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mercredi 14 décembre 2022

Censure en 1877

En fin d’année 1876, le caricaturiste André Gill crée le journal satirique La Lune Rousse.
Tout au long cette année 1877, dix de ses caricatures seront censurées par la IIIe République.
Elles seront toutes publiées dans un recueil spécial au début de l’année 1878.
 
André Gill par Nadar.

J’avoue qu’il est difficile de comprendre pour quelle raison ces dessins ont été censurés, avec notre vision actuelle des choses. Comme vous le verrez à la fin de l'article, où je mets la caricature, nous sommes à des années lumières de caricatures contemporaines aux conséquences dramatiques.

Toujours est-il que la presse française devra attendre la loi fondatrice du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. La presse écrite deviendra alors le premier média de masse. Entre 1880 et 1914, les tirages de journaux tripleront.
 
La Lune Rousse - 30 septembre 1877 - Gallica

Dans son numéro du 30 septembre 1877, La Lune Rousse n’a pas l’autorisation de publier un dessin représentant Jules Grévy devant un échiquier. On connait le lien de Jules Grévy avec le jeu d’échecs et le Café de la Régence, c’est sans doute ce qui explique le choix d’André Gill pour cette caricature.
Voir l'article que j'ai consacré à Jules Grévy.
 
La Lune Rousse - 30 septembre 1877 - Gallica
 
J’ai cherché sans succès pour le moment la raison de cette censure. Quelle est l’allusion que mentionne le texte de remplacement dans la Lune Rousse ? Ou bien le simple fait d’avoir représenté Jules Grévy, alors président de la chambre des députés, suffit à cette censure ?

En tout cas l’écho de cette censure retentit dans la plupart des journaux parisiens et provinciaux.
Citons par exemple Le Progrès de la Somme du 28 septembre 1877, Le Petit Parisien du 29 septembre 1877 ou encore Le Siècle du 27 septembre 1877.
 
Le Siècle - 27 septembre 1877 - Retronews
 
Le Petit Parisien - 29 septembre 1877 - Retronews
 
Le Progrès de la Somme - 28 septembre 1877 - Retronews

Ce dessin est le 7ème qui est censuré.

Jules Grévy est en 1877 le président de la chambre des députés, et c’est donc quand il sera président de la République que la loi du 29 juillet 1881 sera votée.
 
Le fameux dessin censuré de Jules Grévy devant un échiquier... - Source Gallica
 
Pour le plaisir, vous avez ci-dessous le dessin de Victor Hugo censuré, ainsi que le texte de remplacement publié dans La Lune Rousse du 7 octobre 1877.
 
Ce dessin est le 8ème qui sera censuré. Il s'agit d'une caricature de Victor Hugo au sujet de son nouveau livre « Le crime du 2 décembre » en référence au coup d’état du futur Napoléon III le 2 décembre 1851.
Mesurant du regard l'aigle de l'Empire étendu à ses pieds.
 

mercredi 23 novembre 2022

Aaron Alexandre - 3 sur 3 - Professeur de violoncelle de Jacques Offenbach

Aaron Alexandre - 3 sur 3

Ainsi, au cours de mes recherches sur Aaron Alexandre, j'ai découvert qu'il avait été professeur de violoncelle de Jacques Offenbach !

Jacques Offenbach par Alexandre Laemlein, 1850 - Source BNF/Gallica

Dans le livre Offenbach en Amérique, Note d’un musicien en voyage, Paris 1877, par Jacques Offenbach, e journaliste Albert Wolff écrit en page V de la notice biographique :

(…) On m’a souvent raconté dans mon jeune temps que le papa Offenbach s’imposait les plus durs sacrifices pour faire apprendre le violoncelle à son fils Jacques. Je me souviens encore du professeur de votre mari que, dans mon enfance, j’avais entrevu quelquefois dans les rues avec un habit râpé, à boutons d’or, dont les basques descendaient jusqu’aux mollets, un jonc avec une pomme en ivoire, une perruque brune et un de ces chapeaux, à bords recourbés, alors à la mode, qui s’évasaient à ce point que le haut prenait à peu près les proportions de la plateforme de la colonne Vendôme. 
 
Malgré sa fortune relative, qui lui garantissait un peu plus que l’indépendance, M. Alexander, le professeur, passait pour le plus grand avare de la ville. On prétendait qu’il avait eu autrefois un très grand talent ; dans son quartier on le désignait sous le nom glorieux de « l’artiste ». C’est chez lui que Jacques prit des leçons à vingt-cinq sous le cachet. Les fins de mois étaient dures dans la famille Offenbach, mais on se privait de quelques petites douceurs pour économiser le prix du cachet, car Herr Alexander ne plaisantait pas : il fallait étaler les vingt-cinq sous sur la table avant le commencement de la leçon. Pas d’agent, pas de violoncelle ! (…)


Archives Israélite de France, 1er février 1877 - Source Retronews

Et le 1er février 1877, les Archives Israélites de France précise un point fondamental.A noter que la phrase "les privations du siège" fait référence au siège de Paris de la fin d'année 1870 au début de l'année 1871 par l'armée allemande.

