mercredi 4 juillet 2012

Quelques mots sur Alfred de Musset


Un autre personnage très célèbre qui fréquenta à de nombreuses reprises le Café de la Régence est le poète Alfred de Musset.
Il y a beaucoup à dire à ce sujet, aussi je vais simplement commencer par un article tiré du Figaro et qui résume bien la complexité d’Alfred de Musset.
Je reviendrai bien évidemment dans de futurs articles sur Alfred de Musset.

Quelques précisions sur Alfred de Musset :
L’année de son décès (1857) indique que le poète a très probablement connu toutes les adresses du café de la Régence.

(Source Delcampe)

Enfin, ironie du sort, en 1906 est inaugurée une statue de d’Alfred de Musset à l’angle de la comédie française, face au Café de la Régence !
Décidément, le lien était fort, entre le poète dépressif amateur d’absinthe et du jeu d’échecs, avec le célèbre café.
Ce dernier n’existant plus, en 1964 la statue est enlevée puis placée au Parc Monceau en 1981 où elle s’y trouve toujours !


Le Figaro du dimanche 21 mai 1854

ALFRED DE MUSSET

(Source Gallica BNF)

Alfred de Musset passe une bonne moitié de sa vie au café de la Régence, occupé le plus sérieusement du monde à pousser des pions, à conduire des fous, à protéger des tours et à défendre une malheureuse reine contre les entreprises d’un cavalier.
Six ou huit parties de suite ne le fatiguent pas. Il fume quinze cigarettes à la partie et absorbe un nombre incalculable de verres d’absinthe.
Pour ce qui est du calembour, cette niaiserie de notre siècle qu’on a voulu parer, bien à tort, du manteau de l’esprit, cela devient si grave chez notre poète, qu’il sera bientôt de la force de MM. Viennet et Salvandy.
C’est M. de Musset qui a dit de l’auteur des Guêpes : « - Je connais mon Karr à fond. »
Mlle Augustine Brohan, de la Comédie-Française, et M. Alfred Arago, fils du célèbre astronome, ont beaucoup trop encouragé ce travers du poète. Ils sont tous les trois les inventeurs du calembour par à-peu-près.
Nous sommes heureux de pouvoir apprendre à qui l’on doit ces charmantes locutions, dont la langue s’est enrichie de nos jours :
« - Je te crains de cheval.
- Tu me plais et bosse.
- Avec quel as perds-je ? » etc. etc.
Alfred Arago commit ce dernier calembour au milieu d’une partie de lansquenet. Il perdit cent écus et le mérita bien.

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Outre le calembour et les échecs, Alfred de Musset possède au suprême degré l’art de l’escamotage.
Un soir, pendant une de ses excursions en Lorraine, sa tante avait rassemblé douze à quinze jeunes personnes très curieuses de connaître un grand poète.
A l’entrée de M. de Musset, toutes les poitrines étaient palpitantes.
On le regardait, on s’attendait à lui voir jaillir du front une auréole. Des vers, de beaux vers cadencés et brûlants comme ceux de l’Andalouse, avaient été promis au cercle enthousiaste.
Hélas ! Toutes les espérances furent déçues !
On voulait admirer un poète, on n’admira qu’un émule de Robert Houdin.
M. de Musset coupa le mouchoir d’une de ces demoiselles en vingt morceaux, le lui rendit ensuite dans son intégrité première, et fit passer la bague de sa tante dans la tabatière de son oncle. Ce fut l’unique divertissement de la soirée.
La plus sérieuse occupation du poète, lors de son séjour à la sous-préfecture de son oncle, était de faire tenir un œuf en équilibre sur un verre de montre. Mme Desherbiers se plaignait amèrement de la consommation d’œufs effrayante de son neveu. On mangeait tous les jours des omelettes à la table du sous-préfet.
Un matin, le maire de l’endroit entre dans la chambre de Rolla. Il le trouve entouré de pincettes, de cannes, de balais, de parapluies, de chaises et de fauteuils les pieds en l’air, et d’une foule d’autres objets qu’il venait très adroitement de dresser en équilibre.
- N’approchez pas ! cria-t-il, n’approchez pas ! Vous allez faire tout tomber !

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Il y avait chez le duc d’Orléans certaines petites soirée licencieuses ignorées, selon toute apparence, de Louis Philippe et de M. Guizot, et où néanmoins on était assez facilement admis.
L’héritier présomptif, en souvenir de son bisaïeul, ressuscitait un peu les soupers de la Régence.
Emile Deschamps et Alfred de Musset lisaient là certaines poésies qu’on ne trouve pas dans leurs œuvres. Seulement, elles ont assez couru sous le manteau pour que chacun les connaisse, principalement celle qui était le plus au goût du prince, et qu’il avait apprise par cœur ; elle se termine par ce vers :
« N’achevez pas, noble étranger ! ».

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Depuis longtemps la Revue des Deux-Mondes s’était aperçue qu’elle ne spiritualiserait jamais l’auteur des Contes d’Espagne et d’Italie. Peut-être le sermonnait-elle mal ou rentrait-elle un peu dans ses doctrines.
Toujours est-il que M. Buloz ne corrigea rien.
Quand il allait demander de la copie au poète, celui-ci répondait :
« - Envoie-moi ce soir cinquante francs et une bouteille d’eau-de-vie, sinon tu n’auras pas ton proverbe. »
Il fallait en passer par là.
Le lendemain, le proverbe était fait et la bouteille bue.

 (Alfred de Musset)

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Un soir, en traversant une rue, il laissa tomber son gant.
Un jeune avocat, nommé Chappuy, se hâta de le ramasser et le lui rendit avec un salut profond.
M. de Musset ne regarda même pas la personne qui lui faisait cette politesse.
Il prit le gant et continua sa route.
N’ayant jamais eu l’habitude d’être traité en domestique, le jeune homme trouva le procédé peu convenable.
Sa vie d’étudiant n’était pas loin. Il conservait une hardiesse difficile à déconcerter.
Courant après le poète, il lui cria :
« - Dites donc, bourgeois, vous ne donnez rien pour boire ? »


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