Dans un précédent article, on découvre les relations difficiles entre Jules Arnous de Rivière et Pierre Charles Fournier de Saint-Amant.
Mais ce n'est pas la première fois qu'un conflit éclate autour de Saint-Amant. Il y a par exemple le procès lié au tableau de Marlet réalisé durant le match contre Staunton en fin d'année 1843, procès que j'ai déjà abordé sur ce blog.
En fait, en cherchant un peu, il est possible de trouver d'autres éléments concernant cet aspect conflictuel dans les relations de Saint-Amant. En voici un exemple flagrant qui date de 1862 avec Paul Journoud. Ce dernier est un personnage important pour les échecs français durant la décennie 1860 / 1870, et je vous invite à découvrir la biographie écrite par Dominique Thimognier à son sujet.
Collection d'Etienne Cornil
En 1862, Paul Journoud est chroniqueur d'échecs pour Le Monde Illustré, et c'est également le directeur de la revue d'échecs La Nouvelle Régence. De son côté, Saint-Amant tient la chronique d'échecs du journal Le Sport depuis 1855.
Tout d'abord voici l'enchainement des articles de Saint-Amant dans le journal Le Sport et qui vont faire l'objet de la diatribe de Paul Journoud.
Le 10 septembre 1862, Saint-Amant publie le problème suivant.
Le texte indique : Les Blancs font mat en deux coups.
Une semaine plus tard, le 17 septembre 1862, toujours dans Le Sport, Saint-Amant publie un problème de son invention et donne la solution du précédent problème.
Saint-Amant indique que ce nouveau problème est un mat en deux coups...
Voyez-vous le souci ? Cherchez un peu ce n'est pas trop difficile :-)
Puis le 24 septembre 1862, Le Sport publie un erratum sur le précédent problème.
En fait Saint-Amant précise qu'il s'agit d'un mat en 3 coups... Solution qu'il donne dans Le Sport du 1er octobre 1862.
--> Vous pourrez rejouer tout ceci à la fin de l'article via l'échiquier interactif.
Paul Journoud ne tient pas, et écrit, dans Le Monde Illustré du 27 septembre 1862, une critique sévère et justifiée des problèmes publiés par Saint-Amant.
Je coupe court au suspense. Pour le premier problème, celui-ci est tout simplement incorrect car il admet 4 solutions... Mais c'est surtout pour le deuxième problème créé par Saint-Amant que c'est difficile à avaler. En fait il s'agit d'un mat en 1 coup, que Saint-Amant n'a pas vu en annonçant tout d'abord un mat en deux coups qui n'existe pas, puis un mat en trois coups sans voir l'évidence. Dur dur pour un champion français... On peut imaginer qu'il y avait une antériorité dans leur relation, et Paul Journoud ne se prive pas de démolir Saint-Amant.
Le Monde Illustré - 27 septembre 1862 - Gallica
Parmi les journaux parisiens qui publient hebdomadairement des problèmes d'échecs, il en est un que le sportsman affectionne, qui s'occupe spécialement des plaisirs du monde élégant, un épicurien aimable, un causeur charmant, Le Sport enfin, puisqu'il faut l'appeler par son nom.
Or, le journal Le Sport, qui est plein d'amabilité et de bonne grâce pour les chasseurs et les canotiers, pour les turfistes et autres gentlemen riders, semble se faire un malin plaisir de mystifier les joueurs d'échecs, qui cependant font aussi partie de son public.
Nous nous permettrons d'adresser à cette feuille quelques observations sur ses deux derniers problèmes, usant en cela du droit légitime qu'a tout simple amateur de parler sur une question qui lui est donnée à résoudre.
Donc, un de nos correspondants nous faisait savoir ces jours derniers qu'il avait résolu de cinq manières différentes un problème en deux coups, proposé par Le Sport dans son numéro du 10 septembre. Le fait était curieux et méritait d'être éclairci. Vérification faite, il s'est trouvé que notre correspondant était allé un peu trop loin, mais qu'il existait réellement quatre solutions différentes, ce qui signifie, en termes intelligibles pour tout le monde, que ce problème a trois solutions de trop, ou qu'il est triplement faux.
Au surplus, il est tiré d'une ancienne collection, et, selon toute probabilité, il a été arrangé ou plutôt dérangé par M. Saint-Amant pour son usage particulier et pour les lecteurs du Sport. Mais ce n'était là que le commencement de notre surprise, et le numéro suivant du même journal devait nous offrir, au lieu d'une rectification que nous espérions y trouver, quelque chose de plus fort, en manière de bouquet. C'est encore un mat en deux coups dont il s'agit dans ce numéro du 17 septembre, une composition de M. S. A. Chose très singulière ! pendant que le problème précédent avait infiniment trop de solutions, pour un problème seul, ce dernier, par une bizarre compensation, n'en a pas du tout ; il est vrai de dire, pour être juste, que le mat peut se donne en un seul coup !
