dimanche 26 février 2023

Lettre d‘Arnous de Rivière à Tassilo von der Lasa en date du 17 novembre 1855

Suite de la correspondance entre Jules Arnous de Rivière et Tassilo von Heydebrand und der Lasa, conservée à Kornik en Pologne. Il s'agit de la 8ème lettre manuscrite pour laquelle je dispose d'une copie.

Lettre 1 - 18 mai 1854 - Premier échange - Sur le Cercle des Échecs de Paris - Les règles du jeu à uniformiser
Lettre 2 - 9 octobre 1854 - Les échecs en France sont apathiques - Projet de grand tournoi pour l'exposition universelle de Paris en 1855
Lettre 3 - 1er janvier 1855 - Le projet du grand tournoi prend forme
Lettre 4 - 12 mars 1855 - Difficultés dans le projet d'organisation du tournoi - le manuscrit de Doazan
Lettre 5 - 8 mai 1855 - Saint-Amant responsable de l'échec de l'organisation du tournoi prévu, selon Arnous de Rivière
Lettre 6 - 10 août 1855 - Congrès d'échecs de Leamington en Angleterre et Dubois à la Régence
Lettre 7 - 15 octobre 1855 - Éloge de Serafino Dubois et la manuscrit de Doazan est envoyé à von Heydebrand und der Lasa

L'adresse où est envoyée cette lettre :
Heydebrand und der Lasa
Légation de Prusse
Bruxelles

Cette 8ème lettre, qui fait suite aux précédentes, contient 4 informations intéressantes : 
1) Jules Arnous de Rivière n'est plus à Paris mais à Poitiers pour des études de droit. Rappelons qu'il a alors 25 ans.
2) Il est question du manuscrit de Doazan pour lequel Tassilo von Heydebrand und der Lasa vient d'effectuer un intéressant travail. Ce manuscrit a été l'objet de plusieurs échanges auparavant et j'en parle un peu plus loin.
3) Il évoque Staunton qui semble dégoûté de la carrière de joueur d'échecs. Staunton est probablement déçu de son résultat du tournoi de Londres en 1851, et il refusera de jouer un match contre Paul Morphy trois ans plus tard...   Il est fâcheux que son caractère hautain lui ait attiré tant d’inimitiés.  Ecrit Arnous de Rivière
4) Le journal La Régence renait (en début d'année 1856) après sa disparition en 1851. 



Poitiers, 17 novembre

Mon cher Monsieur Heydebrand

Excusez-moi de vous faire attendre la réponse à vos deux dernières lettres ; je suis très absorbé par l’étude d’un examen de droit, mais je pense être quitte la semaine prochaine et j’aurai alors le plaisir de pouvoir vous tenir au courant de mes faits et gestes échiquéens.

Le travail que vous venez d’achever promet, par ce que j’en ai vu, d’être très intéressant. Si vous avez un exemplaire disponible, oserai-je vous prier de le destiner à mon cousin M. le Comte de Basterot qui me charge de vous dire qu’il serait très heureux de cette grâce. J’ai écrit à M. Doazan pour qu’il pût retirer son M.S. (NDT = Manuscrit) et je lui ai transmis vos remerciements.

M Staunton me parait plus dégouté que jamais de la carrière de joueur d’échecs. Il sent qu’il a beaucoup perdu de son jeu d’autrefois et il l’avoue. Mais comme organisateur et comme auteur, M. Staunton me semble appelé à rendre encore des services à la cause des échecs et je crois qu’il a conservé assez du goût du jeu pour ne rien négliger qui puisse contribuer à la prospérité en Angleterre ; Il est fâcheux que son caractère hautain lui ait attiré tant d’inimitiés.

Un prospectus du futur journal va être livré sous peu de jours. On s’abonne au Café de la Régence. Je serai très fier de vous avoir au nombre de mes abonnés et je compte sur votre bienveillance pour me mettre en bon rapports avec votre célèbre compatriote M. Anderssen.

Agréez, je vous prie, mon cher Monsieur de Lasa, mon assurance de mes sentiments distingués et dévoués,

J.Arnous de Rivière

Voici quelques éléments sur l'écrit de Lasa au sujet du manuscrit de Gabriel Eloi Doazan.
A ce sujet il me semble que le manuscrit de Doazan est considéré comme perdu à ce jour. Il est peut-être dans une collection privée.
Cet écrit de Tassilo von Heydebrand und der Lasa est consultable en ligne sur le site internet de la bibliothèque de Cleveland. Il date donc de 1855 (il est incorrectement daté de 1827 sur le site de la bibliothèque de Cleveland).

Résumé historique
L'intéressant manuscrit, évidemment authentique, en possession de M. Doazan à Paris, et qu'il nous est permis d'examiner maintenant, est déjà connu aux amateurs d'échecs par les extraits qu'en a publié le "Palamède" en 1843 et 1844, dans un récit plein d'imagination.
L'époque à laquelle le recueil italien qui forme un petit in-quarto d'environ 130 débuts et de 6 fins de parties doit avoir été fait, remonte vers l'an 1600.
Les noms des célébrités espagnoles et italiennes attachés à la plupart des débuts, ainsi que la différence des règles suivies dans les parties, tendent également à établir cette date éloignée. Nous la fixons à l'an 1610.