Vous connaissez déjà un peu Samuel Rosenthal si vous lisez mes articles. Par exemple avec l’affaire du match par correspondance entre Paris et Vienne en 1884 qui scinda en deux clans les échecs en France à la fin du XIXè siècle.
Samuel Rosenthal - Source Wikipedia et Chess History
Le Monde Illustré 20 septembre 1902 (p 288)
Rosenthal est un professionnel du jeu d’échecs. Arrivée de Pologne (alors l’Empire Russe) en 1864, il devient un des meilleurs joueurs du Café de la Régence à l’époque. Malgré quelques succès sur la scène international, il n'atteint pas le niveau de joueurs tels que Steinitz et Zukertort. Mais il faut dire que sa santé fragile n'a pas joué pour lui.
Quand il quitte le Café de la Régence en 1884, il gagne très bien sa vie grâce aux cours d’échecs, à ses chroniques dans quelques journaux dont Le Monde Illustré, aux simultanées qu’il donne au Grand Cercle etc.
Pierre Alexandrovitch Balaschoff, né le 3 / 15 juin 1847 à Saint-Pétersbourg
Photo Louis Thiriot en 1887 - Source Gallica
Un de ses élèves est un très riche aristocrate Russe installé à Paris, Pierre de Balaschoff. Outre le jeu d’échecs, comme nous allons le voir, Pierre de Balaschoff (qui a fait ajouter la particule pour franciser son nom et montrer son appartenance à l’aristocratie) est un passionné d’aéronautique.
Il finança notamment plusieurs ballons d’observation, dont un porta même son nom.
L'Aérophile - Janvier 1897 (page 144)
« (...) M. Pierre de Balaschoff a fait présent à M. Mascart d'un aérostat en soie de Chine de 1700 mètres, destiné à servir uniquement à des expériences scientifiques.
M. Mascart en a fait don à la Commission française ; celle-ci, afin de donner un témoignage public de reconnaissance pour cette libéralité, a décidé que ce ballon se nommerait dorénavant le Balaschoff. Il servira à exécuter une expérience de vérification des appareils nuageux, par MM. Violle et Cailletet. Les frais de cette expédition seront faits par le prince Roland Bonaparte.
S.A.S. le prince de Monaco a promis de faire les frais de la prochaine expédition d'aérophiles »
Journal officiel du 13 février 1898 - Gallica
Il obtient le grade de chevalier de la Légion d'honneur en février 1898.
« M. Pierre de Balaschoff, sujet russe, membre fondateur de la société de géographie de Paris. Membre fondateur de la société de géographie commerciale de Paris : service rendus à la science française. Nombreux dons aux œuvres scientifiques. »
Il décède deux ans plus tard à seulement 53 ans.
Journal officiel du 17 mai 1900
« Article de la Société de géographie de Paris. Assemblée générale tenue le 5 mai 1900.
« M. Pierre Alexandrovitch de Balaschoff, membre de la Société de Géographie depuis 1883, donne et lègue à ladite Société une somme de 50.000 fr. ».
Le défunt, mort le 6 mars 1900, portait un vif intérêt aux travaux de la Société et était venu plus d'une fois en aide aux explorateurs.»
Sur le site du CNRS il est possible de lire une notice nécrologique le concernant :
« (…) M. Pierre de Balaschoff a succombé à une longue maladie en son hôtel de la rue Ampère, le mardi 6 mars. Son corps a été inhumé au cimetière du Père Lachaise. Il n’était âgé que de 53 ans, mais d’une constitution délicate et maladive qui ne permettait guère d’espérer qu’il parviendrait à un âge avancé. »
On apprend donc dans cette article qu’il possédait un hôtel particulier rue Ampère, au numéro 6 pour être précis, qu’il avait fait construire en 1887. Cet hôtel particulier existe toujours et il accueille une clinique privée de chirurgie esthétique !
Tous ces détails pour bien situer sa fortune…
-------------------------------------------------------------------------
En fin d'année 1898, il est possible de lire à peu près la même chose que ce qui est publié dans le journal « Le Temps » du 23 décembre 1898 :
Le Temps - 23 décembre 1898 - Gallica
Dernières nouvelles du Palais
Entre professeur d'échecs et amateur
« Le professeur d'échecs Rosenthal est en procès devant la 1ère chambre du tribunal civil avec un de ses anciens élèves, le richissime M. de Balaschoff, qui figure au rang des amateurs le plus renommés.
Voici, d'après son assignation de quoi se plaint M. Rosenthal : il parait que M. de Balaschoff, après avoir pris un certain nombre de leçons à 20 francs le cachet, s'éprit absolument du jeu d'échecs et attacha en quelque sorte à sa personne M. Rosenthal, lui demandant conseil dans les parties internationales où il était engagé, se faisant accompagner par lui partout où se jouaient des parties qui nécessitaient sa présence.
M. Rosenthal devait recevoir pour ses bons offices des appointements annuels de 6.000 francs et, de plus, 1.000 francs par voyage. Or, en cours d'exécution, ces conventions ont été brusquement violées par M. de Balaschoff, qui a signifié son congé définitif à son professeur-conseil.
M. Rosenthal, à la suite de cette rupture, a réclamé 15.000 francs d'appointements arriérés, 1.000 francs pour un voyage fait à Stuttgart, et 25.000 francs de dommages-intérêts. A l'appui de sa demande, que soutient Me Levilion, il exhibe notamment une reconnaissance de dette émanant de son adversaire.
Mais celui-ci prétendra, par l'organe de Me du Basty, que cette "reconnaissance de dette" n'a pas la portée que lui donne son ancien professeur et qu'en réalité aucun traité ne le liait vis-à-vis de ce dernier. Ses conclusions tendent au rejet absolu de la demande. »
Les relations échiquéennes entre Pierre de Balaschoff et Samuel Rosenthal démarrent en 1885.
Ce qui commence par des leçons d’échecs très bien payées à 20 francs à l’unité (le salaire mensuel moyen d'un employé / ouvrier à Paris à l'époque est d'environ 150 francs) se poursuit par l’équivalent d’un salaire mensuel de 500 francs ainsi que d’autres avantages.
Les résultats sont là, puisque par exemple Pierre de Balaschoff remporte en 1890 le 1er tournoi international par correspondance du journal Le Monde Illustré.
Le Monde Illustré - 22 octobre 1887 - Gallica
Le premier prix du tournoi du Monde Illustré.
"Diane Victorieuse" par Albert-Ernest Carrier-Belleuse (un peu plus sympathique que les coupes de nos tournois actuels).
Le Monde Illustré - 4 janvier 1890 - Gallica
Pierre de Balaschoff (au centre) remporte ce tournoi international par correspondance.
Voici deux parties de Pierre de Balaschoff commentées par Samuel Rosenthal pour Le Monde Illustré
Les relations sont au beau fixe à cette époque.
Le jugement, fait part d’un projet commun entre les deux joueurs :
« Le maître et l’élève conçurent le projet d’écrire en collaboration un grand ouvrage sur le jeu d’échecs, de Balaschoff devant traiter la partie historique, et Rosenthal la partie technique ».
Projet qui n’aura jamais lieu. Dans une de ses dernières lettres à Rosenthal, de Balaschoff s’exprime ainsi :
« J’attends avec impatience les petits diagrammes. En attendant je vais commencer notre ouvrage ».
Mais selon le jugement :
« Si on en juge par sa correspondance, de Balaschoff, bien que Russe, ne possède pas la langue Française d’une façon assez complète pour que son concours ait pu être d’une grande utilité à Rosenthal pour la rédaction de cet ouvrage. Que tout son travail a consisté à faire quelques traductions sans importance. Que de son côté, et pour la partie technique, Rosenthal ne justifie même pas d’un commencement de rédaction. »
« Dans ces conditions Rosenthal n’est point fondé à réclamer des dommages intérêts sous le prétexte d’avoir perdu le fruit de sa coopération à cet ouvrage ».
Archives de Paris
Le texte de la reconnaissance de dette signée par de Balaschoff et dont il est fait mention dans l’article du journal Le Temps est le suivant :
« Cher Monsieur Rosenthal,
Après avoir vérifié votre note je reconnais vous devoir la somme de quinze mille francs, compris vos appointements jusqu’au 1er janvier 1897.
Stuttgart, 5 novembre 1896
Signé : Pierre de Balaschoff »
En fait, Pierre de Balaschoff, alors à Stuttgart, demande à Rosenthal de venir le retrouver pour quelques semaines. Ce que Rosenthal fait. Les choses doivent s’envenimer là-bas, car Rosenthal demande à de Balaschoff de signer cette reconnaissance de dette.
