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dimanche 16 avril 2023

Lettre manuscrite de Deschapelles

Fin mars 2023, une lettre manuscrite de Deschapelles a été mise en vente sur le site internet Chesslund.
C'est Alain Barnier, toujours à l'affût des raretés du jeu d'échecs :-) merci à lui, qui m'a alerté sur cette vente. 
Vous avez ici le lien avec la vente. La lettre a été vendu à 961 euros !

Il est intéressant de voir que le vendeur a fait référence à mon site internet pour l'authentification de la lettre. En effet la signature des Deschapelles sur cette lettre est tout à fait similaire à celle présente sur les deux testaments trouvés par Pierre Baudrier et que j'ai publiés dans un précédent article.

Source : base LEONORE - dossier Deschapelles

Signature de Deschapelles sur son premier testament - 1er février 1846
On voit que sa signature a évolué avec le temps. 
Il a ici 66 ans, il est très malade et décédera le 27 octobre 1847.

A nouveau la signature des Deschapelles sur la lettre mise en vente sur le site Chesslund.
Celle-ci est tout à fait semblable à la signature du testament. 
La lettre est datée du 24 mars 1846.

Vous avez ci-dessous le texte de cette lettre, ou plutôt ce que j'ai réussi à lire. 
D'ailleurs le début de la lettre était retranscrit sur le site de vente.
Si vous arrivez à lire les mots qui manquent ou bien à me corriger, n’hésitez pas à me contacter.
 
Ajout du 20 et 21 avril 2023 : Merci à Philippe Bodard qui a réussi à lire la lettre dans son intégralité (voir ci-dessous), ainsi que pour son interprétation du contenu de la lettre.
 
Globalement le contenu de la lettre n'est pas d'un très grand intérêt. 
Mais on y apprend le nom du notaire de Deschapelles.
Un certain "Esnée", en fait Nicolas Joseph Esnée, notaire à Paris, rue Meslay (actuellement à proximité de la place de la République". Il est possible de consulter les minutes et répertoires de ce notaire aux archives nationales, ainsi peut-être d'autres documents présents dans le fonds qui lui est dédié.

Monsieur Esnée, Notaire
Rue Meslay
A Paris

Le 24 mars 1846

Mon cher Esnée, j’ai un contrat à signer, je
vous conseille de me l’envoyer, il doit y avoir de
l’inconvénient à laisser cette besogne à des héritiers.
Je puis être dans une grande erreur, mais je sors 
d’une nuit laborieuse, où plusieurs fois j’ai cru
entrer en prévision de l’éternité. C’est ma 2è lettre
vous êtes prévenu, -- on vient me causer du Cercle
On m’en dit des basses, et je ne sais pas l’emploi
que Larrieu fait de son bonheur, dites le lui de
ma part j’ai eu encore confiance dans ma vieille amitié

Votre dévoué

Deschapelles
 
Interprétation de la lettre par M.Philippe Bodard
 
Il me semble que Deschapelles est inquiet : je crois comprendre qu'il était en relation avec un dénommé Larrieu, que peut-être il lui aurait prêté de l'argent (son bonheur) ou bien qu'il ait participé avec lui à une affaire, et que les nouvelles que l'on lui rapporte du Cercle (des basses, c'est-à-dire des bruits de couloir) sont inquiétantes : Deschapelles prierait donc son notaire de rappeler, à Larrieu, qu'il avait encore fait confiance à ce personnage, au nom de leur vieille amitié mais l'emploi du passé (j ai eu) laisse planer de gros doutes quant à la réalité de cette confiance.

Deschapelles a un style littéraire très particulier et très personnel, un peu ampoulé, mais surtout très imagé. Il n'y a pour s'en convaincre qu'à lire son traité du Whist(e).

 
Ci-dessous les images publiées sur le site Chesslund par le vendeur.
 



vendredi 23 décembre 2022

Caricature non censurée en 1871

Il y a quelques jours j'ai publié un article sur une caricature censurée en 1877, sur le thème du jeu d'échecs. Dans un commentaire, M. Alain Barnier, que je remercie, m'a communiqué la référence d'une autre caricature. Celle-ci date à peu près de la même époque, et elle n'a pas été censurée par contre !

Elle est signée par le caricaturiste Alfred Le Petit et était en première page du journal satirique L'Eclipse.
A ce sujet Wikipédia nous apprend l'origine "amusante" du nom du journal :

En 1865, François Polo, libraire républicain qui édite des pamphlets contre l’empereur Napoléon III fonde le journal La Lune, auquel André Gill fournit des caricatures. Interdit par la censure, en décembre 1867, à la suite d’une caricature de Napoléon III, le journal disparaît le 17 janvier 1868.

La boutade « La Lune devra subir une éclipse » détermine le nom du successeur de La Lune : L’Éclipse. Le premier numéro paraît le 26 janvier 1868 et le dernier le 25 juin 1876. Au total, elle compte 400 numéros, plus 36 numéros bis ainsi que 5 suppléments en 1870. Lui succédant, La Lune rousse paraît jusqu’en 1879.

