lundi 17 juin 2024

La première Olympiade du jeu d’échecs et création de la FI(D)E – Organisation – 2 sur 4

 
Deuxième partie des articles consacrés à la première Olympiade du jeu d’échecs et à la création de la FI(D)E.

Pendant que l’organisation du grand tournoi avance, le journal le Figaro ironise.
 
24/04/1924 Le Figaro – Retronews

Les Échecs et les Jeux Olympiques

Il y aura même, pendant les Jeux Olympiques, un tournoi d’échecs !
Il est organisé sous le patronage de M. Fernand Gavarry, ministre plénipotentiaire, commandeur de la Légion d’honneur, et se déroulera du 12 au 20 juillet dans les salons d’un grand hôtel du quartier de l’Étoile.
La plupart des grandes fédérations de joueurs d’échecs y participeront.
Ce sera, après la fête du Muscle, un petit gala pour le Cerveau.


Dans son bulletin numéro 11 – Avril Mai Juin 1924 – La Fédération Française des Échecs communique sur le tournoi Olympique. Le lieu du tournoi a changé. Il passe de l’hôtel Majestic à la salle des fêtes de la mairie du 9ème  arrondissement de Paris. C’est probablement grâce à Lucien Sauphar, maire du 9ème arrondissement, que les joueurs pourront jouer dans cette salle prestigieuse. Un lieu public plutôt qu’un lieu privé.

Lucien Sauphar en 1919 – BHVP

Un autre point important concerne le statut des différents participants. La charte Olympique précise que les concurrents doivent être des amateurs. Le texte aborde ce point et répond à la question en l’absence d’une Fédération Internationale qui aurait fixé les règles au préalable.

L’article publie également la liste des participants connus en date du 21 juin 1924. Parmi tous les concurrents déjà inscrits vous remarquerez pour la Grande-Bretagne la présence d’une femme, Edith Holloway, ce qui est à souligner. Il s’agit de la première femme qui jouera pour une olympiade du jeu d’échecs. 


FFE Bulletin numéro 11 – Avril Mai Juin 1924

Voici le passage sur la définition du terme « Amateur »

Le règlement, s'inspirant des principes fondamentaux de la Charte des Jeux Olympiques, stipule que les champions amateurs de toutes les nations inscrites à ces Jeux peuvent y participer. Toutefois le nombre des concurrents est limité à quatre par nation. Les dames sont admises. Ne peuvent représenter un pays que les nationaux ou naturalisés. Les prix consistent en médailles et diplômes. 

En l'absence d'une Fédération Internationale qui aurait été chargée d'établir avec précision la distinction entre l'amateur et le professionnel, le Comité organisateur d'accord avec le Comité de la F. F E. a décidé provisoirement de refuser la qualité d'amateur à tout joueur retirant un bénéfice pécuniaire de leçons, exhibitions, parties simultanées, parties à l'aveugle. 

Il a été admis pour l'instant que le gain d'un prix en espèces, même important, dans un tournoi n'enlevait pas cette qualité, les cercles d’Échecs ayant pour habitude constante de donner des prix en espèces.
Il en est de même pour le fait d'avoir joué des parties intéressées ou d'avoir pris part à des tournois où étaient inscrits des professionnels. 

D'autre part, l'exercice d'une profession, libérale ou autre ne saurait être valable si le joueur s'exhibe à côté, comme il est dit ci-dessus et reçoit de ce fait une rémunération qui prend le caractère d'un cachet.
Le titre de Maitre est absolument indépendant de celui d'amateur ou de professionnel ; un Maître peut donc être amateur. Il appartiendra ultérieurement à une Fédération Internationale de statuer définitivement.


L’article suivant, toujours tiré du bulletin numéro 11 de la Fédération Française des Échecs correspond à l’invitation formelle de créer une Fédération Internationale des Échecs. C'est probablement la première fois que ce congrès, avec pour but la création de la FIDE, est mentionné par la FFE.
 
FFE Bulletin numéro 11 – Avril Mai Juin 1924

Congrès de Fédérations

Le Comité de la F.F.E. a invité les Fédérations étrangères à venir assister à un Congrès qui se tiendra le dimanche 20 juillet 1924 à Paris. La Fédération Française des Échecs proposera en premier lieu à ce Congrès la constitution d'une Fédération Internationale des Échecs. Ce projet a d'ailleurs déjà été formulé en 1914 par la Fédération Britannique.


Mais le problème numéro 1 de la jeune Fédération Française des Échecs concerne ses finances. James Conti, vice-président de la FFE et secrétaire général des Échecs du Palais-Royal (l’ex UAAR Union Amicale des Amateurs de la Régence) est chargé de résoudre les problèmes financiers de la FFE.

Il écrit :

Je suis convaincu que les joueurs d’échecs français estimeront qu’il est mortifiant de voir les américains organiser des tournois d’échecs qui coûtent plus de 300.000 francs, pendant que la caisse de la Fédération Française ne contient que des sommes ridicules. Cela est d’autant plus attristant que l’on dépense en ce moment des millions pour les sports. Tout pour les muscles et rien pour le cerveau.
 
Photo tirée de la revue L’Échiquier - Janvier 1926, avec le texte suivant sous la photo :
Pierre Vincent secrétaire général de la Fédération Française des Échecs


Au final tout se passera bien, comme le relatera Pierre Vincent dans le compte rendu de l'évènement qu'il rédigera pour le bulletin numéro 12 de la FFE :

Bulletin n°12 de la FFE – Juillet Août Septembre 1924
Pierre Vincent

« (…) Secrétaire général de la FFE depuis peu, attaché au comité olympique français comme chef de Service des engagements et des renseignements techniques, de retour des jeux de Chamonix, enthousiaste de l’esprit sportif avec lequel s’étaient inscrits et s’inscrivaient les concurrents à toutes les épreuves de la VIIIe Olympiade. Avec la foi profonde que les amateurs d’Échecs sauraient faire réussir leur tournoi, je lançais en mars 1924 l’annonce d’un tournoi calqué sur les tournois olympiques.

Pour remplacer le Comité olympique français : un Comité d’honneur et de patronage, et une Commission exécutive ; appel aux amateurs seulement ; pas de prix en espèces ; pas de frais de déplacement.

Sans appuis officiels, c’était risqué ! … téméraire …, insensé… Et cela fut le plus beau tournoi organisé peut-être ! Grâce à tous, solidaire, bienveillants pour une organisation hâtée, grâce à Paris qui attire, à la France que l’on aime, à la cause des Échecs que chaque joueur est heureux de servir comme une religion dont il se sent l’apôtre pour le développement des vertus intellectuelles et sociales.

Cinquante-neuf concurrents envoyèrent leur adhésion de dix-neuf nations différentes au grand émoi du Comité. L’honneur de la France allait rentrer en jeu pour que la réception fut digne d’un empressement…inattendu.

MM. Gavarry et G. Mesureur surent y intéresser le Ministère des Affaires Étrangères, qui promit des plaquettes artistiques pour récompenser les lauréats, et le conseil Municipal de paris qui réserva à l’Hôtel de Ville une réception magnifique aux concurrents et officiels du tournoi. M. Sauphar, maire du IXème, donna la salle des Fêtes de sa mairie.

Le maître franco-russe A. Alekhine apporta sa haute autorité à la présidence de la Commission des arbitres. Des amis dévoués (« l’équipe de fer ») : Léon Martin, Barberis, de Gency, Leturc, Gustave Lazard, Spanien, Judic, Mrozowski se multiplièrent pour toutes démarches utiles : médailles, diplômes, tables, drapeaux, programmes, invitations, pendules, services de presse, imprimés, contrôles, affichage des résultats, photographes, etc…

1 commentaire:

  1. En 1924, Georges Renaud n'etait-il pas deja chroniqueur echiqueen, a la limite donc de ce qui fut defini comme l'amateur olympique ideal ?
    Alors que "le muscle" separe necessairement les sexes lors des competitions, il serait judicieux que les milieux echiqueens soulignent qu'il y a cent ans, deja, "le cerveau" adoptait deja une approche inclusive !

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