« que les choses durèrent ainsi jusqu’à la fin de Mil huit cent quatre-vingt-seize, mais qu’à la date du vingt-trois décembre de Balaschoff adressa brusquement à Rosenthal une lettre de rupture. »
Le jugement indique
« la reconnaissance du 5 novembre 1897 a tous les caractères d’un règlement de compte et comprend dès lors toutes les sommes dont de Balaschoff pouvait être débiteur (...) Rosenthal ne saurait être considéré comme un employé du défendeur, qu’il s’intitule lui-même professeur d’échecs ».
Et poursuit par
« Que Rosenthal devrait tout au moins établir que cette rupture lui a causé un préjudice appréciable et qu’il aurait perdu, comme il le prétend, le bénéfice d’engagements et de concours en France et à l’étranger. Qu’il ne fait aucune preuve à cet égard, que les seules justifications qu’il produit se réfèrent à des propositions et à des concours antérieurs de plusieurs années à son congédiement. Que ce fait ne saurait donc être retenu comme une cause de préjudice. »
La Croix 9 janvier 1899 - Gallica
« JUSTICE
Entre joueurs d'échecs
On se souvient que M. Rosenthal, le célèbre professeur d'échecs, réclamait devant le tribunal civil de la Seine, à M. de Balaschoff :
1° La somme de 15.000 francs, montant d'appointements arriérés ;
2° Celle de 1.000 francs pour indemnité relative à un voyage à Stuttgart fait au mois d'octobre 1896 ;
3° Une somme de 25.000 francs à titre de dommages-intérêts ;
La 1ère Chambre du tribunal civil de la Seine vient de condamner M. de Balaschoff à payer à M. Rosenthal la somme de 15.000 francs, montant de la reconnaissance produite.
M. Rosenthal a été déclaré mal fondé dans le surplus de sa demande.
M. de Balaschoff est condamné aux dépens. »
Il reste quand même un mystère que je n’ai pas éclairci : pour quelle raison fondamentale Pierre de Balaschoff met-il brutalement un terme à plus de 10 ans de relation avec Samuel Rosenthal ? Il est possible que cette reconnaissance de dette ait vexé Pierre de Balaschoff qui congédie Rosenthal un mois plus tard. Comment remettre en cause la parole d'un noble Russe richissime ?
Le Monde Illustré - 4 janvier 1890 - Gallica
Pierre de Balaschoff (au centre) remporte ce tournoi international par correspondance.
Voici deux parties de Pierre de Balaschoff commentées par Samuel Rosenthal pour Le Monde Illustré
[Event "Tournoi international Monde Illustré"]
[Site "?"]
[Date "1889.??.??"]
[Round "?"]
[White "Sgroi, Casimo"]
[Black "de Balaschoff, Pierre"]
[Result "0-1"]
[ECO "C49"]
[Annotator "Samuel Rosenthal"]
[PlyCount "74"]
1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Nc3 Nf6 4. Bb5 Bb4 5. O-O O-O 6. Nd5 Nxd5 {Le coup du
texte est la mailleure défense.} ({Cependant les noirs peuvent également jouer
} 6... Be7 7. d3 d6) 7. exd5 e4 8. Ne1 ({Si} 8. dxc6 exf3 9. Qxf3 (9. cxd7 fxg2
10. Kxg2 Bxd7 {les noirs sont mieux}) (9. cxb7 Bxb7 10. gxf3 Qg5+ {gagne le
fou en b5}) 9... dxc6 {avec au moins une partie égale}) 8... Ne7 9. c3 Bc5 10.
d4 exd3 11. Bxd3 d6 12. Nf3 h6 13. b4 Bb6 14. c4 ({Nous désapprouvons le coup
du texte, l'avance des pions du côté de la dame est trrès dangereux pour une
fin de partie. Nous aurions préféré} 14. Bc2) 14... a5 15. b5 Bg4 16. h3 Bh5
17. Bb2 Bg6 18. Nh4 Qd7 19. Qc2 Bxd3 20. Qxd3 g5 21. Qc3 f6 22. Nf3 Ng6 23. Kh1
({Le coup du texte est un temps perdu} 23. Rae1 {valait mieux}) 23... Rae8 24.
Nh2 Kg7 25. Qd2 Re4 26. Qd3 Qe7 27. Ng4 Nf4 28. Qf3 h5 29. Nh2 ({Si} 29. Nxf6
Rxf6 30. Bxf6+ Kxf6 31. g3 g4 32. hxg4 hxg4 33. Qxg4 Qh7+ 34. Qh4+ (34. Kg1
Ne2+ {suivi de Tour prend Dame et gagnent}) 34... Qxh4+ 35. gxh4 Rxc4 {et
gagnent}) 29... Kg6 {Très bien joué} (29... g4 30. hxg4 hxg4 31. Qxg4+ (31.
Nxg4 Rh8+ 32. Nh2 Kf8 33. g3 Qh7 {et gagnent}) 31... Ng6 32. Qf3 Rh8 33. Bxf6+
Qxf6 34. Qxe4 {et gagnent}) 30. Bc3 Ne2 31. Rae1 g4 {Encore un très joli coup
comme on le verra par la note suivante} 32. Qd3 ({Si} 32. hxg4 hxg4 33. Nxg4
Rh8+ 34. Nh2 Rxh2+ 35. Kxh2 Rh4+ {et gagnent}) 32... f5 33. Bd2 ({Si} 33. hxg4
hxg4 34. Nxg4 Nxc3 35. Qxc3 fxg4 36. Qd3 Re8 {et gagnent, car si} 37. f3 Rh8#)
33... Re8 34. Nf3 {Sacrifice incorrect, mais nous ne voyons pas un bon coup à
indiquer aux blancs.} ({Si} 34. Be3 Rxe3 35. fxe3 Ng3+ 36. Kg1 Bxe3+ 37. Rxe3
Qxe3+ {et gagnent}) (34. g3 Rd4 35. Qc2 Qe4+ 36. Qxe4 Rdxe4) (34. h4 Rd4 35.
Qc2 g3 36. fxg3 (36. Nf3 Qxh4+ 37. Nxh4+ Rxh4#) 36... Nxg3+ 37. Kg1 Rxd2+ {
échec à la découverte et mat en quelques coups}) 34... gxf3 35. gxf3 Nf4 {Très
bien joué.} (35... Re5 36. Rxe2 Rxe2 37. Rg1+ Kh7 (37... Kf7 38. Qxf5+ Qf6 39.
Qh7+) 38. Qxf5+ Kh8 39. Qxh5+ Qh7 40. Bc3+ R8e5 41. Qe8+ {et mat le coup
suivant}) (35... Rd4 36. Rg1+ Nxg1 37. Rxg1+ Kh7 (37... Kf7 38. Qxf5+ {et
gagnent}) 38. Qxf5+ Kh8 39. Qxh5+ {et gagnent}) 36. Rg1+ Kh7 37. Qb1 Qh4 {Les
blancs ne peuvent plus sauver la partie.} 0-1
[Event "Tournoi International Monde Illustré"]
[Site "?"]
[Date "1888.??.??"]
[Round "?"]
[White "de Balaschoff, Pierre"]
[Black "Courel"]
[Result "1-0"]
[ECO "C51"]
[Annotator "Samuel Rosenthal"]
[PlyCount "41"]
1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Bc4 Bc5 4. b4 Bxb4 ({Ainsi comme nous conseillons
toujours de refuser le Gambit Evans par} 4... Bb6 5. a4 (5. b5 Na5 6. Nxe5 Nh6
{etc.}) 5... a6 6. O-O d6 {etc. Voir pour la continuation de ce débat dans le
numéro du Monde Illustré du 20 décembre 1884.}) 5. c3 Bc5 ({La seule défense
possible sur ce début est} 5... Ba5 {cependant les Blancs obtiennent un
avantage par} 6. d4 exd4 7. O-O dxc3 8. Qb3 Qf6 9. e5 Qg6 (9... Nxe5 10. Re1 {
et gagnent}) 10. Nxc3 Nge7 11. Ba3 O-O 12. Rad1 b5 13. Nxb5 Rb8 14. Qe3 Bb6 15.
Qf4 {etc. tandis que le coup du texte permet aux Blancs de trouver des
attaques plus violentes et plus rapides, comme l'on verra d'après la note
suivante.}) 6. O-O d6 (6... Nf6 7. d4 exd4 (7... Bb6 8. dxe5 Nxe4 9. Qd5 {et
gagnent}) 8. cxd4 Bb6 9. e5 d5 (9... Ng4 10. Ba3 ({ou bien} 10. Bxf7+ Kxf7 11.
