dimanche 6 juin 2021

Une affaire d'honneur

Voici un texte court au sujet d'une partie d'échecs qui tourne mal au Café de la Régence, juste avant la Révolution Française de 1789.

Le texte est extrait du 2ème tome d'un recueil d'anecdotes intitulé "Tableau mouvant de Paris, ou Variétés amusantes" (par Pierre Jean Baptiste Nougaret - Londres 1787)

Source : Gallica


Les duels sont sévèrement défendus. Mais recevez une injure grave, et obéissez à la loi, vous passez pour poltron, vous êtes déshonoré; faites mettre l’épée à la main de votre agresseur, vous risquez d’être puni : quel parti faut-il donc prendre ? 

Illustration provenant du livre "L'École des armes", par Angelo Domenico, Londres 1763 - Gallica

On a vu à Paris un homme qui ne songea pendant longtemps qu’à se venger d’un insigne affront.
Il jouait tranquillement une partie d’échecs au café de la Régence ; son adversaire lui contesta un coup ; et alors s’éleva une violente querelle : l’adversaire, n’ayant point à donner de bonnes raisons, lui donna un vigoureux soufflet.

Très mécontent de cette générosité, le souffleté  voulait tout de suite laver dans le sang l’affront qu’il venait de recevoir ; mais on se mit entre eux, on les sépara de manière qu’ils ne purent se rejoindre.
L’homme insulté se retira dans sa chambre, et se couvrit la joue offensée d’un large emplâtre. Il se montra de la sorte dans le monde, sans s’inquiéter des mauvaises plaisanteries qu’on pouvait faire en le voyant ainsi défiguré.

Plusieurs jours se passèrent sans qu’il rencontrât son ennemi ; enfin il l’aperçut dans la place des Victoires, et quoique ce fût en plein jour, il l’obligea de mettre l’épée à la main.


La foule des spectateurs les sépara bientôt. L’homme insulté, à demi satisfait de ce qu’il venait de faire, ne se vit pas plutôt seul, qu’il tira de sa poche une paire de ciseaux, et coupa le quart de son emplâtre.
Au bout d’une semaine, il retrouva son ennemi, et lui ayant fait une légère blessure, il coupa gravement la moitié de son emplâtre.

Enfin, il le rencontra un soir dans les Champs Élysées, et le combat fut plus sérieux : le donneur de soufflet ayant reçu deux grands coups d’épée, l’emplâtre disparut pour jamais. 

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