Paul Morphy appartient à la France par son origine, et c'est à Paris, à La Régence qu'il a remporté ses premières victoires, reçu les honneurs du triomphe et le baptême de la célébrité.

Parmi les joueurs contemporains, on pourrait citer les vainqueurs et les champions des tournois internationaux ; mais le cadre restreint de cette étude pratique ne permet pas d'inscrire les favoris du Livre d’or, encore moins d'établir la hiérarchie d'une classification. 
 
Photo de M. François Zutter.

La location d'un échiquier, pour toute la durée d'une séance, est fixée à 40 c. dont les frais sont également partagés entre les deux adversaires. Le jeu d'échecs a assez d'attrait par lui-même pour que ce léger impôt suffise à intéresser la partie ; cependant l’enjeu varie de 50 c. à 5 fr., et c'est aussi le prix d'une étude ou d'une leçon.

Les forces des joueurs sont connues et classées par les résultats des tournois handicap qui ont lieu fréquemment à La Régence, et s'équilibrent par des avantages : Les joueurs de première classe rendent aux quatre classes inférieures Tour, Cavalier, Pion et 2 traits et Pion et trait. Le Demi-Cavalier ne se rend pas dans les tournois. Une galerie nombreuse suit en silence, mais avec une curiosité passionnée, les luttes émouvantes et les brillantes parties engagées depuis 2 h. de l’après-midi jusqu’à minuit.
 
La Stratégie, le Moniteur des Échecs, fondée en 1867 par Jean Preti, aujourd’hui dirigé par son fils et rédigée une Société d'amateurs, est publiée sous la forme d’une Revue, le 15 de chaque mois ; elle a son siège à Paris, rue Saint-Sauveur, 72, et l’abonnement coûte 20 fr. par an. M. Numa Preti continue également la publication des ouvrages classiques sur les Échecs, qui constituent une Encyclopédie spéciale et complète, tenue au courant par La Stratégie. On peut s’adresser à lui pour tout ce qui concerne cette science, livres anciens et modernes, français et étrangers, collections de journaux, échiquiers, pièces, diagrammes, etc.

samedi 30 septembre 2023

Prémices d’une fédération des joueurs d’échecs Français

2 octobre 2023 : Suite à la publication de cette article, M. Philippe Bodard a remarqué qu’il y avait une erreur dans le prénom de Casimir Sanson que je cite abondamment. Le prénom que Sanson utilisait était Casimir et non Camille comme je l'avais écrit par erreur. J’ai donc corrigé ceci dans l’article.
Mais ce n’est pas tout ! Merci à Philippe Bodard pour sa recherche généalogique au sujet de Casimir Sanson. Ceci fait l’objet de l’article suivant.

 
En mars 2021, à l’occasion du centenaire de la création de la Fédération Française des Échecs, j’ai donné une conférence intitulée « Le jeu d’échecs en France avant la Fédération Française des Échecs ».
Sujet assez vaste dont certains aspects ont été seulement effleurés, et sur lesquels je vais revenir plus en détail. 
Ce premier article concerne « les intentions » de créer une association de joueurs d’échecs en France.
Il sera suivi par un autre avec des aspects un peu plus concrets.
 
Le livre du tournoi de l'Empereur
 
La plus ancienne trace matérialisée que j’ai retrouvée à ce sujet se trouve dans le livre du Congrès international des Échecs, Compte rendu du Congrès de 1867.

Ce tournoi de 1867 est le premier tournoi international joué en France. Georges Bertola a signé un très bel article à ce sujet pour Europe Échecs. Rappelons qu'en 1855, malgré tous les efforts de Jules Arnous de Rivière, il n’y avait pas eu de tournoi pour la première Exposition Universelle de Paris, projet largement torpillé par Saint-Amant.
 

Mais revenons au livre du congrès de 1867. Dans son avant propos (page iv), le secrétaire de la Commission du tournoi, Alphonse Féry d’Esclands, écrit, en date du 15 novembre 1868 :

« Nous terminons en laissant la parole à M. A. de Rivière, et en exprimant le vœu de voir s’établir à Paris une association semblable à celle qui s’est formée à Londres sous le titre de British chess association, et à qui la science du jeu des Échecs est redevable de si précieux encouragements. »

Quelques mois plus tard, cette idée est reprise par Casimir Sanson, initiateur des éphémères revues échiquéennes « Le Philidorien » puis « L’échiquier ».

La Stratégie - août 1874

Voici un article publicitaire au sujet de « L’Échiquier » paru dans le journal « Le Siècle » du 13 août 1869.


En novembre 1869, Casimir Sanson lance l’idée d’un regroupement des joueurs d’échecs Français.
Par exemple dans le journal « La France » du 20 novembre 1869 ou le journal « La Liberté » du 21 novembre 1869. L’objectif de Sanson est assez modeste pour démarrer : 100 adhésions. Retenez bien ce nombre.
 
La France - 20 novembre 1869 - Retronews

« L’union fait la force. Aussi est-il sérieusement question de créer en France une association des joueurs d’échecs. Voici quelques détails sur le plan projeté :
Les adhésions provisoires seront reçues au bureau du journal L’Échiquier, 19 avenue d’Orléans (Montrouge).
Elles ne deviendront définitives que lorsque le nombre des adhérents sera arrivé à cent.
(…)
Les ressources de l’association seront affectées à l’établissement de prix pour les vainqueurs du tournoi annuel, qui aura lieu à l’époque de l’assemblée générale (…) »


Le journal satirique Le Charivari ironise en jouant avec le double sens du mot « échecs ».
Le Charivari du 29 décembre 1869 (Retronews)
 

« Le grand Off annonçait dans un numéro récent une association française de joueurs d’échecs ayant pour but d’assurer la prospérité des échecs en France.
La prospérité des échecs en France est un fait depuis longtemps accompli, à preuve
L’expédition mexicaine
L’agrandissement de la Prusse
La démission de M. Seguier
L’interpellation des cent-seize
Le fiasco des blouses blanches, etc., etc., etc. »


Sanson semble y croire et le journal « Le Siècle » publie une autre annonce le 30 janvier 1870.
 

N’ayant malheureusement pas pu consulter la revue « L’Échiquier » de l’époque, j’ignore comment Casimir Sanson y rapporte les choses (Gallica ne propose que le 1er numéro).
Fait-il un suivi des adhésions par exemple ?
Si quelqu’un possède cette revue, je suis intéressé de savoir ce qu’on y trouve au sujet de cette « association française des joueurs d’échecs ». Je n’ai pas trouvé de mention de ce projet après janvier 1870.

Casimir Sanson décède deux ans plus tard en août 1873 (je n’ai pas trouvé d’autres informations à son sujet). 
 
Sa très belle collection de livres d’échecs est mise en vente.
Journal Officiel du 6 septembre 1873 - Retronews


« La Stratégie » reprend cette idée d’association de joueurs d’échecs Français dans son numéro d’avril 1874. Voici quelques extraits de l’article qui présente même une ébauche de statuts d’une Association française des joueurs d’Échecs. 
 
La Stratégie - Avril 1874 - Première page de l'article

« Un fait indiscutable à l’heure qu’il présente, c’est que le goût des Échecs semble renaitre en France et que le nombre des amateurs augmente tous les jours à Paris et dans les villes de province. (…) »

Un peu plus loin l’auteur de l’article (signé E.N. , Ernest Nivernais chroniqueur pour La Stratégie, ainsi que plus loin par Jean Préti, fondateur de La Stratégie) écrit :

« (…) Le noyau de l’association est du reste déjà formé et promet d’espérer, par sa composition, un arbre vigoureux et touffu dont les rameaux s’étendront peu à peu dans toutes les parties de la France où l’on sait distinguer un pion d’une quille (…) ».

Mais l’objectif reste modeste, ainsi après l’objectif de 100 adhésions par Casimir Sanson, Ernest Nivernais vise 50 inscriptions…


« (…) Le projet de statuts dont nous donnons l’ébauche, ne sera rédigé définitivement qu’après avoir été discuté et amendé, lorsque le nombre des membres inscrits aura atteint le chiffre de cinquante (…) ».

« (…) Les adhésions pourront être envoyées dès à présent au directeur de la Stratégie de manière à ce que le prochain numéro du journal puisse contenir un compte rendu sommaire de ce qui aura été réalisé ».


 
La Stratégie - Avril 1874
 
 
 
Je me précipite donc pour consulter les numéros suivants de La Stratégie
 
En mai 1874, il est indiqué que le nombre d’adhérents est déjà suffisant !

En juillet 1874, une liste d’adhérents est publiée avec quelques noms de joueurs d’échecs Français de l’époque bien connus.
 
 
 
 
 
 
 
 
 

On retrouve par exemple dans cette liste Jules Arnous de Rivière, Eugène Le Quesne le sculpteur de la Bonne Mère de Marseille et bon joueur d'échecs, Préti père et fils, Albert Clerc à Aix, Bavoux de Besançon, très actif pour le jeu par correspondance en France dans les années 1880 etc.
 
Le démarrage est encourageant, on peut voir des noms un peu partout en France. 
Puis plus rien…C'était un coup d'épée dans l'eau...
La suite, quelques années plus tard dans un article à venir.

samedi 17 décembre 2022

Traité complet théorique et pratique sur les fins de parties

M. Guy Gignac a fait l'acquisition du livre de Jean Préti "Traité complet théorique et pratique sur les fins de parties" datant de 1858.
 
Source Gallica - BNF.

Mais l'exemplaire qu'il a acquis est tout à fait exceptionnel par un détail formidable : il s'agit de l'exemplaire que possédait Saint-Amant comme le montre la dédicace de Jean Préti à son intention au début de l'ouvrage. M. Guy Gignac m'a envoyé une photo de cette dédicace et je l'en remercie.
 
