Au-delà de la « manière de jouer ce jeu » qui correspond à la marche des pièces, la brochure publiée en 1844 de Claude Vielle (voir l’article précédent) contient également un règlement du jeu au Café de la Régence.
Quelques règles sembleront bien étranges à un joueur actuel (voir les règles X et XIX obligation de dire l’échec au roi).
Mais celle que je préfère est sans conteste la dernière (la XXV) qui donne une certaine autorité à la galerie !
RÈGLE DU JEU DES ÉCHECS
Cette Règle fait autorité, aplanit toutes les contestations au Café de la Régence, depuis Philidor.
I.
Les joueurs doivent avoir à leur droite la case angulaire blanche de l’échiquier ; si l’échiquier est mal posé, celui des deux qui s’en apercevra, avant de jouer son quatrième coup, pourra exiger qu’on recommence la partie ; mais ce quatrième coup joué de part et d’autre, la partie sera engagée et ne pourra être recommencée.
II.
Si les pièces sont mal rangées, celui qui s’en apercevra pourra rectifier ou faire rectifier cette irrégularité avant de jouer son quatrième coup ; mais ce quatrième coup une fois joué de part et d’autre, il faudra continuer la partie dans la position où se trouveront les pièces.
III.
Si l’on a commencé une partie à but avec une pièce ou un pions de moins, le quatrième coup étant joué de part et d’autre, on sera obligé de finir la partie, sans pouvoir reprendre la pièce oubliée.
IV.
Si l’on est convenu de faire avantages d’un pion ou d’une pièce, celui qui aura oublié de le faire, ne sera pas admis, dans le courant de la partie, à rendre ce pion ou cette pièce ; on continuera la partie dans l’état où elle sera, et celui qui devait recevoir avantage ne pourra perdre la partie ; le pis aller pour lui sera qu’elle soit remise.
V.
Le Trait, est le droit de jouer le premier ; on doit tirer ce trait avant de commencer la partie, à moins qu’on ne fasse avantage du trait.
VI.
Celui qui a gagné la partie, a le trait à la partie suivante, à moins qu’on ne soit convenu du contraire.
VII.
Celui qui fait avantage, a le trait, à moins qu’on ne convienne du contraire.
VIII.
Quand on a touché une pièce, on est obligé de la jouer, à moins qu’on n’ait dit j’adoube en la touchant : si une pièce vient à se déranger sur l’échiquier, on pourra la relever, sans être obligé de la jouer, pourvu qu’on ait dit j’adoube.
IX.
Quand on a joué une pièce, et qu’on l’a quittée, on ne peut plus la reprendre pour la jouer ailleurs.
X.
Quand on a touché une pièce de son adversaire sans dire j’adoube, il peut vous obliger de la prendre ; si cette pièce ne peut être prise, celui qui l’a touchée jouera son roi, pouvant le faire, et s’il ne le peut, la faute sera sans conséquence.
XI.
Si l’on joue par méprise la pièce de son adversaire pour la sienne, il a le choix de vous obliger à la prendre, si elle est prenable, ou de la faire remettre à sa place, ou de la laisser où vous l’aurez mise.
XII.
Si l’on prend la pièce de son adversaire avec une pièce qui ne puisse pas la prendre, on est obligé de la prendre avec une autre pièce, si cela se peut, ou de jouer la pièce touchée.
XIII.
(Si) vous prenez votre propre pièce avec une des vôtres, l’adversaire aura le choix de vous faire jouer celle des deux pièces touchées qu’il jugera à propos.
XIV.
Si l’on fait une fausse marche, l’adversaire a le choix ou de vous faire laisser la pièce à la case où vous l’avez mise, ou de vous la faire jouer ailleurs.
XV.
Si l’on joue deux coups de suite, l’adversaire a le choix, avant de jouer son coup, ou de laisser passer les deux coups joués, ou de vous faire remettre le second.
XVI.
Si l’on pousse un pion deux pas en passant devant un pion de l’adversaire, il sera le maître de le prendre.
XVII.
Le roi ne peut roquer quand il a été joué, ou quand il passe en échec, ou quand la tour a joué ; et si dans un de ces trois cas on touche le roi et la tour pour roquer, l’adversaire a le choix de faire jouer le roi ou la tour.
XVIII.
Si l’on touche une pièce qu’on ne puisse pas jouer sans mettre le roi en échec, il faut jouer le roi ; et si le roi ne peut se jouer sans être échec, la faute sera sans conséquence.
XIX.
Il faut avertir de l’échec au roi ; si celui dont le roi est échec, n’ayant pas été averti, joue tout autre coup que de défendre son roi de l’échec, et que l’adversaire veuille sur le coup prendre ou attaquer une pièce, en disant échec au roi, alors celui dont le roi était en échec, rejouera son coup pour couvrir l’échec ou s’en défendre.
XX.
Si le roi est en échec depuis plusieurs coups, sans qu’on s’en soit aperçu, et qu’il ne soit pas possible de vérifier si on lui a donné échec, ou s’il s’est mis en échec lui-même ; celui dont le roi est en échec peut, au moment qu’il s’en aperçoit ou qu’il en est averti, remettre la dernière pièce qu’il a jouée à sa place, et défendre l’échec.
XXI.
Si l’adversaire vous déclare échec au roi, sans néanmoins vous donner échec, dans ce cas, si vous touchez le roi ou toute autre pièce pour défendre l’échec, et que vous vous aperceviez que votre roi n’est pas échec avant que l’adversaire ait joué son coup, vous pourrez rejouer le vôtre
XXII.
Mais vous ne serez plus à temps d’y revenir, si l’adversaire a joué son coup ; en général, toute irrégularité sera couverte du moment que vous aurez joué ou touché une pièce pour jouer le coup suivant.
XXIII.
Quand on mène un pion à dame, on prend pour ce pion une seconde dame, un troisième cavalier, ou telle pièce que l’on juge la plus utile pour le gain de la partie.
XXIV.
Si le roi est pat, ce qui arrive lorsqu’il ne peut bouger de la case où il est, qu’il ne soit en échec, et qu’il n’a ni pion ni pièce à jouer d’ailleurs ; dans ce cas, la partie sera remise.
XXV.
Tout coup contesté doit être décidé suivant les règles ci-dessus ; si la décision d’un coup dépend d’un fait, il doit être jugé par les spectateurs, auxquels les joueurs seront tenus de s’en rapporter.