vendredi 2 septembre 2022

Entrevue avec Jeanne d'Autremont championne de France 1928

 Le 2 octobre 1929, le journal L'Intransigeant publie une entrevue avec la meilleure joueuse d'échecs française de l'époque, Mme Jeanne d'Autremont.
 
Photo parue dans le journal Comoedia du 3 décembre 1929
Jeanne d'Autremont vient de remporter son second titre de championne de France
 
Elle est championne de France en titre, et elle remportera le championnat de France féminin 1929 qui doit avoir lieu quelques semaines plus tard.

Ses constats : peu de joueuses en France, difficile de gagner sa vie en jouant aux échecs et il est dommage qu'ils ne soient pas enseignés dans les écoles... Des maux qui ont globalement assez peu évolué en un siècle.
 
L'Intransigeant - 2 octobre 1929 - Retronews
 
MÉTIERS DE FEMMES
Joueuse d'échecs

En France, la carrière n'est pas encore très encombrée.

Les records, les championnats de toutes sortes sont à la mode et il est peu de femmes en France qui ne songent actuellement avec envie aux lauriers de Maryse Bastié ou de toute autre recordwoman en renom...
Cependant, nos compatriotes ne sont pas uniquement attirées vers l'aviation ou l'automobile et Mme d'Autremont, championne française d'échecs, nous a confié ses projets relativement au prochain tournoi organisé par la Fédération française d’Échecs.

— Y a-t-il beaucoup de joueuses d'échecs dans notre pays ? lui demandons-nous.
— Hélas, non, les échecs sont regardés, par nos concitoyens, comme étant un jeu semblable aux amusements qui peuplent les casinos et auxquels on ne doit prêter qu'une attention médiocre. Il n'en est pas de même dans les autres pays où les échecs constituent, non pas une distraction, mais la base même de l'éducation. En Allemagne, en Angleterre, etc... ce jeu est voué au plus profond respect...
— Quelle est, selon vous, la cause de ce culte ? Est-ce pour sa difficulté qui oblige à une perpétuelle attention ?
— C'est pour cela, en effet, nous répondit Mme d'Autremont, mais la manière de jouer varie selon les pays. Par exemple, lorsqu'en 1925 je fis le match France-Angleterre, j'eus beaucoup de peine à m'habituer au jeu de ma partenaire : elle jouait avec sa mémoire, moi avec ma raison.
— Quels sont les pays les mieux doués pour les échecs ?
— Oh, incontestablement la Pologne et la Russie. En Hongrie, également, le jeu d'échecs est regardé comme excellent au point de vue du développement intellectuel et il est fort regrettable qu'en France on n'apprenne pas aux enfants cette méthode favorable au développement de l'esprit. Une heureuse initiative de ce genre a eu lieu à Nice où dernièrement une dame a créé une classe d'échecs dans une école.
— J'ai entendu parler de match par correspondance ?
— Mais oui, j'en ai eu plusieurs. C'est même très agréable car on a ainsi vingt-quatre heures pour répondre au coup de son partenaire.
— Combien de temps durent ces championnats ?
— Environ un an.
— Il ne faut pas être pressé. Et, à part la gloire, quel intérêt y a-t-il à être champion d'échecs ?
— En France, aucun ! A l'étranger c'est autre chose : c'est une véritable profession, extrêmement lucrative et un champion d'échecs, tel le grand maître Alekhine, possède une fortune autrement importante que celle de notre plus grand as des sports ou du cinéma
—N'avez-vous point été sollicitée pour partir à l'étranger ?
— Si.- Mais cela ne me tente guère. Je vais plutôt me préparer à affronter le prochain tournoi organisé par la Fédération française d’Échecs. sous la présidence de Mme Léon-Martin.
— Et ce tournoi aura lieu ?
--- En novembre, vraisemblablement.
 
ALINE BOURGOIN

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