mercredi 2 novembre 2022

Lettre d‘Arnous de Rivière à Tassilo von der Lasa en date du 10 août 1855

Voici la 6ème lettre, dont je dispose, de la correspondance entre Jules Arnous de Rivière et Tassilo von Heydebrand und der Lasa, conservée à Kornik en Pologne.

Lettre 1 - 18 mai 1854 - Premier échange - Sur le Cercle des Échecs de Paris - Les règles du jeu à uniformiser
Lettre 2 - 9 octobre 1854 - Les échecs en France sont apathiques - Projet de grand tournoi pour l'exposition universelle de Paris en 1855
Lettre 3 - 1er janvier 1855 - Le projet du grand tournoi prend forme
Lettre 4 - 12 mars 1855 - Difficultés dans le projet d'organisation du tournoi - le manuscrit de Doazan
Lettre 5 - 8 mai 1855 - Saint-Amant responsable de l'échec de l'organisation du tournoi prévu, selon Arnous de Rivière
 
Dans cette 6ème lettre, Jules Arnous de Rivière parle du congrès de Leamington en Angleterre auquel il a participé et dont j'ai déjà évoqué la fameuse gravure. Voir l'article dédié. Son compte rendu de l'évènement est assez amusant, il s'y est bien ennuyé pour rester poli :-)
 
Cette gravure est accompagné d'un texte concernant le banquet final du congrès d'échecs de Leamington.
Leamington Chess Meeting at the Regent Hotel, June 25th 1855
The Illustrated London News - 14 juillet 1855 - British Newspaper Archive 

 
Jules Arnous de Rivière indique qu'il va bientôt voyager jusqu'à Berlin en passant par Bruxelles. A cette époque Tassilo von Heydebrand und der Lasa y est diplomate pour la Prusse.
 
Et à la fin de cette lettre, Arnous de rivière mentionne le joueur Italien Serafino Dubois. Comme je l'explique ici, ce joueur d'échecs Italien était en route pour le tournoi de Paris de 1855 quand il a appris que ce dernier n'aurait pas lieu. Ce qui ne l'empêcha pas de venir à Paris et au Café de la Régence.

Serafino Dubois, meilleur joueur Italien du XIXe siècle
Bibliothèque de Cleveland - Photo non datée
Voir l'article dédié où j'estime que la photo a été prise en 1863/1864

Paris, 10 août 1855

Monsieur,

Le meeting auquel j’avais été invité d’assister à Leamington et qui s’est tenu, comme vous savez, dans les derniers jours du mois de juin, n’a offert aucun intérêt extraordinaire qui mérite de vous être rapporté. L’évènement le plus notable a été cette longue et fastidieuse partie par consultation qui a duré trois jours et près de trois nuits.

Si vous vous êtes donné la peine de lire les trois parties faites dans cette passe d’armes vous vous serez bientôt convaincu qu’il n’y a pas moyen de rien produire de bon à travers une aussi excessive fatigue, il y a des fautes grossières de part et d’autre et à peine une ou deux bonnes combinaisons ; mais aussi qui croirait qu’après avoir déjà passé deux journées de 14 à 15 heures devant leurs échiquiers les héros de ce tournoi se sont imposés un nouveau supplice de 19h.
Je n’exagère pas d’un iota, cette dernière partie commencée à midi s’est prolongée jusqu’à sept heures le lendemain matin !
 
C’est à la suite de ces travaux d’Hercule qu’on a essayé de discuter les lois du jeu. Je m’étais mis gravement dans mon lit décidé à n’en pas bouger de sorte que je n’ai point assisté à ce qui s’est passé dans cette séance et j’ai le regret de ne pouvoir satisfaire votre curiosité. Mais je crois qu’on a dit peut être de fort bonnes choses, autant que le pouvait permettre l’envie de dormir ; quant à avoir conclu, non.
 
Le meeting était fort nombreux et tous les arrangements confortables, grâce au zèle du secrétaire le Révérent M. Temple qui doit en avoir fait depuis une maladie. On m’a mis dans le camp des Foreign Visitors et je me suis trouvé assis entre Lowenthal et un esprit de démocrate qui répond au nom de M.E Falkbeer. Ces messieurs causaient en allemand ; vous jugez si leur agréable jargon était de nature à me faire paraitre le temps moins long. J’ai pensé – mais un peu tard, qu’on ne m’y reprendrai plus.

A Londres j’ai rencontré M. Wallis auquel j’ai appris que j’avais eu l’honneur de vous voir à Paris ; il s’occupe toujours de l’étude des lois et en attendant la gloire et la clientèle, rédige des articles de journaux, se mêle à une foule d’assemblées et va dans le monde menant une existence toute remplie de petits faits. Du reste homme vraiment spirituel et d’un commerce très sûr il est sensible à votre bon souvenir et m’a chargé, lorsque je vous écrirai, de vous renouveler les assurances de son amitié.

A moins de contre-ordre, je partirai le 15 pour Berlin chargé des dépêches et devrai m’arrêter à Bruxelles, puis-je espérer vous y rencontrer ? Je serai heureux, Monsieur, de profiter du peu d’heures de mon passage en cette ville pour pouvoir causer avec vous.
M. Brooke Greville est à Londres m’écrit M. Staunton ; M. Dubois de Rome est encore pour quelques jours à Paris.

Agréez, je vous prie, l’expression distinguée de mes meilleurs sentiments.
J.Arnous de Rivière

M. Dubois qui est venu me voir au moment où je fermais cette lettre me charge de vous faire parvenir ses compliments.
 

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