samedi 17 décembre 2022

Traité complet théorique et pratique sur les fins de parties

M. Guy Gignac a fait l'acquisition du livre de Jean Préti "Traité complet théorique et pratique sur les fins de parties" datant de 1858.
 
Source Gallica - BNF.

Mais l'exemplaire qu'il a acquis est tout à fait exceptionnel par un détail formidable : il s'agit de l'exemplaire que possédait Saint-Amant comme le montre la dédicace de Jean Préti à son intention au début de l'ouvrage. M. Guy Gignac m'a envoyé une photo de cette dédicace et je l'en remercie.
 
Un détail qui rend l'exemplaire de Guy Gignac unique.
La dédicace de Jean Préti à Saint-Amant : "A Monsieur St Amant témoignage de haute estime et d'admiration de la part de l'auteur".

C'est l'occasion pour moi de dire quelques mots sur ce livre d'échecs, qui a été numérisé par la BNF et qui est disponible en ligne, par exemple ici.

Je me suis intéressé à la liste des souscripteurs, ainsi qu'à deux positions qui sont données à la fin de l'ouvrage.

On retrouve dans la liste des souscripteurs tous le gratin des joueurs d'échecs qui fréquentent pour la plupart le nouveau Café de la Régence ouvert en 1855 au 161 rue Saint-Honoré. Sur cette première page on remarque notamment Jules Arnous de Rivière, Albert Clerc, Ignace Calvi pour ne citer qu'eux.
 
Sur cette deuxième page de souscripteurs, je retiens Harrwitz, adversaire malheureux du futur match contre Morphy, le comte Isoard Vauvenargues un des protagonistes de la partie de l'opéra avec Morphy, ou bien encore Alfred de Musset en bas de page (décédé le 2 mai 1857 et qui n'aura donc pas eu l'occasion de voir le livre, mais qui confirme bien sa passion du jeu d'échecs jusqu'à la fin de sa vie).
 
Sur cette troisième et dernière page des souscripteurs, on observe la présence de Saint-Amant, de son vainqueur de 1843, Howard Staunton, et Claude Vielle, ancien propriétaire de la Régence.
 
A la fin du livre on trouve donc la position de la 25ème partie entre McDonnell et La Bourdonnais jouée à Londres en 1834, ainsi que la "toujours jeune" en français (evergreen game) c'est-à-dire la magnifique combinaison de mat d'Anderssen contre Dufresne jouée à Berlin en 1852. Je donne cette dernière partie avec les commentaires de Kasparov pour Chessbase magazine.
 
Diagramme de la 25e partie des matchs entre McDonnell et La Bourdonnais - Londres 1834
Un commentaire de Jean Préti précise qu'après le 24ème coup des noirs : 
 
Des témoins de cette partie, jouée à Londres, nous ont assuré qu'arrivé à ce dernier coup du Pion poussé par le joueur français, il y eut comme un mouvement d'enthousiasme électrique dans l'assemblée d'élite qui assistait à cette lutte de géants, quand elle put apprécier toutes les conséquences de cette sublime combinaison.
 
Extrait de la partie Anderssen - Dufresne, Berlin 1852.
 

 

 


