Voici comme le Mercure de France présente la souscription pour la deuxième édition du célèbre manuel d'échecs de Philidor "L'analyse des Échecs" dont la première édition date de 1749.
Nous sommes en 1771, et le livre est annoncé de façon optimiste pour 1772 dans le Mercure de France.
Ce ne sera pas le cas, car il faudra attendre 1777 pour cette deuxième édition.
Mais cette attente sera récompensée, puisque Philidor lui-même indique en 1777 que c'est une nouvelle édition considérablement augmentée...
Au passage, concernant Philidor, à ma connaissance il n'existe aucune partie connue à ce jour dont on ait la certitude qu'elle a été jouée au Café de la Régence...
Mercure de France – 1er août 1771 - Gallica
Nouveau Traité du Jeu des Échecs, par le Sieur A.D. Philidor, proposé par souscription.
Un problème très difficile à résoudre, ce serait de trouver un nouveau jeu qui exigeât de la réflexion, et qui ne fût ni dames, ni carte, ni dés, ni aucun des moyens usités. Combien la difficulté n’augmenterait-elle pas, si à cette première condition on en ajoutait une seconde ? C’est que le nouveau jeu inventé fût plus varié, plus parfait que le jeu des échecs.
Le premier pas vers la solution de ce problème serait de considérer les éléments généraux qu’il est possible de combiner, afin d’obtenir le jeu nouveau que l’on chercherait. Ces éléments généraux sont le nombre, la forme, le mouvement, le temps et l’espace : on concevra tout à coup toute l’étendue et toute la beauté du jeu d’échecs, si l’on considère que de cinq éléments avec lesquels la nature exécute toute ses opérations, il y en a quatre d’employés ; le nombre dans les pièces, la forme, dans la diversité des pièces, le mouvement, dans la marche des pièces, l’espace, dans la division de l’échiquier. Il n’y a que le temps seul de négligé ; et le temps n’est rien, ni pour la nature ni pour le jeu d’échecs.
Ce jeu est le seul où l’homme puisse être flatté de quelque célébrité, parce qu’il occupe dans un degré supérieur son esprit, sa pénétration et son génie. Il n’y commet aucune faute qu’il puisse excuser.
Moins il y a de hasard dans un jeu, plus il intéresse l’amour-propre. Or, il n’y a de hasard dans ce jeu que celui qui naît d’une disposition accidentelle de la tête, qui peut être plus ou moins libre.
Celui qui est capable de donner au jeu des échecs toute l’attention qu’il exige est capable des opérations de l’entendement les plus fortes et les plus compliquées. S’il est vrai, comme l’un des premiers génies * (* Leibnitz) du siècle passé l’a dit, que les hommes n’ont point montré plus de sagacité en aucune chose que dans l’invention des jeux, c’est surtout du jeu d’échecs que ce mot doit être entendu.
Ce jeu dédommage du temps qu’on y donne, par l’habitude qu’on y contracte nécessairement de s’appliquer, et de s’appliquer longtemps et avec force. C’est peut-être un des meilleurs remèdes à la paresse d’esprit, et l’un des principaux avantages que la jeunesse retire de l’application aux sciences.
Les hommes élevés aux fonctions de la société les plus distinguées ont, excepté le jeu d’échecs, du dédain qu’ils ont eu de presque tous les autres jeux : c’est le seul qui n’ait pas besoin du risque de gagner ou de perdre une grande somme d’or, pour s’intéresser vivement et celui qui joue et celui qui regarde jouer : c’est le seul qui rassemble un grand nombre de spectateurs autour de deux bons joueurs qui ne jouent que pour la gloire de se vaincre, de préférence sur les joueurs médiocres, qui ne jouent que pour la honte de se ruiner.
Le Sieur Philidor, encouragé par l’esprit généreux et réfléchi de la nation anglaise, publia à Londres, en 1749, un traité sur les échecs, où l’on vit que ce jeu était susceptible de principes généraux, tant sur la force des pièces en particulier, que sur leurs dispositions et sur la valeur des Pions.
L’auteur, qui s’est fait connaitre depuis dans sa patrie par un talent qui le place au rang des compositeurs de musique, et dans presque toutes les contrées d’Europe, par la manière supérieure dont il joue aux échecs, était trop jeune lorsqu’il publia son traité, pour qu’il se promît de donner à son ouvrage toute la perfection qu’on y pouvait désirer ; mais l’indulgence de la nation anglaise fut proportionnée à la difficulté de l’entreprise et à la jeunesse de l’auteur.
Si l’homme par excellence qui a fait lui seul trois grandes découvertes, dont chacune aurait suffi à immortaliser son nom, le principe de la gravitation, le calcul de l’infini et la nature de la lumière et des couleurs, eût encore inventé les échecs, on ne croirait pas nuire à sa mémoire, en ajoutant à la fin de son éloge, et il inventa les échecs : il n’appartenait donc guère à un enfant d’écrire d’un jeu dont l’invention n’était pas même au-dessous de Newton, et qui offre souvent des coups tout aussi difficiles à résoudre que les problèmes de géométrie les plus compliqués.
Le Sieur Philidor a depuis acquis de nouvelles lumières, fait de nouvelles découvertes, et il désirerait publier par souscription une seconde édition de son ouvrage considérablement augmentée, corrigée et enrichie de toutes les fins de parties nécessaires à connaitre : enfin, un traité complet et digne de ceux qui aimerait encore à jouer aux échecs dans le temps à venir.
Conditions
I° Le nom des souscripteurs sera imprimé à la tête de l’ouvrage, à moins que l’on ne reçoive des ordres contraires.
II° L’ouvrage sera imprimé en français ou en anglais sur le plus beau papier, format in-4°
III° L’édition française sera imprimée à Paris, et l’édition anglaise à Londres. On pourra souscrire pour un exemplaire français ou anglais, à la volonté des souscripteurs.
IV° On ne recevra des souscriptions que jusqu’à la fin de Janvier 1772.
V° L’ouvrage sera délivré aux souscripteurs dans le courant de Mars 1772.
VI° Le prix de la souscription sera de 14 liv. tournois, argent de France, que l’on paiera en souscrivant.
On pourra souscrire à Paris, chez l’auteur, et chez Lacombe, libraire, rue Christine ; à Lyon, chez Rosset ; à Bordeaux, chez les frères Labottière ; à Rouen, chez Hérault ; à Londres, chez Pierre Emesflay, vis-à-vis Southampton Street dans le Strand ; à Edimbourg, chez Kincaid et Creech ; et à Dublin, chez Erwing ; à Francfort, chez Eslinger ; à Manheim, chez Fontaine ; à Dresde, chez Georges Conrard Walther ; à Berlin, chez Pitra, et à Vienne, chez Trattner ; à Amsterdam, chez Van Hareveld ; à la Haye, chez Gosse junior, et Daniel Pinet ; à Turin, chez les frères Reycends ; à Varsovie, chez les principaux libraires, et aux Deux Ponts, au bureau de la gazette, pour toute l’Allemagne.
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