samedi 5 octobre 2024

Entretien de Frank Hoffmeister par Georges Bertola

Voici l'entrevue de Frank Hoffmeister par Georges Bertola, rédacteur en chef de la revue Europe Échecs et historien du jeu d'échecs.
 
CHESS HISTORY & LITERATURE SOCIETY – FRANK HOFFMEISTER 
 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Frank Hoffmeister préside actuellement la “Chess History & Literature Society” fondée à l’origine sous l’appellation “Ken Whyld Association”. Lors de l’assemblée générale, qui s’est tenue à Budapest les 13 et 14 septembre derniers, se fut l’occasion de faire plus ample connaissance.
 

Georges Bertola : Tout d’abord qu’est-ce qui différencie l’actuelle “Chess History & Literature Society” de l’ancienne “Ken Whyld Association” et qu’est-ce qui la distingue du “Chess Collectors International”?

Frank Hoffmeister :    La dénomination “Ken Whyld Association” provient de l’historien anglais Ken Whyld décédé en 2003, qui avait réuni quelques amis autour de lui pour faire des recherches sur l’histoire des échecs. (Ken Whyld est notamment le co-auteur avec David Hooper d’un ouvrage de référence “The Oxford Companion to Chess”).
 
Ken Whyld
 
Après son décès, ses amis ont décidé de poursuivre son travail en se réunissant dans une association destinée à devenir un cercle de rencontre et d’échange et d’élargir son horizon avec un nouveau nom “Chess History & Literature Society”. L’idée est d’attirer des membres qui ne sont pas centrés uniquement sur le Royaume-Uni, mais dont l’intérêt pour l’histoire correspond à une vision globale du monde des échecs.
  
Le “Chess Collectors International” rassemble des gens qui aiment collectionner des livres, des échiquiers, des pièces, des manuscrits etc. pour faciliter les échanges ou collecter  des informations.  
 
Notre association “Chess History & Literature Society” est plutôt intéressée dans la recherche pour traiter de différents sujets de manière concrète de l’histoire des échecs. Par exemple cette année, lors de notre assemblée générale à Budapest, nous nous sommes concentrés sur l’histoire de la FIDE.   
 
GB : Quelle est la signification d’ajouter le terme “Literature Society”?
 
FH :  C’était dès le début un des grands projets de la “Ken Whyld Association”. Nous disposons d’une base de données “Tobiblion” où les membres trouvent les livres, qui a écrit sur quoi, quand et dans quelle langue. C’est un catalogue électronique sur les jeux, les tournois et notamment les journaux. Les journaux sont particulièrement importants pour les recherches. En général, je ne dispose pas d’articles de journaux dans ma bibliothèque. Lors de mes recherches, je peux consulter la base de données pour vérifier s’il existe des articles intéressants. Découvrir par exemple qu’il existe un article dans un journal suédois cette année-là sur le sujet que j’étudie.
 
GB : Qui gère cette banque de données ?
 
FH : C’est l’association et, plus précisément un de nos membres, Per Skjoldager qui fait ce travail depuis de nombreuses années. Chaque membre reçoit un mot de passe et peut facilement accéder à cette base de données.

GB : Sur le plan du fonctionnement de l’association, c’est avant tout une réunion annuelle ou d’autres évènements sont-ils au programme ?

FH : C’est effectivement une assemblée générale annuelle. Ces trois dernières années nous nous sommes rendus en Italie à Marostica, à Belfort en France et maintenant à Budapest. Mais nous informons également nos membres s’il y a d’autres évènements importants via notre site : https://www.kwabc.org/en/about-us.html
 
Toutes nos activités sont bénévoles, il n’y a aucune rémunération pour les membres qui gèrent l’association. Mettre sur pied un congrès annuel, c’est déjà beaucoup de travail et également le sujet principal de notre réflexion.
 
GB : Qu’est-ce qui est prévu pour 2025 ?
 
FH : Nous avons eu des discussions avec nos membres pour nous rendre en Espagne à Valencia et rendre visite à notre ami  José Antonio Garzon, un historien espagnol reconnu. Un autre projet est de se rendre aux Etats-Unis, mais pour l’option américaine, il faut aussi avoir le soutien de Saint-Louis. Pour l’instant, rien n’est certain. 

À Valencia, nous pourrions combiner la visite avec un évènement sur l’héritage espagnol des échecs qui va être organisé par Garzon.
 