Ces journaux sont à nombreuses reprises censurés ou interdits. André Gill invente alors le personnage d’Anastasie1, femme revêche armée de ciseaux, censée personnaliser la censure.


En octobre 1871, au moment de la parution de la caricature, la France sort à peine d'une période majeure de son histoire.
La défaite de Napoléon III face à la Prusse, la perte de l'Alsace-Lorraine, l'émergence de la Troisième République et la Commune de Paris. La situation politique en France est complexe et incertaine, avec par exemple un retour possible d'un régime monarchiste.

L'Eclipse du 15 octobre 1871 - Source Gallica

Le texte sous la caricature indique :
Ce sont les Blancs qui marchent, il n'en reste plus qu'un : le Roi !
- Sa majesté voudrait bien s'avancer; mais elle est bloquée.
La Dame (le République), la Tour (Paris), le Cavalier (d'Aumale), le Fou (Rouher), tiennent en respect le petit-fils de Saint-Louis.
Le Roi est échec et mat.

mardi 15 novembre 2022

Vente d'une lettre de Baudelaire

Alain Barnier m'a informé qu'une lettre manuscrite de Baudelaire avait été vendue aux enchères le jeudi 10 novembre 2022 à l'Hôtel Drouot. Cette lettre mentionne l'automate joueur d'échecs, ou plus exactement la nouvelle écrite par Edgar Poe à ce sujet, et elle a été adjugée à 3900 euros hors frais !
 
Le très connu portrait de Charles Baudelaire par Étienne Carjat.
 
En effet, Charles Baudelaire a traduit, entre autres, la fameuse nouvelle "Le joueur d'échecs de Maelzel" d'Edgar Poe.
 
Edgar Allan Poe, probablement pris en juin 1849, à Lowell, Massachusetts, photographe inconnu (Wikipedia).
 
Le joueur d'échecs de Maelzel est écrit en 1836 par Edgar Poe, la lettre manuscrite date du début de l'année 1862, et le recueil de nouvelles d'Edgar Poe avec la traduction de Charles Baudelaire, Histoires grotesques et sérieuses qui contient la nouvelle sur l'automate, est publié en 1864.
 

 

Le texte que m'a communiqué Alain Barnier est le suivant :

BAUDELAIRE Charles (1821-1867)

L.A.S. « Charles », Lundi soir [10 février 1862], à sa mère Madame Caroline AUPICK ; 3 pages in-8.
Baudelaire annonce à sa mère le retrait de sa candidature à l’Académie française
 
« Chère maman, AUSSITÔT que tu recevras cette lettre, monte dans mon cabinet, cherche les œuvres d’Edgar POE (le dos est vert olive), prends le quatrième volume, informe toi du moyen le plus rapide (Poste ou chemin de fer ? je crois que c’est la Poste ; mais la Poste n’admet pas les paquets fermés), et envoie le moi tout de suite. Cet exemplaire de Poe me coûte un prix fou, c’est te dire qu’il faut que ce quatrième volume soit enveloppé de telle façon que le trajet ne puisse l’abîmer en aucune façon ». Il en a besoin d’urgence « pour gagner immédiatement 200 francs. […] C’est pour un article intitulé l’Automate joueur d’échecs ».
 
Puis il parle de l’Académie française : « Il y a eu Jeudi dernier une tentative d’élection à l’académie. 13 tours de scrutin, et aucun résultat. Je viens de retirer ma candidature pour le fauteuil du Père Lacordaire, je t’assure que j’agis sagement. Je sais maintenant que je serai nommé, mais quand ? – Je ne le sais pas. Je t’embrasse et je te regarde comme mon seul salut et mon seul amour »... Il recommande de bien protéger « surtout les coins et aux angles du volume »... Correspondance (Bibl. de la Pléiade), t. II, p. 230. Ph. de Flers, Th. Bodin, L’Académie française au fil des lettres, p. 224-227.
 
Source Gallica - Édition de 1871
 
Il faut noter que la révélation publique du secret de l'automate Turc joueur d'échecs de Kempelen/Maelzel se fait très probablement pour la première fois en 1834 dans la revue "Le Magasin Pittoresque" en page 155.

 
La fin de l'article fait écho avec mon article sur l'Hôtel de l’Échiquier d'Aaron Alexandre.
 

(...) Du reste, plus d'un amateur du café de la Régence, et surtout du club des Échecs tenu par M. Alexandre, joueur très distingué, a dû être initié à ce secret : l'un d’eux même, si nous sommes bien informé, a dirigé quelques temps l'automate, et c'est à eux de juger de la justesse et de la vérité de notre explication. 

Le joueur en question est Jacques François Mouret, et je vous invite à lire l'article que lui consacre Dominique Thimognier sur son site Héritage des Échecs Français.