Voici
l’article qui signe la fin de l’occupation du Café de la Régence par les
joueurs d’échecs à la fin de la première guerre mondiale.
Les
différentes sources que j’ai trouvées montrent une désaffection par les joueurs
du temple des Échecs à partir de 1918 et ce pour au moins une dizaine d’années.
Quelques
années plus tard, en 1921, est créée la Fédération Française
des Échecs puis la FIDE à l’initiative de cette même fédération (Et encore, avant 1921, j'ai trouvé trace dès 1919 d'un fédération française de joueurs d'échecs dont je reparlerai plus tard).
Mais
vers 1930, sans doute à l’initiative d’un nouveau propriétaire O.Brun, ce lieu
retrouve une certaine activité échiquéenne, avec notamment des tournois et des
simultanées données par les meilleurs joueurs du monde.
La
dernière trace connue à ce jour du jeu d’échecs dans le Café de la Régence date
de 1943 avec ce tournoi international de Paris joué durant l’occupation
allemande (voir un article précédent).
Merci
une nouvelle fois à Etienne Cornil pour cette découverte qui devient donc la
source la plus récente d’une activité échiquéenne au Café de la Régence.
La
Stratégie, juin 1918 – article signé A.Geoffroy-Dausay (NDLR : pseudonyme d'Alphonse Goetz)
(Alphonse Goetz - Source l'excellent Héritage des Échecs Français)
« Le
18 juin, en assemblée générale extraordinaire, l’UNION AMICALE DES AMATEURS DE
LA REGENCE a voté, à la presque unanimité des membres présents ou représentés,
le transfert du siège social au Café de l’Univers, 159, rue Saint-Honoré.
L’ancien
bureau ayant démissionné collectivement, l’assemblée a constitué le nouveau
comité comme suit :
MM.G.Guyart,
président ; J.Conti et R.de Lausun, vice-présidents ; E.Griotteray,
secrétaire ; E.Betts, trésorier ; L.Clerc-Renaud et Elie Poltoratsky,
conseillers.
Voici
le fait dans toute sa simplicité. Quant aux raisons qui ont dicté ce vote,
elles sont malaisées à résumer en quelques mots. Un grand nombre d’amateurs
croyaient, à tort ou à raison, avoir des griefs contre le propriétaire ou le
personnel du Café de la
Régence. Ils ont agi en conséquence.
La
question n’a plus d’ailleurs, à l’heure actuelle, qu’un intérêt rétrospectif.
Nous
avons donc un centre échiquéen de plus à Paris. Tous les amis du noble jeu ne
peuvent que s’en féliciter. Plus il y aura d’endroits où l’on cultive les
échecs, plus le nombre des amateurs augmentera. Et il a besoin d’augmenter.
Pour le moment je ne connais guère que cinq ou six lieux de réunion de joueurs
d’échecs. Il devrait y en avoir dix fois autant.
Quant
à la Régence, elle restera bien entendu la Régence, l’endroit connu dans les
deux hémisphères pour être le temple des Echecs, un temps autour duquel deux
siècles ont tissé une luxuriante frondaison d’histoire et de légendes.
La
scission qui vient de se produire est, à mon avis, la conséquence de la
fondation, en 1902, de l’UNION AMICALE DES AMATEURS DE LA RÉGENCE. J’ai toujours
pensé que cette constitution, faite sous l’empire de la jeune vogue de la loi
de 1901 sur les associations, a été une erreur.
Favorable
aux seuls habitués, le régime ainsi institué lésait manifestement le
propriétaire, qui n’était plus maître chez lui.
Jadis,
quand un joueur croyait avoir à se plaindre, c’était une affaire personnelle
entre lui et le patron. Maintenant pour une réponse brusque d’un garçon ou d’un
gérant, pour une question d’éclairage ou de ventilation, c’est toute
l’association qui se dressait contre le propriétaire. Si, pendant plus de douze
ans, aucun de ces motifs n’a pris de forme aigüe, le mérite en revenait
grandement au tact et à l’aménité de notre regretté président M.Deroste.
L’exode
de l’UNION AMICALE, votée le 18 juin, n’est donc pas un simple incident, mais
le résultat logique d’une situation instable. Si quelqu’un pouvait en être
satisfait, ce devait être, à mon avis, le propriétaire de la Régence, qui
recouvrait sa liberté. On aurait dû penser qu’il s’empresserait d’en profiter
pour rétablir l’ancien régime, celui des frais pour l’usage de l’échiquier avec
liberté complète pour tout le monde d’aller et de venir, liberté dont j’eusse
été le premier à profiter.
Le
Régence redevenait ainsi ce qu’elle était jadis, ce qu’elle n’aurait dû jamais
cesser d’être.
Mais
il faut croire que la fonction de membre d’un comité a un charme tout
particulier, puisqu’il vient de se former déjà, à la Régence, une nouvelle
association amicale.
Dans
la logique des choses, cela devra nous amener, d’ici quelques années, un nouvel
exode de sociétaires mécontents qui fonderont encore une autre réunion de
joueurs d’échecs.
Et
c’est ainsi que l’ASSOCIATION FRANÇAISE D’AMATEURS D’ÉCHECS « LA RÉGENCE »
sera comme la ruche d’où essaimeront les clubs d’échecs destinés à orner les
différents quartiers de Paris.
Ce
sera un résultat auquel on ne pourra qu’applaudir. N’importe ! Moi j’aurai
mieux aimé la Régence sans association, la liberté pour tous. »
(Le Café de l'Univers vers 1930 - Source Delcampe - On peut voir un petit bout du Café de la Régence sur l’extrême droite de la carte postale, les deux cafés étant très proches l'un de l'autre - NB : Une brasserie existe toujours à l'emplacement du café de l'Univers...)
Quelques
lignes au-dessus de cet article se trouvait l’entrefilet suivant :
LES ÉCHECS DU PALAIS ROYAL. Sous ce titre un groupe important d’amateurs vient de
se constituer en Société régulière avec capacité juridique conformément à la
loi du 1er juillet 1901.
En
une assemblée générale constitutive qui se tient le 25 mai, à laquelle
assistent une centaine de sociétaires, la nouvelle association, après adoption
des statuts, nomme son Comité composé de douze membres : MM.G.Guyard,
président ; J.Conti, secrétaire ; Barreau, trésorier ; Bonnet,
de Charmoy ; L.Clerc-Renaud ; A.Goetz ; Hunebelle ; R. de
Lausun ; Martinot ; Merle et Dr Roux-Seignoret, conseillers.
Les
réunions quotidiennes se tiennent au CAFE DE L’UNIVERS, 159, rue Saint-Honoré
(place du Théâtre Français) où les sociétaires ont, par contrat, la libre
disposition de tout le premier étage ».
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