English translation of this article
En 2012 j'ai posté un article au sujet de la table de Bonaparte au Café de la Régence.
Plus exactement la fameuse table où Bonaparte aurait joué aux échecs au Café de la Régence.
M. Patrice Belluire, que je remercie au passage, m'a communiqué une référence, que je ne connaissais pas, où apparaît la table de Bonaparte et où il est possible d'entrevoir l'intérieur du Café de la Régence à la fin des années 1930.
Il s'agit du livre "Chessmen" édité en 1937 que je me suis procuré dans une petite libraire parisienne (un exemplaire signé par l'auteur M. J.Maunoury dédicacé à l'éditeur Harcourt !).
En page 59 du livre il est possible de voir cette photo :
La table est bien mise en évidence dans le café.
Et une plaque porte le texte suivant :
"Table sur laquelle
Bonaparte 1er Consul
jouait aux Échecs au Café de la Régence
en 1798"
Je n'ai toujours pas d'information sur le devenir de la table après la disparition du Café de la Régence.
Mais M. Patrice Belluire pensait avoir lu quelque part que l'acteur Jean Marais en avait fait l'acquisition. Quelqu'un aurait-il des informations à ce sujet ?
Revoici une photo que j'ai déjà publiée de Jean Marais avec la table dans les années 1950.
Un échiquier a été ajouté et la plaque (au sol) n'est plus la même.
Une autre question que l'on peut se poser au sujet de cette table concerne son authenticité.
Bonaparte a-t-il joué sur cette table ? Est-ce un simple attrape touriste ?
Voici la réponse de Saint Elme Le Duc dans un article écrit en 1853 et publié en 1861 dans la revue "La Nouvelle Régence". Il parle de l'ancien Café de la Régence, Place du Palais-Royal.
« (…) Dans le café de la Régence proprement dit, il y avait vingt-deux tables et neuf guéridons. Souvent, afin de gagner de la place dans le fond du café, là où de préférence se tenaient les joueurs d’Echecs, on unissait deux tables par une coulisse en fer blanc, ce qui permettait de mettre trois échiquiers sur deux tables. Je me souviens encore que dans la Régence était une table de marbre sur laquelle on lisait :
Table où Napoléon 1er consul
Joua aux Echecs. Café de la Régence
Mais ces mots, gravés dans les premiers mois de 1853 seulement sur une petite plaque en argent, contenaient, il me semble, une erreur historique. C’est dans certains jours de 1792 , 93, 94, 95, particulièrement pendant la disgrâce que lui fit éprouver le conventionnel François Aubry, membre du comité du salut public, chargé de la partie militaire, puis de la direction de la force armée, etc., etc., etc., que Napoléon, né en 1769, ayant alors vingt et quelques années et déjà le grade d’adjudant-général, mais dans un état très voisin de la misère (il portait alors ce que les militaires nomment des bottes à soupape), vint à la Régence jouer aux Echecs.
Il y a une soixantaine d’années de cela. Si quelque témoin survivant l’a vu, ce témoin doit avoir plus de quatre-vingts ans. Mais ce témoin n’existe pas. D’ailleurs, le jeune officier, auquel dans ce temps-là on ne faisait aucune attention, a joué tantôt à une place tantôt à une autre ; il n’avait pas là son tabouret ni sa table, comme plus tard aux Tuileries il a eu son trône ; par conséquent chaque table de la Régence a un droit égal à dire que c’est sur elle qu’il joua. Je pourrais tout aussi bien vous montrer la table où (c’est-à-dire sur laquelle) suivant la belle, aimable et lettrée Lyonnaise Pernette du Guillet :
Amour avecques Psyches,
Qu’il tenoit en sa plaisance,
Jouoit ensemble aux Eschets
En très-grand’ resjouissance.
On me dirait à cela que la tradition de ce fait n’a pas été transmise d’âge en âge aux habitués de la Régence. J’en conviens, aussi dis-je qu’il serait quelque peu téméraire d’affirmer que l’on a vu la table de l’Amour et de Psyché, comme il l’est, je crois, de dire que c’est sur ladite table à plaque d’argent de la Régence qu’a joué le disgracié de François d’Aubry. N’importe, après tout, que ce soit sur cette table ou sur une autre, n’importe que les béants le croient, le fait est que le héros futur, le futur Empereur des Français, roi d’Italie, protecteur de la Confédération du Rhin, médiateur de la Confédération Suisse, régénérateur de la Pologne, etc., etc., etc., est venu jouer aux Echecs à la Régence, officier, oui, mais consul, non. Son ombre y revenait tous les jours ; la voilà même encore devant mes yeux. Oui, c’est bien sa tête sérieuse, et comme dans sa jeunesse, maigre, jaune et à longs cheveux noirs. (…) »