(…) en mentionnant le professeur de musique du jeune Jacques, Herr Alexander, il semble ignorer que ce musicien n’est autre que le fameux joueur d’échecs que le Paris spécial a connu depuis, maître d’hôtel intelligent et malheureux, linguiste, musicien, et surtout, nous le répétons, grand maitre en l’art des échecs : cet original personnage, mort depuis longtemps à Londres, était l’oncle du peintre Alexandre Laemelin qui a succombé il y a quelques années aux privations du siège, et que, en dépit de la différence des genres et des caractères, une étroite amitié unissait à Offenbach.
 
Je termine avec Aaron Alexandre, par une anecdote amusante écrite par Alexandre Laemlein. Elle fait partie de l'article nécrologique qu'il consacre à son oncle et que ne reprend par Saint-Amant (voir mon précédent article). 

Archives Israélites de France - 30 janvier 1851 - Source Retronews

(…) Quelques personnes s’imaginent qu’un homme célèbre comme M. Alexandre a dû laisser à son neveu quelque chose de son talent aux échecs ; un mot de lui suffira pour leur faire connaitre la vérité. J’avais en effet pris à un certain moment de ma jeunesse la passion des échecs, et dans le désir de me fortifier, je priai mon oncle de me donner quelques leçons ; il me dit : « Prends Philidor, et étudie un début jusqu’à ce que tu le saches bien, puis tu en étudieras un autre, puis quelques fins de partie, et en faisant ce travail seulement dix minutes par jour pendant un an, tu arriveras à une certaine force. » 
 
Je le fis pendant cinq ou six jours ; puis m’ennuyant du jeu solitaire, je le tourmentai de nouveau pour avoir ses leçons verbales ; il me remettait toujours, car me voyant jouer avec des amis, il m’avait déjà jugé du coin de l’œil ; enfin, de guerre lasse, l’ayant pressé un jour plus qu’à l’ordinaire, il consentit à faire une partie. Il me rendit la dame et me fit mat en huit ou dix coups, après m’avoir rendu encore plusieurs pièces tombées en route et me dit : « Je te conseille d’y renoncer, tu ne seras jamais qu’un imbécile »

LAEMELIN

samedi 24 septembre 2011

Les échecs, un sport !

Grâce aux efforts de la Fédération Française des Echecs, le jeu d'échecs a été reconnu comme "sport" depuis janvier 2000.
Arrêté du 19 janvier 2000 du ministre chargé des Sports (Bulletin officiel du ministère de la jeunesse et des sports du 29 février 2000).
Mais le chemin est encore long avant d'être reconnu comme fédération sportive délégataire, ce qui permettrait de passer de l'état de survie à vie pour beaucoup de joueurs et d'associations. 

Revenons au Café de la Régence, le sujet qui m'intéresse.
Le 16 janvier 1877, un court article parait dans le journal "Le Petit Parisien" dans la rubrique "SPORT" du journal.
Vous remarquerez qu'il a fallu attendre plus d'un siècle avant d'avoir un statut officiel qui semblait une évidence à l'époque...


SPORT

Un tournoi d’échecs a lieu en ce moment au célèbre Café de la Régence.
Comme dans les courses de chevaux où le handicapeur égalise les chances de gain par le poids qu’ont à porter les chevaux, suivant leur âge, leur origine et leur passé, les joueurs sont divisés en cinq classes par M. Rosenthal, qui dirige le combat.
Les joueurs de même classe ne se rendent aucun avantage ; les autres cèdent à l’adversaire depuis le trait, c’est-à-dire le droit de jouer le premier, jusqu’à la tour qu’abandonnent les concurrents de première classe à ceux de la cinquième.
On ne cède pas deux pièces ; ceux qui ne sont pas de taille à se contenter d’une seule sont exclus.
Les joueurs qui combattent dans la dernière tournée, c’est-à-dire qui se disputent définitivement le prix, sont M.M. Chamier, baron de Foucaut, Ch. Joliet et Maczenski.
Ce dernier, qui est d’une grande force, a été battu par M.Chamier, qui a du ou devra lutter alternativement avec chacun des trois autres concurrents.
On voit parmi les noms des joueurs de la première tournée celui de M. de Bornier, l’auteur de la Fille de Roland.
(Figaro.)