Ng5+)) 10. exf6 dxc4 11. Re1+ Kf8 (11... Be6 12. d5) 12. Ba3+ Kg8 13. d5 Na5
14. Be7 Qd7 15. fxg7 Kxg7 16. Qd2 Qf5 (16... f6 17. Bxf6+ Kxf6 18. Qg5+ Kf7 19.
Ne5+) (16... h6 17. Bf6+ Kxf6 18. Qc3+ {et gagnent}) 17. Qc3+ f6 (17... Kg8 18.
Bf6) 18. Bxf6+ Qxf6 19. Re7+ Kg6 20. Nh4+ Kg5 (20... Qxh4 21. Qg7+ Kf5 22. Re5+
) 21. Rg7+ {et gagnent}) 7. d4 exd4 8. cxd4 Bb6 9. Nc3 Nce7 {Le coup du texte
est le plus faible.} ({Le coup usuel est} 9... Na5 10. Bg5 Ne7 (10... Qd7 11.
Bd3 Ne7 12. e5 O-O 13. Ne4 d5 14. Nf6+ gxf6 15. Bxf6 {et gagnent}) (10... f6
11. Bh4 Nxc4 12. Qa4+ Qd7 13. Qxc4 Qf7 14. Nd5 Be6 15. Qa4+ Bd7 16. Qa3 {suivi
de Nxb6 et e5 et les blancs sont mieux}) 11. Nd5 f6 12. Bxf6 gxf6 13. Nxf6+ Kf8
14. Ng5 Nxc4 15. Qf3 Nf5 16. Nfxh7+ Rxh7 17. Nxh7+ Kg7 18. exf5 Qh4 (18... Kxh7
19. Qh5+ Kg7 20. Qg6+ {Suivi de Ra1-e1 et f6 et gagnent}) 19. f6+ Kxh7 20. f7 {
et gagnent}) (9... Bg4 10. Bb5 Bxf3 11. gxf3 Kf8 12. Be3 {suivi de Kh1 et Rg1
et les blancs sont mieux}) (9... Nf6 10. e5 dxe5 11. Ba3 Bxd4 12. Qb3 Qd7 13.
Rae1 Na5 14. Bxf7+ Qxf7 15. Qb5+ Nc6 16. Nxd4 {et gagnent}) 10. Qb3 f6 ({Il
est évident que si} 10... Nh6 11. Bxh6 gxh6 12. Bxf7+ {et gagnent}) 11. e5 Kf8
({Le moins mauvais était ici} 11... Bg4 {cependant les Blancs auraient joué
avec avantage} 12. Be3 Bxf3 13. gxf3 {suivi de a2-a4 et Nd5}) 12. h3 {Bien
joué, ce coup est utile pour empêcher Bg4} Bf5 13. a4 a5 14. Re1 ({Les Blancs
pouvaient obtenir également un avantage en jouant} 14. Nd5 Nxd5 {forcé car les
Blancs menacent e5xf6} 15. Bxd5 Rb8 16. Bxg8 Rxg8 17. Ba3 {avec une position
de gain. Cependant le coup du texte est aussi très bien joué.}) 14... Nc8 15.
Ra2 c5 ({Le coup du texte fait perdre la partie immédiatement, cependant nous
ne trouvons pas un bon coup à indiquer pour les Noirs. Si} 15... dxe5 16. dxe5
{suivi de Rd2 gagneraient facilement.}) ({Si} 15... fxe5 16. dxe5 Nge7 17. Ng5
{et gagnent}) 16. Bxg8 {Coup décisif qui ne laisse aucune ressource à
l'adversaire.} Rxg8 17. exf6 Qxf6 (17... gxf6 18. Bh6+ Rg7 19. Nh4 Bd7 (19...
Bg6 20. Nxg6+ hxg6 21. Rae2 Na7 22. Re7) 20. Rae2 cxd4 21. Nd5 Bc5 22. Qg3 {et
gagnent}) 18. Rae2 Bd7 ({Si} 18... Bg6 19. Nd5 Qf7 (19... Qd8 20. Bg5) 20. Nxb6
Qxb3 21. Nd7+ Kf7 22. Ng5#) 19. Ng5 Qf5 ({Si} 19... Rh8 20. Nd5 Qf5 21. Re4 {
suivi de Rf4} ({ou} 21. g4 {suivi de Qf3 et gagnent})) 20. Qf7+ Qxf7 21. Nxh7#
{Nous présentons tous nos compliments à M. de Balaschoff pour la manière
correcte et brillante avec laquelle il a terminé cette partie.} 1-0
Les relations sont au beau fixe à cette époque.
Le jugement est consultable aux Archives de Paris dans le 19ème arrondissement de Paris
Le jugement, fait part d’un projet commun entre les deux joueurs :
« Le maître et l’élève conçurent le projet d’écrire en collaboration un grand ouvrage sur le jeu d’échecs, de Balaschoff devant traiter la partie historique, et Rosenthal la partie technique ».
Projet qui n’aura jamais lieu. Dans une de ses dernières lettres à Rosenthal, de Balaschoff s’exprime ainsi :
« J’attends avec impatience les petits diagrammes. En attendant je vais commencer notre ouvrage ».
Mais selon le jugement :
« Si on en juge par sa correspondance, de Balaschoff, bien que Russe, ne possède pas la langue Française d’une façon assez complète pour que son concours ait pu être d’une grande utilité à Rosenthal pour la rédaction de cet ouvrage. Que tout son travail a consisté à faire quelques traductions sans importance. Que de son côté, et pour la partie technique, Rosenthal ne justifie même pas d’un commencement de rédaction. »
« Dans ces conditions Rosenthal n’est point fondé à réclamer des dommages intérêts sous le prétexte d’avoir perdu le fruit de sa coopération à cet ouvrage ».
Archives de Paris
Le texte de la reconnaissance de dette signée par de Balaschoff et dont il est fait mention dans l’article du journal Le Temps est le suivant :
« Cher Monsieur Rosenthal,
Après avoir vérifié votre note je reconnais vous devoir la somme de quinze mille francs, compris vos appointements jusqu’au 1er janvier 1897.
Stuttgart, 5 novembre 1896
Signé : Pierre de Balaschoff »
En fait, Pierre de Balaschoff, alors à Stuttgart, demande à Rosenthal de venir le retrouver pour quelques semaines. Ce que Rosenthal fait. Les choses doivent s’envenimer là-bas, car Rosenthal demande à de Balaschoff de signer cette reconnaissance de dette.
« que les choses durèrent ainsi jusqu’à la fin de Mil huit cent quatre-vingt-seize, mais qu’à la date du vingt-trois décembre de Balaschoff adressa brusquement à Rosenthal une lettre de rupture. »
Le jugement indique
« la reconnaissance du 5 novembre 1897 a tous les caractères d’un règlement de compte et comprend dès lors toutes les sommes dont de Balaschoff pouvait être débiteur (...) Rosenthal ne saurait être considéré comme un employé du défendeur, qu’il s’intitule lui-même professeur d’échecs ».
Et poursuit par
« Que Rosenthal devrait tout au moins établir que cette rupture lui a causé un préjudice appréciable et qu’il aurait perdu, comme il le prétend, le bénéfice d’engagements et de concours en France et à l’étranger. Qu’il ne fait aucune preuve à cet égard, que les seules justifications qu’il produit se réfèrent à des propositions et à des concours antérieurs de plusieurs années à son congédiement. Que ce fait ne saurait donc être retenu comme une cause de préjudice. »
La Croix 9 janvier 1899 - Gallica
« JUSTICE
Entre joueurs d'échecs
On se souvient que M. Rosenthal, le célèbre professeur d'échecs, réclamait devant le tribunal civil de la Seine, à M. de Balaschoff :
1° La somme de 15.000 francs, montant d'appointements arriérés ;
2° Celle de 1.000 francs pour indemnité relative à un voyage à Stuttgart fait au mois d'octobre 1896 ;
3° Une somme de 25.000 francs à titre de dommages-intérêts ;
La 1ère Chambre du tribunal civil de la Seine vient de condamner M. de Balaschoff à payer à M. Rosenthal la somme de 15.000 francs, montant de la reconnaissance produite.
M. Rosenthal a été déclaré mal fondé dans le surplus de sa demande.
M. de Balaschoff est condamné aux dépens. »
Il reste quand même un mystère que je n’ai pas éclairci : pour quelle raison fondamentale Pierre de Balaschoff met-il brutalement un terme à plus de 10 ans de relation avec Samuel Rosenthal ? Il est possible que cette reconnaissance de dette ait vexé Pierre de Balaschoff qui congédie Rosenthal un mois plus tard. Comment remettre en cause la parole d'un noble Russe richissime ?