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mercredi 30 juillet 2025

Visite de l’exposition « Philidor enfant de Dreux »

Le weekend dernier je me suis rendu à Dreux pour voir l’exposition consacrée à Philidor au musée d’Art et d’Histoire de la ville. Cette exposition est accessible du 23 mai 2025 au 7 septembre 2025.
 
A cette occasion j’ai rédigé un article pour le site de la FFE consacré aux évènements du tricentenaire de la naissance de Philidor. Comme je l’y indique, il est curieux de fêter ce tricentenaire un an avant l’année effective (Philidor est né le 7 septembre 1726 à Dreux) ! Mais bon il est également prévu d’autres évènements pour l’année 2026.
 
Voici donc un reportage consacré à cette exposition.
 
Il y a dix ans déjà je m'étais rendu à Dreux. J'avais pu voir, sans y entrer car c'est une propriété privée, la maison natale de Philidor. 
Il existe forcément une rue Philidor à Dreux. Vous remarquerez le blason de la ville qui ressemble à un échiquier.
 

La rue Philidor à Dreux. Il me semble que la maison, à droite de la tour, est celle de Philidor.
 
 
 
Le musée d'Art de d'Histoire de Dreux, accessible gratuitement.  



L'entrée de la salle du musée consacrée à l'exposition sur Philidor.
A vrai dire je pensais que l'exposition serait un peu plus importante.
Mais ne boudons pas notre plaisir, il est très rare de voir une telle exposition.
 
 
La salle de l'exposition sur Philidor.
 

Le buste de Philidor par Augustin Pajou ami de Philidor, vers 1773.
Un autre exemplaire se trouve au musée Carnavalet à Paris.
A noter que la plupart des objets exposés proviennent de la collection privée des descendants de Philidor.
Je vous conseille la lecture de l'entrevue de Dany Sénéchaud (décédé en 2019) à ce sujet.  
 
 
Une vitrine contient deux registres. Sur un des registres il est possible de voir l'acte de baptême de Philidor, et sur l'autre l'acte décès de son père. 
Voici la transcription du texte du baptême de Philidor
 
« L’an mil sept cent vingt-sept, le jeudi seizième octobre, 
François André, né le septième de septembre de l’année 
mil sept cent vingt six, et baptisé par moy, prestre curé de cette 
église, en l’église de Saint-Étienne dudit Dreux, avec la permission 
de Monseigneur l’évêque de Chartres, le premier septembre 
de la dite année mil sept cent vingt six, signé Charles François 
évêque de Chartres avec paraphe, du légitime mariage de sieur André Danican de Philidor, 
ordinaire de la musique du Roy et garde de sa bibliothèque, et de damoiselle 
Élisabeth le Roy sa femme, de cette paroisse, a reçu les cérémonies 
de baptême de moy prestre curé de cette Église, soussigné, le parrain 
haut et puissant seigneur messire François Chaillou, seigneur 
de Jouville, gentilhomme ordinaire du Roy, qui a donné les noms, la marraine 
haute et puissante dame Catherine Guille Parat, qui a signé 
le sieur parain et père et mère.
C. Guille Parat, André Danican Philidor, Chaillou de Jouville, Chevalier et Élisabeth Philidor »



Acte de décès du père de Philidor, le 11 août 1730.

« Mort le vendredi onzième août 1730
Le sieur André Danican de Philidor, ordinaire de la musique
du Roi et garde de la Bibliothèque, décédé d’aujourd’hui
entre minuit et une heure, âgé de soixante et dix-huit ans ou
environ, après avoir reçu les sacrements de l’Église, a été inhumé
dans l’église de cette paroisse, en présence de messieurs les prêtres de ladite Église. (...) »
 
Trois beaux portraits sont visibles dans cette exposition.
Tout d'abord le portrait du père de Philidor dit Philidor l'Ainé. Huile sur toile, auteur anonyme.

 
Anonyme, huile sur toile.
André Joseph Hélène Danican Philidor, dit le Beau Philidor (1762 - 1845), fils de Philidor.
 
