Je remercie très sincèrement Frank pour cette découverte et la traduction.
Source des lettres : Tomasz Lissowski, Kieseritzky und von Heydebrand, in: Vlastimil Fiala/Stanislaw Sierpowski (ed.),
Proceedings of International Conference of Chess Historians, Kornik, September 16-18, 2002. Olomouc, 2003, p. 149.
Vous pouvez découvrir sur ce blog une courte biographie de Kieseritzky, mais également voir tous les articles à son sujet en cliquant ici.
Kieseritzky est sur la gauche. Je ne connais pas la référence de ce dessin.
Les deux lettres sont adressées à Tassilo von Heydebrand und der Lasa.
Tassilo von Heydebrand und der Lasa
La première lettre date de 1844.
Kieseritzky parle du Handbuch dont la première édition date de l'année précédente.
Kieseritzky mentionne également l'arrivée à Paris de Staunton pour jouer son 3ème match contre Saint-Amant.
Pour rappel le premier avait eu lieu à Londres au printemps 1843 (remporté par Saint-Amant) et le deuxième à la fin de l'année 1843 à Paris (remporté largement par Staunton).
Ce 3ème match n'aura jamais lieu, même si Staunton s'est bien rendu à Paris au mois d'octobre 1844 et y séjourna plusieurs mois (il repart à Londres en janvier 1845).
La deuxième lettre date de 1852
Kieseritzky y parle de la deuxième édition du Handbuch.
Il donne également quelques détails intéressants : le jeu d'échecs ne remue pas les foules à Paris.
La revue "La Régence" a cessé de paraitre en 1851.
Et ce n'est plus une rumeur, la Place du Palais Royal va être rénovée, mais ceci entrainera la destruction du Café de la Régence.
Celui-ci sera provisoirement à l'Hôtel Dodun, 21 rue de Richelieu de 1853 jusqu'au début de l'année 1855, date à laquelle le Café de la Régence renaîtra au 161 rue Saint-Honoré.
Kieseritzky n'aura pas la chance de connaitre cette nouvelle adresse. Il décède le 19 mai 1853, âgé seulement de 47 ans.
A noter que j'ajoute un petit complément au sujet du joueur M. Des Guis dont parle Kieseritzky.
Voici le texte des deux lettres (traduction Frank Hoffmeister)
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Lettre du 13/25 septembre 1844 à M von der Lasa
Paris, le 13/25 sept. 1844
Cher Monsieur von Heydebrand,
Ayant l’honneur de vous notifier l’accusé de votre lettre du 3ème jour du mois,
je suis très heureux de vous communiquer en même temps le message,
qui vient d’arriver, que M. Staunton va bientôt venir.
Selon sa lettre, il va arriver ici le 10 octobre, accompagné par le Capitaine Evans et plusieurs autres excellents Anglais.
Mais ce qui me réjouit le plus est que vous aussi souhaitez nous donner le plaisir,
si longtemps désiré, de passer quelque temps à Paris ;
par cela je vais avoir l’opportunité de présenter mon célèbre compatriote à ces Messieurs de Paris à Paris.
Maintenant nous avons quand même une joie – la traduction de votre œuvre, dont je suis presque désespéré de sa faisabilité,
je vais maintenant quand même l'accomplir, avec l’aide d’un ami qui a déjà travaillé sur une autre traduction.
Je me réserve de vous communiquer plus de détails plus tard.
Veuillez bien me prévenir quand vous souhaitez arriver à Paris.
Je vous saurais très gré si je pouvais contribuer à rendre votre visite aussi plaisante que possible.
La poste est pressée, et je n’ai que le temps à signer.
Avec le plus grand respect
Votre serviteur tout dévoué
LKieseritzky.
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Handbuch des Schachspiels (deuxième édition)
(Cher Baron très estimé),
Permettez-moi de vous remercier profondément pour l’envoi généreux de votre excellente œuvre.
La publication de cette deuxième édition est surement une preuve agréable de l’attention accrue pour les échecs en Allemagne.
Ici également, les meilleurs esprits l’ont salué, même s'ils regrettent de ne pouvoir le suivre qu'en langue étrangère.
Pour cette raison, le souhait s'est exprimé plusieurs fois d'en faire une traduction française.
Je voudrais prendre cette traduction à ma charge avec joie, vu qu’une grande partie de la première édition est réellement déjà traduite.
Mais les coûts sont tellement grands qu’une mise en œuvre ne se réalisera pas facilement.
On aurait besoin, selon un calcul modéré, de 3,000 francs pour le papier et l’impression.
Par conséquent, si on veut garder le prix de l’original, il faudrait en vendre 250 exemplaires seulement pour couvrir les coûts.
Mais la France de dispose pas d’un tel chiffre d’enthousiastes pour les échecs,
parce qu’elle ne prend même pas le soin de maintenir son seul journal d’échecs.
Au cours de cette année, poursuivre le journal semble impensable, mais il est possible et même probable que la situation s’améliore à l’année prochaine.
Si, ce qui est à souhaiter, le cercle d’échecs actuel se dissout, une nouvelle association pourrait se fonder avec les meilleurs éléments et esprits.
Mais il est encore beaucoup plus important de savoir que le Café de la Régence va cesser d'exister,
suite à un décret qui pourrait être adopté dans les jours à venir, selon lequel la place devant le Palais Royal devrait être décoré avec des Arcades.
Dans ce cas-là, la maison No. 243, dans lequel le Café se trouve, va être démolie.
Nous ne savons pas encore oû nous devrons aller.
Le Café a récemment subi une perte sévère avec la mort de M. Des Guis, un de nos plus forts joueurs.
Avec le plus grand respect, j’ai l’honneur de rester
Votre servant tout dévoué
LKieseritzky.
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En complément, voici comment Alphonse Delannoy présente ce joueur, M. Des Guis, qui vient de décéder en 1852
Joueur plus expérimenté, plus consommé peut-être, M. des Guis, le croqueur de poules,
nous a paru réunir toutes les qualités qu’exigeait autrefois ce brave La Bourdonnais lorsqu’il parcheminait un amateur et l’admettait au doctorat.
Si la conception dans cet athlète n’est pas toujours brûlante et hardie,
il y a dans son intelligence une source abondante de finesses, de ruses et de pièges.
Personne n’a peut-être jamais su mieux masquer sous la cendre ou sous la farine des allures de chat endormi.
Il temporise, il attend, il fait gros dos et sommeille ;
puis, tout à coup il se réveille, saute, bondit et dévore sa proie sans lui donner même le temps de crier.
C’est donc un des lutteurs de l’espèce la plus dangereuse ;
ses combinaisons cachent presque toujours quelque profond mystère dont la pénétration est ordinairement fatale aux indiscrets.
La Régence – septembre 1850 – article d’Alphonse Delannoy
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