GB :  Lors de la dernière assemblée, plusieurs membres ont proposé Amsterdam, est-ce à l’ordre du jour ?  
FH : Amsterdam reste une destination très intéressante avec le “Centre des échecs Max Euwe”, l’héritage d’un ancien champion du monde. Nous avons aussi un membre, Jurgen Stigter, qui dispose d’une collection impressionnante. Cela reste une option.

GB : Puisqu’il y a le mot littérature dans l’association, est-il prévu de développer plus en profondeur le lien qui existe entre le monde des échecs et celui des artistes. Je pense notamment à Marcel Duchamp, une figure importante du tournoi olympique de Paris 1924 ?

FH : Je réfléchis chaque année sur un sujet et si nous nous décidons sur un sujet comme les échecs et l’Art, ce sera bien sûr un personnage très important. En Allemagne, nous n’avons pas une personnalité de cette envergure, mais il y a beaucoup de joueurs d’échecs qui ont été intéressés par d’autres sujets. Le champion du monde Lasker s’était intéressé aux questions philosophiques et mathématiques. Beaucoup de joueurs se sont intéressés à l’art ou aux sciences. 

GB : Il est donc nécessaire d’élargir l’histoire des échecs en incluant les écrivains, les peintres, les artistes ou les scientifiques pour toucher un plus large public.

FH : Je suis absolument d’accord et pense aussi que les échecs sont une tradition culturelle, qu’ils ont une influence beaucoup plus large qui peut être mise en évidence sans aucun problème.
 
GB : Un sujet passionnant est aussi l’importance du jeu par rapport aux religions. L’un des premiers traités du moine Dominicain Jacques de Cessoles, qui date du XIIIe siècle “Le Jeu des Echecs moralisé”, est un texte au service de la féodalité et de l’ancien régime où chacun doit rester à sa place. Est-ce un sujet qui peut être à l’ordre du jour ?
 
FH : Si l’on va se rendre à Valencia, le sujet général pourrait être « La modernisation des Echecs au XVIe siècle » et, dans ce cas, il y a tous ces aspects qui pourraient faire l’objet de débats et conférences. Pourquoi les règles ont été renouvelées ? Pourquoi la Dame est devenue tellement puissante à partir de Lucena ? Quelles sont les thèses ou les explications ? Un sujet historique celui d’Isabelle la Catholique qui était le symbole d’une femme forte, même dominante à laquelle on a conféré plus de pouvoir au côté du Roi. C’est une thèse soutenue par plusieurs historiens. D’autres historiens l’apparentent plutôt à la symbolique de la Sainte Vierge.

GB : Aujourd’hui que représente l’association “Chess History & Literature Society”. Combien de pays, combien de membres ?

FH : Je suis à la tête de l’association depuis trois ans et à l’époque j’ai hérité d’une association quelque peu en sommeil. Pour relancer l’association, il a fallu créer des activités qui intéressent tous les membres. Nous avons enlevé ceux qui n’étaient plus actifs et qui ne payaient plus leurs cotisations. À ce jour, nous avons plus de 90 membres actifs, la plupart se situent en Europe et quelques Américains. Des personnalités de dimensions internationales telles que Youri Averbakh et Lothar Schmid ont fait partie de notre association. Pour notre congrès ici à Budapest, des membres de la France, de l’Allemagne, de la Belgique, de la Suisse, de la Suède, du Danemark, de l’Irlande, de la Serbie et le Président du Comité historique de la FIDE, Willy Iclicki, sont venues. Bien sûr, aujourd’hui avec les Russes ce n’est pas facile. Toutefois notre but est d’être une association ouverte à tous les historiens ou amateurs de l’histoire des échecs du monde entier. Nous sommes à la recherche de membres plus jeunes, moi-même j’ai 54 ans et j’encourage tous ceux, qui sans être des experts, à nous rejoindre. L’histoire des grands joueurs, leurs contributions échiquéennes ou dans la vraie vie, les liens entre les différents pays qui ont pu être tissés grâce aux échecs, si tout cela les intéresse, ils sont les bienvenus. Ils peuvent nous contacter par courriel. Nous avons décidé de créer un groupe WhatsApp pour faciliter le contact des membres entre eux. C’est un de mes objectifs de créer une plateforme où il y a de la confiance, que l‘on puisse avoir des collègues et partager les connaissances, une plateforme d’échange internationale.
 

Georges Bertola
Budapest le 15 septembre 2024   
     



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