mercredi 19 juin 2024

La première Olympiade du jeu d’échecs et Création de la FI(D)E – Le tournoi – 3 sur 4

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Troisième partie des articles consacrés à la première Olympiade du jeu d’échecs et à la création de la FI(D)E.

Je remercie tout particulièrement M. Guy Gignac qui m’a communiqué un document exceptionnel. Il s’agit du programme du « Tournoi International d’amateurs d’échecs », dont vous avez les photos ci-dessous.
 

 


Outre la liste des participants des différentes nations, on peut voir que le président de la commission des arbitres n’est autre qu’Alexandre Alekhine (qui n’est pas encore champion du Monde, ni Français à l’époque).

La compétition d’échecs se déroulera en 3 parties : une épreuve préliminaire, un tournoi entre les vainqueurs, et un tournoi entre les perdants, dit « subsidiaire ». Il est prévu un classement individuel et un classement des Nations.

Ceci est bien expliqué par Gaston Legrain dans sa chronique d’échecs pour le journal L’Action Française du 7 juillet 1924.
 
L'Action Française du 7 juillet 1924 - Retronews
 
TOURNOI OLYMPIQUE D’ÉCHECS
 
Dans sa séance du 21 juin, la Fédération Française des Échecs a décidé de diviser le tournoi en trois phases : 

1 - Épreuves préliminaires. — Il sera formé des groupes égaux. Aucune nation ne sera représentée par plus d'un joueur par groupe. Chaque groupe jouera un tournoi à un tour. 

2 - Tournoi des vainqueurs. — Les concurrents classés premiers dans les épreuves préliminaires joueront un tournoi à un tour. Le vainqueur de ce tournoi sera nommé champion des amateurs d’échecs de la VIIIe Olympiade. 

3 - Classement subsidiaire des nations. — Les concurrents exclus du tournoi des vainqueurs joueront un nombre de parties égal à celui joué par les concurrents du tournoi des vainqueurs en évitant la rencontre de deux joueurs d'une même nation. Le classement des nations sera fait en additionnant les points de tous les joueurs de claque nation dans les trois épreuves. 

Durée du tournoi : du samedi 12 juillet, 14 heures, au dimanche 20 juillet, 18 heures. Séances de 14 à 18 heures et de 20 à 24 heures. Soit 17 séances. 

Temps de réflexion : 90 coups pour les deux premières heures et ensuite 20 coups à l'heure.
Cette lutte de 19 nations, représentées. par 60 amateurs réputés, est un évènement qui marquera dans les Annales des Échecs. C'est un triomphe de l'esprit sportif que la mêlée de tant de combattants accourus vers nous de loin, de bien loin, pour conquérir, non pas quelques gros chèques, mais les seuls lauriers de la gloire. 

Si la Grande Presse consent à secouer son indifférence et commente ce tournoi avec un peu de l'enthousiasme qu'elle prodigue aux menus exploits des boxeurs, la cause des Échecs en France est gagnée. Là-haut, contemplant la nouvelle ère de prospérité du jeu qui l'immortalisa, Philidor nous sourira.
 
GASTON LEGRAIN. 

Dans le compte rendu du tournoi paru dans le Bulletin n°12 de la FFE – Juillet Août Septembre 1924, Pierre Vincent écrit :

Et c’est pourquoi notre champion, G. Renaud, a pu écrire dans une édition spéciale de sa remarquable chronique d’Échecs dans l’Éclaireur de Nice :

« Au clair matin du 12 juillet dernier, dans la salle des Fêtes de la mairie du IXe arrondissement, à Paris, cinquante cinq joueurs, appartenant à dix-huit nations différentes, répondirent présents à l’appel des concurrents.
Les uns comme les Argentins avaient franchi l’Océan pour venir disputer leur chance et représenter l’Amérique latine.
D’autres comme les Lettons ou les finlandais avaient traversé l’Europe dans sa largeur et voyagé cinq nuits et quatre jours consécutifs… Et tous étaient là, maintenant, animés du même désir de vaincre, avec l’espoir de soutenir haut et ferme le drapeau de leur pays.