Voici un extrait de la revue Le Palamède 1847 - Biographie de Philidor par son fils ainé (celui du tableau ci-dessus, décédé en 1845) - page 6 et 7

« (...) il rentrait un soir chez lui au moment où deux de ses enfants de quatorze à seize ans essayaient leur force aux Échecs. Il jeta un coup d’œil sur leur partie et la suivit pendant deux ou trois coups : 
- Nos enfants, ma chère amie, dit-il à sa femme, sont parvenus à faire de ce jeu-là un jeu de hasard. (…)  »  
 

Anonyme, huile sur toile.
Claude Frédéric Danican Philidor (1766 - 1821), fils de Philidor. 

 

Dans une autre vitrine se trouve un exemplaire de son célèbre livre L'analyse des échecs.
Il est indiqué 1749. S'agit-il d'un exemplaire de la première édition ? Ou bien est-ce une copie comme il en existait de nombreuses à l'époque ?
D'ailleurs je m'interroge : le manuscrit du livre de Philidor existe-t-il toujours (disons d'une des trois éditions) ? 
 
Le livre ouvert correspond probablement à celui ci-dessous et qui contient l'intégralité de la correspondance connue de Philidor.
 

Indispensable à qui souhaite approfondir sa connaissance de Philidor.
Ce livre est paru en 1995 et on peut le trouver sur internet.
 
 
Deux petits portraits par Charles-Nicolas Cochin (1715-1790).
Mine graphite 
Celui de gauche représente Philidor et celui de droite, son épouse, Angélique Henriette Élisabeth Richer (1741-1809). 
 

L'échiquier pliable et personnel de Philidor.
Il me semble que le Roi et la Dame sont intervertis.
 
Mais il ne faut pas oublier la deuxième facette de Philidor...
Philidor musicien. Le mur et la vitrine du fond y sont consacrés.
 

 

Louis-René Boquet (1717-1814) 
Personnages en costume pour Ernelinde, tragédie lyrique en 3 actes sur une musique de Philidor.
 

Tom Jones, opéra comique en 3 actes de Philidor.

Voilà, c'est tout pour cette exposition.

samedi 21 juin 2025

Comment Philidor apprit à jouer aux échecs

L’année 2026 marquera le tricentenaire de la naissance de François-André Danican Philidor à Dreux. Sans aucun doute, il fut l’un des joueurs d’échecs les plus influents de l’histoire. À cette occasion, je publierai plusieurs articles consacrés à cette figure majeure du XVIIIe siècle.


Je l’ai déjà mentionné par le passé, mais selon moi, l’un des ouvrages de référence sur Philidor demeure celui de Sergio Boffa. D'autres publications méritent d’être citées, notamment Philidor, musicien et joueur d’échecs, paru en 1995. Plus récemment, on peut saluer l'excellent mémoire de Master 2 soutenu à Paris-Sorbonne en juin 2023 : Genèse des idées échiquéennes de François-André Philidor, rédigé par le jeune Maître International Benjamin Defromont.

Revenons à Philidor lui-même. Nous sommes aux alentours de 1736. Âgé d’une dizaine d’années, le jeune François-André est alors page de la Musique du Roi, chantant dans les chœurs de la Chapelle royale de Versailles.

Voici comment son fils aîné, André-Joseph-Hélène Philidor (1762–1845), raconte ses débuts au noble jeu (témoignage rapporté par Jules Lardin dans Philidor peint par lui-même, Paris, 1847) :

« Les musiciens, en attendant la messe du Roi, avaient l’habitude de jouer aux échecs sur une longue table où étaient incrustés six échiquiers.

Philidor s’amusait à les regarder, et y mettait toute son attention. Il avait à peine dix ans, qu’un jour un vieux musicien, arrivant le premier, se plaignait devant lui du retard de ses camarades, et regrettait de ne pouvoir faire sa partie.

Philidor, en hésitant, lui propose de la faire. Le musicien se met à rire, mais finit par accepter.
La partie commence, et l’étonnement succède bientôt au dédain qu’inspirait le jeune adversaire ; la partie avance, et l’humeur ne tarde pas à s’en mêler. Elle monte à un tel point que l’enfant, craignant quelque suite malencontreuse d’un amour-propre profondément blessé, regarde la porte, suit le cours de ses succès, se glisse doucement jusqu’au bout de son banc et s’enfuit en avançant la pièce victorieuse, en criant : “Mat !” à son adversaire indigné de n’avoir pas des jambes assez lestes, et obligé de dévorer son dépit sans pouvoir se venger.

