lundi 13 février 2012

Un classique : Denis Diderot au Café de la Régence

Vers 1762 Diderot entame l’écriture de son œuvre « Le Neveu de Rameau ».
Voici quelques extraits très connus de ce texte.
Mais il s’agit d’un classique et d’un incontournable concernant le Café de la Régence qu’il est impossible de ne pas citer tôt ou tard.
Le texte intégral se trouve ici 
http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Neveu_de_Rameau

De nombreuses sources indiquent que le texte a été écrit à partir de 1762 environ jusqu’en 1773.
Il n’y a qu’un pas à franchir pour imaginer que Diderot fréquentait durant toute cette période le Café de la Régence.
Ce lieu est à quelques pas du « banc d’Argenson » situé dans l’allée d’Argenson dans les jardins du Palais-Royal où Diderot retrouvait Sophie Volland.

On apprend au début de ce texte quelques informations au sujet du Café de la Régence.
En particulier le nom de plusieurs joueurs d’échecs. 
Rappelons que Diderot était un grand ami de Philidor.
Dans le texte il cite également « Rey » le propriétaire du Café de la Régence ».
Les références de cette époque sont si rares !

Qu’il fasse beau, qu’il fasse laid, c’est mon habitude d’aller sur les cinq heures du soir me promener au Palais-Royal. C’est moi qu’on voit toujours seul, rêvant sur le banc d’Argenson. Je m’entretiens avec moi-même de politique, d’amour, de goût ou de philosophie ; j’abandonne mon esprit à tout son libertinage ; je le laisse maître de suivre la première idée sage ou folle qui se présente, comme on voit, dans l’allée de Foi, nos jeunes dissolus marcher sur les pas d’une courtisane à l’air éventé, au visage riant, à l’œil vif, au nez retroussé, quitter celle-ci pour une autre, les attaquant toutes et ne s’attachant à aucune. Mes pensées ce sont mes catins.

Si le temps est trop froid ou trop pluvieux, je me réfugie au café de la Régence. Là, je m’amuse à voir jouer aux échecs. Paris est l’endroit du monde, et le café de la Régence est l’endroit de Paris où l’on joue le mieux à ce jeu ; c’est chez Rey que font assaut le Légal profond, Philidor le subtil, le solide Mayot ; qu’on voit les coups les plus surprenants et qu’on entend les plus mauvais propos ; car si l’on peut être homme d’esprit et grand joueur d’échecs comme Légal, on peut être aussi un grand joueur d’échecs et un sot comme Foubert et Mayot

(… puis un peu plus loin dans le texte … )

Il m’aborde. « Ah ! ah ! Vous voilà, monsieur le philosophe ; et que faites-vous ici parmi ce tas de fainéants ? Est-ce que vous perdez aussi votre temps à pousser le bois ?..... (c’est ainsi qu’on appelle par mépris jouer aux échecs ou aux dames.)
MOI.
Non, mais quand je n’ai rien de mieux à faire, je m’amuse à regarder un instant ceux qui le poussent bien.
LUI.
En ce cas, vous vous amusez rarement ; excepté Légal et Philidor le reste n’y entend rien.
MOI.
Et M. de Bissy donc ?
LUI.
Celui-là est en joueur d’échecs ce que Mlle Clairon est en actrice : ils savent de ces jeux l’un et l’autre tout ce qu’on en peut apprendre.
MOI.
Vous êtes difficile, et je vois que vous ne faites grâce qu’aux hommes sublimes.
LUI.
Oui, aux échecs, aux dames, en poésie, en éloquence, en musique et autres fadaises comme cela. À quoi bon la médiocrité dans ces genres ?
MOI.
À peu de chose, j’en conviens. Mais c’est qu’il faut qu’il y ait un grand nombre d’hommes qui s’y appliquent pour faire sortir l’homme de génie. Il est un dans la multitude. Mais laissons cela. Il y a une éternité que je ne vous ai vu. Je ne pense guère à vous quand je ne vous vois pas, mais vous me plaisez toujours à revoir. Qu’avez-vous fait ?

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