Et ce matin radieux du 12 juillet 1924 était en même temps comme l’aube d’une ère nouvelle dans l’histoire des Échecs. Certes déjà, à Paris même en 1900 pour la dernière fois, un tournoi international avait eu lieu et depuis, en tous pays du globe, d’importantes compétitions. Mais jamais on n’avait vu, accourue de dix huit nations, l’élite des amateurs d’Échecs des deux mondes, venir sans but lucratif, uniquement pour tenter de conquérir un titre enviable et glorieux : celui de champion de la VIIIe Olympiade. »
 
La mairie du 9ème arrondissement de Paris
 
La salle du conseil municipal, anciennement salle des fêtes, lieu du tournoi et de la signature de la création de la FIDE.
 

 


 
 
 
 
 
Photo parue dans le journal Excelsior - 13 juillet 1924 - Retronews.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Extrait du journal Le Gaulois du 13 juillet 1924, cité dans le bulletin numéro 12 de la FFE.

« A 10 heures précises – joueurs d’Échecs sont gens ponctuels – M. Lucien Sauphar, maire du IXe arrondissement dont on ne saurait trop louer la bienveillante générosité, prononçait les paroles de bienvenue en sa grande salle des Fêtes où il donne une large hospitalité aux concurrents de ce tournoi ; M. Mesureur ancien ministre du Commerce présidait ; dans un charmant discours d’ouverture, il dit tout le bien que l’on doit attendre du célèbre jeu pour la formation de l’esprit et montra que, complétement harmonieux des jeux de stade qui font valoir la discipline, la grâce et la force du corps, ce tournoi vient mettre en lumière la pure beauté des spéculations intellectuelles qui attestent l’équilibre de l’esprit.

Cinquante-cinq joueurs répondirent à l’appel de leur nom, puis M. Georges Renaud, champion de France, lut, dans le Livre d’Or de la Fédération Française des Échecs, le serment :

Nous jurons que nous nous présentons au Tournoi international d’Échecs, organisé à l’occasion de la célébration de la VIIIe Olympiades, en concurrents loyaux, respectueux des règlements du tournoi, pour l’honneur de nos pays et la gloire du jeu des Échecs.

Cinquante cinq bras levés confirmèrent les paroles du champion français et les cinquante-cinq concurrents apposèrent leu signature sur le Livre d’Or de la Fédération Française des Échecs.
»

La commission des arbitres est mise sous la présidence d’Alexandre Alekhine, chaque pays ayant un représentant. La première ronde eut lieu à 14h le samedi 12 juillet. Chaque joueur devait jouer 5 parties dans les épreuves préliminaires, et 8 parties dans le tournoi suivant (tournoi des vainqueurs ou tournoi subsidiaire pour les joueurs non qualifiés).
 
Revue L'échiquier 1925 - Photo de la partie décisive pour désigner le vainqueur du tournoi individuel.

Le tournoi des vainqueurs garde un certain suspense jusqu’à la dernière partie.
Le bulletin numéro 12 de la FFE indique :

« Colle, Tchepurnoff et Mattison peuvent donc gagner le tournoi. Il faut, pour que Tchepurnoff gagne, qu’il batte son adversaire et que Colle batte Mattison. Il aura alors 5 et Colle aussi, mais comme il a battu Colle il sera premier.

Pour que Colle soit vainqueur, il lui faut battre Mattison. Quel que soit le résultat entre Tchepurnoff et Apschenek, il aura le meilleur résultat des trois joueurs terminant avec 5. Pour que Mattison soit vainqueur, il lui suffit de faire nulle.

Or, Colle obtient rapidement une partie supérieure. Mattison doit sacrifier une qualité pour avoir des contre-chances et Colle a le gain sous la main… D’autant que Tchepurnoff vient de perdre. Les journalistes préparent déjà leurs télégrammes pour célébrer la victoire de Colle…

Mais le jeune maître, pressé d’en finir, joue quelques coups imprudents et se trouve quasi perdu. A 13 heures, la partie est ajournée. A la reprise à 15 heures, il parvient à annuler. Mattison est champion des amateurs d’Échecs de la VIIIe Olympiade.
»

Curieusement je n'ai pas trouvé dans les revues de l'époque, ni sur internet, la partie complète Colle vs Mattison (il semble manquer les coups après la reprise de la partie), partie pourtant décisive.
 
Hermann (Hermanis) Mattison, vainqueur du tournoi individuel.
Photo : La Stratégie 1924

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