Il est encore vrai qu'il se fait en trois en quatre, etc., c’est-à-dire qu'il n'est absolument impossible que dans le nombre de coups proposé. Pour l'honneur des échecs français, nous avons voulu prévenir charitablement la rédaction du Sport, qui probablement publie ces productions étranges sans penser à mal, croyant peut-être donner des chefs-d’œuvre.
Or, le journal Le Sport, qui est plein d'amabilité et de bonne grâce pour les chasseurs et les canotiers, pour les turfistes et autres gentlemen riders, semble se faire un malin plaisir de mystifier les joueurs d'échecs, qui cependant font aussi partie de son public.
Nous nous permettrons d'adresser à cette feuille quelques observations sur ses deux derniers problèmes, usant en cela du droit légitime qu'a tout simple amateur de parler sur une question qui lui est donnée à résoudre.
Donc, un de nos correspondants nous faisait savoir ces jours derniers qu'il avait résolu de cinq manières différentes un problème en deux coups, proposé par Le Sport dans son numéro du 10 septembre. Le fait était curieux et méritait d'être éclairci. Vérification faite, il s'est trouvé que notre correspondant était allé un peu trop loin, mais qu'il existait réellement quatre solutions différentes, ce qui signifie, en termes intelligibles pour tout le monde, que ce problème a trois solutions de trop, ou qu'il est triplement faux.
Au surplus, il est tiré d'une ancienne collection, et, selon toute probabilité, il a été arrangé ou plutôt dérangé par M. Saint-Amant pour son usage particulier et pour les lecteurs du Sport. Mais ce n'était là que le commencement de notre surprise, et le numéro suivant du même journal devait nous offrir, au lieu d'une rectification que nous espérions y trouver, quelque chose de plus fort, en manière de bouquet. C'est encore un mat en deux coups dont il s'agit dans ce numéro du 17 septembre, une composition de M. S. A. Chose très singulière ! pendant que le problème précédent avait infiniment trop de solutions, pour un problème seul, ce dernier, par une bizarre compensation, n'en a pas du tout ; il est vrai de dire, pour être juste, que le mat peut se donne en un seul coup !
Il est encore vrai qu'il se fait en trois en quatre, etc., c’est-à-dire qu'il n'est absolument impossible que dans le nombre de coups proposé. Pour l'honneur des échecs français, nous avons voulu prévenir charitablement la rédaction du Sport, qui probablement publie ces productions étranges sans penser à mal, croyant peut-être donner des chefs-d’œuvre.
Et dire que ces énormités, décorées fallacieusement du titre de problèmes, sont signées d'un nom qui, à tort ou à raison, a eu une certaine notoriété dans les échecs !
Paul Journoud
Voici les deux problèmes publiés par Saint-Amant.
[Event "Le Sport"]
[Site "?"]
[Date "1862.09.17"]
[Round "?"]
[White "Saint-Amant"]
[Black "Mat en 1 coup"]
[Result "1-0"]
[SetUp "1"]
[FEN "8/3K4/8/2k5/2p2B2/2NP4/1R2P3/8 w - - 0 1"]
[PlyCount "1"]
[EventDate "1862.??.??"]
{[%evp 0,1,29999,-30000]} {[#]} 1. Be3# {Ce mat en 1 coup a échappé à
plusieurs reprises à Saint-Amant} (1. d4+ Kxd4 2. Kd6 Kxc3 3. Be5# {La
solution donnée par Saint-Amant.}) 1-0
[Event "Le Sport"]
[Site "?"]
[Date "1862.09.10"]
[Round "?"]
[White "Saint-Amant"]
[Black "Mat en 2 coups"]
[Result "1-0"]
[SetUp "1"]
[FEN "2R5/8/3p4/3kNK2/r7/2Q2Pqn/8/b7 w - - 0 1"]
[PlyCount "3"]
{[%evp 0,3,29997,29998,29999,-30000] [#]} 1. Qc5+ (1. Qd3+ Bd4 (1... Rd4 2.
Qb5#) 2. Qe4#) (1. Qc6+ Kd4 2. Qe4#) (1. Qb3+ Kd4 (1... Rc4 2. Qxc4#) 2. Qd3#)
1... dxc5 2. Rd8# 1-0
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire