Au début l’été 1858, le génial Paul Morphy se rend en Europe pour
affronter les plus forts joueurs d’échecs du vieux continent.
Ce voyage devint par la suite une véritable légende dans l’histoire
du jeu d’échecs tant fut grande l’aura de Paul Morphy après cette
tournée européenne.
Il se rend d’abord à Londres, mais après de nombreuses
tergiversations de la part d’Howard Staunton, le plus fort joueur britannique,
la rencontre n’a pas lieu.
(Paul Morphy)
Paul Morphy se rend alors à Paris et il passe nécessairement
au Café de la Régence.
Il est important de vous rappelez ou bien de vous apprendre
que Morphy était originaire de la Nouvelle-Orléans, peuplée alors de nombreux
colons d’origine française.
Ainsi, grâce à sa mère Paul Morphy maîtrise parfaitement le français quand il
arrive à Paris, ce qui jouera sans aucun doute sur sa popularité.
Paul Morphy a alors 21 ans et il est accompagné dans ce
voyage de son secrétaire et ami Frédérick Edge.
Si vous parlez l’anglais, je ne peux que vous recommander de
consulter ce site américain d'une très grande richesse dédié à Morphy.
Vous trouverez également sur Google Book le livre dont je
cite de larges extraits ci-dessous.
Pour gagner un peu de temps, je me suis servi de la
traduction partielle d’extraits que l’on trouve dans le cahier du CREB, que j'ai déjà cité, dédié au Café de
la Régence et j'ai complété avec ma traduction.
Mais j’ignore si le livre a été traduit en français, aussi
merci d’avoir de l’indulgence pour ma traduction !
Voici donc des extraits du livre
« Paul Morphy, The Chess Champion,
an account of his career in America and Europe
with a
history of chess and chess club
and anecdotes of famous players
by an
Englishman - Londres1859 » de Frederick Edge.
Dans le chapitre VII on apprend comment s’est déroulé le
voyage de Paul Morphy depuis l’Angleterre jusqu’à Paris.
Dans le bateau qui conduit Paul Morphy et Frederick Edge à
Calais, le génial américain a un mal de mer terrible.
Mais l’idée de se mesurer aux meilleurs joueurs français est
une perspective qui l’enchante !
Ainsi Morphy indique
« Bien, maintenant je vais rencontrer Harrwitz !
Je le battrai dans les mêmes proportions que j’ai battu Löwenthal bien qu’il
soit un meilleur joueur de match que Löwenthal. Mais je jouerai mieux avec
Harrwitz ».
Rappelons qu’à défaut de jouer contre Staunton, Morphy
écrase notamment Johann Löwenthal à Londres en 1858 sur le score de 10 à 4.
Daniel Harrwitz est un joueur allemand de première force
établi à Paris depuis de nombreuses années. Il subira la loi de Morphy comme
tout le monde !
A leur arrivée à Calais, ils doivent encore prendre le train
jusqu’à Paris par la compagnie du « Chemin de Fer du Nord ».
Ce n’est pas le TGV…
« Et commença le long et morne trajet de dix mortelles
heures pour Paris ».
Puis c’est leur arrivée à Paris, après leur installation à
l’hôtel puis un repas au « Restaurant des Trois Frères Provençaux »
(NDLR : restaurant disparu qui se trouvait au Palais Royal).
« Je connaissais la capitale Française
comme un gamin de Paris (NDLR : en français dans le texte) ;
et sans dire un mot à Morphy de mes intentions, je l’emmenais tranquillement
dans le bas du Palais Royal, puis passé le Théâtre Français, et tout droit dans
le Café de la Régence. »
Le chapitre VIII est dédié à la venue incognito de Paul
Morphy et Frédérick Edge au Café de la Régence.
Le Café de la Régence se situe à cet endroit depuis 3 ans
environ (voir les articles précédents) et le propriétaire vient de changer (à ce sujet je ferai un article dédié car ma liste de propriétaires est sans doute erronée pour cette période).
Il semble que le Cercle des Échecs, qui avait rejoint
l’ancien café de la Régence suite à des difficultés financières en 1841, soit toujours au premier étage de celui-ci au moins
jusqu’à la fin 1858 d’après le texte.
Frédérick Edge décrit brièvement les cafés de Paris et
ajoute sur le Café de la Régence « Mais le Café de la Régence se démarque
des autres ; il est ce qu’il est et même plus. C’est une incarnation de
tous les autres (cafés de Paris). »
« Je vais donner un daguerréotype de la Régence comme
Morphy et moi-même nous l’avons trouvé, et comme chacun le découvrirait
actuellement ».
« La première chose qui attira notre regard, en
entrant, fut un nuage dense de fumée de tabac, produit du tabac de Caporal et
des cigares de la Régie. La
seconde « curiosité » fut un individu massif, avec des épaules
titanesques, qui comme nous l’apprîmes plus tard, était Monsieur Morel, ou
plutôt comme ils l’appelaient là-bas, « Le père Morel » ou encore
« Le rhinocéros ». Ayant fait le tour des flancs de ce gentilhomme,
et nos yeux s’étant habitués à cette atmosphère particulière, nous constatâmes
que les tables étaient placées si près les unes des autres qu’une seule
personne pouvait passer entre elles et que sur certaines on jouait aux échecs,
sur d’autres, aux dames, aux cartes, aux dominos. Dans la deuxième pièce, deux
tables de billard étaient en pleine action, entourées par d’autres parties
d’échecs et de cartes, tandis que le vacarme incessant de la foule semblait
rendre impossible toute concentration…
A une table dans la première pièce, une petite foule
regardait le concours entre deux amateurs du « noble jeu des joueurs
d’échecs » et l’attention de Morphy fut immédiatement captivée.
Je me suis approché de la dame du comptoir et je me
renseignais sur qui était présent dans la pièce, et j’appris d’elle qu’un des
deux joueurs que Morphy regardait était Monsieur Journoud « Un de nos plus
forts », ajouta la femme, comme s’il était évident que j’étais un
étranger.
Elle m’informa que Mr Harrwitz était actuellement à
Valenciennes, mais souhaitait revenir à Paris à la fin de la semaine, afin de
rencontrer Mr. Morphy.
Impassible et ne montrant aucune surprise à la mention de ce
dernier nom, elle m’informa volontairement que Mr Morphy était un célèbre
joueur Américain, qui avait battu tout les joueurs qu’il avait rencontré, et
qu’il était attendu depuis hier. Cette dame était plaisamment volubile, et je
l’encourageai ; ceci l’induit à ajouter que Monsieur Arnous de Rivière
venait juste de recevoir une lettre d’un ami de Londres, apprenant de lui que
notre héro avait quitté la
capitale Anglaise, et qu’il était en route vers Paris.
Ayant appris autant que je pouvais que la dame du comptoir pouvait
communiquer, je rejoignais Morphy, et nous avons jeté un second regard dans la
pièce autour de nous.
Le son de toutes les langues européennes parvenait à nos
oreilles, et nos yeux découvraient différents types de peuples. Dans un coin,
une troupe d’Italiens parlaient, amicalement sans doutes, avec leur façon
rapide et querelleuse. A une des tables de billard, un groupe de Russes,
jouaient à leur manière, sans se soucier des auditeurs ; des Américains et
des Anglais, des Allemands, Danois, Suédois, Grecs, Espagnols, etc …
bavardaient ensemble, sans se soucier des voisins, transformant le café en une
véritable tour de Babel. Des quantités de journaux traînaient ici et là – les
principaux journaux européens en fait – afin que chaque visiteur, quelque soit
sa nationalité, puisse prendre des nouvelles de son pays.
La foule semblait, comme toujours, représenter chaque couche
de la société. Il
y avait des militaires, du colonel au simple soldat ; un ou deux prêtres, qui
semblaient quelque peu hors de leur élément, des individus bien habillés, à
l’allure aristocratiques, qui formaient des groupes dans différents
coins ; et les invariables piliers de café qui passent la moitié de leur
existence dans de tels établissements et l’autre moitié au lit. Le Café de la
Régence ouvre à huit heures du matin, mais rien ne se passe, ou peu sans faut,
avant midi, en dehors de la visite de quelques clients qui boivent leur café en
silence et que l’on ne reverra pas avant le lendemain. Mais à midi les gens
commencent à arriver rapidement, à deux heures la pièce est aussi remplie que
possible et cela dure jusqu’à minuit.
Le Café de la Régence n’existe dans son lieu actuel que
depuis quelques années ; en fait seulement depuis que Louis Napoléon a
réalisé de nombreuses et magnifiques transformations dans la capitale
française. Auparavant, il se situait, à la porte d’à côté, dans un local
nettement moins pratique que l’actuel. Le café est séparé en deux pièces, sur la rue St Honoré ; dans la
plus grande, que nous avons décrite plus haut, fumer est autorisé jusqu’à un
niveau effrayant, alors que dans l’autre fumer est strictement interdit. La
seconde pièce est bien agencée, et le plafond massif est orné des quatre
blasons dans les corniches, portant les noms de Philidor, Deschapelles, et
Labourdonnais. Le quatrième contient la date de la fondation du café, et le
propriétaire a annoncé son intention d’y insérer le nom de Morphy. Peut-être
est-ce déjà fait ? »
Au moment de notre arrivée à Paris, le Cercle des Échecs, ou
dans d’autres mots, le club d’échecs, se trouvait au dessus du café.
L’association avait trois pièces réservées pour les échecs, et une pour le
billard ; et Saint-Amant, Devinck, Guibert, Preti, Doazan, Delannoy,
Seguin et Lécrivain étaient parmi les membres.
Mais la plus grande pièce en bas des escaliers les
empêchaient de recevoir le plus grand nombre, et le loyer étant très élevé et
les revenus très faibles, ils abandonnèrent leur quartier à la fin de l’année
(NDLR : 1858) et se trouvent maintenant dans le café en bas.
Morphy n’annonça pas son arrivée lors de sa première visite,
préférant la repousser au jour suivant.
Quand il fut connu que le si attendu joueur soit à Paris
l’excitation fut à son comble ; les Français aiment l’excitation. M. de
Rivières n’était pas là ces derniers temps, mais nous avons trouvé Messieurs
Lécrivain, Journoud, Guibert, et de nombreux joueurs de niveau cavalier ou tour
(NDLR : difficile de traduire. Le texte indique knigth and rook-players.
Voir un article précédent au sujet de la classification des joueurs à cette époque).
Le premier nommé des gentlemans, à la demande générale,
s’offrit lui-même comme le sacrifice initial, acceptant l’avantage d’un pion et
de deux coups, et réussi à remporter deux parties sur les six ou sept qu’il
joua avec Morphy.
Alors Mr Rivière arriva et fit le coup, joua une Ruy Lopez,
qui se termina en partie nulle ; par la suite il fut suivi par M.Journoud,
qui, bien qu’il soit un des meilleurs joueurs Français, échoua à remporter une
victoire. Morphy avait posé ses marques, et tout le monde attendait l’arrivée
de Herr Harrwitz qu’ils espéraient voir s’amuser.
A suivre...
à partir de ce que j'ai lu de voyage Morphy à l'Europe, c'est qu'il a été bien déçu de ne pas être en mesure de faire face à Staunton et très impressionné par son jeu dans la capitale française.
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