lundi 16 avril 2012

Les Trois Glorieuses (2)

Voici donc une série d'extraits de différents ouvrages ou journaux au sujet des trois journées de fin juillet 1830.
Tous ces extraits concernent la Place du Palais-Royal et bien entendu le café de la Régence.

Il est à noter que les incidents démarrèrent sur cette place et que se fut sans doute un des lieux des combats les plus violents dans Paris. 
Après ces lectures, il me semble difficile d'imaginer des joueurs d'échecs jouant paisiblement durant la canonnade et les coups de feu incessants. 
Un des témoignages indique d'ailleurs que des soldats désespérés s'étaient réfugiés dans une armoire du café de la Régence...  

Pour se repérer voici un plan du quartier.
La Place du Palais-Royal est plus petite que la place actuelle.
J'ai indiqué en rouge la position du café de la Régence et en bleu le château d'eau (détruit en 1848).

(Plan de Paris Galignani 1822 - source BNF)

Peu de temps avant les évènements

Histoire du règne de Louis-Philippe 1er
Roi des Français 1830 – 1848
Par Victor de Nouvion
Paris 1857

(…) Le 17 (juillet), (…) des placards incendiaires furent affichés sur plusieurs points de Paris. Le soir, une bande d’environ deux cents individus s’empara du drapeau placé à la porte du café de la Régence, et se mit à le promener au bruit des chansons révolutionnaires (…)

27, 28 et 29 juillet 1830

Chronique de juillet 1830
Par M.L.ROZET
PARIS 1832

(…) Le matin (27 juillet 1830 NDLR), des jeunes gens avaient harangué la foule dans le jardin du Palais-Royal, comme Camille Desmoulins en 1789. Aux armes ! Aux armes ! C’était là leur exorde et leur péroraison.
A midi, la police et la gendarmerie avaient fait évacuer le Palais-Royal ; mais la foule, au lieu de se disperser comme la veille au soir, s’était repliée dans les rues voisines, en portant dans les attroupements qui s’y formaient déjà l’agitation que produit toujours une expulsion par la force. Il y avait alors une maison en démolition au coin de la galerie de Nemours, vis-à-vis le Café de la Régence.
Vers deux heures, une vingtaine d’hommes du peuple, soit pour échapper aux gendarmes, soit pour les provoquer, montèrent sur le tas de pierres, et en jetèrent aux gendarmes. Il arriva de la troupe qui les débusqua ; ils se replièrent sur la rue Montpensier, où ils recommencèrent à jeter des pierres aux gendarmes qui avaient tourné le Théâtre-Français ; puis ils se dispersèrent.
Mais sur les trois heures, des attroupements beaucoup plus nombreux se portèrent vers la rue du Lycée. Un escadron de cavalerie fit évacuer la place du Palais-Royal ; après quoi l’officier de service au palais sortit avec une trentaine d’hommes pour faire évacuer la rue du Lycée. Ayant éprouvé de la résistance, il fit coucher en joue ; mais comme ses soldats montraient peu d’empressement à tirer, et qu’on lui faisait des représentations, il ordonna de redresser les armes. Cependant le peuple continuait à jeter des pierres ; alors l’officier revint et commanda le feu. Cette fois les soldats obéirent, et un homme fut tué (déposition de M.Feret, Procès des ministres).


Procès mémorables des ministres de Charles X
Auteurs et signataires des fameuses ordonnances du 25 juillet, derniers actes du gouvernement des bourbons. Lyon 1830

Témoignage de M. Jean-Baptiste Greppo, employé à la caisse d’épargnes.

Le mardi 27 juillet, vers deux heures, je me trouvais chez un de mes amis, M.Letourneur, marchand de nouveautés, rue Saint-Honoré, nous voyions, du balcon, les troupes rangées en bataille, barrant la rue Saint-Honoré, devant le café de la Régence. Les militaires en agissaient fort brutalement avec les particuliers ; à ce moment les rangs de l’infanterie s’ouvrirent, et il en sortit un officier de gendarmerie avec trois ou quatre gendarmes ; ils se précipitèrent au milieu des groupes, et un malheureux vieillard fut renversé et foulé aux pieds des chevaux ; il paraissait cependant vivre encore, mais l’officier de gendarmerie, en revenant, le perça d’un coup de sabre, et il fut emporté sur la place du Palais-Royal, où le cadavre resta fort longtemps. Cet évènement excita un cri général d’indignation ; quelques instants après, les troupes firent un mouvement, et le feu commença des deux côtés de la rue Saint-Honoré ; mais étant éloigné, je n’ai pu voir s’il y avait eu des sommations de faites.

Les quarante-huit quartiers de Paris
Par Girault de Saint-Fargeau
Paris 1846

Le 28 juillet 1830 le duc de Raguse fit occuper cette place (du Palais-Royal NDLR) par le 6ème régiment de la garde royale, qui s’empara de toutes les issues qui y aboutissent ; l’artillerie fut braquée à tous les carrefours pour balayer avec de la mitraille les rues Richelieu et St-Honoré. Le 29, des actions partielles et très meurtrières eurent lieu dans toutes les rues environnantes.
L’infanterie de la garde, la troupe de ligne et les Suisses, obligés de se concentrer sur la place, se retranchèrent dans les maisons formant les coins des rues Richelieu, Jeannisson, Rohan, de l’Echelle, de Chartres, faisant par les fenêtres un feu soutenu et très meurtrier. Ce fut en vain qu’on leur cria plusieurs fois de se rendre, ils ne discontinuèrent pas de tirer.
L’artillerie et les Suisses surtout faisaient un feu terrible. Il fut fait sur ce point des prodiges de valeur : c’est là qu’un courageux citoyen nommé Benoit, cocher de cabriolet, voyant que l’artillerie faisait un ravage affreux dans les rangs des citoyens, se dévoue pour faire cesser ce carnage ; en deux coups de feu il met hors de combat deux artilleurs, court sur les deux autres, les blesse ou les oblige à la fuite, et s’empare de la pièce de canon, aux applaudissements des patriotes. Enfin, après un combat acharné, qui se prolongea pendant plus de deux heures après la prise des Tuileries, les patriotes parvinrent à s’emparer de l’artillerie et de toutes les maisons occupées par les soldats.
Presque tous payèrent de leur vie leur résistance désespérée. La perte des deux côtés fut immense : le dépôt des morts établi rue de Rohan ne comptait pas moins de cinq cents cadavres !...

Juste après ces journées sanglantes, certains se positionnent immédiatement vis-à-vis du nouveau Roi... (Source du document Google Book)

Histoire de la Révolution de 1830 et des nouvelles barricades.
Ouvrage présenté au Roi
Par F.Rossignol,  avocat à la Cour Royal et J.Pharaon de plusieurs académies, des sociétés asiatiques et de géographie de Paris ; directeur de l’école des enfants dont les pères sont morts pour la patrie.
Paris 1830

A sa Majesté Louis Philippe 1er, Roi des Français.

(Témoignage N°70) M. Théobald Mahé, de Morlaix, propriétaire-électeur, âgé de trente-sept ans, blessé le 28 juillet, rue de la Tixanderie, en face de celle du Mouton, d’une balle au poignet du bras droit, après s’être fait penser, n’en a pas moins continué de tirer sur les gardes royaux qui occupaient l’Hôtel-de-Ville, et d’animer par son exemple et ses paroles les braves ouvriers qui s’étaient rangés sous ses ordres. Il était à la tête de quatre ou cinq dévoués qui, sur le quai Pelletier, au coin de la place de Grève, ont soutenu seuls le feu meurtrier du poste de l’Hôtel-de-Ville, dont ils ont fini par se rendre maîtres. Il est entré aussi l’un des premiers au Louvre et au Palais-Royal. Dans la maison du café de la Régence, il s’est emparé de trois gardes royaux qui s’étaient réfugiés dans une armoire, leur a fait déposer les armes, et les a ensuite soustraits à la fureur du peuple. Malgré sa blessure, il n’est rentré chez lui et n’a quitté ses armes que le troisième jour, quand il a vu que le triomphe de la cause nationale était assuré.
 
Après ces trois jours de combat

Chroniques et légendes des rues de Paris
Par Edouard Fournier
Paris 1864

La Révolution de 1830, dont l’un des plus vifs combats s’engagea tout près et presque sur le seuil même de la Régence, avait porté d’assez rude horions à sa façade. Il fallut remettre à neuf tout le café, ce qui fut fait avec un certain luxe. « Pourquoi le décore-t-on, dit quelqu’un qui passait ? – Parce que c’est un blessé de juillet. »     


           
 (L'indépendant du 8 août 1830 - Source Gallica BNF)

L’indépendant
Le journal parait le jeudi et le dimanche
Edition du (dimanche) 8 août 1830

La recette faite pendant toute la journée de vendredi par M. Evezard au café de la Régence est destinée à la souscription pour les blessés. Elle s’est élevée à 410 fr.

 (Vernet - 31 juillet 1830 Louis Philippe quitte le Palais-Royal)

Le bâtiment sur la gauche du tableau n'est autre que le château d'eau.

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