[Event "Berlin 'La toujours jeune'"] [Site "Berlin"] [Date "1852.??.??"] [Round "?"] [White "Anderssen, Adolf"] [Black "Dufresne, Jean"] [Result "1-0"] [ECO "C52"] [Annotator "Kasparov,G"] [PlyCount "47"] [EventDate "1852.??.??"] [EventType "game"] [EventRounds "1"] [EventCountry "GER"] [SourceTitle "CBM 059"] [Source "ChessBase"] [SourceDate "1997.08.01"] [SourceVersion "1"] [SourceVersionDate "1997.08.01"] [SourceQuality "1"] {Aujourd'hui, nous allons nous pencher sur une partie qui a enchanté ses contemporains et qui est entrée dans l'histoire sous le nom de "la toujours jeune" en français ("Evergreen Game" en anglais). Dufresne était un étudiant en droit et journaliste allemand, dont le "Petit manuel du jeu d'échecs" ( "Kleines Lehrbuch des Schachspiels") a accompagné des générations entières de joueurs d'échecs.} 1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Bc4 Bc5 4. b4 Bxb4 5. c3 Ba5 6. d4 exd4 7. O-O d3 8. Qb3 Qf6 9. e5 Qg6 10. Re1 Nge7 11. Ba3 b5 12. Qxb5 Rb8 13. Qa4 Bb6 14. Nbd2 Bb7 15. Ne4 Qf5 16. Bxd3 Qh5 {[#] Les blancs ont un avantage gigantesque, le temps est venu de donner l'assaut. Fidèle à son propre style romantique et obéissant au goût du public, Anderssen a joué} 17. Nf6+ {?!! Deux points d'exclamation, car l'une des combinaisons les plus brillantes de toute l'histoire des échecs a été initiée par ce coup. Mais objectivement, la recherche de la beauté peut créer des complications inutiles. Le prosaïque} (17. Ng3 Qh6 18. Bc1 Qe6 19. Bc4 Nd5 (19... Qg6 20. Nh4 Qg4 21. Bxf7+) 20. Ng5 Qg4 21. Re4 {aurait terminé la partie sans plus de difficultés. Mais il manquerait ainsi aujourd'hui un joyau à la couronne du jeu d'échecs.}) 17... gxf6 18. exf6 Rg8 $1 {A première vue, la ligne g ouverte offre aux noirs d'excellentes chances de contre-attaque. Mais les calculs d'Anderssen étaient au-delà des craintes des gens normaux.} 19. Rad1 $1 {Je vous épargnerai les innombrables analyses de générations de joueurs d'échecs. Après des débats sans fin, ils ont décidé que le coup d'Anderssen était meilleur que l'alternative 19.Fe4. Après cela, 19...Tg4 ! serait le meilleur coup. Les Blancs auraient quelques problèmes difficiles à surmonter, mais à mon avis, ils gardent clairement le dessus dans les complications sauvages qui suivent.} Qxf3 $2 {Aujourd'hui, le roi blanc est à deux doigts d'être exécuté. Mais pouvons-nous reprocher à Dufresne de ne pas avoir reconnu les capacités magiques d'un génie ? [#]} 20. Rxe7+ $1 Nxe7 $5 {Une preuve de plus que les chefs-d'œuvre des échecs nécessitent la coopération courageuse de la victime ! De nos jours, un professionnel des échecs -- et bien sûr un ordinateur jouant aux échecs -- choisirait sans hésiter le coup 20...Rd8 pour éviter l'anéantissement imminent.} (20... Kd8 {Mais les noirs perdent aussi ainsi :} 21. Rxd7+ $1 Kc8 ( 21... Kxd7 22. Bf5+ Ke8 23. Bd7+ Kd8 24. Bxc6+ {with mate nebst Matt.}) 22. Rd8+ $1 Kxd8 (22... Rxd8 23. gxf3 {or}) (22... Nxd8 23. Qd7+ $3 {- the same motif mit dem gleichen Motiv}) 23. Be2+ {less clear is} ({weniger klar ist} 23. Bf5+ Qxd1+ 24. Qxd1+ Nd4 25. g3 Rg5 $1 26. Bh3 Bf3 $1) 23... Nd4 24. Bxf3 Bxf3 25. g3 Bxd1 26. Qxd1 {avec une finale ennuyeuse mais gagnée.}) 21. Qxd7+ $3 Kxd7 22. Bf5+ Ke8 23. Bd7+ Kf8 24. Bxe7# {Il n'est pas étonnant que les joueurs d'échecs de l'époque aient été peu enclins à apprendre des règles stratégiques obtuses face à des parties d'attaque aussi grandioses. Mais la vieille école combinatoire, menée par son chevalier le plus brillant, Anderssen, était finalement condamnée à disparaître. Ses représentants n'ont pas pu résister longtemps aux techniques plus avancées d'un Paul Morphy, dont les coups tactiques avaient une base positionnelle beaucoup plus solide.} 1-0 [Event "Match Londres 1834"] [Site "London"] [Date "1834.??.??"] [Round "18"] [White "McDonnell, Alexander"] [Black "De La Bourdonnais, Louis Charles Mahe"] [Result "0-1"] [ECO "C33"] [PlyCount "60"] [EventDate "1834.06.??"] [EventType "match"] [EventRounds "25"] [EventCountry "ENG"] 1. e4 e5 2. f4 exf4 3. Bc4 Qh4+ 4. Kf1 g5 5. Nc3 Bg7 6. d4 Nc6 7. e5 Nge7 8. Nf3 Qh5 9. Ne4 h6 10. Nf6+ Bxf6 11. exf6 d5 12. Bd3 Nf5 13. Qe1+ Kd8 14. Ne5 Nfxd4 15. c3 Nxe5 16. Qxe5 Nc6 17. Qxd5+ Ke8 18. Bb5 Be6 19. Bxc6+ Kf8 20. Qc5+ Kg8 21. Bf3 Qg6 22. Qd4 c5 23. Qe5 Re8 24. Be2 f3 {Des témoins de cette partie, jouée à Londres, nous ont assuré qu'arrivé à ce dernier coup du Pion poussé par le joueur français, il y eut comme un mouvement d'enthousiasme électrique dans l'assemblée d'élite qui assistait à cette lutte de géants, quand elle put apprécier toutes les conséquences de cette sublime combinaison.} 25. Kf2 fxe2 26. Be3 b6 27. h4 Bd7 28. Qd5 Qxf6+ 29. Kxe2 Bg4+ 30. Kd2 Rd8 {The Chess Player's Chronicle 1841, p. 311} 0-1

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