mercredi 12 août 2020

Une histoire de Fou


Depuis 1836, la revue Le Palamède a toujours utilisé le même type de diagramme pour montrer des positions d’échecs. Les pièces sont simplement représentées par une lettre d’imprimerie blanche ou noire comme sur le diagramme ci-dessous provenant du Palamède en janvier 1842. Mais il faut bien l’avouer, la lecture de ce diagramme n’est pas très aisée avec nos habitudes actuelles.

Le Palamède - Janvier 1842

Saint-Amant, directeur du Palamède, propose alors de reprendre les diagrammes tels qu’ils existent dans les revues d’échecs en Angleterre. Mais il y a un aspect cocasse qui le rebute un peu d’adopter telle quelle cette nouveauté qui est pourtant un progrès important pour les échecs…


En Angleterre les diagrammes d'échecs sont un peu plus lisibles, et ce depuis de nombreuses années.
Exemple avec cet extrait du journal "Liverpool Mercury" du 3 septembre 1813, près de 30 ans avant Le Palamède !

Extrait du Palamède - Avril 1842 - Saint-Amant

« Nous plaçons le modèle que nous avons fait venir de Londres sous les yeux de nos abonnés, qui seront ainsi parfaitement à même de se prononcer et de nous faire connaître leur opinion d’ici au 15 juillet, époque où nous commencerons seulement à employer ces nouveaux types pour le second volume de l’année 1842. Dans le tableau de l’échiquier placé ci-dessus nous ne trouvons qu’un seul inconvénient, mais il est immense, et nous aviserons aux moyens de le faire disparaître. 

En Angleterre, toutes les pièces ont la même forme et la même désignation que les nôtres, à l’exception d’une seule ; mais sur celle-ci la différence est telle que tout accommodement entre nous est impossible. Il faut une transformation complète, radicale. Il ne peut être question de tomber d’accord par convention, là où la matière peut paraître si grave qu’elle toucherait à la sainteté. La pièce que nous nommons Fou, je ne sais trop pourquoi, est appelé Bishop (évêque) par les Anglais.

Pour la figurer, ils emploient naturellement un des symboles de l’épiscopat, la mitre. Nous n’avons pas besoin de nous appesantir sur l’inconvenance que présenterait pour nous cet ornement révéré, appliqué à la désignation d’une pièce portant le même nom qu’un être privé de raison. La marotte et les grelots sont ses attributs, et le peuple anglais aurait les mêmes scrupules pour représenter le Bishop par la pièce française que nous allons faire fondre dans ce style. »

Par curiosité, jetez un coup d’œil aux diagrammes de la seule revue d’échecs française actuelle…


Est-il convenable de représenter un Fou comme un homme d'église ?!
Là est toute la question soulevée par Saint-Amant :-)

Mais heureusement, une solution est trouvée dans Le Palamède de juillet 1842.



« Nous faisons aujourd’hui l’emploi des caractères anglais pour nos problèmes. Grâce à la légère modification d’une seule pièce, nous entrevoyons un très grand progrès dans cette substitution des pièces figurées aux lettres initiales  »


Ouf, le Fou ressemble alors véritablement à sa dénomination ! 

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