Dès le lendemain, c’était à qui ferait sa partie avec lui. »

Mais une question demeure : comment Philidor a-t-il appris à jouer aux échecs ?

La tradition veut que ce soit en observant ces musiciens pendant les longues attentes. Mais Sergio Boffa propose une autre hypothèse, tout aussi fascinante.


André Danican Philidor, Philidor l'ainé, père de Philidor

En 1700, le père de François-André, André Danican Philidor — dit « Philidor l’aîné » —, présente au roi Louis XIV une mascarade intitulée Le Jeu d’échecs (voir le texte à la fin de cet article - Google Book). Sergio Boffa écrit à ce sujet :

« Nous pouvons donc penser qu’il connaissait les rudiments du jeu, et il est possible — mais ce n’est qu’une hypothèse — qu’il en ait enseigné les règles à son très jeune fils. Cela aussi permettrait d’expliquer l’incroyable précocité du jeune Philidor. »

Rappelons que le père de Philidor meurt le 11 août 1730, à l’âge de 78 ans. Son fils n’a alors pas encore quatre ans. Aurait-il appris à jouer aussi jeune, peut-être sur les genoux de son père ? L'idée n'est pas invraisemblable.

Ce n’est pas sans rappeler les débuts précoces d’un autre prodige des échecs : José Raúl Capablanca. Le futur troisième champion du monde raconte lui-même :

« Je me souviens clairement de ma première découverte d’une partie d’échecs. Je venais de fêter mon quatrième anniversaire. (...) » Munsey’s Magazine, juin 1916

« Jusqu’ici, je n’avais jamais assisté à une partie : les pièces m’intéressaient, et le jour suivant, je suis revenu en spectateur. Le troisième jour, alors que j’observais la partie, mon père, un amateur sans grand talent, déplaça son Cavalier d’une case blanche vers une autre case blanche. Son adversaire, manifestement pas meilleur, ne le remarqua pas.

À la fin, mon père gagnait la partie. Je me mis à rire et l’accusai d’avoir triché. Après une brève remontrance — j’ai failli être expulsé de la pièce — je lui montrai l’erreur. Il répondit que c’était impossible, car je ne savais même pas placer les pièces. Nous avons joué… et j’ai gagné. C’était mes débuts aux échecs. » My Chess Career, 1920


À notre époque, les cas de précocité ne manquent pas non plus. Citons, par exemple, le jeune prodige russe Roman Shogdzhiev (Роман Шогджиев), qui vient d’obtenir le titre de Maître International, avec un classement Elo de 2402 au 1er juin 2025…
 
 
 
 
 
 
Le Jeu d'Échecs, mascarade mise en musique par Mr Philidor l'aîné, Ordinaire de la Musique.
Représentée devant le roi à Marly le 19 février 1700 
A PARIS
Par Christophe Ballard, seul imprimeur du Roi pour la Musique, rue Saint-Jean de Beauvais, au Mont-Parnasse. 
1700
Par exprès commandement de Sa Majesté.


LE JEU D'ÉCHECS, MASCARADE
PREMIÈRE ENTRÉE

Après la Marche & Ouverture, le premier qui paraît,
c’est l’Échiquier, représenté par un Homme habillé
en Pantalon, tout garni d’Échiquiers devant, derrière,
sur les manches & les cuisses ; & pour coiffure c’est un
Carton fait en forme de Trictrac.
L’ÉCHIQUIER
Héritier des plus vaillants Héros,
J’amuse leur repos
Par une image de la Guerre.
Heureux, heureux le Potentat,
Qui peut malgré toute la Terre,
À ses fiers Ennemis donner Échec & mat.
CHŒUR
Heureux, heureux le Potentat,
Qui peut malgré toute la Terre,
À ses fiers Ennemis donner Échec & mat.

 

 

SECONDE ENTRÉE
Comme le Jeu d’Échecs s’ouvre ordinairement par les Pions du Roi & de la Reine, sitôt que l’Échiquier
aura cessé de chanter, l’on verra danser quatre petits
Pions, représentés par quatre Enfants, deux vêtus de
blanc & deux de noir ; deux Garçons pour les Pions
du Roi, deux Filles pour ceux de la Reine ; Garçon &
Fille blancs, Garçon & Fille noirs, coiffés d’un Bourrelet ;
L’Habit des Garçons en Pantalon & les Filles en
Jupes rondes, tenant un peu du Vertugadin : Ils
dansent au son des Flûtes.
TROISIÈME ENTRÉE
Un Héraut d’Armes qui précède les Chevaliers chante pour eux ces paroles :

Nul obstacle opposé n’arrête ma victoire,
J’entre & perce partout, & me vois tout soumis,
Le nombre de mes Ennemis
Ne sert qu’à redoubler ma gloire.
CHŒUR
Le nombre de mes Ennemis
Ne sert qu’à redoubler ma gloire.





QUATRIÈME ENTRÉE
Après que le Héraut a chanté, les deux Chevaliers se mettent en mouvement pour la Danse :
Ils paraissent montés sur des Chevaux, l’un blanc & l’autre noir,
l’un vêtu de noir avec l’Écu noir chargé d’une Fleur-de-Lys blanche ;
& l’autre blanc avec l’Écu blanc chargé d’une Fleur-de-Lys noire ;
& dansent au son des Hautbois.
CINQUIÈME ENTRÉE
Momus, vêtu fantasquement & précédant les Fous,
vient chanter pour eux ces paroles :
MOMUS
Sages, qui méprisez & vos Ris & vos Jeux,
Vous avez vos Plaisirs, mais nous avons les nôtres,
Et les plus fous ne sont pas ceux
Qui vivent aux dépens des autres.
CHŒUR
Et les plus fous ne sont pas ceux
Qui vivent aux dépens des autres.



SIXIÈME ENTRÉE
Après Momus paraissent deux Fous, habillés à la manière que les Fous sont peints ; c’est-à-dire, en Pantalon de deux couleurs tout rempli de grelots,
& le Bonnet finissant en corne houppée, tenant à la main des Marottes grelottées ou des Tambours de Basque ; l’un sera vêtu de rouge & violet, & l’autre de jaune & vert : Ils danseront au son des Hautbois & Tambours de Basque.

SEPTIÈME ENTRÉE
Cybèle, avec ses Tours sur la tête, précède la Marche des Tours & chante :
CYBÈLE
Mille Tours, mille Forteresses
Contre ton bras puissant ont en vain combattu,
Leur chute a montré leurs faiblesses,
Et ton invincible vertu.
Mille Tours, mille Forteresses
Contre ton bras puissant ont en vain combattu.
CHŒUR
Mille Tours, mille Forteresses
Contre ton bras puissant ont en vain combattu.

HUITIÈME ENTRÉE
Ce chant cessé, deux Tours paraissent, représentées par deux grosses Femmes vêtues d’une espèce de maçonnerie,
l’une d’or & l’autre d’argent, & pour coiffure
des chapiteaux de Tours : Elles danseront d’une manière grave au son des Bassons.

NEUVIÈME ENTRÉE
Enfin, pour dernière Entrée paraissent les deux Rois & les deux Reines, vêtus royalement ;
deux de couleur d’or & deux de couleur d’argent :
Le Roi d’argent chantera avec la Reine d’or.
LE ROI & LA REINE
Plus on nous voit dans la gloire suprême,
Plus de Jaloux
S’élèvent contre nous ;
Heureux qui porte un Diadème ;
Mais pour le bien porter
C’est Vous, Grand Roi, qu’il faut seul imiter.
CHŒUR
Heureux qui porte un Diadème ;

Mais pour le bien porter
C’est Vous, Grand Roi, qu’il faut seul imiter.


Après ce chant, le Roi d’or danse avec la Reine d’argent, ou tous quatre ensemble ; et après leur danse, le Chœur répète encore :
CHŒUR
Heureux qui porte un Diadème ;
Mais pour le bien porter
C’est Vous, Grand Roi, qu’il faut seul imiter.
FIN