Un détail qui rend l'exemplaire de Guy Gignac unique.
La dédicace de Jean Préti à Saint-Amant : "A Monsieur St Amant témoignage de haute estime et d'admiration de la part de l'auteur".

C'est l'occasion pour moi de dire quelques mots sur ce livre d'échecs, qui a été numérisé par la BNF et qui est disponible en ligne, par exemple ici.

Je me suis intéressé à la liste des souscripteurs, ainsi qu'à deux positions qui sont données à la fin de l'ouvrage.

On retrouve dans la liste des souscripteurs tous le gratin des joueurs d'échecs qui fréquentent pour la plupart le nouveau Café de la Régence ouvert en 1855 au 161 rue Saint-Honoré. Sur cette première page on remarque notamment Jules Arnous de Rivière, Albert Clerc, Ignace Calvi pour ne citer qu'eux.
 
Sur cette deuxième page de souscripteurs, je retiens Harrwitz, adversaire malheureux du futur match contre Morphy, le comte Isoard Vauvenargues un des protagonistes de la partie de l'opéra avec Morphy, ou bien encore Alfred de Musset en bas de page (décédé le 2 mai 1857 et qui n'aura donc pas eu l'occasion de voir le livre, mais qui confirme bien sa passion du jeu d'échecs jusqu'à la fin de sa vie).
 
Sur cette troisième et dernière page des souscripteurs, on observe la présence de Saint-Amant, de son vainqueur de 1843, Howard Staunton, et Claude Vielle, ancien propriétaire de la Régence.
 
A la fin du livre on trouve donc la position de la 25ème partie entre McDonnell et La Bourdonnais jouée à Londres en 1834, ainsi que la "toujours jeune" en français (evergreen game) c'est-à-dire la magnifique combinaison de mat d'Anderssen contre Dufresne jouée à Berlin en 1852. Je donne cette dernière partie avec les commentaires de Kasparov pour Chessbase magazine.
 
Diagramme de la 25e partie des matchs entre McDonnell et La Bourdonnais - Londres 1834
Un commentaire de Jean Préti précise qu'après le 24ème coup des noirs : 
 
Des témoins de cette partie, jouée à Londres, nous ont assuré qu'arrivé à ce dernier coup du Pion poussé par le joueur français, il y eut comme un mouvement d'enthousiasme électrique dans l'assemblée d'élite qui assistait à cette lutte de géants, quand elle put apprécier toutes les conséquences de cette sublime combinaison.
 
Extrait de la partie Anderssen - Dufresne, Berlin 1852.
 

 

 


