samedi 27 juin 2020

Une brève histoire du temps...

La première utilisation d'une pendule d'échecs, telle que nous la connaissons de nos jours, date du tournoi de Londres en 1883.

Dans l’Échiquier de Paris de décembre 1948, J. Buchet la définit ainsi :



"Le tournoi de Londres 1883 marque donc, en matière de pendules, l'apparition des temps modernes.
La pendule utilisée à ce tournoi, invention de T.-B. Wilson, de Manchester, se composait d'un bâti assez semblable à celui d'une balance de Roberval, supportant un fléau dont le bras, chargés chacun d'une pendule à balancier, formaient un angle très obtus...

Lorsque le bras de droite était abaissé jusqu'à toucher le socle, la pendule qui y était fixée était en position oblique et son balancier ne pouvait fonctionner, mais la pendule de gauche était alors d'aplomb, son balancier oscillait normalement. Le contraire se produisait lorsqu'on abaissait le bras de gauche."

Voici la pendule utilisée lors du match pour le championnat du Monde d'échecs en 1886 entre Steinitz et Zukertort. Elle est l'oeuvre de la société anglaise Fattorini & Son. Celle du tournoi de Londres en 1883 devait être similaire.



Mais avant d'arriver à  cet objet révolutionnaire pour les joueurs d'échecs, quel était le temps de réflexion durant les parties ? Qui a proposé de limiter le temps de réflexion par joueur ?
Voici quelques éléments de réponse.

Commençons par Philidor, avec le livre de Richard Twiss.


Chess; a compilation of anecdotes relative to the game. London: J. Robinson and T. & J. Egerton, 1787-1789, 2 vols. Page 152-153

Twiss cite le London Newspaper de Mai 1783

« Hier, au club des Échecs, rue Saint-James, M. Philidor a fait une de ces étonnantes parties pour lesquelles il a tant de réputation. Il a joué à la fois trois parties différentes en tournant le dos aux échiquiers. Ses adversaires étaient M. le comte de Bruehl, M. Bowdler, les deux plus forts joueurs de Londres, et M. Mazères. 

Il gagna M. le comte de Bruehl en une heure vingt minutes, et M. de Mazères en deux heures ; au bout de sept quarts d’heure, l’avantage était égal entre M. Philidor et M. Bowdler. L’autre partie fut faite avec le comte de Bruehl, M. Jennings et M. … Esq… Il rendit un pion à ce dernier et le laissa commencer. Le comte et Philidor furent à partie égale, les deux autres perdirent. 
Philidor joue avec une exactitude admirable, et souvent corrige les fautes de ceux qui ont l’échiquier devant eux  ».

La partie à l'aveugle la plus longue dura 2 heures contre M. de Mazères.

50 années plus tard en 1836, la parution du premier numéro du Palamède provoque quelques remous au sujet de Deschapelles. Ses aventures échiquéennes, narrées dans la revue, créent de l'incrédulité en Angleterre, ce qui fait sortir Deschapelles de sa retraite échiquéenne. Il propose alors un défi "à n'importe quel joueur anglais".

Un comité parisien est formé et un règlement, pour un match futur entre Deschapelles et n’importe quel joueur anglais, rédigé et publié dans le Palamède . 

La clause A du règlement précise que le défi se réalisera à Londres ou à Paris, au choix du comité anglais. La clause H est très intéressante, car elle donne quelques détails sur la façon de jouer aux échecs sans pendule.


Le Palamède 1836 page 212 

« Deschapelles (…) nous dit n’avoir jamais fait de partie qui ait duré plus d’une heure en jouant pendant dix ans avec M. de La Bourdonnais ; il se contentait d’une demi-minute par coup (…)  »

Toujours dans le même numéro du Palamède, le texte précise que l’usage d’une clepsydre est peut-être à envisager pour limiter le temps de réflexion, mais Deschapelles semble dire que cela ne sera pas nécessaire, car lui joue rapidement.

« Clause H
Une partie peut durer deux heures (…) Nota. Dans le cas de longueur démesurée on aura le droit d’exiger que chaque coup soit restreint à deux minutes, plus cinq bisques  par partie  » 

Pour cinq bisques : C’est-à-dire la possibilité de dépasser 5 fois durant la partie cette limite de deux minutes

Un rythme assez soutenu, mais pour des parties qui peuvent durer entre une et deux heures.
Les parties de blitz (parties éclairs) seraient une "invention" récente liée à la pendule telle que nous la connaissons ? Détrompez-vous, et il y a même encore plus fort.

Le Philidorien 1868 - Préface page XIII

L'anecdote suivante (racontée 30 ans après les faits...) nous montre que nous n’avons rien inventé et que même sans pendule et sans Internet, la notion de « bullet  » existe déjà…  
Une partie « bullet  » est un de blitz (partie éclair) jouée à la cadence d’une minute par joueur (!) pour toute la partie et pratiquée sur internet.

« (…) Lorsque le grand maître (NDA - La Bourdonnais) se sentait en verve, la rapidité de son jeu était vraiment extraordinaire. Tout le monde connaît la singulière passe d’armes qu’il eut à soutenir contre le chanteur Beausset, surnommé le Vélocipède, à cause de la vitesse prodigieuse avec laquelle il jouait.

Beausset, qui recevait l’avantage d’une Tour, provoqua La Bourdonnais à jouer aussi vite que lui, et le gant fut aussitôt relevé. Les deux adversaires s’attablent, s’attaquent avec furie ; les pièces volent, les parties se succèdent, et les mats suspendus sur la tête de l’infortuné Vélocipède, comme autant d’épées de Damoclès, se renouvellent vingt-trois fois en une heure. On a vu des joueurs moins pressés employer le même temps à méditer une combinaison.

De tels exploits, du reste, étaient familiers à La Bourdonnais, qui acceptait toutes les parties et proportionnait la vigueur de ses coups au talent et à la force de son adversaire. 
« Il y avait de la grandeur dans son âme, a dit quelque part un de ses contemporains, car il était tout à fait désintéressé. Il semblait oublier que sa supériorité était pour lui un moyen de subsistance ; nul joueur n’offrit plus généreusement avantage  ».

Toujours dans le Palamède, un certain E. Toupenas rédige un texte où il explique la nécessité de mesurer le temps de réflexion et comment cela devrait se passer.

Le Palamède (avril 1843 - pages 171 et 172).
Extrait d'un article signé M. E. Troupenas

"Aux échecs, celui qui mettra une heure à calculer un coup trouvera nécessairement une meilleure 
solution que s'il n'y consacrait qu'une minute; ainsi lorsque deux joueurs emploient des temps
tout à fait différents, ce n'est plus une épreuve de force, c'est une épreuve de patience.

Il nous parait en conséquence impossible d'établir avec équité un défi sérieux, sans fixer à l'avance
le temps qui devra être employé à exécuter chaque coup. Bien entendu que tous les coups n'ayant pas la même importance, on pourrait reporter sur l'un d'eux le temps que l'on aurait épargné sur d'autres.

Voici quel serait le moyen le plus simple, selon nous, de mettre ces principes à exécution :
les deux adversaires auraient chacun une pendule de cabinet dont le balancier serait apparent ;
au commencement de la partie, les deux pendules marqueraient 12 heures, et le joueur qui aurait le
trait ferait marcher le balancier de la sienne, qu'il arrêterait aussitôt que son coup serait joué ;
le deuxième joueur mettrait alors sa pendule en mouvement, pour l'arrêter de même après l'exécution de son coup, et ainsi de suite.

Le nombre des coups joués de part et d'autre serait marqué par des jetons et, lorsque la partie serait
terminée, on verrait, à l'heure que marquerait chaque pendule, si les joueurs sont restés dans la
limite du temps accordé. Si tous les deux l'avaient dépassé, la partie serait bonne;
mais si l'un seulement avait contrevenu au règlement, il devrait être puni par la remise de la 
partie qu'il aurait gagnée et la perte de celle qui serait remise.

Une amende convenue ou un avantage à son adversaire pour la partie suivante serait son châtiment 
en cas de perte."

Le Palamède de Saint-Amant en 1845

En 1845 dans le Palamède, après avoir été élu président honoraire du Cercle des Échecs (dont Alfred de Musset était membre), Deschapelles écrit une lettre de remerciement dans laquelle il précise sa façon de voir le jeu d’échecs. Il fait mention des parties du match entre Saint-Amant et Staunton qui duraient des heures et des heures.

Par exemple, la 21ème et dernière partie dura 14 heures 1/2 pour 66 coups. H.Wilson, arbitre de Staunton, calcula que Saint-Amant avait employé, pour ses coups, les trois quarts du temps total de jeu...

« (…) Je repousse cette pesanteur, qui, récemment, a mis une journée à faire une partie  ; 
je crois, Philidor et La Bourdonnais ont cru, qu’il n’y a point de combinaisons d’Échecs qui exigent de l’intelligence au-delà de cinq minutes d’attention, encore à la condition qu’une grande quantité de coups en découleront et que ce sera une avance économique ; j’en appelle, Messieurs, à vos souvenirs ; avez-vous jamais vu sacrifier deux heures à une partie ? Non, une partie d’Échecs est communément une affaire de trois quarts d’heure (…)  »

Citons encore qu'en 1834, lors du match La Bourdonnais - McDonnell, Georges Walker indique que les parties durèrent de longues, très longues heures, bien que la durée exacte des coups n'ait pas été notée.
McDonnell réfléchit 90 minutes et parfois davantage sur un coup.

La Bourdonnais, plus rapide, resta cependant une fois 55 minutes avant de jouer. Mais dans l'ensemble McDonnell utilisa les trois quarts du temps des parties à réfléchir. Et l'incroyable lenteur de certains joueurs, au tournoi de Londres en 1851, souleva de nouveau de très violentes critiques.

Il fallait trouver une solution, mais le sablier n'était qu'un pis-aller, car avec deux inconvénients majeurs :
1° Effet de l'humidité et de la température sur le sable
2° Crainte qu'un joueur distrait ne se trompe de sens en replaçant son sablier verticalement

C'est néanmoins le sablier qui sera mis en oeuvre pour le tournoi de l'Empereur à Paris en 1867.

Tournoi de Paris 1867 - Le Petit Journal – 28 juin 1867 - Gallica

(…) On parle moins encore aux échecs qu’au whist, dont le nom, pourtant, signifie silence. 
Les membres du congrès des échecs se condamnent volontairement au mutisme, comme les frères de la Trappe. 

Ils sont par couples ; à chaque table sont deux joueurs, assis, l’un vis-à-vis de l’autre ; l’échiquier est posé de telle sorte que chacun d’eux a la case blanche de l’angle à sa droite. Des grogs et des cigarettes, voilà leurs seules distractions ; encore en usent-ils avec une extrême modération. 
Aucun joueur n’a le droit de réfléchir sur un coup pendant plus de dix minutes. Il a près de lui un sablier qu’il lève en commençant un coup et qu’il couche dès qu’il a remué une pièce.


Livre du congrès - Extrait du règlement du tournoi

Pour terminer, voici un tableau paru dans Chess Review de décembre 1846, et cité dans l’échiquier de Paris de décembre 1948. Les "pendules basculantes" deviennent à partir de 1883 un outil indispensable...

Année Match ou Tournoi Cadence Mesure du temps par
1861 Anderssen - Kolish 24 coups en 2 heures         Sabliers
1861 Dublin 20 coups en 2 heures         Sabliers
1866 Anderssen - Steinitz 20 coups en 2 heures         Pendules
1866 Steinitz - De Vere 24 coups en 2 heures         Sabliers
1867 Dundee Congress 30 coups en 2 heures         Sabliers
1867 Paris 10 coups en 1 heure Sabliers
1870 Baden Baden Congress 20 coups en 1 heure Pendules
1870 Mackenzie - Congdom 24 coups en 2 heures         Sabliers
1871 Cleveland 10 coups en 1 heure Sabliers
1872 Steinitz - Zukertort         15 coups en 1 heure Pendules
1873 Vienne 20 coups en 1 heure Pendules
1875 Philadelphie 15 coups en 1 heure Sabliers
1883 Tournoi de Londres 15 coups en 1 heure Pendules basculantes

samedi 20 juin 2020

Lettres de Lionel Kieseritzky (3 sur 3)


Troisième et dernière partie des lettres de Lionel Kieseritzky, traduites de l'allemand par Frank Hoffmeister.

Cet article correspond aux extraits des lettres 10 à 16 publiées par Friedrich Amelung en 1889 dans la revue Baltische Schachblätter (le document pdf se trouve en bas de la page indiquée par ce lien).

Friedrich Amelung

Un relatif confort à Paris

Kieseritzky n'a pas trouvé de "travail" comme il le souhaitait (professeur de mathématiques ou d'allemand) et vit exclusivement du jeu d'échecs. Sa situation s'améliore.

Lettre n°10 - à Guido Kieseritzky à Dorpat

Il s'agit de la lettre où Kieseritzky parle le plus de son activité échiquéenne qui semble débordante en 1846. Il commence par évoquer son livre "50 parties jouées au Cercle des Échecs et au Café de la Régence".
Rappelons que le Cercle et le Café ne forment qu'une seule et unique adresse.
Les joueurs d'échecs jouent au quotidien dans le café au rez-de-chaussée, tandis que le Cercle, réservé à ses membres et nettement plus confortable, se trouve au 1er étage.

Entête du factum - 1853 Source BNF - pour l'expulsion du Café de la Régence de la Place du Palais-Royal

Il parle ensuite d'un futur voyage qu'il fera à l'été 1846 à Londres et un match qui n'aura jamais lieu est évoqué avec Staunton.

Puis il indique avoir reçu un cadeau exceptionnel à titre de remerciement de la part du Cercle des Échecs. Kieseritzky évoque une possible arrivée de son frère et de sa sœur à Paris.
Ce n'est pas indiqué dans ce passage, mais ils essayent de vendre leur maison à Dorpat.
Kieseritzky reste toujours solitaire et loin de son pays natal.

Paris, le 26 mars 1846

Mon cher frère !

Juste après Pâques, un petit livre que j’ai écrit va paraître, qui contient 50 parties avec annotations. Le prix pour ceux qui y ont souscrit (j’en ai déjà 170) est 2,5 Francs, mais les autres lecteurs devront payer 3 Francs. Je compte faire imprimer 1000 exemplaires, ce qui va me coûter 400 Francs. Je ne peux pas les vendre tout de suite, mais je compte trouver plus d’acheteurs à Londres, où je vais aller en été. 

J’ai reçu tellement d’invitations généreuses, que je ne peux plus les ignorer. La période actuelle m’est favorable pour m’y rendre : pour le moment tous les membres du Parlement et la haute société se trouve dans la capitale. M. Georges Walker, même s’il n’est pas le plus fort joueur d’Angleterre, mentionne mon nom dans chaque édition du Bell’s Life – et il a une grande influence et une bonne réputation. Nous avons une conversation agréable par lettres. 

J’ai aussi les meilleures relations avec M. Staunton, le plus fort joueur et rédacteur du « Chess Player’s Chronicle » et de la colonne échiquéenne de l’Illustrated News. Quand il était à Paris la dernière fois, je lui ai lancé un défi, mais il n’avait pas le temps, bien que j’eusse déjà un soutien de 1.200 Francs. 

A Londres il me faudra jouer contre lui, même si la raison principale de mon voyage sera de diffuser mon œuvre et de donner des leçons qui sont très bien payées là-bas. J’ai aussi l’intention de jouer plusieurs parties à l’aveugle avec Mr. Harrwitz de Breslau, qui est assez fort déjà dans cette discipline. Nous avons déjà joué 15 parties : j’ai gagné 11, perdu 2, fait une remise et une partie n’était pas terminée. Sa façon de jouer est très réfléchie. 

Pendant l’hiver nous avons organisé chaque mercredi soir une séance où je devais donner une leçon sur les échecs ; en plus nous avons joué des parties écrites entre le Cercle et la Café de la Régence qui sont très près. De temps en temps nous avons aussi joué par équipe de 4 membres, chacun faisant un coup alternativement. Mais les parties à l’aveugle ont été les plus applaudies. 

La Commission du Cercle a pris une décision tout à fait nouvelle. Imagine-toi, cher frère, que sans préparation ni calcul, elle a décidé de me confier une médaille d’honneur, pour exprimer leur gratitude. Deux jours après l’arrivée de ta lettre, un mercredi soir, avant le commencement du cours j’ai été convoqué par la Commission et ils m’ont offert ce prix. Je ne sais pas pourquoi – peut-être étais-je pris par cette empathie ou par un chagrin qui pèse sur moi – mais j’ai quitté la salle et j’ai pleuré. 

Si quelque chose est capable de soigner une souffrance, alors de telles manifestations en sont une bonne méthode. Ni Philidor, ni Deschapelles, ni La Bourdonnais, tous les trois Français de naissance, n’ont reçu une telle médaille – et moi, un étranger, je la reçois comme une preuve de sympathie et de reconnaissance, que je n’ai pas demandée. 

Je suis moi-même en partie concernée, mais je pense que nos compatriotes devraient reconnaître cet honorable trait des Français avec joie. La médaille porte la phrase : Le Cercle des Echecs à M. Kieseritzky, Paris 1846. Et le revers avec un symbole : « aux sciences physiques et mathématiques ». 
La médaille est faite en argent, porte de l’or, est très belle, et elle m’a été confiée par le Président Devinck avec un billet de 500 Francs. 

Le voyage à Londres doit être un grand succès, et je vais devenir rédacteur d’un nouveau journal sur les échecs, dans quelques temps. Cela va me rapporter 1000 Francs. S’y ajoute mes travaux imprimés, mes leçons, les gains des parties, et la somme totale devrait suffire pour nous deux.

Les usages et coutumes ici sont tellement différents de les nôtres, et c’est pourquoi vous allez au début les détester. Mais on s’adapte et je dois avouer que je trouve des choses plus agréables que chez nous, même si je n’ai pas perdu l’amour pour ma ville natale. D’abord le climat. Le plus grand froid fut le 15 décembre 1840 quand le corps de Napoléon a été rapatrié à Paris. Il y avait 15 Réaumur . Normalement cela ne fait pas moins que 8-10 degrés. 

Le café et le sucre est moins cher que chez nous, mais en revanche la viande, le poisson, la beurre, le lait et les œufs sont plus chers.  Du pain et les légumes sont comparables et aussi l’éclairage. On a assez de fruits, mais pas toujours bon marché. On peut trouver des vêtements très chics et bien faits, ce qui est meilleur. Les appartements sont chers. Je paye 28 Francs par mois, mais je reçois du linge et de petits services. 

Pour m’épargner des frais je serais enclin de vous loger à Belleville et non à Paris même. Il y a un seul mur entre les deux, et c’est pourquoi Belleville est bien comme Paris. La seule différence est que les loyers sont beaucoup plus attractifs et l’air y est plus sain.

La raison principale pour laquelle je souhaite vous voir là-bas, et notamment Lydie, est que le mécanicien Schweig, habite là-bas, un de mes très vieux amis. Pour toi j’ai aussi quelques perspectives : d’abord tu peux m’assister dans mes travaux, et puis je t’ouvrirai des possibilités afin qu’on reconnaisse tes mérites après une si longue attente. 

Je ne pourrai rien faire chez l’académicien Cauchy, bien que je suis allé 8 fois chez lui et que je lui ai parlé 3 fois de toi. Cet homme est tellement débordé par ses travaux qu’il ne reçoit personne, sauf si on le sollicite chaque jour. 

Le mathématicien Binet, un ami d’environ 40 ans, ne pourra rien faire non plus, bien que j’ai été chez lui en personne, lui ai écrit et ai même apporté une lettre de son frère, l’académicien. Si tu étais sur place, tu pourrais facilement rencontrer des hommes utiles. 

J’espère quitter Paris pour Londres dans trois semaines, mais je donne ordre que toutes les lettres doivent m’être envoyées là-bas. Ton problème sur les échecs n’est pas totalement correct, parce qu’on peut mater déjà dès le premier coup (e3-e5). L’idée est de mater aussi vite que possible, pas avec une méthode particulière. 

Je t’envoie quelques exemplaires de mon projet, avec lequel on peut voir des symboles pour les pièces d’échecs et qui reprennent leur façon de bouger (…). 

Dans la  traduction de l’excellente œuvre de Lewis, mon ami Witcomb a utilisé cette description pour la première fois. Tu vas en recevoir une copie, l’autre est pour Carlos et la troisième pour Schwartz ; je n’ai pas des nouvelles d’eux depuis longtemps. 

Maintenant, quand j’écris cela, le garçon du Cercle m’appelle, me disant que quelqu’un souhaite me parler au Café. Je descends et je trouve Eduard Erdmann. Tu peux fermer toi-même la lettre pour le Comte Kuschelew et l’envoyer. Mais n’oublie pas la partie et les projets dedans. 

Vis bien, mon cher frère et me réponds assez tôt, s.t.p.  Ton vieux frère Lionel.

Le livre de Kieseritzky, avec un système de notation de parties d'échecs de son invention qu'il reprendra pour la revue "La Régence"


Lettre n°11 - à Guido Kieseritzky à Dorpat

Kieseritzky est revenu à Paris après un séjour à Londres qu'il n'a manifestement pas trop apprécié.

Paris, le 11/23 octobre 1846

Mon cher et bon frère ! … 

Tu aurais pu déjà envoyer la lettre au Comte Kuschelew, je ne pense pas qu’il soit indispensable de la lui remettre en personne. Tu peux bien demander à Leonhard Stunde de le faire, il vit maintenant à St. Petersbourg. Je ne suis pas d’accord avec ton intention de quitter Dorpat et de venir à Paris. ….

Je ne peux rapporter que peu sur moi-même, même si j’ai fait le voyage à Londres. Mais celui-ci n’était ni agréable ni utile. J’étais presque tout le temps malade et mélancolique. Mon petit livre a été édité, et j’ai déjà envoyé une copie de celui-ci et la traduction de Lewis par mon ami Henry Witcomb à St. Petersbourg.

Tu auras les recevoir par Leonhard Stunde. J’ai encore 700 exemplaires sur moi. Si je pouvais tous les vendre cela serait bien. Mais je pense déjà à de nouveaux travaux … 

Entre-temps j’ai été invité à collaborer pour un journal d’échecs de Berlin et j’ai accepté. 
Le premier article est déjà envoyé. Dans 14 jours nos soirées commencent et vont durer jusqu’à mars. Je me réjouis de cela parce que j’ai besoin d’une opportunité d’exprimer ma gratitude à tous ces gens honorables qui m’ont soutenu ici par leur sympathie et leur reconnaissance... 
Tu peux aussi donner deux exemplaires avec les lettres à Kuschelew. - ….


Lettre n°12 - à Guido Kieseritzky à Dorpat

Nous sommes à la veille de la Révolution de février 1848 qui va faire tomber de Louis-Philippe, roi des français. C'est la fin du Palamède de Saint-Amant qui cesse de paraître en décembre 1847.
Peut-être le laisser-aller de Saint-Amant vis-à-vis du Palamède est dû au fait qu'il se préoccupe plus de son commerce de vin de Bordeaux ?
Kieseritzky parle du projet d'une future revue d'échecs à la place du Palamède.
Il s'agit de "La Régence" qui commencera en 1849.

Paris, le 12/24 janvier 1848

Mon très cher frère ! … 

Maintenant j’ai finalement réussi de payer les frais d’imprimerie de mon œuvre et je suis un homme libre. Mais il y a peu de nouvelles. Ma vie est très monotone. Mon propre appartement, Rue Dauphine No. 24, et le Café de la Régence sont les seules places ou je me rends. 

En revanche, j’ai le plaisir de voir plusieurs de nos compatriotes, et je suis en bons termes avec eux. 
Karl Schmidt, Gendt, et Dittmar habitent dans la même maison - Moritz pas très loin. Celui-ci m’a fait un grand plaisir avec le calendrier 1847 de Dorpat.

Il y aura peut-être bientôt des changements dans ma situation. Le propriétaire du Café et du Cercle, Mr. Vielle, qui m’a toujours démontré sa plus grande amitié, était avec le libraire Barthé, le copropriétaire du journal « Le Palamède », rédigé par St. Amant. 

La négligence avec laquelle le journal a été rédigé a causé le retrait de ces deux personnes. Ils ont laissé au rédacteur le soin de prendre lui-même la décision s’il souhaitait continuer le journal avec tous les risques à son propre compte. Par cela un problème est résolu : à cause des services multiples que Vielle m’a rendu, je ne voulais pas rédiger un autre journal. 

Mais maintenant, mon projet, déjà prévu depuis longtemps, pourrait être mis en œuvre. Le journal lui-même ne va pas gagner beaucoup de sous, mais c’est un moyen formidable de maintenir les relations avec les amis des échecs et d’en trouver des nouveaux. 

Aussitôt que le projet se réalisera je t’enverrai quelques exemplaires à Dorpat ; en revanche on va maintenir ici « das Inland ».  Si le journal peut être transféré par des libraires, mon ami et joueur d’échecs, le libraire Frank, souhaite qu’on l’envoi via Leipzig.


Lettre n°13 - à Guido Kieseritzky à Dorpat

Toujours de la mélancolie chez Kieseritzky. Il dit que tout s'est bouleversé et que la prospérité a disparu. Effectivement l'année 1848 est une année révolutionnaire qui aboutira à l'éphémère deuxième République.

Paris, le 14/26. Octobre 1848

Mon cher bien frère ! 

C’est avec le cœur mélancolique que je t’écris, sans savoir quelle réponse je vais recevoir et si la peste n’aura pas exigé des sacrifices parmi ceux qui me sont les plus proches. 

Je ne trouve pas de mauvaises nouvelles me concernant parmi les informations que Ed. Schulz a reçues, mais l’épidémie n’a pas encore cessée (NDA - Il s'agit d'une épidémie de choléra). Et si elle avait cessée, j’aurai attendu de bonnes nouvelles ! 

Moi-même je vis mélancoliquement et uniformément d’une journée à l’autre. Il y de la paix en moi depuis 4 mois, mais la prospérité et le bonheur ont disparu. Tout s’est bouleversé. J’ai une seule joie, qu’il y ait de nouveau des compatriotes dans mon entourage... 

Si Sigismund Stern va venir de St. Petersbourg à Dorpat, fait avec lui s.t.p une partie des « échecs de guerre », avec notamment les canons, les bateaux, les ponts et les pièces colorées des échecs. Je voudrais aussi bien recevoir : Jaenisch, « Découvertes sur le Cavalier », et le « échecs de guerre » de Hellwich.


La Place du Palais-Royal en 1849 - Source Gallica.

Lettre n°14 - Supplément à Mme Lydia Kieseritzky à Dorpat 

Un témoignage direct sur les émeutes de juin 1848 et le Café de la Régence.

Paris, le 14/26 octobre 1848

Ma chère sœur ! 

Ma vie est simple. 

Dans les jours de juin (NDA – émeutes ouvrières à Paris du 23 au 26 juin 1848), je n’ai souffert de rien, à l’exception du fait que j’ai dormi voire veillé cinq nuits dans la Régence. La circulation était très difficile ; même pendant la journée, de sorte que j’avais besoin d’une demi-heure pour aller de la Régence à la Rue Dauphine, un chemin pour lequel je prends habituellement 8-10 minutes. 

C’est seulement le lundi soir que je fus angoissé. Des prisonniers se sont libérés place du Carrousel, et à cette occasion on a tiré au feu d’un côté à l’autre, même devant le Café, de sorte que 40 à 50 personnes ont perdu leur vie. J’ai veillé toute la nuit chez un blessé et donné des charpies. Maintenant tout est calme. 

Dieu donne ce qui sera le mieux….

La Régence - Par Lionel Kieseritzky.


Lettre n°15 - à Guido Kieseritzky à Dorpat

La situation politique est toujours tendue à Paris.
Kieseritzky commence à publier la revue "La Régence"

Paris, le 11/23 janvier 1849

Mon cher et bon frère ! 

Je me réjouis de tout mon cœur que tu as commencé à gagner un peu d’argent et j’espère auprès de Dieu que ta situation s’améliore peu à peu. Malheureusement, les événements malheureux de l’année passée m’ont empêché de garder des sous. 

Il y a un état de détresse incroyable chez les commerçants à Paris. Nous sommes bien libérés de la classe corrompue qui a mené tout le pays dans la misère, mais cette pauvre Assemblée existe encore, et ne cède pas de terrain, même si tout le monde dit déjà qu’elle doit s’en aller. C’est pourquoi on devient impatient et on va mettre fin à ce méfait. Déjà la République est l’objet d’un mépris général et sujet de moquerie dans tous les théâtres. 

En ce qui me concerne personnellement, je suis occupé. Je suis maintenant rédacteur en chef du journal échiquéen « La Régence » dont le numéro 2 est dans la presse.  Je voudrais bien t’envoyer un exemplaire quand on aura une bonne occasion. 

Est-ce que Stern ne s’est pas encore montré à Dorpat ? Nous attendons de recevoir « Das Inland » avec impatience. 

Lettre n°16 - à Guido Kieseritzky à Dorpat

Cela fait 10 ans que Kieseritzky est arrivé à Paris. Son frère et sa sœur ont vendu leur maison à un prix bradé pour différentes raisons. Mais maintenant ils essayent de faire annuler le contrat de vente par l'intervention d'un ministre.

Paris, 1849 (NDT - le date n’est pas claire)

… Qu’est-ce que le ministre peut faire dans l’affaire de la maison ? Crois-moi, dans cette affaire le maire de Dorpat est beaucoup plus important que le Ministre. Essaie donc de bien te comporter vis-à-vis de ceux dont tu penses qu’ils sont tes ennemis. Tu vas ainsi rendre le meilleur service pour toi et Lydia. 

Réfléchis au fait qu’il n’est pas bon d’avoir un cœur plein de haine, et qui va encore aigrir le peu d’heures heureuses. C’est quand même une souffrance dont tu peux te libérer toi-même par une seule décision. 

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C'est la dernière lettre.

En 1851 Lionel Kieseritzky se rendra à nouveau à Londres pour le tournoi international à l'occasion de l'exposition universelle. En marge du tournoi et durant un match informel contre Anderssen (vainqueur du tournoi de Londres 1851), Kieseritzky laissera son nom à la postérité du jeu d'échecs comme le perdant de la fameuse partie "immortelle". 1851 c'est aussi l'année où la revue "La Régence" cesse de paraître.

Kieseritzky décède à l'âge de 47 ans en mai 1853 (le 18 ou le 19 mai) pour une raison non déterminée.


Mort de Kieseritskij, Le Grand joueur d'échecs.

Avec un profond regret, nous devons rapporter la mort du célèbre Herr Kieseritzkij, si longtemps la fierté et le protégé du Cercle des Échecs de Paris, et l’un des joueurs les plus brillants de nos jours. Suite à diverses causes douloureuses, pendant de nombreux mois auparavant, il fut obligé d’abandonner toute implication dans le Cercle, son discernement étant affecté, jusqu’à ce que ses amis jugèrent bon de le placer dans ce refuge de l’affligé, l’Hôtel-Dieu, dans lequel il expira le 18 du mois dernier.


dimanche 14 juin 2020

Lettres de Lionel Kieseritzky (2 sur 3)


Voici la deuxième parties des extraits de lettres de Lionel Kieseritzky, traduites de l'allemand par Frank Hoffmeister.

Cet article comporte les lettres 5 à 9 publiées par Amelung dans le Baltische Schachblätter en 1889.

Lionel Kieseritzky est sur la gauche. Je ne connais pas la référence de ce dessin.

Une difficile installation à Paris

Tout au long de ces différentes lettres ont ressent la nostalgie et la solitude de Kieseritzky.
N'ayant guère le choix que de vivre du jeu d'échecs, il détaille petit à petit son activité au Café de la Régence dans sa correspondance avec son frère Guido également mathématicien. 

Lettre n°5 - A Guido Kieseritzky à Dorpat

On y apprend que le Café de la Régence est très fréquenté (plus de 100 personnes y jouent aux échecs chaque jour !). Cette affluence est sans doute liée au retour des joueurs du Cercles des Échecs de la rue Ménars suite à sa fermeture et à leur tête de file, La Bourdonnais, qui attire le public.
Kieseritzky indique que La Bourdonnais lui-même le considère comme le joueur le plus fort après lui (ce qui doit sans doute rendre jaloux Saint-Amant) et il commence à acquérir une certaine réputation.

Paris, le 31 octobre (11 novembre) 1839

Cher frère ! 

Le 26 août j’ai écrit une lettre, dans laquelle je t’ai informé que j’habitais Rue de Lille 5, Faubourg, St. Germain… D’abord tu dois savoir que je suis à Paris depuis trois mois et que j’ai fait quelques rencontres valables. 

La première fut le peintre Hora de Hongrie, qui habite dans le même hôtel que moi et qui m’a soigné durant mes quatre semaines de mauvaise santé, avec une amitié loyale. 

Plus important pour mon progrès est l’ancien professeur de médecine, le Dr. Brandeis, que j’ai rencontré dans la Café de la Régence, où l’on joue aux échecs. 
Il s’intéresse vivement à moi et m’a déjà présenté à quelques autres personnes. 
Via La Bourdonnais je vais rencontrer un jeune homme d’une haute maison qui souhaite me voir. 

Je t’en dirai plus sur mon existence aux échecs ultérieurement. 
Pour l’instant je peux te dire qu’on me traite déjà avec distinction dans ce Café. 
Oui, chaque jour plus que 100 personnes se rencontrent pour y jouer aux échecs. 

Cette distinction m’aurait rendu fou encore une année auparavant, surtout quand tu entends que je suis déjà considéré comme le plus fort après La Bourdonnais, selon lui-même. 
Je te donne un exemple qui te permet de déduire l’étendue de l’attention vis-à-vis de moi. 

Je fais de la conversation avec le Dr. Brandeis, quand un garçon s’approche et demande à Brandeis que nous deux choisissions une autre place, dans la Café, que celle de hier ou d’avant-hier ; 
il y aurait toujours trop de monde autour de moi, ce qui rend le passage difficile pour lui ! 
Comme déjà dit, cet hommage m’aurait rendu fou de joie une année auparavant, mais dans mon état actuel cela me rend presque plus mélancolique que cela ne m’apporte de joie. 

Il y a encore deux motivations pour lesquelles je continue à fréquenter ce Café. 
Premièrement, je gagne quelques sous par ma supériorité aux échecs, et les dépenses ici sont relativement importante. 
Deuxièmement, et plus important, sont les relations avec d’autres personnes et qui me donnent la perspective de trouver un emploi. 

Par le biais du Dr. Brandeis, on sait déjà que j’enseigne la mathématique et l’allemand. 

Le lendemain, j’ai été invité chez un dénommé M. Chamouillet, chez qui les personnages les plus importants de la vie échiquéenne se retrouvent une fois par semaine. 

Mais assez de cela. Je ne peux pas rapporter beaucoup sur le reste de ma vie – elle est très monotone. 
Je ne manque pas de travail, parce que je dispose d’assez de livres scientifiques. 

N’oublie pas de m’écrire pas mal de choses ; tout m’est important. 
Je suis si seul avec mon chagrin et je n’ai pas d’autre personne à qui me confier. Des bonnes nouvelles de chez nous vont me soutenir ! 

Pour Neumann, j’ai acheté une boite pour le tabac. Dis à Faehlmann mes meilleurs vœux. Dis à Muyschel que je vais lui écrire à nouveau, si ma première lettre a disparue. 
Demande à Raupach de faire une fête de Noel pour les orphelins, comme je l’ai fait chaque 30 décembre. 

(Note d’Amelung : Faehlmann, mort 1850, était un docteur et Président de l’Association Estonienne ; Raupach (1792-1883) était enseignant en Italien et joueur d’échecs).

Je te demande aussi de me répondre aux questions mathématiques ci-incluse (NDT - reproduites par Amelung, mais non traduites ici).

Carte du centre de Paris en 1850 - Carte Michel Huard 2012
La carte complète de Paris en 1850 se trouve ici
Les grands chamboulements haussmanniens n'ont pas encore eu lieu, et Paris a peu évolué au cours de la première partie du 19ème siècle.

Sur cette carte j'ai indiqué les deux adresses connues de Lionel Kieseritzky, la localisation de l'ancien Café de la Régence, ainsi que l'emplacement de l'ancien Hôtel-Dieu, hôpital où Lionel Kiseritzky décédera le 18 ou le 19 mai 1853.
Ses deux adresses (rue de Lille et rue Dauphine) sont à moins d'un kilomètre du Café de la Régence.

Lettre n°6 - à Guido  Kieseritzky à Dorpat

La Bourdonnais est malade, et décédera en décembre 1840 à Londres dans le dénuement.
Kieseritzky reçoit un cadeau de sa part quelques mois avant.

Paris le 19/31 juillet 1840

Cher frère ! 

Par notre compatriote Victor Hehn, dont sa présence malheureusement très courte ici m’a fait beaucoup de plaisir, tu reçois cette fois quelques lignes … 

Probablement tu as déjà reçu ma longue lettre, car Hehn a déjà traversé la Belgique et l’Allemagne. 
Je lui ai donné aussi les lettres pour Rentmeister, Brock et Neumann, ainsi que le petit manuel des échecs que La Bourdonnais lui-même m’a offert et un échiquier pour Félix. 

Je demande à mes amis de me pardonner que je leur envoie de si petites choses de Paris. 
Je n’ai ni or ni argent, mais le peu que j’ai, je le donne. Vous avez aussi mon cœur et je ne peux pas donner plus … 


Nouveau traité du jeu des Échecs - 1833 - Par La Bourdonnais
Un traité qui a été critiqué comme n'étant pas digne du champion qu'était La Bourdonnais.
Ses contemporains jugeaient celui-ci très inférieur au livre de Philidor, l'Analyse des Échecs.

Lettre N°7 - à Guido Kieseritzky a Dorpat

Nous sommes deux ans après la précédente lettre. Lionel Kieseritzky a changé d'adresse.
La Bourdonnais n'est plus de ce monde, Le Palamède vient d'être repris par Saint-Amant depuis la fin d'année 1841, et Kieseritzky s'affirme comme champion du Café de la Régence.
Il reçoit une invitation pour aller à Londres, mais ne s'y rendra qu'en 1846.
D'un point de vue matériel sa situation s'améliore, et il se consacre entièrement aux échecs, ayant peut-être renoncé à trouver un travail.

Paris, le 28 juillet (9 août) 1842

Rue Dauphine.

Mon cher et bon frère ! 

Le voyage de Corval me donne l’opportunité de t’écrire après une longue période pour t’informer de mon quotidien. 

Ma vie ici est hautement monotone, complètement dédiée aux échecs que j’enseigne et où j’ai de plus en plus d’élèves (pour le moment 7, dont le fameux peintre Steuben, et à l’époque déjà l’excellent compositeur et pianiste Ed. Frank, un élève de Mendelssohn). 

Ma réputation ici augmente, tu peux en lire plus dans Le Palamède, et je suis en contact postal avec Berlin et Londres. J’ai déjà reçu des invitations orales, écrites et imprimés de me rendre à Londres, mais je ne peux pas les accepter. Ma situation globale commence à s’améliorer, même si les temps difficiles n’ont pas encore complètement disparu.

Wilhelm Schwartz m'a accueilli dans sa maison pendant 10 mois. L’amitié sincère qu’il a exprimée à chaque moment pour moi, me restera longtemps en mémoire. Je n’ai pas encore surmonté sa perte, et je ne vais pas la surmonter facilement. 

Tu donneras des salutations pour tous nos amis, surtout pour Felix, Artem, Romeo, Harthmuth, Karl, Neumann, Rentmeister et sa famille, les Malmström, les Carlsen, etc etc. 

Les choses diverses que j’ai incluses avec leur nom sont un petit signe que je pense toujours à eux avec amour. Dans ma prochaine lettre je vais t’en dire plus sur mon existence échiquéenne, ce qui ne sera pas sans intérêt.
Ici on peut dire qu’après la mort de La Bourdonnais, personne en France pourrait se vanter de me battre. Je n’ai jamais joué avec le vieux Deschapelles. Je serais intéressé d’en savoir plus sur lui par Franz Ungarn, qui le connaissait il y 20 ans. …

Lettre n°8 - à Guido Kieseritzky à Dorpat 

Paris, le soir de Noël, 1842, 
NDT - Cette lettre ne contient que des remarques personnelles (dit Amelung). 

Lettre N°9 - à Guido Kieseritzky à Dorpat

Kieseritzky est en contact avec les grands mathématiciens français Cauchy et Binet pour partager les travaux de son frère !
La fin de la lettre indique que la situation ne semble pas aplanie à Dorpat sa ville d'origine qu'il a quitté 3 ans auparavant.



Paris, le 22 juillet 1845

Mon cher et bon frère, j’ai bien reçu ta lettre du 5/17 mai par le libraire Renouard (NDA - Il s'agit probablement de l'éditeur Jules Renouard), et j’ai immédiatement fait traduire l’essai mathématique qu’elle contenait, pour le donner aux académiciens Cauchy et Binet, pour lesquels j’ai reçu des recommandations par le frère de ce dernier, qui est aussi un excellent mathématicien. 

Je vais aussi envoyer une lettre au Comte Kuschelew-Besborodko à St. Petersbourg, auquel j’ai donné des cours d’échecs chaque mercredi soir quand il était à Paris. Cet homme est très riche, avec une grande influence et bienveillant. 

Par Oettingen, un des plus charmants hommes que j’ai jamais connus, je t’ai envoyé 50 Francs il y 3 semaines. Oettingen m’a promis de t’aider pour trouver un emploi avec des leçons privées. 
Il va tenir ses promesses. Il était très malade, mais est maintenant rétabli. 
Demain il veut voyager vers Heidelberg, et après en Italie avec Heinrich Schoeler. 
Mais il souhaite arriver à Dorpat en janvier. J’espère recevoir une réponse des MM Cauchy et Binet d’ici 14 jours, et vais t’en informer tout de suite. 
Jusqu’à cela, reçois tous mes meilleurs vœux, mon cher frère, veuille bien saluer tous ceux qui sont bien disposés vis-à-vis de moi et pardonner ceux qui te font du mal – cela va se payer un jour. 
Ton vieux frère Lionel.

samedi 13 juin 2020

Lettres de Lionel Kieseritzky (1 sur 3)


Grâce à l'aide de M. Frank Hoffmeister, j'ai publié le 12 avril dernier, deux lettres de Lionel Kieseritzky traduites de l'allemand.

Frank Hoffmeister m'a a nouveau fait parvenir la traduction de 16 extraits de lettres (!) de Kieseritzky, lettres qui donnent des éléments très intéressants sur sa vie, bien évidemment en relation avec le Café de la Régence.
A ma connaissance c'est la première fois que ces lettres sont traduites en français.

Je propose de vous faire partager la traduction de ces lettres par Frank Hoffmeister, ainsi que quelques commentaires de ma part.
Le nombre de lettres fait que je les publierai en 3 articles sur ce blog.

Lettres 1 à 4 - Première partie (voyage vers Paris)
Lettres 5 à 9 - Deuxième partie (Difficile installation)
Lettres 10 à 16 - Troisième partie (un relatif confort)

Avant de lire ces lettres, je vous conseille la lecture de la courte biographie de Lionel Kieseritzky que j'ai mise en ligne il y a déjà quelques temps.
A vrai dire il reste un mystère : pourquoi est-il parti de chez lui pour aller si loin à Paris ?

Avec Saint-Amant, Kieseritzky fut sans doute le plus fort joueur du Café de la Régence pour la période allant de 1841 à 1852, et par là-même un des plus forts joueurs d'échecs de cette époque.
Kieseritzky et Saint-Amant ne s'appréciaient pas particulièrement...

Louis Mandy indique dans cette biographie :

(...) Kiéséritzky et Saint-Amant ont eu tous deux une grande influence sur la vie échiquéenne en France, ce dernier plus certainement par la publication du Palamède que par la pratique du jeu, alors que Kiéséritzky était vraiment un joueur, toujours prêt à se mesurer avec qui le défiait, et un excellent professeur, dont les manières modestes contrastaient singulièrement avec la morgue hautaine de Saint-Amant. (...)


Baltische Schachblätter

D'où proviennent ces lettres ?

Friedrich Ludwig Balthasar Amelung (1842-1909) a publié pendant plusieurs années (1889 - 1902) les « Baltische Schachblätter ». Dans le Volume 1, 2ième issue (1889, pp. 55-87) il donne un résumé de la vie de Lionel Kieseritzky. 

Amelung consulta les lettres de Lionel chez le Dr. Walter Kieseritzky, qui habitait à Dorpat, alors en Russie (aujourd’hui la ville de Tartu en Estonie). Dans l’annexe, Amelung publia des passages de 16 lettres.

Voici la traduction de ces passages (Baltische Schachblätter 1889, pp. 70-84). Les lettres sont presque toutes écrites à Guido Kieseritzky, son frère aîné.  Ce dernier décédera en 1862. Il avait toutes les lettres en sa possession, mais les lettres à partir de 1850 ne sont plus trouvables (Baltische Schachblätter 1889, p. 65, note 1).

Première partie – Voyage vers Paris


Finley 1827 Carte de l'Europe

Amelung indique que Lionel Kieseritzky quitte sa ville natale à cause d’une querelle. Il habite avec un de ses frères et une de ses sœurs dans une grande maison, héritage de leur père, un avocat. Mais les coutumes dans cette maison sont étranges. Son frère, un mathématicien, a pris tout un étage pour des expériences avec des machines. Sa sœur, très attachée à la nature, a recueilli des animaux dans la maison.

Lionel gagne son argent en donnant des leçons de mathématiques. Mais des rumeurs néfastes couraient depuis un certain temps sur la maison Kieseritzky, et Lionel a même dû mener un processus juridique pour diffamation. Il remporte le procès, mais pour une raison non expliquée par Amelung, il décide néanmoins de quitter la ville. Il ne poursuit même pas les deux parties contre Jaenisch par correspondance (Dorpat contre Saint-Pétersbourg).
Les lettres mentionnent son regret et son expérience négative à Dorpat, quand il loue la vie à Rostock (en Poméranie en Allemagne) (lettre No. 3).

Voici les deux parties par correspondances jouées entre Jaenisch et Kieseritzky.
Elles ont été publiées dans Chess Player's Chronicle (volume 2) avec le commentaire suivant :

Grâce à la gentillesse de M. C. F. De Jaenisch, un des plus éminent joueur d'échecs en Russie,
nous sommes autorisés à présenter à nos lecteurs les deux parties suivantes,
qui ont été jouées par correspondance, dans les années 1838-39, entre MM.Jaenisch et Kieseritzky
La fin abrupte de ces parties est probablement à mettre sur le fait que M. Kieseritzky quitta la Livonie,
où il résidait durant le déroulement des parties, vers 1839.


[Event "Par correspondance 1838-1839"] [Site "?"] [Date "1838.??.??"] [Round "?"] [White "Von Jaenisch, Karl Ferdinand"] [Black "Kieseritzky, Lionel"] [Result "*"] [ECO "C33"] [PlyCount "43"] {The Chess Player's Chronicle - Volume 2 - 1842 (page 289/290)} 1. e4 e5 2. f4 exf4 3. Bc4 Qh4+ 4. Kf1 c5 5. Nc3 Ne7 6. Nf3 Qh5 7. Nb5 d5 8. Nc7+ Kd8 9. Nxd5 Nxd5 10. Bxd5 Kc7 11. d4 g5 12. h4 Bg4 13. c3 Kc8 14. Kf2 Bxf3 15. gxf3 Nc6 16. Qa4 Nd8 17. Bd2 Bd6 18. Rag1 gxh4 19. Rg4 h3 20. e5 Bc7 21. Bxf4 a6 22. Kg3 { Ce coup resta sans réponse} * [Event "Par correspondance 1838-1839"] [Site "?"] [Date "1838.??.??"] [Round "?"] [White "Kieseritzky, Lionel"] [Black "Von Jaenisch, Karl Ferdinand"] [Result "*"] [ECO "D20"] [PlyCount "40"] {The Chess Player's Chronicle - Volume 2 - 1842 (page 289/290)} 1. d4 d5 2. c4 dxc4 3. e4 e5 4. d5 f5 5. Bxc4 Nf6 6. Nc3 Bc5 7. Qc2 Ng4 8. Nh3 f4 9. g3 g5 10. f3 Ne3 11. Bxe3 Bxe3 12. Nf2 a6 13. a4 Qf6 14. g4 Nd7 15. b4 Nf8 16. Rd1 h5 17. gxh5 Rxh5 18. Ng4 Bxg4 19. fxg4 Rh3 20. Bf1 Rh7 {Ce coup resta sans réponse.} *


Lettre No. 1 – à Guido Kieseritzky à Dorpat

Riga, le 8 juin 1839

Cher frère ! 

Dans la nuit du mardi au mercredi, vers 1.00 heure, nous sommes arrivés à Riga sans rencontrer de problèmes. Il n’y a pas de bateau vers Lübeck, mais « la Lisette » navigue vers Rostock sous le commandement du capitaine Schönemann. 

Hier, je n’ai pas pu lui parler, mais aujourd’hui on m’a demandé de me rendre à un endroit où je pourrai le joindre vers 3.00 heures. Le vent souffle dans la bonne direction et j’ai pu monter à bord. 
J’ai dû signer un document de retour dans le cabinet du gouverneur-civil, dans lequel était indiqué que je rentrerai dans 3 ans. 

Lettre No. 2 – à Guido Kieseritzky à Dorpat

Riga, le 12 juin 1839

Cher frère ! 

Demain, je vais embarquer à bord de « la Lisette » avec le capitaine Schönemann, qui va prendre les voiles directement vers Rostock. Si le vent est favorable nous devrions arriver en 5-6 jours. J’ai dû payer 6 ducats pour le transport. Après Rostock je compte aller à Hambourg. Vous pourrez m’écrire là-bas, mais vous devriez faire cela avant samedi prochain, car je pourrai déjà avoir quitté Hambourg… 

Cleasby est arrivé avant-hier de Mitau – il vous remettra cette lettre. Son amitié me fait du bien. Puisse le Ciel me donner une personne comparable à l’étranger – La solitude pèse lourd sur moi. Je me suis occupé un peu avec les mathématiques et je me suis senti presque toujours à la maison.

La vie à Riga est horriblement chère. Un livre de viande coûte 34 kopeks, un livre de beurre 4 roubles, de sorte qu’on doit payer 20 kopeks pour une portion beefsteak dans les restaurants – mais les portions ne représentent que la moitié de celles à Dorpat … 

Hier matin je suis monté en haut de la tour « Peter » avec Cleasby, et j’ai inscrit 3 croix sur une colonne pour témoigner que j’y étais … PS : La bouteille de vin, que tu m’as donnée pour le voyage, n’est pas encore ouverte. Je vais la prendre dans le bateau et boire le premier verre à vos santés ! 

Lettre No. 3 – à Wilhelm Schwartz à Dorpat

Riga le 30 juin (11 juillet) 1839 

(NDA - La première date correspond au calendrier Julien alors en vigueur dans l'Empire Russe, la deuxième date au calendrier Géorgien en vigueur presque par tout ailleurs en Europe)

Mon très cher ami ! … Le 5 mai, j’ai quitté Dorpat, comme tu le sais, en compagnie de l’Anglais Cleasby et je suis arrivé à Riga dans la nuit du 6 au 7 juin. Ma première action fut de régler les points relatifs au passeport. 

Puisque Rostock est seulement éloigné de 24 miles de Hambourg, je me suis décidé à contacter le capitaine Schönemann de « La Lisette », ce qui fut seulement possible après quelques jours puisqu’il y a beaucoup de trafic sur la Düna (NDA – Fleuve dont l’embouchure est à Riga, actuellement appelé Daugava ou Dvina). Nous avons conclu un accord… 

Entre-temps, j’ai contracté quelques dettes pour Rostock. En plus, j’ai eu le bonheur de retrouver mon ancien ami de l’Université, Zachrissen, et son frère. (...) Au matin du 16 (juin) j’ai pris le bateau. 

Rostock donne une impression très spéciale à cause de ses bâtiments gothiques assez hauts, qui sont peints de toutes les couleurs, sauf les plus belles … Parmi les places publiques, celle du « Marché Neuf » mérite une mention particulière : un espace carré, avec une honnête mairie avec ses tours, entourée par 30 autres grands bâtiments… 

Je suis forcé de rester ici jusqu’à mercredi, ce qui me convient, car cette ville offre tellement de choses sympathiques que je la choisirais bien pour y habiter. Partout c’est la prospérité, et les visages gais des habitants expriment leur satisfaction ; je vois une confiance mutuelle entre le Prince et le peuple, et l’obéissance aux lois morales et civiles. 

Il s’y ajoute une liberté de parole et d’action, une éducation de l’esprit et une informalité correcte dans le comportement. On voit des bancs en bois devant toutes les maisons, souvent artificiellement décorés, où les dames sont assises tout au long de la journée. Elles y font du travail domestique ou la cuisine. 
Un passant, avec sa pipe, les rejoint – tous se parlent ; les enfants apportent leurs jouets. Tout est tellement innocent – nulle part on ne trouve trace de médisance ou de rumeur sur son prochain…

Je peux aussi louer sans limite la gentillesse de mes hôtes, les Markin. Cette amitié honnête me touche ; elle ne me fait pas oublier ma malchance, mais elle m’aide à la supporter. D’ici à mardi tout devrait être prêt, de sorte que je puisse aller à Hambourg. Le destin doit néanmoins se poursuivre. Celui qui guide les nuages, les fleuves et les vents va aussi trouver le chemin pour guider mes pas. … De Hambourg, je vais encore écrire à mes frères et à mes sœurs, puisses-tu bien veiller amicalement sur eux. 

Ainsi ta propre famille s’est agrandie, parait-il. Que Dieu protège le nouveau-né et vous tous. 
Veuillez aussi penser à un être perdu, qui marche en solitaire dans le chemin, plein de douleurs, mais pas sans foi. 

Arrivée à Paris
Lionel Kieseritzky arrive à Paris au moment où le Cercle des Échecs de la rue Ménars vient de fermer. Les plus forts joueurs d'échecs reviennent alors au Café de la Régence. Il y rencontre notamment La Bourdonnais et Saint-Amant.

Lettre No. 4 –  à Guido Kieseritzky à Dorpat 

Paris le 17/29 août 1839 

Cher frère ! 

Aujourd’hui, cela fait quatre semaines que j’ai mis mes bottes sur la terre de France au Havre de Grâce. J’ai quitté Hambourg le 14/26 juillet avec le bateau à vapeur « Paris », avec le capitaine Delarue, et je suis resté cinq jours en mer du Nord avec une tempête énorme, qui nous a même forcée à retourner à Cuxhaven. 

Depuis la mise en place des bateaux à vapeur, on m’a dit qu’il n’y avait jamais eu de tel voyage de 130 heures au lieu des 60 heures habituelles.
Le jeudi 20 juillet (1 aout) nous sommes enfin arrivés au Havre. Là-bas nous avons été reçus par des employés de l’auberge « Cinq Heures ». Mal servi est celui qui prend un petit déjeuner sans demander le prix avant. Sans précaution nous avons accepté ce petit déjeuner, mais le prix en était tellement scandaleux que j’ai honte de le préciser.  

Après un autre voyage ininterrompu, nous sommes arrivés à Paris le lendemain à 9 heures (entre-temps nous sommes passés par les villes Harfleur, Rouen et Andelys), où nous avons trouvé nos quartiers à l’auberge Lafitte – près de la Messagerie. J’ai pris une chambre avec le vieux Lichtenstein au quatrième étage, et les deux Suédois ont pris la chambre au-dessus au 5éme étage.

Le premier jour j’ai déjà rencontré le peintre Löffler…. Le dimanche nous avons pris avec le vieux Lichtenstein, un officier hollandais, un jeune Suisse et un peintre hongrois, le train avec plus de 1000 autres personnes pour aller à Versailles. C’était le jour de l’inauguration de ce train (NDA – Inauguration le 2 août 1839). Nous avons vu tellement de chambres à Versailles, qu’elles formaient comme un labyrinthe, chacune avec de grandes peintures. Ne pensez pas qu’avec une telle marche nous ne prenions pas de plaisir avec l’art…


Quelques jours plus tard, j’ai trouvé un logement pour moi-même, dans un l’hôtel garni, rue de Lille No. 5, dans le Faubourg, près de St. Germain. De là, on est très près du Quai Voltaire, le long de la Seine et face aux Tuileries. 

Je paye chaque mois 18 Francs et j’ai une petite chambre commode. Je pourrais sauver quelques sous dans un autre quartier, mais il y a plusieurs bonnes raisons pour cette chambre. Elle est dans un endroit très sûr et calme. En plus, les diplomates des états de Würtemberg, de la Prusse et de l’Espagne habitent dans ma rue, ainsi que 15 Pairs et 4 Députés. A l’extrémité de la rue se trouve le Palais Bourbon avec la Chambre des Députés.

La raison principale pour mon choix est le fait que le peintre Hongrois, Hora, loge aussi ici. Il est ma seule compagnie et ma consolation. Malheureusement, je n’ai pas encore l’espoir de trouver un travail. Toutes mes tentatives ont échoué, parce que on n’y peut rien sans une recommandation.  Si tu pouvais m’en faire parvenir une par M. Bunge, cela m’irait bien. J’aurais dû écrire plus tôt à ce sujet, mais j’avais toujours l’espoir de trouver quelque chose de concret pour moi. Bon, je dois être patient. 

Au Café de la Régence j’ai joué quelque fois aux échecs, aussi avec La Bourdonnais, mais j’ai été profondément humilié. Plus de détails une autre fois.



Dans le Palamède de 1839/1840 (la revue commence à avoir des difficultés liées à la maladie de La Bourdonnais) il est question pour la première fois de ce jeune joueur provenant de Livonie.
L'orthographe de son nom est approximative, passant de Kieserisky à Zekeriski.

 

Notez que les pièces noires débutent la partie.
Voici les 4 uniques parties de Kieseritzky publiées par La Bourdonnais dans son Palamède.
Vous pouvez trouver ici une courte biographie du joueur Hyacinthe Henri Boncourt.


[Event "Café de la Régence"] [Site "Paris"] [Date "1839.??.??"] [Round "?"] [White "De Saint Amant, Pierre Charles Four"] [Black "Kieseritzky, Lionel"] [Result "0-1"] [ECO "C54"] [PlyCount "70"] [EventDate "1839.??.??"] [EventType "game"] [EventRounds "1"] [EventCountry "FRA"] 1. e4 e5 2. Nf3 Nc6 3. Bc4 Bc5 4. c3 Nf6 5. d4 exd4 6. e5 Ne4 7. cxd4 Bb4+ 8. Nbd2 Nxd2 9. Bxd2 d5 10. exd6 Qxd6 11. O-O Bxd2 12. Qxd2 O-O 13. Rfe1 Bg4 14. Ne5 Nxe5 15. Rxe5 Rad8 16. Re4 Bf5 17. Rf4 Be6 18. b3 f5 19. Rd1 Bd5 20. Rh4 Rf6 21. f4 Rg6 22. Rh3 Rg4 23. Rf3 b5 24. h3 Rg6 25. Bxd5+ Qxd5 26. Re3 Re6 27. Re5 Rxe5 28. fxe5 c5 29. Qf4 g6 30. Qh4 cxd4 31. e6 d3 32. Qe7 Rf8 33. Qd7 Qxd7 34. exd7 Rd8 35. Rxd3 Kf7 0-1 [Event "Café de la Régence"] [Site "Paris"] [Date "1839.??.??"] [Round "?"] [White "Kieseritzky, Lionel"] [Black "De Saint Amant, Pierre Charles Four"] [Result "0-1"] [ECO "C00"] [PlyCount "78"] [EventDate "1839.??.??"] [EventType "game"] [EventRounds "1"] [EventCountry "FRA"] 1. e4 e6 2. f4 d5 3. exd5 exd5 4. d4 c5 5. dxc5 Bxc5 6. Bb5+ Nc6 7. Qe2+ Nge7 8. Nf3 Be6 9. Be3 Qb6 10. Bxc5 Qxc5 11. Nc3 O-O 12. O-O-O Rad8 13. Bd3 Kh8 14. h3 Bf5 15. g4 Bxd3 16. Qxd3 Nb4 17. Qd4 Qa5 18. a3 Nbc6 19. Qd3 a6 20. Rhe1 b5 21. Nd4 b4 22. Nb3 Qc7 23. Ne2 bxa3 24. bxa3 Na5 25. Qc3 Nc4 26. Qb4 Rb8 27. Qa4 Rfc8 28. f5 Qe5 29. Ned4 Qd6 30. Rd3 Nxa3 31. Rde3 Ng8 32. R1e2 Nf6 33. Nf3 Nc4 34. Ng5 Kg8 35. Nf3 Nxe3 36. Rxe3 Ne4 37. Kb2 Qf6+ 38. Ka3 Rxc2 39. Nfd4 Qd6+ 0-1 [Event "Café de la Régence"] [Site "Paris"] [Date "1839.??.??"] [Round "?"] [White "Boncourt, Hyacinthe Henri"] [Black "Kieseritzky, Lionel"] [Result "0-1"] [ECO "C54"] [PlyCount "46"] [EventDate "1839.??.??"] [EventType "game"] [EventRounds "1"] 1. e4 e5 2. Bc4 Bc5 3. Nf3 Nc6 4. c3 Nf6 5. d4 exd4 6. e5 d5 7. exf6 dxc4 8. fxg7 Rg8 9. Bg5 f6 10. Qe2+ Qe7 11. Bxf6 Qxe2+ 12. Kxe2 d3+ 13. Kd1 Bg4 14. h3 Bxf3+ 15. gxf3 Kf7 16. Nd2 Kxf6 17. Ne4+ Kxg7 18. Nxc5 Ne5 19. f4 Nf3 20. Ne6+ Kf7 21. Ng5+ Nxg5 22. fxg5 Rxg5 23. Kd2 Re8 0-1 [Event "Café de la Régence"] [Site "Paris"] [Date "1839.??.??"] [Round "?"] [White "Kieseritzky, Lionel"] [Black "Boncourt, Hyacinthe Henri"] [Result "0-1"] [ECO "C20"] [PlyCount "60"] [EventDate "1839.??.??"] [EventType "game"] [EventRounds "1"] 1. a3 e5 2. e4 Bc5 3. Bc4 Nf6 4. Nc3 c6 5. Nf3 d6 6. d3 O-O 7. Ne2 d5 8. exd5 cxd5 9. Ba2 Nc6 10. b4 Bd6 11. Bb2 Bg4 12. Qd2 e4 13. Nfd4 Re8 14. O-O Be5 15. Nxc6 bxc6 16. Bxe5 Rxe5 17. d4 Rh5 18. Nf4 Rh6 19. c4 Qd6 20. h3 g5 21. hxg4 Nxg4 22. f3 e3 23. Qe1 gxf4 24. fxg4 f3 25. g3 f2+ 26. Rxf2 exf2+ 27. Qxf2 Rh3 28. Kg2 Qh6 29. Qf5 Rh2+ 30. Kf3 Qd2 0-1

jeudi 11 juin 2020

Photo de Jean Preti

Voici une magnifique photo de Jean Preti, fondateur de la revue "La Stratégie".

Je remercie M. Lewis Kellert (USA) de m'avoir autorisé à publier cette photo sur Internet, ainsi que M. Barry Keith (USA) pour nous avoir mis en relation.

Jean Préti est décédé le 27 janvier 1881 à l'âge de 83 ans.
La photo n'est pas datée, mais il est possible de l'estimer vers 1865-1870.



Photo à mettre en relation avec cette gravure de Jean Préti et l'Abbé Durand.


dimanche 7 juin 2020

Победите Филидора !

Предлагаем вашему вниманию перевод на русский язык французской пьесы конца 19ого века «Победите Филидора» с примечаниями авторов.
Действие происходит в Кафе де ля Режанс.

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Перевод с французского:  Мария Леконт