Beaucoup de sources sur les origines du Café de la Régence indiquent la fondation du Café de la Place du Palais Royal par un certain Lefèvre à qui un Leclerc lui succéda.
C’est ce Leclerc qui changea le nom du Café en « Café de la Régence » en 1718 pour une raison incertaine...
Une plaque était d’ailleurs visible de tous au 161 Rue Saint-Honoré, indiquant la date de la fondation de la maison (voir la photo).
Pour l’article d’aujourd’hui mon intérêt se porte ailleurs.
En effet toutes les sources indiquent :
Cahier de l’Echiquier Français, n°33, 1925 (Source BNF)
« (…) en 1688, un sieur Lefèvre inaugura, sur l’ancienne place du Palais-Royal, une maison qu’il appela : Café du Palais-Royal.
A Lefèvre succéda Leclerc dont la femme était d’une beauté telle que tous les galants accoururent pour voir « la belle cafetière ». En des sonnets au cours de l’époque, les rimeurs chantèrent les louanges de Mme Leclerc ; on ajoute que Philippe d’Orléans, duc de Chartres, Régent du Royaume de France, n’était pas insensible à ses charmes.
De cette aventure, ainsi que de la proximité du Palais du Régent avec la maison des « cafés », viendrait le nom de Café de la Régence que prirent, en 1718, les établissements Leclerc. On donnait en même temps à la belle Leclerc ses lettres de naturalisation dans le monde de la galanterie sous forme d’une pièce de vers intitulée : Brevet de Vénus pour Mme Leclerc, maîtresse du Café de la Régence (…) ».
Une autre source « L'Échiquier français. Journal publié par l'Union amicale des amateurs d'échecs de la Régence » indique dans sa « monographie du Café de la Régence » publié en 1906 (Source BNF)
« Le Café de la Régence, situé rue Saint-Honoré, 161, est le temple des échecs à Paris, depuis sa fondation.
A l’origine il se trouvait à l’angle de la place du Palais-Royal, et était tenu par un sieur Lefèvre, vers l’année 1688. Sa célébrité lui vint à cette époque de la galanterie qui y régnait en maîtresse.
Le successeur de Lefèvre, nommé Leclerc, avait une femme, dont la beauté attira une foule de galants. Un de ceux-ci composa, vers 1718, une pièce de vers pour la maîtresse du lieu, qu’il intitula : Brevet de Vénus pour Mme Leclerc. D’autres sonnets au goût de l’époque chantèrent la beauté de la joyeuse Dame et l’un d’eux parla même avec quelque irrévérence de Philippe d’Orléans, duc de Chartres, régent du royaume de France. C’est probablement ce sonnet qui fit donner à l’établissement le nom de Café de la Régence, vers 1718 (…). »
Il est connu que les arcades et les jardins du Palais-Royal étaient un lieu « chaud » de Paris au XVIIIème siècle.
Les soirées organisées par le Régent ne furent pas pour rien dans la réputation de ce lieu…
Voici donc un sonnet ainsi que le texte du fameux « Brevet de Vénus ».
Il y a un point qui me chagrine, c’est la date indiquée dans le texte : 1741.
J’ai trouvé une autre source qui indique 1738 (Description bibliographique des livres choisis en tous genres 2eme tome 1858 - Google Book) .
Je resterai sur cette date de 1738, même si elle ne colle pas trop avec ce qui est indiqué dans les deux extraits ci-dessus.
Mais comme 1738 est citée par la référence la plus ancienne, faute de mieux c'est cette date que j'ai choisi arbitrairement pour le moment.
Mais comme 1738 est citée par la référence la plus ancienne, faute de mieux c'est cette date que j'ai choisi arbitrairement pour le moment.
Une chose est sûre. En lisant le « Brevet de Vénus », ainsi que le sonnet, il y a un gros doute sur les mœurs de cette Mme Leclerc, mais également on ne peut pas dire que le texte soit très positif sur sa beauté et son comportement…
Par exemple l’extrait suivant, on est loin de la galanterie louée dans les Cahier de l’Echiquier Français…
Qu’il l’instruise en l’art divin
De pouvoir déguiser son teint,
Qui fait penser à tout le monde
Qu’elle a déjà le mal immonde ;
J’ai laissé l’orthographe telle qu’elle était dans le texte original.
