dimanche 24 mai 2020

Échecs et Phrénologie

La bosse des maths ou du commerce ? Cela vous dit quelque chose ?
Ces expressions proviennent d'une pseudo-science très à la mode au milieu du XIXè siècle, la phrénologie.

Voici un article du journal Anglais "Bell's Life in London and Sporting Chronicle" daté du 24 janvier 1841.
Je le commente juste après la traduction d'Oliver Sheppard que je remercie tout particulièrement pour son aide.

Bell's Life in London and Sporting Chronicle - 24 janvier 1841
Source : The British Newspaper Archive

ÉCHECS ET PHRÉNOLOGIE 

Deux conférences intéressantes ont été tenues à la Société Londonienne de Phrénologie, à Exeter Hall, au sujet du moulage de la tête de M. La Bourdonnais, qui nous a récemment quittés, et dont le moulage a été réalisé, après le décès, par Deville (The Strand, Westminster), la ressemblance étant remarquablement conservée. 

Dr Elliotson a donné une description phrénologique de la tête, qui - pour ceux qui connaissaient les us et coutumes du joueur d’échecs dont il était question-, était remarquablement proche de la vérité. 
En tant qu’échantillon phrénologique, le moulage présente des qualités de la plus grande finesse. 
C’est une tête d’une grande puissance comme on en voit rarement ; les organes de la constructivité, du stratagème, de la causalité (et autres directement liés aux échecs) sont remarquablement développés.  

Dr Elliotson a très justement fait remarquer que -vu les capacités de ce cerveau- le défunt aurait excellé n'importe quel domaine scientifique que le destin aurait choisi pour lui. 
Ses organes animaux étaient, de même, prodigieux, ce qui donnait cette impulsion à l’esprit qui lui permettait, aux échecs, de balayer toute opposition. 
Comme général d’armée, La Bourdonnais aurait pu aller loin, et une énorme destructivité en lui, a peut-être été l’un des principaux motifs pour qu’il consacre sa vie aux échecs, avec pratiquement aucune autre occupation pour lui, à l’exception de la guerre réelle ou de bagarres violentes, donnant là libre cours à celle-ci. 

Cet exposé intéressant du Dr Elliotson fut suivi de quelques remarques de M. George Walker concernant la vie et les habitudes de La Bourdonnais, confirmant pleinement les points de vue phrénologiques des scientifiques qui avaient précédemment abordé le sujet. 

Lundi dernier, le moulage de Sam Scott (*) -la tête du cascadeur-, succéda à celui de La Bourdonnais, et ici l’organe de fermeté semble même avoir été développé de façon extraordinaire.
Seuls les débats contradictoires permettent d’élucider la vérité, et la phrénologie ne demande rien de plus que du fair-play de la part de tous. 

Nous croyons savoir qu’un moulage de la tête de La Bourdonnais est en vente chez Deville (The Strand, Westminster), et nul doute que de nombreux clubs d'échecs seront heureux de se procurer une relique d’une telle grande valeur. 


Le masque mortuaire de La Bourdonnais

La constructivité, une qualité si essentielle aux échecs -dans laquelle les stratégies sont élaborées, et leurs différents mérites comparés de façon critique et exacte-, est d’une taille immense dans la tête de La Bourdonnais, et ce n’est pas sans raison qu’il fut remarqué à la Société de Phrénologie -pour étayer le cas d’une certaine façon- que La Bourdonnais perdit sa fortune lors de sa jeunesse, 
dans une affaire de spéculation immobilière à St-Malo (**).


(*) NDT – Samuel Gilbert "Sam" Scott (c. 1813 – 11 janv. 1841, cascadeur américain, se tua lors d’une performance à Waterloo Bridge, Londres).
(**) A ce jour je n'ai trouvé aucun élément au sujet d'une spéculation immobilière à Saint-Malo de La Bourdonnais.

La Bourdonnais, champion et génie du jeu d'échecs injustement oublié, décède le 13 décembre 1840 à Londres.
A ma connaissance il n'existe pas de portrait réalisé de son vivant.
Dans l'article ci-dessus, j'ai mis la photo de ce moulage (j'ignore où il se trouve) et ci-dessous le portrait réalisé à partir de ce moulage par Jean Henry Marlet et publié dans Le Palamède repris pas Saint-Amant.


"Il n’existe aucun portrait de La Bourdonnais. À sa mort, M. Deville moula sa tête. C’est sur ce plâtre et les souvenirs qu’il en conservait que M. Marlet a osé entreprendre de remplir cette lacune. – Nos lecteurs jugeront la ressemblance et sauront apprécier toutes les difficultés qu’un artiste de mérite a eu à surmonter pour faire revivre les traits de La Bourdonnais."

Le Palamède - Décembre 1841

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire