La GLOIRE ET LA FUMÉE
Pour faire suite à la fumée de la gloire
(...) la population française, habituée à la fumée impériale, ne pouvait se consoler du départ de la gloire ; dans sa douleur, elle chercha dans le tabac une autre fumée.
L'habileté du gouvernement devait transformer ce besoin de fumée au profit du budget. Pour que le monopole des tabacs rapportât jusqu'à son dernier sou, il fallait, non plus que le Français soupirât après la fumée évanouie de sa gloire passée, mais qu'il vit de la gloire à aspirer de la fumée.
(...)
Il y avait donc à Paris un café de la Régence qui restait fermé aux produits de la régie. On y jouait aux échecs, on permettait le domino, mais on prohibait le cigare à la porte mieux qu'une contrefaçon belge à la douane.
Hélas ! l'incendie de fumée qui consume notre population vient d'atteindre le café de la Régence. Il aura craint peut-être de ne pas se trouver au niveau d'une nouvelle Régence, s'il n'entrait pas enfin dans le cercle tracé par M. Siméon, successeur de M. Nicot.
Il s'est voué au cigare comme les autres. Malheureux café !
Quand je dis café , je suis bien bon. Je ne sais trop pourquoi l'on appelle café des établissements où le café n'est plus que l'accessoire ; c'est tabac qu'il faut dire, si l'on craint de réveiller le nom de tabagie si bien trouvé par nos pères.
Et savez-vous les raisons que donne dans ses annonces le café de la Régence pour excuser cette palinodie qui m'a fait verser une demi-tasse de larmes ? « Son propriétaire n'aura plus, comme par le passé, le déplaisir de refuser une partie notable de sa clientèle pour laquelle l'habitude de fumer est devenue une nécessité. »
Ainsi la clientèle ne fumait pas par le passé, et cette habitude est devenue une nécessité. Pauvre humanité ! on se croyait autrefois tenu d'inscrire sur un écriteau quelconque : On ne fume pas ici. On en viendra à mettre dans toute salle de réunion : On doit fumer ici.
Le Charivari – 2 décembre 1846 - Retronews
Paris, le 30 novembre 1846
A M. le rédacteur du Charivari
Monsieur,
Le petit article concernant le café de la Régence et les fumeurs, donne à croire au lecteur que le café de la Régence lui-même a été transformé en estaminet, ce qui n'est pas exact : car rien n'a été changé dans son ancien local. C'est une vaste salle ajoutée à côté de la première et tout à fait indépendante qui est affectée à MM. les fumeurs.
Comme cette croyance pourrait me nuire dans l'esprit de ma clientèle, j'aime à croire, monsieur le rédacteur, que votre impartialité vous fera accueillir et insérer dans votre prochain numéro cette explication, afin de détruire le fâcheux effet qu'aurait pu produire une erreur sur la plus notable partie de nos habitués qui, comme l’auteur de l’article, ne fument jamais.
Veuillez agréer, etc.
Vielle
Propriétaire du Café de la Régence
Sur la gravure connue d'Edmond Texier - "Tableaux de Paris" - Paris 1852/1853 - que j'ai reprise de nombreuses fois - on peut distinguer la partie "estaminet" de la partie "Café".
Notez la forme particulière du Café, alors situé 243 rue Saint-Honoré, Place du Palais-Royal
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