Recueil dit de Maurepas – Pièces libres
Chansons, Epigrammes et autres vers satiriques sur divers personnages des siècles de Louis XIV et Louis XV – 4ème tome – Edité en 1865 (Source Google Book)
1741 deux textes concernent le Café de la Régence
Chanson
Sur l’air : Dirai-je mon confiteor
La chandelière Berthelin
Est, dit-on, en grande doléance
De voir sa nièce catin (1),
Et son gendre en défaillance (2),
Et pour surcroit d’affliction,
Son fils ainé faire cession (3).
(1) La femme du sieur Leclerc, limonadier du café de la Régence, partie pour l’Angleterre.
(2) Boivin, notaire, qui a fait une espèce de banqueroute.
(3) Il y a environ 15 mois que la dame Berthelin a obtenu de son fils ainé, qui avoit fait pour 40 mille livres de dettes.
BREVET DE VENUS
En faveur de mademoiselle Leclerc, limonadière du café de la Régence (novembre 1741).
Nous, souveraine de Cythère,
Reine d’Amathonte et de Paris,
A nos amés et favoris
Du vaste et galant hémisphère,
A nos peuples, joyeux gaillards,
Beaux jours, chevance et hazards.
La maîtresse de la Régence
Nous ayant fait représenter
Qu’elle ne sauroit surmonter
Certains feux de concupiscence
Qui la tourmentent jour et nuit ;
Mais que n’ayant eu de nature
Ni les charmes ni la figure,
Ni les agrémens de l’esprit,
Qui donnent entière licence
Aux femmes qui les ont reçus
De faire leurs maris cocus,
A ce défaut, sans nos dispenses,
Elle n’osoit cocufier
Le sien ; que, dans ces circonstances,
Elle nous faisoit supplier
De vouloir l’en gratifier.
Vu ses besoins, ayant fait preuve
Qu’elle n’est pas, bien s’en faut, neuve
Dans l’art de duper un jaloux,
Et de glisser un billet doux ;
Que par de fréquentes avances
Et d’utiles condescendances,
Elle sait quêter des galans,
Et suppléer aux agrémens ;
Que d’une excessive coquette
Elle a le goût pour la fleurette,
Les rares dispositions,
Les mines, les contorsions,
Les airs lascifs, la suffisance ;
Ayant d’elle reçu serment,
D’observer tous nos règlemens
Contre la pudeur, la décence,
De notre pleine autorité,
L’avons dès ce jour relevée
Du serment de fidélité
Par elle fait à l’hyménée ;
Permettons, voulons et nous plait
Que, quoiqu’elle ne soit jolie,
En vertu du présent brevet,
Sans crainte elle le cocufie,
Jusqu’à nonante mille fois.
A son mari faisons défense
De la troubler dans l’observance
De nos dogmes et de nos lois,
D’en exiger la jouissance,
Sous peine de prompte impuissance.
Si nous donnons en mandement
Et commandons expressément
A l’adroit et léger mercure
De la faire jouir des honneurs
Déférez aux lubriques sœurs
De l’ordre de notre ceinture ;
Qu’il lui fournisse, dans un mois,
De l’Arétin un exemplaire,
Pour y chercher et faire choix
D’une attitude salutaire,
Ayant fait déclaration
Que la posture conjugale
Lui causoit suffocation,
Et lui pourroit être fatale ;
Qu’il l’instruise en l’art divin
De pouvoir déguiser son teint,
Qui fait penser à tout le monde
Qu’elle a déjà le mal immonde ;
Et le présent il publiera
Partout où de besoin sera.
Donné sur les bords de la Seine,
Le jour qu’un peuple Italien,
Célébra de Vulcain la peine,
Le bonheur de Mars et le mien.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire