jeudi 20 octobre 2022

La naturalisation française de Samuel Rosenthal

Dans un précédent article, j'abordais ce que je pensais être la naturalisation de Samuel Rosenthal, figure incontournable des échecs en France de 1864 (année de son arrivée en France) à 1902 (année de son décès). 
 
En fait, cet ancien article confondait deux notions séparées pour obtenir la nationalité Française à cette époque (fin XIXe siècle) : une première étape dite "d'admission à domicile", état intermédiaire entre le statut d'étranger et celui de citoyen Français, puis la naturalisation proprement dite quelques années plus tard. J'ai donc remanié cet ancien article incorrect et ce présent article apporte des nouveaux éléments.

Photo de Samuel Rosenthal publiée dans son livre sur le tournoi de Paris en 1900.
Fonds Mennerat

Cette première étape "d'admission à domicile" de Rosenthal date de décembre 1884, via un décret signé par le président de la République (voir le précédent article), et publié seulement en fin d'année 1887.

Est-ce Rosenthal lui-même qui a entretenu la confusion sur sa naturalisation ? Car en décembre 1886, son ami, le britannique Leopold Hoffer (fondateur de la revue d'échecs Chess Monthly) écrit dans The Fortnightly Review de décembre 1886 :

Il est maintenant naturalisé Français 

Alors que ce n'est pas vrai !
Et la confusion apparait également dans l'article nécrologique paru dans La Stratégie en 1902, où il est mentionné "(il) se fit naturaliser français en 1888".

La Stratégie

Dans son dossier de naturalisation (archives Nationales) la date officielle ne s'y trouve pas, mais on trouve le document dans les archives Nationales en ligne
 
BB/34/397 Décret de naturalisations du 26 décembre 1889 - 5180 X 84 ROZENTHAL, Samuel ROZENTHAL,

Samuel Rosenthal est donc naturalisé Français le 26 décembre 1889.

Rozenthal (Samuel) professeur d'échecs né le 7 septembre 1837 à Suwalki (Pologne russe) demeurant à Neuilly (Seine).

Voici une lettre de motivation de Rosenthal, suivi du soutien de son ami Joseph Reinach, directeur du journal La République Française, où Samuel Rosenthal tenait la chronique d'échecs.


Archives Nationales - Notez que Rosenthal signe lui-même son nom avec un Z.
Pour quelle raison ? Mystère...
 

Paris le 24 juin 1889

S. Rozenthal demeurant à Neuilly-sur-Seine, Avenue du Roule 46 bis, Villa du Roule 12, prie de vouloir bien lui accorder la naturalisation comme citoyen français et l’affranchissement de la taxe.

A son Excellence
M. Le Ministre de la Justice

Né en Pologne, venu à Paris par suite des évènements de 1864, le soussigné s’est occupé depuis ce temps exclusivement du jeu des Echecs. Il a représenté la France dans différents congrès d’échecs internationaux, est devenu champion attitré des joueurs français depuis le concours national de 1881, et a été nommé par le gouvernement espagnol chevalier de l’ordre de Charles III par suite de ses travaux sur les échecs.
Actuellement il est rédacteur du département des échecs à la « République Française » et au « Monde Illustré ».
Par décret de M. le président de la République, n° 5180 du mois d’octobre 1884, l’admission de domicile en France lui a été accordée.
Il vient maintenant solliciter de la bienveillance de M. le Garde des Sceaux, de bien vouloir lui accorder la naturalisation comme citoyen français et de vouloir l’affranchir de la taxe.

Agréez, Monsieur le ministre, l’expression de ma plus haute considération

Votre dévoué serviteur
Samuel Rozenthal

Et le courrier de soutien de Joseph Reinach 

Joseph Reinach (ici en 1912), directeur du journal La République Française, et ami de Rosenthal.
 

Archives Nationales
 
Paris, le 30 juin (1889)

La République Française
42, Chaussée d’Antin
Cabinet du directeur politique

Mon cher ministre
Permettez-moi de vous recommander bien instamment la demande ci-jointe de mon ami Rosenthal, rédacteur à la République Française, le plus grand maitre es-arts des échecs des deux mondes, champion français dans vingt tournois. Il n’y a qu’une signature à donner pour faire la joie d’un français de cœur qui veut être un français de fait.

Votre très affectionné,
Joseph Reinach

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire