dimanche 15 novembre 2020

Les testaments de Deschapelles

Le 27 octobre 1847 disparaissait Deschapelles, personnage exceptionnel et méconnu de nos jours, successeur de Philidor.
Rappelons que Deschapelles (Alexandre Louis Honoré Lebreton Deschapelles) était considéré comme plus fort aux échecs que Philidor, par les personnes ayant connus les deux joueurs.
Je vous renvoie à la courte biographie que j'ai faite à son sujet.

Un passionné, Pierre Baudrier, que j'ai déjà cité et que je remercie, a mené de minutieuses recherches à son sujet au cours des années 1970 / 1980.
Et dans le numéro 258 d'Europe Échecs (juin 1980), il publia deux documents remarquables.
Il s'agit des deux testaments manuscrits de Deschapelles en provenance des Archives Nationales.

Les circonstances actuelles ne me permettent malheureusement pas d'aller aux Archives Nationales pour consulter les originaux. Aussi je me contente des photos publiées dans la revue Europe-Échecs de juin 1980.

Europe-Échecs n°258 - Juin 1980

Voici un extrait de cet article de Pierre Baudrier :

"Le champion d'échecs Alexandre-Louis-Honoré Lebreton Deschapelles (7 mars 1780 - 27 octobre 1847) a été méconnu (...).
Deschapelles lui-même n'y était pas étranger. Pendant la monarchie de juillet il conspirait contre le pouvoir et lisait à qui voulait l'entendre sa loi du peuple qui parut en 1848.

Inversement, il habitait en 1789 le château de Versailles - son père était officier de la Maison du Roi - Louis XVI l'avait "nommé", c'est-à-dire qu'il avait permis qu'on lui donne son prénom de Louis. L'un de ses frères avait été fusillé en l'an II pour être passé aux chouans et sous Louis-Philippe son beau-frère O'Hégerty était l'écuyer de Charles X et du comte de Chambord en exil. On ne peut que faire des suppositions sur la véritable personnalité de Deschapelles".

Lors du décès de Deschapelles en 1847, Saint-Amant publia, dans Le Palamède, un long article nécrologique avec un extrait d'un des testaments.

Le Palamède 1847

Pierre Baudrier ajoute :

"L'extrait du texte avait dû être fourni à Saint-Amant par la légataire universelle ou par un ami de Deschapelles, O'Reilly, qui avait signé l'acte de décès et appartenait au même milieu que Saint-Amant, celui du journal républicain Le National.

O'Reilly avait brandi le drapeau rouge le 5 juin 1832, lors de l'insurrection organisée par Deschapelles et évoquée par Victor Hugo dans Les Misérables.
Il fut nommé consul à Malaga puis secrétaire général de la Préfecture de Police en 1848 et maire du Xème arrondissement de Paris en septembre 1870."

Voici le texte du 1er testament de Deschapelles, en date du 1er février 1846.

Minutier Central, notaire LXXXV, liasse 1009 - Archives Nationales

"Mon testament

Aujourd'hui 1er février mil huit cent quarante six, je lègue à Mademoiselle marie, anne, caroline Lefèbvre brevetée pour l'exploitation des châssis de couches, demeurant avec moi de présent rue poissonnière n°29 à Paris: je lègue dis-je, tout ce que je laisserai après ma mort, immeubles, meubles, argent, créances ou papiers, pour qu'elle en jouisse après moi en toute propriété.
Je regrette de n'en pas laisser davantage craignant que ma chère caroline ne soit obligée de se retrancher dans la vie que nous menons depuis environ 23 ans. 

Je demande pour mon corps, l'enterrement du pauvre: que l'on m'envoye aucun billet de faire-part: que l'on ne mette mon nom dans aucun journal et que l'on ne présente mon corps à aucun culte.

Depuis mon enfance je n'ai reconnu qu'une seule opinion religieuse, la regardant comme le devoir actuel de l'homme : travailler jour et nuit à augmenter sa droiture et son intelligence.

Alexandre, Louis, Honoré, Lebreton Deschapelles"


Voici le texte du testament du 6 avril 1847

"Mon testament

J'ai donné et donne et lègue tout ce que je possède et posséderai, jusqu'à mes hardes et mon dernier chiffon, à Mademoiselle Marie, Anne, Caroline, Lefèbvre, fille aînée de M. Lefèbvre propriétaire à Thémericourt, aujourd'hui adjoint à la mairie de la ville commune : laquelle demoiselle est à la tête de ma maison depuis plus de vingt ans, où elle m'a rendu la vie heureuse, par son intelligence, sa droiture, son amabilité et son dévouement.

Je voudrais lui laisser davantage dans la crainte que les charges de sa fabrique ne deviennent trop fortes et qu'elle ait englouti ce qu'elle a à elle, d'héritages et d'économies. Je ne lui laisse point de conseils, n'ayant pas les qualités pour acquérir et me fiant plus à elle qu'à moi, sur la continuation ou sur le moment de liquider mon entreprise.

Paris le 6 avril mil huit cent quarante sept.

Alexandre, Louis, Honoré, Lebreton
Signé : Deschapelles"

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