[Event "Berlin 'La toujours jeune'"] [Site "Berlin"] [Date "1852.??.??"] [Round "?"] [White "Anderssen, Adolf"] [Black "Dufresne, Jean"] [Result "1-0"] [ECO "C52"] [Annotator "Kasparov,G"] [PlyCount "47"] [EventDate "1852.??.??"] [EventType "game"] [EventRounds "1"] [EventCountry "GER"] [SourceTitle "CBM 059"] [Source "ChessBase"] [SourceDate "1997.08.01"] [SourceVersion "1"] [SourceVersionDate "1997.08.01"] [SourceQuality "1"] {Aujourd'hui, nous allons nous pencher sur une partie qui a enchanté ses contemporains et qui est entrée dans l'histoire sous le nom de "la toujours jeune" en français ("Evergreen Game" en anglais). Dufresne était un étudiant en droit et journaliste allemand, dont le "Petit manuel du jeu d'échecs" ( "Kleines Lehrbuch des Schachspiels") a accompagné des générations entières de joueurs d'échecs.} 1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Bc4 Bc5 4. b4 Bxb4 5. c3 Ba5 6. d4 exd4 7. O-O d3 8. Qb3 Qf6 9. e5 Qg6 10. Re1 Nge7 11. Ba3 b5 12. Qxb5 Rb8 13. Qa4 Bb6 14. Nbd2 Bb7 15. Ne4 Qf5 16. Bxd3 Qh5 {[#] Les blancs ont un avantage gigantesque, le temps est venu de donner l'assaut. Fidèle à son propre style romantique et obéissant au goût du public, Anderssen a joué} 17. Nf6+ {?!! Deux points d'exclamation, car l'une des combinaisons les plus brillantes de toute l'histoire des échecs a été initiée par ce coup. Mais objectivement, la recherche de la beauté peut créer des complications inutiles. Le prosaïque} (17. Ng3 Qh6 18. Bc1 Qe6 19. Bc4 Nd5 (19... Qg6 20. Nh4 Qg4 21. Bxf7+) 20. Ng5 Qg4 21. Re4 {aurait terminé la partie sans plus de difficultés. Mais il manquerait ainsi aujourd'hui un joyau à la couronne du jeu d'échecs.}) 17... gxf6 18. exf6 Rg8 $1 {A première vue, la ligne g ouverte offre aux noirs d'excellentes chances de contre-attaque. Mais les calculs d'Anderssen étaient au-delà des craintes des gens normaux.} 19. Rad1 $1 {Je vous épargnerai les innombrables analyses de générations de joueurs d'échecs. Après des débats sans fin, ils ont décidé que le coup d'Anderssen était meilleur que l'alternative 19.Fe4. Après cela, 19...Tg4 ! serait le meilleur coup. Les Blancs auraient quelques problèmes difficiles à surmonter, mais à mon avis, ils gardent clairement le dessus dans les complications sauvages qui suivent.} Qxf3 $2 {Aujourd'hui, le roi blanc est à deux doigts d'être exécuté. Mais pouvons-nous reprocher à Dufresne de ne pas avoir reconnu les capacités magiques d'un génie ? [#]} 20. Rxe7+ $1 Nxe7 $5 {Une preuve de plus que les chefs-d'œuvre des échecs nécessitent la coopération courageuse de la victime ! De nos jours, un professionnel des échecs -- et bien sûr un ordinateur jouant aux échecs -- choisirait sans hésiter le coup 20...Rd8 pour éviter l'anéantissement imminent.} (20... Kd8 {Mais les noirs perdent aussi ainsi :} 21. Rxd7+ $1 Kc8 ( 21... Kxd7 22. Bf5+ Ke8 23. Bd7+ Kd8 24. Bxc6+ {with mate nebst Matt.}) 22. Rd8+ $1 Kxd8 (22... Rxd8 23. gxf3 {or}) (22... Nxd8 23. Qd7+ $3 {- the same motif mit dem gleichen Motiv}) 23. Be2+ {less clear is} ({weniger klar ist} 23. Bf5+ Qxd1+ 24. Qxd1+ Nd4 25. g3 Rg5 $1 26. Bh3 Bf3 $1) 23... Nd4 24. Bxf3 Bxf3 25. g3 Bxd1 26. Qxd1 {avec une finale ennuyeuse mais gagnée.}) 21. Qxd7+ $3 Kxd7 22. Bf5+ Ke8 23. Bd7+ Kf8 24. Bxe7# {Il n'est pas étonnant que les joueurs d'échecs de l'époque aient été peu enclins à apprendre des règles stratégiques obtuses face à des parties d'attaque aussi grandioses. Mais la vieille école combinatoire, menée par son chevalier le plus brillant, Anderssen, était finalement condamnée à disparaître. Ses représentants n'ont pas pu résister longtemps aux techniques plus avancées d'un Paul Morphy, dont les coups tactiques avaient une base positionnelle beaucoup plus solide.} 1-0 [Event "Match Londres 1834"] [Site "London"] [Date "1834.??.??"] [Round "18"] [White "McDonnell, Alexander"] [Black "De La Bourdonnais, Louis Charles Mahe"] [Result "0-1"] [ECO "C33"] [PlyCount "60"] [EventDate "1834.06.??"] [EventType "match"] [EventRounds "25"] [EventCountry "ENG"] 1. e4 e5 2. f4 exf4 3. Bc4 Qh4+ 4. Kf1 g5 5. Nc3 Bg7 6. d4 Nc6 7. e5 Nge7 8. Nf3 Qh5 9. Ne4 h6 10. Nf6+ Bxf6 11. exf6 d5 12. Bd3 Nf5 13. Qe1+ Kd8 14. Ne5 Nfxd4 15. c3 Nxe5 16. Qxe5 Nc6 17. Qxd5+ Ke8 18. Bb5 Be6 19. Bxc6+ Kf8 20. Qc5+ Kg8 21. Bf3 Qg6 22. Qd4 c5 23. Qe5 Re8 24. Be2 f3 {Des témoins de cette partie, jouée à Londres, nous ont assuré qu'arrivé à ce dernier coup du Pion poussé par le joueur français, il y eut comme un mouvement d'enthousiasme électrique dans l'assemblée d'élite qui assistait à cette lutte de géants, quand elle put apprécier toutes les conséquences de cette sublime combinaison.} 25. Kf2 fxe2 26. Be3 b6 27. h4 Bd7 28. Qd5 Qxf6+ 29. Kxe2 Bg4+ 30. Kd2 Rd8 {The Chess Player's Chronicle 1841, p. 311} 0-1

samedi 10 juillet 2021

Ilia Choumov, artiste peintre des échecs

Un peu au hasard de mes recherches, je suis tombé sur un problème d’échecs très original composé par le Russe Ilia Choumov (1819 – 1881) et publié dans Le Monde Illustré en janvier 1868 par Paul Journoud.

Portrait d'Ilia Choumov qui illustre la notice nécrologique en 1881 dans le journal Russe "L'Illustration Mondiale"

Ceci m’a amené à me replonger dans ma bibliothèque pour y sortir ma documentation au sujet de Choumov et de ses compositions très originales sur le jeu d’échecs. 

Livre de l’historien Russe des échecs Isaac Linder, Moscou 1959 - "L'artiste peintre des Échecs, Choumov"

Dans cet article, je commence avec quelques compositions originales, puis j’indique quelques aspects de la biographie de Choumov et enfin je parle de son lien avec le tournoi de l’Empereur à Paris en 1867. 

Tout d’abord au sujet de son nom transcrit du cyrillique, on le trouve sous de multiples orthographes Schoumoff, Schumoff, Schoumov, Shumov ou Choumov. C’est cette dernière orthographe qui correspond aux normes actuelles. Mais je laisserai les différentes orthographes d’époque dans les articles correspondants.

Premier aperçu du talent de compositeur d’Ilia Choumov – Où comment le jeu d’échecs reproduit un épisode historique

Le 4 janvier 1868, Paul Journoud, qui tient la chronique d’échecs du journal Le Monde Illustré, publie un problème très original qui va enthousiasmer ses lecteurs.

"Problème N°262 – Position allégorique composée pour le Monde Illustré par M. le conseiller d’état actuel J.SCHOUMOFF, de Saint-Pétersbourg.

Épisode de l’histoire romaine – Mort de l’Empereur Carus."

Les Blancs font mat en quatre coups.
J'ai mis en évidence la tente de Carus, ainsi que le T du Tonnerre.

"On sait que l’Empereur Carus, s’étant engagé dans une expédition contre les Perses, y périt, frappé de la foudre dans sa tente, l’an 283 de notre ère. Cette tente se trouve en effet figurée dans notre diagramme, et l’on y voit reposer l’Empereur (le Roi noir) ; tandis que, des cinq pièces groupées dans le lointain et formant la lettre T (Tonnerre), le Roi blanc représente Jupiter prêt à lancer la foudre. La solution expliquera le reste." Paul Journoud

Il publie la solution le 18 janvier 1868.

"Solution du problème N°262
1.Fe6 Fe7 2.Ff5 Ff6 3.Fxe4 Fxd4 4.Fxf3#"


"La ligne brisée que trace le Fou blanc représente parfaitement le zigzag de l’éclair qui foudroya Carus.
L’ingénieuse composition de M. Schoumoff a excité la verve poétique de plusieurs de nos correspondants. Nous avons reçu quatre solutions rimées (…), en regrettant beaucoup que les dimensions de cet article ne nous permettent pas de les reproduire toutes. En voici du moins une : elle est de notre ami le docteur de Grand-Boulogne.

Frappons-le, dit le Dieu, par un coup de tonnerre !
Le Fou s’élance et trace un zigzag flamboyant
En avant, puis à gauche, à la droite en équerre,
Laissant l’adverse Fou s’agiter terre à terre,
Écrase deux pions dans son cours foudroyant,
Et terminant alors sa brillante carrière, 
Tombe sur le Roi noir qu’il réduit en poussière." 

Paul Journoud
 
[Event "Le Monde Illustré"] [Site "?"] [Date "1868.01.04"] [Round "?"] [White "Ilia Choumov"] [Black "Mat en 4 coups"] [Result "1-0"] [SetUp "1"] [FEN "5bBK/6p1/3p2P1/3P4/2pNp3/1pQ1Pp2/1P3P2/3k4 w - - 0 0"] [PlyCount "7"] {Mort de l'Empereur Carus. Les Blancs jouent et font mat en 4 coups.} 1. Be6 Be7 2. Bf5 Bf6 3. Bxe4 Bxd4 4. Bxf3# 1-0

Poursuivons avec le chef d’œuvre de la littérature russe, Eugène Onéguine d’Alexandre Pouchkine.
Ou comment le jeu d’échecs croise la littérature et la poésie

En 1870, quelques vers de Pouchkine, et seule allusion du roman au jeu d’échecs, éveillent la curiosité et l’imagination débordante d’Ilia Choumov.

Уединясь от всех далеко,
Они над шахматной
доской,
На стол облокотясь,
порой
Сидят, задумавшись
глубоко,
И Ленский пешкою
ладью
Берет в рассеянье свою.

Traduction :

« Souvent, retirés tous deux loin du bruit, le coude appuyé sur une table à jeu, ils laissent errer leur imagination bien loin du monde réel, et Lenski, dans ces moments-là, prend une tour avec son pion. »

Olga et Lenski jouant aux échecs.

Il est donc question de deux personnages du roman, Vladimir Lenski amoureux de Olga Larina, et qui jouent ensemble aux échecs. Pouchkine écrit que Lenski plongé dans ses rêveries amoureuses capturent sa tour avec son propre pion…
Il n’en fallait pas plus à Choumov pour publier en 1870 dans le journal Russe « L’Illustration Mondiale » toute une série de problèmes et parties d’échecs liés à Eugène Onéguine. En voici deux que je trouve les plus significatifs.

Tout d’abord la partie entre Lenski et Olga, imaginée par Choumov.


Pouchkine : "Plongé dans ses rêveries, Lenski (avec les Blancs) prend sa Tour avec son pion"


Selon Choumov, Lenski tente de reprendre son coup, mais Olga lui interdit…
Et elle le mate en 5 coups avec les Noirs.

Puis il imagine que les rencontres entre Lenski et Olga se poursuivent autour d’un échiquier.


Cette fois-ci Olga a les Blancs. La partie elle-même n'est pas très intéressante, selon Choumov, car Lenski joue très mal. Arrivée à la position ci-dessus, Olga est en pleine réflexion, quand une mouche se pose sur une case de l'échiquier. Ceci amuse bien Olga, et en rigolant elle dit à Lenski « je vais transformer cette mouche en éléphant (en fou) et vous ferai mat en 4 coups ».

Choumov fait référence à un proverbe Russe « transformer une mouche en un éléphant », qui signifie que d’une affaire qui ne vaut rien (« une mouche ») on en fait une affaire très importante (« un éléphant »), tout en sachant que « éléphant » en Russe,  слон (Slone), désigne le Fou en Français aux échecs. Il va donc ici transformer la mouche en Fou.

L’énoncé du problème est donc : Sur quelle case s’est posée la mouche, et comment faire mat en 4 coups en mettant le Fou sur cette case. 


La mouche s’est posée en a1 et Olga l’a transformé en Fou. Maintenant c’est aux Noirs de jouer et de se faire mater en 4 coups… 1….h3 2.Rc1 h4 3.Rb2 Rd4 4.Rb3# Un mat élégant !

Olga et Lenski, Eugène Onéguine, Alexandre Pouchkine.

[Event "Eugène Onéguine"] [Site "?"] [Date "1870.??.??"] [Round "?"] [White "Lenski, Vladimir"] [Black "Larina, Olga"] [Result "0-1"] [ECO "C37"] [Annotator "Ilya Choumov"] [PlyCount "26"] 1. e4 e5 2. f4 exf4 3. Nf3 g5 4. Bc4 g4 5. O-O gxf3 6. d4 fxg2 7. Bxf7+ Kxf7 8. Qh5+ Ke7 9. Rxf4 Nf6 10. Rxf6 Qe8 11. Qh4 (11. Qe5+ Kd8 12. Rxf8 Rxf8 13. Bg5+) 11... d6 12. e5 dxe5 13. dxe5 Kd7 {ici " Lenski, plongé dans ses rêveries, prend sa tour avec son pion"} 0-1 [Event "Eugène Onéguine"] [Site "?"] [Date "1870.??.??"] [Round "?"] [White "Lenski, Vladimir"] [Black "Larina, Olga"] [Result "0-1"] [Annotator "Ilya Choumov"] [SetUp "1"] [FEN "rnb1qb1r/pppk3p/5P2/8/7Q/8/PPP3pP/RNB3K1 b - - 0 1"] [PlyCount "9"] {Lenski vient donc de prendre sa propre tour en f6. Selon Choumov, il voulait rejouer son propre coup, mais Olga lui interdit. La partie continua et elle le mata !} 1... Bc5+ 2. Kxg2 Qe2+ 3. Kg3 Bd6+ 4. Bf4 Rg8+ 5. Kh3 Qg2# 0-1 [Event "Eugène Onéguine"] [Site "?"] [Date "1870.??.??"] [Round "?"] [White "Larina, Olga"] [Black "Lenski, Vladimir"] [Result "*"] [Annotator "Ilya Choumov"] [SetUp "1"] [FEN "8/p7/p7/P1pN3p/P1k1Pp1p/5P2/2P4P/3K4 w - - 0 0"] [PlyCount "0"] {Encore une partie entre Lenski et Olga. Cette fois-ci Olga a les Blancs. La partie elle-même ne fut pas très intéressante, selon Choumov, car Lenski joua très mal. Arrivée à cette position, Olga était en pleine réflexion, quand un mouche se posa sur une case de l'échiquier. Cela amusa bien Olga, et en rigolant elle dit à Lenski "je vais transformer cette mouche en éléphant et vous ferai mat en 4 coups".} * [Event "Eugène Onéguine"] [Site "?"] [Date "1870.??.??"] [Round "?"] [White "Larina, Olga"] [Black "Lenski, Vladimir"] [Result "1-0"] [Annotator "Ilya Choumov"] [SetUp "1"] [FEN "8/p7/p7/P1pN3p/P1k1Pp1p/5P2/2P4P/B2K4 b - - 0 1"] [PlyCount "6"] {La mouche s'est posée en a1. Olga l'a transformé en Fou. Maintenant c'est aux noirs de jouer et seront matés en 4 coups.} 1... h3 2. Kc1 h4 3. Kb2 Kd4 4. Kb3# {un mat élégant !} 1-0

Quelques éléments biographiques provenant du livre d’Isaac Linder au sujet de Choumov

Ilia Stepanovitch Choumov (1819 – 1881) fait toute sa carrière dans la marine Russe, jusqu’en 1847 en tant qu’officier essentiellement en mer Baltique, puis à partir de 1847 au ministère de la marine dans la capitale Russe de l’époque, Saint-Pétersbourg. Isaac Linder indique que le choix de travailler dans un ministère est un choix délibéré de Choumov qui souhaitait consacrer plus de temps au jeu d’échecs.

En 1851, les plus forts joueurs Russes, Petrov, Choumov, Jaenish et Kireevski, reçoivent une invitation pour le tournoi d’échecs de l’exposition universelle à Londres. Le gouvernement Russe refuse alors que des citoyens Russes se rendent en Angleterre pour ne pas rapporter d’idées républicaines et démagogiques d’occident.
Choumov en tant que haut-fonctionnaire ne peut donc pas se rendre à Londres, seul Jaenish arrive à quitter la Russie mais arrive trop tard pour le tournoi d’échecs. Le rêve des maîtres Russes de rencontrer les joueurs étrangers occidentaux ne se réalisera que trente ans plus tard avec Tchigorine.

En mars 1853 le premier salon d’échecs de Saint-Pétersbourg est créé par le Comte Kuchelev-Bezborodko (dont parle Lionel Kiesertizky dans sa correspondance depuis Paris).
Ce salon dure une dizaine d’années et compte jusqu’à une centaine de membres. 
Léon Tolstoi et Ivan Tourgueniev fréquentent ce lieu, et Choumov se liera d’amitié avec ce dernier. 
Mais la police du Tsar se méfie toujours de ces réunions et ce club doit fermer en 1862 par crainte de propagation d’idées séditieuses. On retrouve là dans la Russie tsariste la même crainte de l’ancien régime en France vis-à-vis des réunions dans les cafés parisiens au XVIIIe siècle. 

[Event "Saint-Pétersbourg"] [Site "?"] [Date "1856.??.??"] [Round "?"] [White "Choumov Ilia"] [Black "Tourgueniev Ivan"] [Result "1-0"] [Annotator "Isaac Linder"] [SetUp "1"] [FEN "1r6/4R1R1/1rp2p2/p3b2p/3p1ppk/1PP4B/P4PPK/8 w - - 0 1"] [PlyCount "9"] {Fin de partie entre Ilia Choumov et Ivan Tourgueniev en 1856 à Saint-Pétersbourg. Les Blancs jouent et font mat en 5 coups.} 1. Rxe5 $1 g3+ ( 1... fxe5 2. g3+ fxg3+ 3. fxg3#) 2. Rxg3 fxe5 (2... fxg3+ 3. fxg3#) 3. Rg6 dxc3 4. g3+ fxg3+ 5. fxg3# 1-0

Le tournoi de l’Empereur à Paris en 1867

Vous avez ici un très bon article signé par Georges Bertola sur ce tournoi

Comme en 1851, Choumov n’a pas l’autorisation de se rendre à Paris pour le premier tournoi international d’échecs organisé en France pour l’exposition universelle de 1867. Pourtant il se préparait à venir à Paris avec sans doute un rêve de visiter le Café de la Régence.


Article La Stratégie en juin 1867
Ni Jaenisch ni Choumov ne pourront venir à Paris.

Néanmoins son nom apparaît dans la liste des souscripteurs dans le livre du tournoi.

Source : Google Book

Même si Choumov ne peut finalement pas venir à Paris, son ombre plane sur l’événement.

Choumov - Le plan de l'exposition Universelle de Paris en 1867
Les Blancs jouent et font mat en 4 coups


Le bâtiment principal de l'exposition Universelle de Paris en 1867.
Notez la ressemblance avec le problème de Choumov.

Et en début d’année 1867, il fait paraître (en Français et en Russe) un recueil de problèmes très particuliers qu’il intitule : « Recueil de problèmes scacchographiques » (scaccho --> échecs, graphique --> écriture). Une grande partie des problèmes forment des lettres d’échecs, comme les deux suivants, l’un dédié à Paul Journoud et l’autre à Jean Préti.

Problème dédié à Paul Journoud - Les Blancs jouent et font mat en 3 coups
Présent dans le livre "Recueil de problèmes scacchographiques".

Problème dédié à Jean Préti - Les Blancs jouent et font mat en 4 coups
Ce problème n'est pas dans le livre de Choumov.
Il s'agit peut être d'une composition qui fait suite à l'article ci-dessous paru dans La Stratégie.

En juillet 1867, la revue La Stratégie, nouvellement créée, en parle ainsi sous la plume de Jean Préti :

"Recueil des Problèmes de M. Schoumoff

Le recueil de Problèmes de M. Schoumoff, l’éminent compositeur russe, cache, sous un titre assez bizarre (1), une véritable bonne fortune échiquéenne ; qu’importe l’enveloppe quand le fruit est savoureux.

Ouvrons le volume ; les pièces rangées dessinent un grand sabre. Quelles magnifiques armes parlantes pour le noble jeu des échecs, comme M. Schoumoff connait son terrain ! Là en effet, règne le régime du bon plaisir, sur un signe du maître, capitaines et soldats sont voués à la mort.

Après cette ouverture défilent successivement, et par ordre, les vingt-quatre (sic - NDA les 26 lettres sont bien représentées dans le livre de Choumov) lettres de l’alphabet.  Si M. Schoumoff, pour ses problèmes, s’était contenté de placer sur l’échiquier des pièces blanches et noires, dessinant plus ou moins des formes de lettres, c’eût été simplement une puérilité, mais chacun de ses mats est aussi remarquable par l’idée que par l’exécution, la forme des lettres n’a pas nui à la beauté des compositions, on dirait, au contraire, que M. Schoumoff, obligé de lutter contre une impérieuse nécessité, a grandi avec la difficulté et n’a jamais été mieux inspiré. La plupart de ces problèmes sont dédiés aux notabilités de l’Échiquier. S.A.I. le grand-duc Constantin, M. le comte de Koucheleff, M. Ouroussoff, M. Heydebrand de la Lasa, M. Rivière, M. Loyd, M. Anderssen, etc.

Après la lettre arrivent les problèmes humoristiques et politiques, d’abord l’essai de délivrance d’un prisonnier d’État, la clé incomplète, le quadrilatère autrichien, la pendule de Napoléon et vingt autres dont les positions premières et finales sont des plus originales, mais la perle de ses problèmes est celui intitulé la Question d’Orient, l’armée blanche est disséminée sur l’Échiquier, les Noirs se sont formés en croissant, le combat s’engage, les morts disparaissent, et le Roi noir reste seul écrasé par la croix du christianisme, le résultat final est frappant.
De semblables problèmes se décrivent mal, il faut les voir sur l’Échiquier, et nous promettons aux lecteurs qui parcourront ce volume de véritables et heureuses surprises. 

(1) Recueil de Problèmes scacchographiques et autres positions curieuses comprenant la représentation complète des lettres de l’alphabet ainsi que divers mats politiques, humoristiques et phantastiques (sic). Saint-Pétersbourg 1867."

Choumov - Position finale du problème intitulé "Question d'Orient" évoqué par Jean Préti.
En cette deuxième moitié du XIXe siècle la Russie se frotte à l'empire Ottoman.


[Event "Le Plan de l'exposition universelle"] [Site "?"] [Date "1867.??.??"] [Round "?"] [White "Choumov Ilia"] [Black "?"] [Result "1-0"] [SetUp "1"] [FEN "8/2Nbpp2/1b4R1/k2pN2n/P2RP2K/1P4p1/2PPBn2/8 w - - 0 0"] [PlyCount "7"] {Problème intitulé : "Le plan de l'exposition Universelle de 1867". Les Blancs jouent et font mat en 4 coups.} 1. exd5 Bb5 {le meilleur coup, sinon Cc4 puis Ca6 et le roi noir est mat en 3 coups.} (1... g2 2. Nc4+ Kb4 3. Na6#) (1... Bxc7 2. Ra6#) 2. Bxb5 Bxd4 3. Nc4+ Kb4 4. Na6# 1-0 [Event "Mat en 3 coups"] [Site "?"] [Date "1867.??.??"] [Round "?"] [White "Choumov Ilia"] [Black "Dédié à Paul Journoud"] [Result "1-0"] [Annotator "Choumov Ilia"] [SetUp "1"] [FEN "8/1rp3p1/1p1n2n1/1RP3k1/1P4N1/1P2N1P1/1Q3K2/8 w - - 0 0"] [PlyCount "5"] {Dédié à Paul Journoud. Les Blancs jouent et font mat en 3 coups.} 1. Qxg7 Ne4+ (1... Nf5 2. c6 Rb8 3. Qh6#) 2. Kg2 Nxg3 3. Qh6# 1-0 [Event "Mat en 4 coups"] [Site "?"] [Date "1867.??.??"] [Round "?"] [White "Choumov Ilia"] [Black "Dédié à Jean Préti"] [Result "1-0"] [Annotator "Choumov Ilia"] [SetUp "1"] [FEN "8/8/2K2BB1/2p2p1p/2r2pk1/R1r2N2/1n3R2/8 w - - 0 0"] [PlyCount "7"] {Dédié à Jean Préti. Les Blancs jouent et font mat en 4 coups.} 1. Bxh5+ Kxh5 ( 1... Kg3 2. Bh4+ Kh3 3. Rh2#) 2. Ne5 f3 (2... Rxa3 3. Rh2+ Rh3 4. Rxh3#) 3. Rh2+ Rh4 4. Rxh4# 1-0 [Event "Problèmes Scacchographiques"] [Site "?"] [Date "1867.??.??"] [Round "?"] [White "Choumov Ilia"] [Black "La question d'Orient"] [Result "1-0"] [SetUp "1"] [FEN "3nn2b/2q2R2/2k5/1Rp5/B2pr1N1/2P2PQP/2P3P1/2N4K w - - 0 0"] [PlyCount "9"] {La question d'Orient - 1867. Les Blancs jouent et font mat en 5 coups. A noter que le problème n'est pas tout à fait correct, l'ordinateur montre un mat en 4 coups} 1. fxe4 c4 2. Rb4+ Kc5 3. Rxc7+ Nxc7 4. Qxc7+ Nc6 5. Qxc6# 1-0